Résumé
La possibilité de jouer de l’argent en ligne modifie la clinique de la dépendance au jeu. Elle recrute de nouvelles populations de joueurs parmi les adolescents très impliqués dans les activités virtuelles. Elle permet aussi aux joueurs classiques de disposer d’un accès permanent à leur jeu préféré. Les conséquences de cette nouvelle dépendance sont sociales, économiques et psychologiques. Une étude récente conduite dans une université française retrouve 7 % de joueurs en ligne et une forte corrélation à la consommation d’alcool et de tabac. Cette modification des conduites de jeu par leur ouverture à l’Internet incite à proposer de nouvelles mesures de repérage et de prévention.
Summary
The arrival of online betting has important implications for pathological gambling. New gamblers are easily recruited online, especially among young people who are highly involved in web-mediated activities. In addition, gamblers used to betting in ‘‘ real life ’’ settings can now play their favorite games at any time of the day or night. Negative economic, social and psychological consequences of this new phenomenon are beginning to appear. We present original data from a study conducted in a French University, showing a 7 % prevalence of online gambling. This activity was associated with male gender, alcohol consumption and smoking. New prevention messages and new means of early diagnosis are needed.
INTRODUCTION
Les jeux d’argent excessifs sont aujourd’hui les seules dépendances comportementales dont la réalité et les conséquences ne sont pas discutées. Elles sont les seules à entrer par exemple dans le champ de compétence de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues et la Toxicomanie (MILDT). Chez un certain nombre de patients, en effet, la répétition de conduites de jeu d’argent induit une forte relation de dépendance psychologique et provoque des dommages psychologiques et sociaux. Ces dommages peuvent être comparés à ceux que provoque une consommation abusive d’alcool, de tabac, de médicaments détournés de leur usage ou de drogues illicites. Si le jeu pathologique est un comportement ancien, retrouvé dès la Rome Antique, il connaît avec sa diffusion sur Internet une nouvelle expression clinique [1]. En janvier 2008, 2 132 sites de jeu en ligne avaient été recensés et leurs revenus étaient de quinze milliards par an [2]. Il est probable qu’avec l’extension et la banalisation de l’usage d’Internet (près de deux milliards de personnes) le nombre de sites ait encore augmenté de même que leur chiffre d’affaires. En population générale, la fréquence du recours au jeu en ligne varie entre 1,2 et 8 % [3] et la dépendance à l’Internet concerne 1,5 à 8,2 % des utilisateurs [3]. La British Gambling Prevalence Survey 2007 [4] a retrouvé une dépendance au jeu en ligne chez 0,6 % des adultes. Le jeu d’argent en ligne devient ainsi une question de santé publique par les dommages sociaux et psychologiques qu’elle peut induire et les nouvelles relations de sujétion entre les consommateurs et la technologie qu’elle encourage.
Définition du jeu pathologique « classique » et en ligne
Le joueur pathologique est obligé, du fait de sa dépendance, de jouer des sommes croissantes, comme le dépendant de l’alcool est contraint de boire des quantités croissantes d’alcool pour obtenir le même effet. L’escalade des sommes jouées et perdues représente un équivalent de la tolérance observée en cas de dépendance à une substance psycho-active [5]. A cette obsession du jeu s’ajoute un réseau de fausses croyances qui le conduit à nier le poids du hasard. Persuadé de toujours jouer à bon escient, de décrypter des signaux dont le sens échappe à ceux qui ne sont pas aussi bons joueurs que lui, il accumule les pertes sans remettre en question son prétendu talent de joueur. Il est ainsi piégé par une illusion de maîtrise du sort et de l’aléa présent dans le jeu [6].
Le joueur d’argent en ligne entretient lui une double relation de sujétion vis-à-vis du jeu et aussi virtuel et de l’Internet. Parmi les critères de la dépendance à l’Internet figurent des signes équivalents de l’envie irrépressible de drogue ou de tabac appliqués à l’Internet : désir persistant d’Internet et efforts infructueux pour contrôler ou arrêter son usage. Comme les autres dépendants, les consommateurs compulsifs d’Internet ne peuvent réduire le temps qu’ils consacrent à leur loisir devenu une passion envahissante. Ils se connectent plus longtemps que prévu, parfois des nuits ou des journées entières.
IMPACT SOCIAL DU JEU EN LIGNE CHEZ LE JEUNE ADULTE
Les conséquences sociales du jeu sont souvent le principal motif de consultation.
Le patient lui-même ou son entourage sont exaspérés par les mensonges, les pertes d’argent et les dettes qui accompagnent la conduite de jeu. Ces consé- quences sont présentes chez les joueurs classiques comme chez ceux qui jouent en ligne. La demande de consultation ou d’hospitalisation du joueur apparaît souvent quand la confiance de l’entourage a été épuisée et que celui-ci est confronté à la nécessité de rembourser rapidement et souvent en une fois les dettes longtemps accumulées.
L’impact économique du jeu est aussi collectif. Son économie représente une source importante de mouvements d’argent. Il rapporte à l’Etat des taxes, sachant que la plupart des jeux font l’objet d’un important prélèvement fiscal. Les autres dommages sociaux auxquels sont confrontés les joueurs en ligne tiennent à leur fixation sur le virtuel et à leur désinvestissement de la vie réelle. [7].
Conséquences psychologiques et psychiatriques du jeu en ligne
Comme toute dépendance, le jeu en ligne envahit l’esprit et tient lieu d’unique centre d’intérêt. Le jeu pathologique augmente le risque de dépression et de conduite suicidaire, notamment en cas de dettes impossibles à rembourser. Les troubles anxieux et dépressifs sont retrouvés chez 50 % des joueurs pathologiques et les idées de suicide chez 48 à 70 % d’entre eux. Treize à 20 % des joueurs pathologiques ont fait une tentative de suicide [8-10]. Le jeu pathologique est aussi étroitement associé aux dépendances à des substances psychoactives et en particulier à l’alcool, au cannabis et à la cocaïne. L’alcool stimule l’envie de jeu et les gains ou les pertes sont vécus comme des incitations à boire [7].
Tout ce qui ne passe pas par l’écran d’un ordinateur et le jeu perd pour le joueur en ligne intérêt et saveur. Un équivalent de tolérance s’observe quand il a besoin d’un temps de plus en plus important passé sur Internet pour obtenir une satisfaction.
Quand il n’a plus accès à la connexion dont il est dépendant, il peut développer un véritable syndrome de sevrage avec, dans les jours suivants l’arrêt :
— Une agitation psychomotrice — Une anxiété — Des pensées obsédantes concernant Internet — Des rêves ou rêveries à propos d’Internet — Des mouvements volontaires ou involontaires des doigts frappant le clavier.
Tableau 1. — Comparaison de la relation à l’Internet des étudiants joueurs en ligne (J+) ou non joueurs (J-).
J+ JTotal Statistiques (n= 32) (n=410) (N=442) • Jeu sans argent en ligne 2,66 0,84 t(440) = 0,97 (3,91) p<0,002*
(heures/semaine) M (ET) (5,67) (2,89) —3,13 • Jeu sur ordinateur 0,41 0,74 t(440)= non connecté (heures/ 0,72(2,11) p> 0,38 (1,64) (2,15) 0,869 semaine) M (ET) • Communication via 9,52 6,40 t(440) = Internet (heures/semaine) 6,63 (8,01) p= 0,03*
(12,55) (7,52) —2,13 M (ET) • Utilisation nocturne 9,34 5,4 t(440) = d’Internet (heures/ 5,71 (6,38) p = 0,001*
(8,91) (6,08) —3,38 semaine) M (ET) • Nombres d’appareils 2,34 1,81 t(440) = pour se connecter à 1,85 (0,99) p= 0,003 (0,83) (0,99) —2,95 Internet M (ET) * différence significative Tableau 2. — Comparaison des conduites de dépendance chez les étudiants joueurs en ligne (J+) ou non joueurs en ligne (J-).
J+ JTotal Statistiques (n= 32) (n=410) (N=442) • Alcool verres/jour M (ET) 2,33 1,09 t(440)= 1,18 (2,66) p= 0, 01 *
(3,32) (2,59) —2,55 • Alcool jours/semaines 1,08 0,86 t(440)=- 0,88 (1,26) p = 0,34 M (ET) (1,00) (1,28) 0,94 • Ivresse /semaine M (ET) 0,41 0,20 t(440)= 0,22 (0,54) p= 0,041*
(0,66) (0,52) —2,05 • Cigarette nombre/jour 7,84 1,49 t(440) = 1,59 (4,69) p< 0,0001*
M (ET) (8,08) (3,99) —7,87 * différence significative Tableau 3. — Pensées automatiques concernant le jeu chez les étudiants joueurs en ligne (J+) et non joueurs (J-) J+ JStatistiques (n= 32) (n=410) • Croyance en son talent de maîtrise du sort 2,75 1,31 t (440) = p=0,001*
M (ET) (2,96) (2,36) —3,26 • Croyance son en talent de joueur M (ET) 5,25 3,11 t(440) = p<0,001*
(3,41) (3,26) —3,56 * différence significative
Effet de l’offre nouvelle de jeux d’argent en ligne
L’autorisation de la publicité pour ces nouveaux jeux d’argent crée une offre supplémentaire et donc une nouvelle dépendance potentielle. Deux types de jeux d’argent en ligne sont proposés. Certains sont des applications à l’Internet de jeux d’argent classiques. On y retrouve le PMU, les jeux de la Française des Jeux et le poker en ligne. Cette dernière offre fait l’objet de beaucoup de publicité et semble recueillir les faveurs d’un nombre important d’internautes. Elle s’appuie sur des images de sportifs célèbres ou d’acteurs à succès. Dans le cas des jeux classiques adaptés à l’Internet, la clientèle visée est celle des joueurs classiques qui vont trouver un moyen de jouer plus souvent, plus longtemps ou de plus grosses sommes. Une deuxième catégorie de sites cible les « consommateurs » d’Internet qui jusqu’à présent ne jouaient pas d’argent. Il s’agit plutôt de sujets jeunes, ayant un bon niveau socio-économique et utilisant l’Internet pour des raisons professionnelles ou scolaires. Les jeux d’argent en ligne se glissent insidieusement sur des sites connus par les internautes, tels que les jeux de rôle (jeux collectifs dans lesquels chacun s’invente un personnage et le fait évoluer) ou les réseaux sociaux permettant aux adolescents de communiquer. Cette double offre s’adapte à la typologie des joueurs en ligne dont la moitié sont des joueurs dans la vraie vie qui trouvent sur Internet un moyen de jouer plus souvent et davantage tandis que l’autre moitié entre dans la dépendance par son intérêt pour le virtuel [11].
ETUDE ORIGINALE
Une étude a été conduite entre janvier et mai 2010 auprès de 442 (220 femmes, 222 hommes) étudiants en médecine de l’UFR de médecine Paris VII et étudiants d’une école de commerce.
MÉTHODE
Un accord écrit a été obtenu auprès de chaque participant après explication de l’enquête. Aucune donnée nominative n’a été saisie et les évaluations ont eu lieu pendant cinq mois, de janvier à mai 2010. Un questionnaire spécifique a été élaboré pour cette recherche. Il portait sur les données socio-démographiques (sexe, âge, statut marital), la relation au jeu en ligne (jeu d’argent ou jeu sans argent) et à l’Internet et il évaluait la dépendance à l’alcool (Alcohol Use Disorders Identification Test, AUDIT) [12] et au tabac (questionnaire de Fagerström) [13]. L’étude s’est aussi appuyée sur un questionnaire spécifique d’achats compulsifs (ref) comportant dix-neuf questions sur la relation à l’argent et aux achats, la version française de l’échelle South Oaks Gambling Scale (SOGS) [15] de jeu pathologique permettant de porter le diagnostic de jeu pathologique et un questionnaire sur la relation aux jeux d’argent en ligne, aux jeux en réseau sans argent et aux forums sur Internet.
Pour chaque variable, ont été comparés les étudiants jouant (J+) ou pas (J-) de l’argent en ligne. Les données quantitatives ont été comparées avec le test t de Student et les données quantitatives avec le chi-2 avec une différence considérée comme significative à 5 %.
RÉSULTATS
Prévalence de la dépendance au jeu chez les joueurs d’argent en ligne
Le taux de prévalence du jeu d’argent en ligne chez les 442 étudiants était de 7,24 %. La fréquence du jeu pathologique (Score à l’échelle SOGS > ou = 5) était de 34,37 % chez les étudiants jouant de l’argent en ligne. Le pourcentage des hommes dans le groupe de joueurs d’argent en ligne était significativement supérieur 84,37 % contre 47,56 % d’hommes (p< 0,0001). Les joueurs d’argent en ligne vivent plus souvent seuls que les non joueurs, 46,87 % contre 25,37 % (p < 0,008). L’âge ne différait pas significativement dans les deux groupes : 20,97 ans contre 20,41 ans (p = 0,13) Relation aux jeux sans argent et à l’Internet
Les joueurs d’argent en ligne consacrent plus de temps au jeu sans argent en ligne (jeu en réseau, jeux de rôle…), (p < 0,002) et à la communication via Internet, (p = 0,03), que le groupe contrôle ne jouant pas d’argent. Ils passent plus de temps sur Internet la nuit (p = 0,001) et ils possèdent plus d’appareils pour se connecter à l’Internet (p = 0,003). Les joueurs d’argent en ligne ne passent pas plus de temps que les contrôles devant leur ordinateur pour des activités « non connectées » (travail, bureautique…).
Caractéristiques addictologiques des joueurs d’argent en ligne
Les joueurs d’argent en ligne consomment plus d’alcool par jour (p = 0,01), sont plus souvent en état d’ivresse (p = 0,041) et plus souvent dépendants du tabac (p< 0,0001). Ils fument plus de cigarettes par jour (p< 0,0001) et sont plus souvent des joueurs pathologiques hors Internet.
Croyances concernant le jeu et envie de jouer
Les joueurs d’argent en ligne croient plus à leur possibilité de maîtriser le sort (p=0,001) et à leur talent de joueur (p < 0,001). Leur envie de jouer de l’argent sur Internet est plus forte (p < 0,0001). Leur envie de jouer en réseau sans argent et de participer à des forums sur Internet n’est pas supérieure à celle des non-joueurs.
DISCUSSION
Un tiers des sujets jouant de l’argent en ligne développent vis-à-vis de cette conduite une relation de dépendance. Les caractéristiques socio-démographiques des joueurs en ligne sont équivalentes à celles des autres joueurs d’argent : prédominance masculine, isolement social et affectif plus important, présence d’une autre addiction à l’alcool et au tabac, impression de maîtriser le sort. Le jeu en ligne est aussi le fait de sujets utilisant plus que les autres l’Internet pour d’autres activités comme le jeu de réseaux et la communication. Ils passent plus de temps sur Internet la nuit et ils disposent de plus d’appareils pour se connecter à Internet par rapport aux non-joueurs.
MESURES D’ENCADREMENT ET DE PREVENTION
Face au risque de dépendance, les pouvoirs publics ont mis en place l’ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux en Ligne). Ils encadrent les sites de jeu en ligne en en interdisant l’accès aux mineurs, en fixant des quotas maximaux pour les enjeux et en proposant des consultations aux joueurs qui en éprouveraient le besoin ou l’envie. L’impact de cette ouverture à la publicité des jeux en ligne demeure cependant inconnu. L’accessibilité des jeux classiques pouvait être contrôlée. Le contrôle devient plus difficile quand le jeu est médié par l’Internet. L’une des modalités de prévention est la présentation de signaux d’alerte. Ils rappellent aux joueurs le risque de dépendance et/ou les sommes qu’ils ont déjà jouées. Des modérateurs peuvent aussi surveiller le comportement des joueurs pour dépister ceux qui auraient tendance à se ruiner [16]. Une autre intervention publique peut concerner la publicité pour les jeux en ligne en veillant à ne pas associer trop étroitement les messages publicitaires aux valeurs fondamentales de la culture adolescente telles que le sport ou le cinéma.
CONCLUSION
L’impact social du jeu d’argent, dans la « vraie vie » ou en ligne apparaît à la fois :
— Psychologique, du fait de la dépendance psychique et du risque de dépression ou de suicide, — Financier au vu des risques de faillite personnelle, de dettes et de comportements sociaux transgressifs pour compenser les pertes, — Médical du fait des consommations d’alcool, de drogue et des troubles du comportement souvent associés.
Enfin, comme dans toute addiction, la société est interpellée sur les mesures à prendre pour informer des risques de dépendance, identifier les dépendances et mettre en place des mesures de prévention.
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DISCUSSION
M. Jean-Pierre OLIÉ
On observe une addiction au cannabis et/ou à l’alcool fréquente chez les sujets atteints de schizophrénie. Plus rarement une addiction au jeu et selon mon expérience jamais une double addiction. Qu’en est-il de l’incidence du suicide chez les jeunes adultes joueurs pathologiques en ligne ?
Je souscris parfaitement à votre remarque concernant les liens entre addiction et schizophrénie. Cette question est particulièrement fréquente et importante en termes de santé publique. Dans un certain nombre de cas, l’addiction aggrave ou peut-être même détermine le début de la schizophrénie. Dans d’autres cas, c’est la schizophrénie qui détermine l’addiction. En ce qui concerne l’incidence du suicide chez les jeunes adultes joueurs pathologiques en ligne, aucune donnée n’est à ma connaissance disponible.
Rappelons simplement que le suicide, quel qu’en soit le contexte psychopathologique, reste la principale cause de décès chez l’adulte jeune. Il reste aussi très souvent insuffisamment reconnu.
M. Pierre RONDOT
Que pouvez-vous nous dire concernant un groupe de malades parkinsoniens chez qui l’addiction au jeu est si forte qu’il faut souvent les mettre sous surveillance ?
L’addiction au jeu est maintenant bien identifiée comme l’un des effets indésirables possibles des médicaments agissant sur la maladie de Parkinson. Il est intéressant en pratique quotidienne de repérer l’apparition d’une conduite de jeu chez un parkinsonien traité par dopamine. Remarquons aussi que ces comportements déclenchés par une molécule représentent un modèle biologique particulièrement intéressant sur lequel des travaux ont lieu et doivent se poursuivre.
Mme Marie-Christine MOUREN
Avez-vous des informations sur l’âge de début des jeux d’argent en ligne, dans votre population d’étudiants ?
Dater précisément les jeux d’argent en ligne n’est pas facile. Le plus souvent, l’accès à ces jeux commence quand une certaine quantité d’argent est disponible chez l’adolescent.
Quelques situations cliniques laissent supposer que l’âge de début est aux environs de quinze ans.
Mme Monique ADOLPHE
Existe-t-il un âge plus évident chez les adultes pour addictions ?
Les addictions, quelle qu’en soit leur nature, commencent à tous âges. Classiquement, c’est autour de vingt et trente ans que s’installe la plupart des conduites addictives.
M. Jean NATALI
Avant les jeux en ligne, que pensez-vous du comportement des habitués des cercles de jeux et des casinos (valeur thérapeutique de l’induction) ?
Les cercles de jeux étaient bien évidemment les précurseurs des sites de jeux. Dans ces endroits, la dépendance était forte, sans doute autant, voire même plus qu’elle ne l’est aujourd’hui avec les sites en ligne.
M. Yves GROSGOGEAT
Existe-t-il une prédisposition génétique à ce type d’addiction ? Peut-on parler de « famille » à addiction au jeu ?
Il existe indiscutablement une prédisposition génétique à toutes les addictions. Le jeu pathologique ne fait pas exception à cette règle. Les travaux récents impliquent particulièrement les gènes codant pour les récepteurs à la dopamine. Il n’existe par vraiment de famille à addiction au jeu, mais plutôt une interaction entre les facteurs génétiques ou familiaux, les facteurs biologiques et les facteurs psychologiques.
M. Georges DAVID
Ne pensez-vous pas que certains excès des traders boursiers pourraient relever d’une sorte d’addiction ?
Bien sûr que certains excès des traders relèvent du jeu ; c’est-à-dire d’une illusion de maîtrise de situations économiques qui sont moins contrôlables que ne pensent justement ces traders. Au sens clinique ou diagnostique strict, les jeux en bourse ne rentrent cependant pas dans la catégorie des jeux pathologiques.
Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 1, 27-36, séance du 10 janvier 2012