Communication scientifique
Séance du 17 janvier 2012

Indications actuelles des immunogobulines polyvalentes

MOTS-CLÉS : deficit immunitaire commun variable. immunoglobulines par voie veineuse. maladies démyélinisantes auto-immunes du snc. neuropathies périphériques. polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique
Current indications of polyvalent immunoglobulins
KEY-WORDS : common variable immunodeficiency. demyelinating autoimmune diseases, cns. immunoglobulins, intravenous. polyradiculoneuropathy, chronic inflammatory demyelinating peripheral nervous system diseaeses

Laurent Magy *

Résumé

Les immunoglobulines polyvalentes sont utilisées depuis plus de vingt ans dans des maladies dysimmunes et dans les déficits de l’immunité humorale. Leur utilisation connaît une croissance continue, qui a contraint à en réglementer la prescription. Les autorités de santé ont ainsi édicté des règles de bon usage afin de guider les cliniciens dans l’utilisation de ces traitements coûteux. Les maladies neurologiques, et notamment neuromusculaires autoimmunes figurent au premier rang des affections bénéficiant des immunoglobulines. Parmi celles-ci on trouve les polyradiculonévrites aiguës et chroniques et les neuropathies motrices multifocales. Certaines des maladies bénéficiant des immunoglobulines polyvalentes nécessiteront un traitement de longue durée. C’est pourquoi des travaux seront nécessaires à l’avenir pour rationaliser encore l’utilisation des immunoglobulines et leur trouver des traitements alternatifs.

Summary

Polyvalent immunoglobulins have been used for more than 20 years in immune-mediated disorders and humoral immunodeficiency. Their use has gradually increased, leading regulatory authorities to issue guidelines on the indications of these costly treatments. Neurological diseases, including autoimmune neuromuscular disorders such as acute and chronic polyradiculoneuropathies and multifocal motor neuropathy, are the main indications of intravenous immunoglobulins. Most patients with these diseases will need long-term maintenance therapy. Further research is needed to optimize the use of polyvalent immunoglobulins and to find alternative treatments.

INTRODUCTION

Les immunoglobulines polyvalentes humaines sont utilisées depuis plus de vingt ans dans deux types de situations cliniques : les déficits immunitaires primitifs ou acquis et il s’agit alors de substituer les anticorps manquants par apport exogène d’immunoglobulines pour limiter le risque infectieux ; les maladies dysimmunes et il s’agit alors de moduler le système immunitaire pour obtenir un effet bénéfique. En immunomodulation, les protocoles d’utilisation des immunoglobulines intraveineuses (IgIV) ont presque toujours été calqués sur les études initiales concernant le purpura thrombopénique auto-immun (soit 2g/kg de poids répartis sur cinq jours consécutifs). Néanmoins, dans certains cas, la durée de perfusion a été réduite de cinq à deux ou trois jours (pour une même dose totale) lorsque la tolérance le permet, et les doses d’entretien sont parfois modulées en fonction des indications.

Par exemple, après une première dose de 2g/kg, la dose d’entretien préconisée par la Food and Drug Administration (FDA) pour les polyradiculonévrites chroniques, est d’1g/kg toutes les trois semaines. Actuellement, les principales maladies dysimmunes bénéficiant des IgIV sont des maladies neuromusculaires chroniques, ce qui pose la question d’une rationalisation de leur utilisation à long terme.

IgG polyvalentes : types et voies d’administration

Les IgG polyvalentes utilisées en pratique clinique sont fabriquées à partir d’échantillons de sérum poolés issus de plusieurs centaines de donneurs. Leur fabrication implique de nombreuses étapes, comprenant en particulier des étapes spécifiques de sécurisation vis à vis du risque de transmission d’agents infectieux. Ces étapes comme on le comprend, ont surtout visé à s’affranchir du risque viral mais également à prévenir le risque de transmission du prion. En outre, il faut souligner que la réglementation française exige une traçabilité des lots, permettant leur retrait rapide en cas d’alerte sanitaire. Plusieurs préparations d’IgG polyvalentes à usage thérapeutique sont disponibles en France. Ces préparations, issues de différents fabricants diffèrent par les modes de sélection des donneurs, les étapes de préparation, la voie d’administration (intraveineuse ou sous-cutanée), la présentation (liquide prête à l’emploi ou lyophilisée à reconstituer avant injection) et la composition en sousclasses d’immunoglobulines. Les immunoglobulines intraveineuses (IgIV) sont classiquement utilisées dans les maladies dysimmunes (nécessitant de fortes doses) alors que les immunoglobulines sous-cutanées (IgSC) sont actuellement principalement utilisées en substitution dans les déficits immunitaires. Néanmoins, les IgSC sem- blent pouvoir être utilisées en immunomodulation dans certaines affections si les doses sont compatibles et permettraient même une réduction possible des doses nécessaires en raison de taux résiduels plus stables (cf ci-dessous).

Classification des indications

Certaines immunoglobulines ont obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans des indications reconnues suite à des études cliniques, généralement réalisées en double aveugle versus placebo. Ces indications concernent des maladies relativement fréquentes pour lesquelles le bénéfice du traitement ne fait pas débat.

Cependant, dans de nombreuses maladies auto-immunes spécifiques d’organe ou non, et dans des maladies ayant une composante dysimmune avérée ou supposée, les cliniciens ont été tenter de proposer à leurs patients les IgIV comme traitement unique ou comme alternative aux corticoïdes, échanges plasmatiques ou immunosuppresseurs.

Vu le coût élevé de ces traitements, il est donc apparu nécessaire de réglementer le bon usage des IgIV afin de limiter leur prescription aux situations dans lesquelles un niveau de preuve suffisant était établi. Dans cette perspective, le Comité d’Evaluation et de Diffusion des Innovations Technologiques (CEDIT) de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris (AP-HP), chargé de formuler des recommandations au directeur général sur l’opportunité, l’ampleur et les modalités de diffusion des innovations technologiques, a de longue date établi des règles de bon usage des IgIV au sein de l’AP-HP. Par extension, ces règles ont longtemps été utilisées par les cliniciens hors AP-HP, lorsque leurs instances hospitalières n’avaient pas ellesmêmes proposé des recommandations. Les recommandations du CEDIT distinguent ainsi trois groupes d’affections. Le groupe 1 : indications définies comme scientifiquement reconnues par le comité d’experts IgIV de l’AP-HP (AMM + reconnues) ; le groupe 2 : indications en évaluation (c’est à dire indications potentiellement pertinentes mais avec une insuffisance de données pour trancher) ; et le groupe 3 : indications non reconnues, ne devant pas faire l’objet de prescription.

Néanmoins, le CEDIT n’ayant pas vocation à réglementer l’utilisation des IgIV sur l’ensemble du territoire français, il était logique que l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) se saisisse du dossier et propose en 2009 et 2011, suite à une large concertation d’experts et une analyse exhaustive et actualisée de la littérature, des règles de bon usage des immunoglobulines.

Ce référentiel national de bon usage (RBU) distingue quatre groupes d’affections.

Le groupe 1 : AMM (tableau 1) ; le groupe 2 : situations temporairement acceptables (protocoles thérapeutiques temporaires établis pour une durée maximale de 4 ans, réévaluations à intervalles réguliers) (tableau 2) ; le groupe 3 : Situations non acceptables (rapport bénéfice/risque défavorable pour le patient) (tableau 3) ; et le groupe 4 : Situations hors AMM pour lesquelles l’insuffisance de données ne permet pas d’évaluer le rapport bénéfice/risque (tableau 4). Pour le groupe 1 (AMM), il faut de plus signaler que pour des raisons réglementaires et scientifiques parfois difficiles

Tableau 1. — Indications AMM des immunoglobulines (groupe 1 du RBU AFSSAPS).

Purpura thrombopénique idiopathique chez l’adulte et l’enfant en cas de risque hémorragique important ou avant un acte médical ou chirurgical pour corriger le taux de plaquettes Syndrome de Guillain Barré de l’adulte Immunomodulation Rétinochoroïdite de Birdshot Neuropathie motrice multifocale polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique maladie de Kawasaki Déficits immunitaires primitifs avec hypogammaglobulinémie ou atteinte fonctionnelle de l’immunité humorale Infections bactériennes récidivantes chez l’enfant infecté par le VIH Substitution Déficits immunitaires secondaires de l’immunité humorale, en particulier la leucémie lymphoïde chronique ou le myélome, avec hypogammaglobulinémie et associés à des infections à répétition l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques avec hypogammaglobulinémie associée à une infection à comprendre, certaines immunoglobulines ont l’AMM dans certaines pathologies, alors que d’autres ne l’ont pas encore obtenue. Toutefois, pour le groupe 1 du RBU AFSSAPS, l’AMM obtenue en immunomodulation par une IgIV pour certaines affections, dont le syndrome de Guillain-Barré, est automatiquement étendue aux autres IgIV. Ceci n’est pas le cas pour d’autres indications comme la polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique ou la neuropathie motrice multifocale, ce qui contraint à conduire de nouveaux essais pour les IgIV de dernières générations. Ceci n’est évidemment pas sans poser des problèmes pratiques (patients mobilisés pour des essais sans grand intérêt) et éthiques dans la mesure où la plupart des essais sont conduits contre placebo alors même qu’existe un traitement de référence. Néanmoins, des études comparatives ont montré une équivalence parfaite d’efficacité entre plusieurs types d’immunoglobulines dans l’indication spécifique des polyradiculonévrites chroniques [1].

Immunoglobulines en substitution

Les principales situations cliniques ayant justifié une AMM dans ce groupe de maladies, sont représentées par les déficits de l’immunité humorale, soit héréditaires, soit acquis, exposant à un risque d’infections récidivantes. Dans ces indications, l’administration de fortes doses d’IgIV à intervalles réguliers a été de longue date considérée comme la thérapie de remplacement de référence [2-4]. Les traitements ont alors été administrés en milieu hospitalier, puis de plus en plus à domicile.

 

Cependant, pour en faciliter un peu plus l’acceptation pour des longues durées, la voie sous-cutanée s’est développée rapidement au cours des dix dernières années, permettant souvent une auto administration, compatible avec la poursuite d’une vie normale, scolaire ou professionnelle [5, 6].

Immunoglobulines en immunomodulation

Les travaux d’Imbach et al . démontrant voilà trente ans l’efficacité de fortes doses d’IgG polyvalentes dans le purpura thrombopénique idiopathique de l’enfant, devaient ouvrir la voie à l’utilisation des IgIV pour moduler le système immunitaire dans les maladies auto-immunes [7]. Ainsi, de nombreuses maladies dysimmunes ont vu les IgIV concurrencer les thérapeutiques conventionnelles que sont les corticoïdes et les immunosuppresseurs. On se reportera aux tableaux ci-dessous pour les principales indications des IgIV dans les maladies auto-immunes systémiques, et nous prendrons comme exemple d’indications en immunomodulation quelques maladies neurologiques dysimmunes.

Neuropathies dysimmunitaires

Ces neuropathies forment un groupe relativement hétérogène de maladies du système nerveux périphérique (SNP) pour lesquelles un fort niveau de preuve d’efficacité des immunoglobulines a pu être obtenu grâce à de grands essais randomisés [8].

Syndrome de Guillain-Barré (SGB)

Cette neuropathie sensitivo-motrice, qui connaît quelques variants, voit s’installer en règle en quelques jours (par convention moins d’un mois) un déficit sensitivomoteur des quatre membres, qui peut se compliquer d’une atteinte respiratoire, bulbaire et/ou d’une dysautonomie parfois sévère. Ces complications font la gravité de l’affection qui peut conduire les patients en réanimation si une ventilation mécanique est nécessaire. La récupération, complète ou non, nécessite plusieurs semaines ou mois selon les cas. L’origine dysimmune est attestée par l’hyperprotéinorachie fréquente, la présence d’infiltrats inflammatoires dans les nerfs et les racines, et la précession par une infection digestive ou respiratoire dans un grand nombre de cas. Chez certains patients, le mécanisme dysimmun est attesté par le mimétisme moléculaire entre des antigènes de la bactérie Campylobacter Jejuni (dont l’infection digestive précède la maladie neurologique) et des épitopes portés par des structures glycolipidiques des nerfs [9]. Suite à des travaux notamment français, les échanges plasmatiques (EP) furent longtemps considérés comme le traitement de référence du SGB, réduisant la durée d’hospitalisation et accélérant la récupération fonctionnelle [10]. Cependant, des études comparatives entre EP et IgIV devaient montrer la non infériorité de ces dernières, conduisant logiquement à leur très large utilisation puis à leur AMM en raison d’une moindre morbidité [11].

 

Polyradiculonévrites inflammatoires démyélinisantes chroniques (PIDC)

Ces affections peuvent être considérées comme des formes chroniques de SGB, partageant de nombreux points communs avec cette affection : démyélinisation multifocale, dissociation albuminocytologique dans le liquide cérébrospinal, infiltrats inflammatoires dans les nerfs et les racines [12]. Leur stratégie diagnostique a fait l’objet de nombreux travaux soulignant l’utilité de l’expertise clinique, électrophysiologique, et neuropathologique [13, 14]. Leur installation se fait sur plus de huit semaines et leur évolution est chronique progressive ou à rechutes. Leur présentation clinique est en fait assez polymorphe allant des formes à prédominance motrice aux formes sensitives pures, et de formes diffuses aux formes multifocales.

Les corticoïdes oraux ont longtemps constitué le traitement de référence des PIDC suite à une seule étude clinique sans groupe placebo [15]. Par la suite, les échanges plasmatiques devaient montrer leur intérêt, notamment en traitement d’attaque [16]. Les deux précédents traitements posent des difficultés à long terme : corticodépendance et morbidité à long terme pour les corticoïdes et accessibilité pour les EP. Les IgIV sont donc apparues comme une alternative intéressante, confirmée par quatre grands essais randomisés dont l’un démontra la non infériorité par rapport aux corticoïdes [17-20]. La stratégie du traitement des PIDC justifie généralement une discussion du rapport bénéfice/risque de chaque thérapeutique, ce d’autant que de nombreux patients devront la recevoir sur de longues durées. Ainsi, l’expérience des cliniciens d’un maintien à long terme de l’efficacité des IgIV dans cette indication devait être récemment confirmée par un essai randomisé [21].

Neuropathies motrices multifocales (NMM)

Ces neuropathies ont déjà fait l’objet d’une mise au point dans cette revue et on n’insistera pas sur leur présentation électro-clinique qui associe une déficit moteur pur, asymétrique, de distribution multi-tronculaire, à des blocs de conduction persistants détectés par l’électroneuromyogramme, et à la présence dans 50 % des cas environ d’anticorps dirigés contre le ganglioside GM1. Dès les années 90, l’intérêt se porta sur les IgIV, ce d’autant que des publications rapportaient un effet nul ou délétère des EP et des corticoïdes dans cette affection [22, 23]. Ainsi, après quelques séries ouvertes, quatre études randomisées versus placebo devaient montrer l’efficacité des IgIV sur le déficit moteur et l’incapacité générés par la NMM [24-27]. Logiquement, l’efficacité des IgIV dans la NMM est inversement corrélée à la perte axonale qui s’installe progressivement dans cette affection, et pourrait être, selon certains travaux, prévenue par un traitement précoce et renouvelé à doses et intervalles constants [28].

Autres pathologies neurologiques ou musculaires

Les autres pathologies neurologiques ou musculaires pour lesquelles l’utilisation des IgIV est relativement courante, n’ont pour l’instant pas fait l’objet d’une AMM (voir tableaux 2 et 4). Ceci tient principalement à la rareté de ces pathologies

Tableau 2. — Pathologies du groupe 2 du RBU AFSSAPS : situations temporairement acceptables (Mars 2011).

Myasthénie aiguë dans les phases de poussées Syndrome de Lambert-Eaton : formes auto-immunes non paranéoplasiques, sous réserve de l’avis d’un centre de référence ou de compétence des maladies neuromusculaires Myosite à inclusions avec dysphagie grave Polymyosite corticorésistante et après échec, dépendance, intolé- rance ou contre-indication aux immunosuppresseurs Syndrome de Miller-Fisher Syndrome de l’homme raide réfractaire aux anti-convulsivants ou insuffisamment contrôlé par les anti-épileptiques Vascularite systémique ANCA positive en cas de rechute ou de résistance à l’association corticoïdes et immunosuppresseurs Maladie de Willebrand acquise, notamment associée à une gammapathie monoclonale IgG (MGUS IgG), en cas d’échec ou d’intolérance à la desmopressine et/ou aux concentrés de vWF Syndrome catastrophique des antiphospholipides en cas d’échec du traitement anticoagulant IV associé à des corticostéroïdes en complément ou en alternative à la plasmaphérèse Dermatomyosite corticorésistante et après échec, dépendance, Immunomodulation intolérance ou contre-indication aux immunosuppresseurs (hors situations d’urgence mettant en jeu le pronostic vital) En troisième intention dans le pemphigus après un traitement bien conduit : — en première intention par des corticostéroïdes et des immunosuppresseurs, — en seconde intention par du rituximab Pemphigoïde cicatricielle avec atteinte muqueuse étendue ou atteinte oculaire ne répondant pas à l’association bien conduite dapsone ou corticoïdes et immunosuppresseurs ou en cas d’intolé- rance Traitement curatif du rejet humoral de greffe rénale pour les patients ne pouvant être inclus dans un PHRC en cours dans cette situation, sous réserve de l’inclusion des patients dans le registre de la base CRISTAL Prophylaxie du rejet humoral de greffe rénale chez des patients immunisés ou l’ayant été, sous réserve de l’inclusion des patients dans le registre de la base CRISTAL Désimmunisation des patients en attente de greffe rénale sous réserve de l’inclusion des patients dans le registre de la base CRISTAL Substitution Prophylaxie des sujets à risque après exposition à un cas confirmé de rougeole

Tableau 3. — Pathologies du groupe 3 du RBU AFSSAPS : situations non acceptables (Mars 2011) Neutropénie auto-immune Immunomodulation Echecs récidivants de FIV avec ou sans anticorps antiphospholipides Syndrome d’activation macrophagique (SAM) secondaire à une infection à EBV, SAM dans le cadre d’un lupus en poussées (horsinfection), SAM associé à un cancer notamment un lymphome Sclérose En Plaques secondairement progressive Substitution Prévention des infections chez le grand prématuré Tableau 4. — Pathologies du groupe 4 du RBU AFSSAPS : Situations hors AMM pour lesquelles l’insuffisance de données ne permet pas d’évaluer le rapport bénéfice/risque Myosite à inclusions sans atteinte œsophagienne Encéphalomyélite aiguë disséminée Encéphalite auto-immune de Rasmussen Epilepsie de l’enfant : formes résistantes Polyneuropathie associée à une gammapathie monoclonale IgM anti-MAG.

Polyneuropathie associée à une gammapathie monoclonale non MAG Erythroblastopénie auto-immune Anémie hémolytique auto-immune Avortements précoces récidivants en dehors du syndrome des antiphospholipides et des FIV Syndrome d’activation macrophagique (SAM) secondaire à une pathologie infectieuse et maladie de Still compliquée de SAM Maladie de Still (adulte et enfant) Syndrome dégénératif secondaire aux histiocytoses langerhanciennes Syndrome de Lyell Dermatite atopique sévère (syndrome de Lambert-Eaton, syndrome de Miller-Fisher, syndrome de l’homme raide) rendant très difficile la conduite d’essais randomisés à grande échelle. Dans ces cas, des preuves cliniques issues de petites séries justifient toutefois l’utilisation des IgIV en raison d’un statut de maladies orphelines, à la condition d’un diagnostic reposant sur une expertise clinique poussée [29, 30]. Pour d’autres pathologies (neuropathies associées à une IgM monoclonale à activité anti-MAG, myasthénie en poussée, myosite à inclusions avec dysphagie grave, dermatomyosite corticorésistante), les preuves cliniques issues d’essais randomisés ou d’études ouvertes ont été jugées insuffisantes pour un dépôt d’AMM, souvent en raison d’un trop faible effectif ou de résultats non reproduits par d’autres études [31, 32]. Dans tous ces cas, l’utilisation des IgIV doit être décidée au cas par cas et plutôt après avis de centres experts.

Du bon usage des immunoglobulines

On l’a vu, les IgIV sont susceptibles d’être utilisées dans de nombreuses situations cliniques dont très peu relèvent d’une AMM. Les ‘‘ indications actuelles des IgIV ’’ sont donc très peu nombreuses. La réflexion du bon usage des IgIV se situe donc à deux niveaux distincts. Quelle est la stratégie d’utilisation à long terme des IgIV dans les pathologies relevant de l’AMM et comment gérer la consommation à long terme dans les cas de dépendance au produit ? Qui peut ou doit décider de la mise en place d’un traitement par IgIV dans les pathologies ne relevant pas de l’AMM et quelles sont les conditions de mise en place du traitement ? On voit bien que la réponse à ces questions implique une prise en compte des effets indésirables potentiels de ces traitements (effets immuno-allergiques, insuffisance rénale aiguë), mais aussi et surtout d’aspects médico-économiques. La réponse à ces questions n’est pas univoque et l’absence de données réellement solides sur les méthodes possibles de sevrage des IgIV dans des pathologies telles que les PIDC, où près de 50 % des patients entrent en rémission après moins de cinq ans, a conduit récemment à la mise en place en France de deux projets hospitaliers de recherche clinique (PHRC), l’un visant à programmer un sevrage progressif en IgIV, l’autre évaluant le Mycophénolate Mofetil comme épargneur d’IgIV. Ces études devraient apporter des renseignements précieux sur le besoin réel en IgIV dans cette population de patients et sur la possibilité d’épargne en IgIV grâce aux immunosuppresseurs. Parallèlement, l’analyse de la consommation réelle des IgIV telle que récemment publiée par les équipes des hôpitaux de Marseille, apporte des renseignements précieux sur l’utilisation des IgIV en pratique courante [33]. Dans cette étude exhaustive portant sur 435 patients recevant des IgIV en 2006, on constate par exemple l’absence de mention de l’indication sur la prescription du traitement dans 6 % des cas, mais toutefois une indication correspondant au groupe I du CEDIT dans 70 % des cas (prescriptions réalisées avant les recommandation AFSSAPS), témoignant d’une autorégulation relativement satisfaisante par les cliniciens eux-mêmes. Cette autorégulation bien qu’insuffisante est nécessaire et doit être renforcée par une régulation externe quand on considère le prix du gramme d’IgIV avoisinant les 40 euros, soit un coût d’environ 5600 euros pour une cure de 2g/kg chez un patient de 70 kgs.

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Les immunoglobulines intraveineuses ont incontestablement constitué un progrès décisif dans la prise en charge de nombreuses pathologies dysimmunes ou impliquant un déficit de l’immunité humorale. Pour certaines pathologies, elles constituent l’unique traitement indiqué (NMM, déficits immunitaires), alors que pour d’autres (SGB, PIDC, myosites), elles représentent une alternative ou un complé- ment à un traitement existant comme les corticoïdes ou les échanges plasmatiques dont la morbidité et les contraintes d’utilisation sont bien connues. Enfin, les IgIV semblent apporter un bénéfice substantiel mais pour l’instant insuffisamment évalué dans certaines maladies dysimmunes plus rares (syndrome de Lambert-Eaton, syndrome de l’homme raide, myasthénie auto-immune). L’utilisation rationnelle des IgIV nécessite comme on l’a vu des règles de bon usage d’une part, et des études de recherche de dose ou de traitements alternatifs d’autre part. Les recommandations de l’AFSSAPS constituent une base réglementaire indispensable à la prise de décision pour les cliniciens, mais ne seront réellement utiles que si elles sont évolutives et donc révisées régulièrement en fonction de la production scientifique croissante sur l’intérêt des IgIV.

D’autre part, l’optimisation de l’utilisation des immunoglobulines polyvalentes en pratique clinique passera par des études de recherche de dose et d’intervalles d’administration. Ainsi, des travaux récents dans le traitement du SGB ont montré une corrélation entre le taux résiduel d’IgG sériques et le pronostic fonctionnel à long terme suggérant ainsi la possibilité de moduler la dose administrée en fonction d’éléments pharmacocinétiques [34]. Toujours dans le domaine des maladies dysimmunes, les résultats décevants d’essais thérapeutiques récents ne doivent pas freiner la recherche de médicaments ‘‘ épargneurs ’’ d’IgIV [35]. Enfin, des travaux récents suggèrent l’utilisation des immunoglobulines sous-cutanées (IgSC) comme alternative intéressante aux IgIV, en réduisant probablement la contrainte et la morbidité de ces traitements [36, 37].

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DISCUSSION

M. Jean-Marc LÉGER

Dans les maladies où le traitement par IgIV est le seul possible (par exemple la neuropthie motrice multi-focale), existe-t-il une preuve en faveur d’une immuno-modulation au long cours ?

Malheureusement il n’existe actuellement pas de traitement immunomodulateur ou immunosuppresseur ayant fait ses preuves en tant qu’épargneur d’IgIV dans ces maladies. Par exemple, deux essais, l’un avec le Méthotrexate et l’autre avec l’Eculizumab (un anticorps monoclonal anticomplément) se sont montrés négatifs dans la neuropathie motrice multifocale.

M. Claude DREUX

Existe-t-il des essais montrant l’efficacité ou l’inefficacité des immunoglobulines dans les scléroses en plaques secondairement progressives ?

Plusieurs essais, dont un randomisé en double aveugle contre placebo, ont montré malheureusement l’inefficacité des IgIV au cours de la forme progressive de sclérose en plaques.

 

<p>* Neurologie, Centre de Référence ‘‘ Neuropathies Périphériques Rares ’’, CHU Limoges, 2 Avenue Martin Luther King — 87 042 Limoges Cedex ; e-mail : laurent.magy@unilim.fr Tirés à part : Professeur Laurent Magy, même adresse Article reçu le 11 décembre 2011, accepté le 16 janvier 2012</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 1, 49-61, séance du 17 janvier 2012