Communication scientifique
Séance du 12 mai 2009

Immunité de la gestation : nouveaux concepts

MOTS-CLÉS : antigène hla. cellules tueuses naturelles. cytokines. cytotoxicité. placenta. trophoblastes
Immunity of pregnancy : novel concepts
KEY-WORDS : cytokines. cytotoxicity.. killer cells, natural

Philippe Le Bouteiller *, Hicham El Costa *, Maryse Aguerre-Girr, Julie Tabiasco *

Résumé

L’énigme immunologique de la grossesse a fait l’objet de nombreuses études depuis les hypothèses émises par Sir Peter Medawar dans les années 50, qui ont servi de base de réflexion. Avec l’avancée des technologies et les nombreuses découvertes en immunologie fondamentale, de nouveaux concepts ont émergé d’études effectuées dans des modèles de gestation murins mais également d’observations et d’expériences ex vivo chez l’homme. Plusieurs mécanismes moléculaires ont été décrits qui neutralisent les effets potentiellement néfastes d’effecteurs de la réponse immune maternelle vis-à-vis des cellules trophoblastiques d’origine fœtale et exprimant des alloantigènes paternels, présentes aux interfaces fœtomaternelles durant la gestation. La fonction cytotoxique des alloanticorps maternels anti-paternels, détectables pendant la grossesse, peut ainsi être bloquée localement au niveau du placenta par des protéines inhibitrices du complément et par une délétion partielle des cellules B maternelles spécifiques de ces alloantigènes. Les cellules T CD8+ cytotoxiques spécifiques des mêmes alloantigènes acquièrent un état de tolérance transitoire et réversible vis-à-vis de ceux-ci et/ou sont éliminées ou bloquées dans leur prolifération par des molécules immunosuppressives secrétées par le trophoblaste. Les cellules NK utérines, recrutées en très grand nombre au site d’implantation embryonnaire ont un potentiel cytotoxique négativement contrôlé pendant la gestation. Il a également été démontré chez l’homme que les interactions entre certains récepteurs activateurs présents sur les cellules NK utérines et les cellules du cytotrophoblaste extravilleux et les cellules stromales utérines favorisaient le remodelage vasculaire utérin. A l’inverse, il a été démontré que les mères qui n’expriment pas ou peu de récepteurs NK utérins de type KIR activateur (génotype AA) et portent un fœtus exprimant des molécules HLA-C du groupe C2 présentaient un grand risque de développer une pré-éclampsie.

Summary

Pregnancy represents an immunological paradox, as underlined by the Nobel prize laureate Peter Medawar in the 1950s. This paradox is generating renewed interest with insights obtained in studies of pregnant mice and in ex vivo experiments performed with human cells and tissues. A number of molecular mechanisms have been discovered that prevent maternal placental immune effector cells located at the maternal-fetal interface from attacking fetus-derived cells. For example, maternal alloantibodies directed against paternal alloantigens expressed by the trophoblast are blocked by complement-inhibiting proteins, and maternal B cells specific for these paternal antigens are partially deleted. Maternal antipaternal CD8+ cytotoxic T cells are inefficient, owing to the lack of HLA-A and HLA-B molecule expression on trophoblast target cells, together with the action of local immunosuppressive molecules, and transient tolerance of paternal alloantigens. NK cells present in the pregnant uterus and directed against fetus-derived trophoblast cells exhibit little if any cytotoxic potential. Interestingly, decidual NK cell/trophoblast interactions appear to play a physiological role in vascular uterine remodeling and in subsequent placental development. Most possible combinations of uterine NK KIR receptors and fetal HLA-C molecules expressed by the trophoblast are compatible with normal pregnancy, but the risk of severe preeclampsia appears to be far higher than normal when the mother’s uterine NK cells do not express activating KIR (AA genotype) and when her fetus possesses group C2 HLA-C molecules.

L’énigme immunologique de la grossesse chez les animaux vivipares (le fœtus et ses annexes extra-embryonnaires, en particulier les cellules trophoblastiques, expriment des alloantigènes d’origine paternelle, normalement reconnus par la mère comme du ‘‘ non-soi ’’, et devraient donc être rejetés, comme une allogreffe, par le système immunitaire de la mère) a été à l’origine de plusieurs hypothèses émises par le prix Nobel Sir Peter Medawar dans les années 50 [1]. D’innombrables articles, revues et discussions se sont basées sur ces hypothèses. Plusieurs avancées significatives ont récemment permis de clarifier un certain nombre de mécanismes moléculaires à l’origine de cette énigme et qui remettent en question la théorie du fœtus considéré comme une allogreffe non rejetée. L’objet de cet article est de décrire, en les simplifiant, ces découvertes, effectuées bien souvent dans des modèles murins mais très probablement applicables à l’espèce humaine. Le lecteur pourra également se référer à d’autres revues récentes, plus exhaustives, écrites par des experts reconnus sur le sujet [2-7].

Les interfaces fœto-maternelles pendant la grossesse

Chez les espèces vivipares, l’embryon transite dans l’oviducte de la mère puis se niche et se développe dans l’utérus où certaines de ses annexes extra-embryonnaires sont alors en contact avec des tissus maternels. Son génome étant pour moitié d’origine paternelle (en cas de dons d’ovocytes, le génome fœtal est même totalement allogénique), les cellules fœtales trophoblastiques peuvent donc présenter aux cellules effectrices du système immunitaire maternel avec lesquelles elles sont en contact localement des molécules du ‘‘ non soi ’’ reconnues comme étrangères par la mère.

Durant la gestation humaine, le fœtus lui-même, baignant dans le liquide amniotique, n’est pas en contact direct avec des tissus maternels [5,7-9]. Seules les cellules trophoblastiques (dérivées du trophectoderme du blastocyste et donc d’origine fœtale) sont en contact local direct continu avec des cellules sanguines ou utérines effectrices de l’immunité maternelle. Le trophectoderme se différencie en trophoblaste villeux et extravilleux. Le trophoblaste villeux forme les deux couches cellulaires qui tapissent les villosités chorioniques flottant dans l’espace intervilleux sanguin maternel : on distingue le cytotrophoblaste villeux (couche interne) et le syncytiotrophoblaste qui en dérive (couche externe). Les cellules du cytotrophoblaste extravilleux dérivent du cytotrophoblaste villeux provenant des villosités chorioniques ancrées dans la caduque ( decidua basalis) . Elles prolifèrent à la base de ces villosités puis acquièrent un phénotype invasif qui les font pénétrer profondé- ment à l’intérieur de la decidua basalis et même du myomètre (trophoblaste interstitiel) et pénétrer à l’intérieur des artères maternelles spiralées où elle vont progressivement remplacer les cellules endothéliales (trophoblaste endovasculaire). Les cellules du trophoblaste extravilleux constituent également la membrane chorionique qui, associée à la membrane amniotique, forment l’enveloppe de l’amniochorion qui entoure le liquide amniotique [5,10]. Ces différents sites d’interaction entre trophoblaste et cellules maternelles constituent donc les interfaces fœtomaternelles qui sont au nombre de quatre : Interface entre le syncytiotrophoblaste et l’espace intervilleux sanguin maternel ; Interface entre le chorion (constitué de cellules du cytotrophoblaste extravilleux) et la decidua parietalis ; Interface entre le cytotrophoblaste extravilleux (de type endovasculaire) et le sang périphérique des artères spiralées maternelles ; Interface entre le cytotrophoblaste extravilleux (interstitiel, cellules placentaires géantes) et la decidua basalis.

Les cellules trophoblastiques, dépourvues de molécules HLA de classe II, sont caractérisées par une expression unique des molécules HLA de classe I. Les cellules du trophoblaste extravilleux, contrairement à la plupart des cellules somatiques de l’organisme, n’expriment pas les molécules polymorphes HLA-A et HLA-B qui sont à l’origine des rejets de greffes [10]. A l’inverse, ces cellules expriment à leur surface les molécules relativement peu polymorphes HLA-C, ainsi que les molécules HLA de classe I non classiques, non polymorphes, HLA-G (sous des formes membranaires et/ou solubles), HLA-E et HLA-F. Le syncytiotrophoblaste qui tapisse l’extérieur des villosités chorioniques placentaires est dépourvu de toute expression membranaire de molécules HLA de classe I. Plusieurs groupes ont cependant identifié dans le syncytiotrophoblaste l’isoforme soluble HLA-G5 [11-13].

Le syncytiotrophoblaste est en contact avec le sang maternel de l’espace intervilleux, contenant, comme le sang périphérique, les différentes cellules effectrices du système immunitaire maternel (cellules T CD8+, T CD4+, cellules B, cellules NK, monocytes…). Les cellules du cytotrophoblaste extravilleux formant la membrane chorio- nique qui tapisse la cavité amniotique sont également en contact avec le sang maternel de l’espace intervilleux [5,14], alors que celles qui ont migré et envahi les artères maternelles spiralées pour remplacer les cellules endothéliales qui tapissaient leur paroi, sont en contact direct avec le sang circulant de la mère. Les cellules du trophoblaste extravilleux qui envahissent la decidua basalis sont en contact avec les mêmes types de cellules du système immunitaire maternel. Toutefois, la distribution de ces cellules maternelles dans la decidua basalis diffère de celle observée dans le sang périphérique : cellules NK (∼70 %), macrophages (∼20 %), cellules dendritiques (∼1 %), cellules T CD4+, y compris T régulatrices (∼10 %), cellules Tγδ, cellules NKT, rares cellules T CD8.+ Nous verrons que l’interaction spécifique entre des récepteurs exprimés à la surface des cellules immunitaires ou stromales maternelles et leurs ligands spécifiques exprimés par les cellules trophoblastiques, loin d’être néfaste, pourrait au contraire être à l’origine de mécanismes favorisant la survie du fœtus et le devenir de la grossesse.

Lors de la grossesse, les différents types de cellules trophoblastiques sont donc théoriquement des cibles potentielles des effecteurs humoraux et cellulaires de la réponse immunitaire de la mère. Le fœtus doit ainsi faire face à trois menaces potentielles provenant du système immunitaire de la mère et spécifiquement dirigées contre des antigènes paternels : les anticorps cytotoxiques fixant le complément, les cellules T CD8+ cytotoxiques, les cellules NK tueuses. Nous verrons que le fœtus (en absence de toute pathologie ou présence de pathogènes) parvient à déjouer ces différentes menaces par la mise en place de mécanismes moléculaires protecteurs spécifiques et transitoires.

Première menace : les anticorps cytotoxiques maternels anti-paternels dirigés contre les cellules du trophoblaste

La présence d’alloanticorps maternels cytotoxiques dirigés contre des molécules HLA de classe I a été observée depuis très longtemps chez environ 15 % des primipares et 75 % des multipares. Trois mécanismes principaux ont été décrits qui permettent de prévenir cette menace :

— Les cellules trophoblastiques n’expriment pas de molécules HLA de classe II.

Cette absence d’expression prévient la stimulation des lymphocytes B (producteurs des anticorps) ainsi que celle des lymphocytes T CD4+ (stimulateurs des cellules B via la sécrétion de cytokines de type IL-4, IL-5, IL-10).

— Le placenta humain résiste à la lyse par les anticorps cytotoxiques maternels anti-paternels en inhibant l’activation du complément par des molécules régulatrices : ‘‘ membrane co-factor protein ’’ [15] qui empêche la fixation du complément aux immunoglobulines et le ‘‘ decay accelerating factor (DAF) qui favorise l’inactivation du complément [16]. Certains avortements précoces chez l’homme pourraient donc être dus à des défauts d’expression de telles protéines régulatrices du complément. Chez la souris, l’inactivation de la protéine Crry régulatrice des composants C3 et C4 de la cascade du complément (souris Crry-/-) entraîne 100 % d’avortements chez les souris gestantes par suite des dépôts de C3 sur les cellules trophoblastiques invasives et d’inflammation placentaire qui en résulte [17]. L’activation du complément apparaît donc comme critique à ce niveau [18].

— Des expériences effectuées chez la souris par le groupe de C. Kanellopoulos à Paris ont démontré que des cellules B maternelles spécifiques d’antigènes fœtaux paternels H2-Kk sont partiellement délétées de la rate, du sang périphérique et de la moelle osseuse pendant la seconde moitié de la gestation [19].

Deuxième menace : les cellules T CD8+ cytotoxiques spécifiques d’antigènes d’histocomptabilité de classe I paternels

Une combinaison de plusieurs mécanismes permet au fœtus de prévenir cette seconde menace :

Absence d’expression des molécules HLA de classe I les plus polymorphes à la surface des cellules trophoblastiques

Les cellules du trophoblaste préviennent l’émergence de réactions cytotoxiques médiées par les lymphocytes T CD8+ maternels spécifiques des antigènes paternels en n’exprimant pas les molécules polymorphes HLA-A et HLA-B à leur surface [10]. Bien que les molécules HLA-C soient également polymorphes (mais à un moindre degré), leur expression à la surface des cellules du trophoblaste extravilleux est faible et les cellules T CD8+ spécifiques de HLA-C sont rarement observées après transplantation.

Sécrétion locale de molécules immunosuppressives

Plusieurs facteurs immunosuppresseurs solubles sont présents localement aux interfaces fœto-maternelles et contrôlent l’activité des cellules T (mais également NK) :

— Les molécules HLA-G solubles sont sécrétées à la fois par le cytotrophoblaste extravilleux et le syncytiotrophoblaste [20]. Celles-ci induisent l’apoptose des cellules T CD8+ activées en se fixant spécifiquement sur la molécule CD8 [11, 21], ce qui pourrait expliquer le faible nombre de cellules T CD8+ observé au niveau de la decidua basalis [14]. Il a d’ailleurs été montré que le niveau d’expression de la molécule HLA-G soluble dans le sang maternel de patientes faisant des avortements spontanés était significativement inférieur à celui de femmes enceintes sans complication de grossesse [22, 23].

— Le ‘‘ Transforming Growth Factor ’’ (TGF)-β2. L’administration d’anticorps anti-TGF-β à des souris inhibe l’implantation embryonnaire [24].

— Le ‘‘ Progesterone Induced Blocking Factor ’’ (PIBF ) qui induit la sécrétion de cytokines de type Th2. C’est une protéine anti-abortive. En effet, une absence de sécrétion de PIBF semble un facteur prédictif d’avortements spontanés précoces [25].

— L’indoleamine 2, 3-dioxigenase (IDO). Certains macrophages expriment l’enzyme IDO qui catabolise le tryptophane en réponse à l’interféron-γ. Ceci résulte en un rapide appauvrissement du tryptophane entraînant une inhibition de la prolifération des cellules T. L’enzyme IDO est également exprimé et sécrété par le syncytiotrophoblaste en contact avec le sang maternel de l’espace intervilleux. Il a été démontré qu’un inhibiteur de l’IDO entraînait un dépôt de complément à l’interface fœto-maternelle chez la souris et un rejet médié par les cellules T des embryons allogéniques mais pas syngéniques [26].

— Fas ligand (CD95L) : le trophoblaste exprime cette molécule. Chez des souris mutantes déficientes en Fas ligand, la gestation est associée à une nécrose au niveau des interfaces fœto-maternelles entraînant une résorption fœtale [27]. Un lien avec HLA-G soluble a également établi puisque cette dernière molécule induit la production de Fas ligand soluble par les cellules T CD8+ activées, induisant leur apoptose par fixation sur les molécules Fas membranaires [21, 28].

Etat de tolérance transitoire des cellules T maternelles spécifiques des molécules du Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH) héritées du père

Pendant la gestation, le fœtus survit malgré la présence (au niveau de l’espace intervilleux et de la decidua basalis ) de cellules T d’origine maternelle reconnaissant spécifiquement des molécules du CMH de classe I d’origine paternelle. Afin de suivre le devenir des cellules T réactives envers ces alloantigènes paternels chez des souris gestantes, des expériences ont été effectuées dans un modèle de souris transgéniques pour un récepteur des cellules T (TCR) reconnaissant la molécule H-2Kb. Contrairement aux grossesses syngéniques ou allogéniques n’exprimant pas H-2Kb, les souris portant des embryons Kb+ ont un nombre réduit de cellules T réactives envers la molécule H2-Kb et acceptent des greffes exprimant la même molécule Kb [29]. La réponse de ces cellules T (rejet de greffes portant Kb) est restaurée après la délivrance. La conclusion de ces résultats est que, durant la grossesse, les cellules T maternelles acquièrent un état de tolérance transitoire et réversible envers les alloantigènes paternels. Une autre étude effectuée chez la souris démontre que des cellules T spécifiques d’antigènes fœtaux décroissent en nombre pendant la gestation et suggère qu’une délétion clonale spécifique pourrait être un mécanisme de tolérance [30].

Troisième menace (ou atout ?) : les cellules NK utérines présentes au niveau de la decidua basalis

Les cellules ‘‘ Natural Killer ’’ (NK) sont de grands lymphocytes granuleux de phénotype CD3négatif/CD56positif/ NKp46positif présents dans le sang circulant, les organes lymphoïdes secondaires, le thymus. Les cellules NK constituent un composant majeur de l’immunité innée. Leurs fonctions effectrices sont à la fois la lyse de cellules cibles exprimant ‘‘ un soi modifié ’’ (cellules infectées par un virus, cellules tumorales, cellules allogéniques) et la sécrétion de cytokines, en particulier de type inflammatoire (interféron-γ) et de chimiokines, et facteurs de croissance dont des facteurs angiogéniques : Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF), angiopoié- tine, Placental Growth Factor (PlGF). Ces fonctions effectrices sont déclenchées par l’interaction des récepteurs NK membranaires activateurs avec leurs ligands spécifiques exprimés à la surface des cellules cibles. Dans un organisme sain, ces fonctions effectrices NK sont contrôlées par l’engagement par leurs ligands physiologiques spécifiques des récepteurs inhibiteurs qui préviennent ainsi toute réaction anormale dirigée contre des molécules du soi.

Les cellules NK sont également présentes dans la muqueuse utérine, en nombre variable dépendant du cycle ovarien [31]. Après l’implantation embryonnaire, leur nombre croît très rapidement pour atteindre ∼70 % des cellules lymphoïdes présentes dans la decidua basalis . Cette impressionnante proportion de cellules NK à ce niveau suggère qu’elles exercent des fonctions importantes en début de grossesse. Le phénotype des cellules NK de la decidua (dNK) diffère de celui des cellules NK du sang périphérique, avec une sous-population majeure CD56bright CD16négative. Les cellules NK utérines expriment une grande variété de récepteurs dont certains ligands ont été identifiés et exprimés sur les cellules trophoblastiques (HLA-E, HLA-G, HLA-C) avec lesquelles elles sont en contact localement [32]. C’est le cas des récepteurs CD94/NKG2A (inhibiteur) et CD94/NKG2C (activateurs) qui reconnaissent la molécule HLA-E, des récepteurs ILT2/LILRB1 et KIR2DL4 (ayant des propriétés activatrices et inhibitrices) reconnus par les formes solubles ou membranaires de HLA-G, et les récepteurs ‘‘ killer cell immunoglobulin-like receptor ’’ (KIR) -formes activatrices ou inhibitrices- reconnaissant les molécules HLA-C. Le récepteur activateur CD160 dont le ligand principal est HLA-C [33], est exprimé par une sous-population minoritaire de cellules NK utérines. D’autres récepteurs activateurs (NKG2D, NKp30, NKp46) sont également exprimés à la surface de sous-populations de cellules NK utérines, mais on ne connaît pas encore la nature de leurs ligands spécifiques dont la présence a été récemment démontrée à la surface du trophoblaste et des cellules stromales utérines [34, 35].

Alors qu’on aurait pu penser que les cellules NK utérines pouvaient présenter une menace pour les cellules trophoblastiques présentes dans la decidua basalis , des études récentes démontrent au contraire que leur rôle apparaît bénéfique pour un bon développement placentaire.

La grande majorité des cellules NK de la decidua basalis possède un potentiel cytotoxique limité et contrôlé négativement au cours de grossesses non pathologiques.

Cette conclusion est basée sur les observations suivantes : La sous-population majoritaire de cellules dNK CD56bright/CD16négative est faiblement cytotoxique, contrairement au phénotype CD56dim/CD16positif, majoritaire dans les NK du sang périphérique ; à l’inverse des cellules NK du sang périphérique, les cellules dNK ne semblent pas polariser vers la synapse leurs centres d’organisation microtubulaires et leurs granules contenant de la perforine, granzyme et granulysine [36]. Nous avons récemment démontré dans notre équipe que le potentiel cytotoxique des cellules dNK était négativement contrôlé par l’engagement du récepteur inhibiteur NKG2A [37].

Les cellules trophoblastiques sont résistantes à la lyse

La difficulté d’induire la lyse de cellules cibles trophoblastiques, à la fois par des cellules dNK mais également par des cellules NK du sang circulant, a été observée il y a quelques années [38, 39]. L’absence de lyse des cellules du trophoblaste par les cellules dNK pourrait être due notamment à une expression très forte de la forme active de la molécule ‘‘ X-linked inhibitor of apoptosis ’’ (XIAP) observée dans le trophoblaste de premier trimestre de gestation [40]. Ce puissant inhibiteur des caspases bloque la cascade apoptotique médiée par Fas dans les cellules trophoblastiques en début de gestation.

L’interaction spécifique entre certains récepteurs KIR des cellules dNK et les molécules HLA-C exprimées par les cellules trophoblastiques exerce un effet bénéfique sur la grossesse

Dans une étude récente, des chercheurs de l’Université de Cambridge en Grande Bretagne ont démontré qu’une certaine combinaison de récepteurs NK maternels de type KIR (exprimés sur les dNK) et de molécules HLA-C (exprimées à la surface des cellules du trophoblaste extravilleux) pouvait augmenter le risque de pré- éclampsie [41], une pathologie de la grossesse caractérisée localement par un défaut de remodelage vasculaire utérin [42]. La perfusion sanguine placentaire est alors diminuée par un défaut de transformation des artères maternelles spiralées (défaut d’invasion trophoblastique). Ces auteurs ont démontré que le risque de pré- éclampsie était augmenté chez les mères dont le génotype KIR est de type ‘‘ AA ’’ (perte de la plupart des récepteurs de type activateur) et portant un fœtus homozygote pour les molécules de type HLA-C2 (et donc exprimées à la surface du trophoblaste extravilleux), groupe allélique de HLA-C ayant un résidu Lysine 80 qui réagit avec les récepteurs KIR2DL1 et KIRD2S1. En comparant différentes populations ethniques, dans différentes zones géographiques de différents continents, ces mêmes auteurs ont également mis en évidence une corrélation statistique inverse entre les fréquences du génotype KIR AA et celles de HLA-C2. Ces observations suggèrent que l’interaction entre les KIR maternels présents sur les dNK avec les molécules HLA-C d’origine paternelle exprimées par le trophoblaste extravilleux a des conséquences fonctionnelles importantes en terme de régulation du développement placentaire.

Une des fonctions possible des cellules dNK pourrait donc être de contrôler le remodelage vasculaire utérin en début de gestation. Cette hypothèse est fondée sur les observations suivantes : — les cellules dNK produisent des cytokines et chimiokines qui sont impliquées respectivement dans le contrôle de l’angiogenèse et la migration du trophoblaste : VEGF-C, ‘‘ PlGF, IP-10, IL-8 [35, 43] ; — des analyses immunohistochimiques effectuées sur des coupes de decidua basalis de premier trimestre de grossesse ont montré que les cellules dNK pouvaient être étroitement associées aux artères maternelles spiralées ; — l’engagement du récepteur KIR2DL4, exprimé par les cellules dNK, par son ligand spécifique HLA-G soluble produit par le trophoblaste extravilleux entraîne la production par les cellules dNK de médiateurs de type pro-angiogénique [44] ; — par l’utilisation de modèles murins déficients en cellules NK, l’équipe de B.A. Croy au Canada a démontré que les cellules NK utérines contrôlaient en effet le remodelage vasculaire utérin chez des souris gestantes par la sécrétion d’interféron-γ [45]. Des souris déficientes en cellules NK ou en interféron-γ présentent des défauts d’implantation embryonnaire ainsi que des anomalies du remodelage vasculaire utérin aboutissant à la formation de placentas de petite taille. La reconstitution chez de telles souris d’une population de NK à partir de moelle osseuse de souris SCID (déficientes en cellules T et B) ou l’injection d’interféron-γ murin ou humain, corrigent largement ces déficits observés, démontrant l’importance fonctionnelle positive des cellules dNK et de leur sécrétion d’interféron-γ [46].

Les cellules T régulatrices exercent une fonction de contrôle pendant la gestation

Les cellules T régulatrices (Treg) représentent une sous-population de cellules T CD4+ caractérisée par une forte expression constitutive de la chaîne α du récepteur à l’IL-2 (CD25) et du facteur de transcription Foxp3. Ces cellules représentent ∼5-10 % des cellules T CD4+ périphériques. Ces Treg exercent un effet suppresseur sur les réponses immunitaires spécifiques d’antigènes et sont donc importantes pour induire une tolérance aux allogreffes et la prévention de maladies autoimmunes. Il a été observé chez les souris gestantes une expansion des Treg dans la circulation maternelle, la rate et les ganglions drainant ainsi que dans les ganglions des fœtus [47]. Les Treg exerceraient un effet suppresseur vis-à-vis d’une réponse de type allogénique dirigée contre le fœtus. Leur absence empêche en effet toute gestation d’aller à son terme. Les Treg inhibent la prolifération de cellules T par stimulation anti-CD3. De la même manière, il a été observé une augmentation du nombre de Treg dans la circulation périphérique des femmes enceintes. Elles ont également été détectées dans la decidua basalis . Leur proportion est significativement diminuée dans la decidua provenant d’avortements spontanés à répétition [48].

CONCLUSION

Les différentes observations récentes décrites dans cette revue, démontrent à la fois la mise en place par le fœtus de mécanismes moléculaires visant à déjouer spécifiquement des réponses immunitaires de la mère dirigées contre des alloantigènes paternels exprimés par le trophoblaste, mais également les conséquences positives d’une interaction entre récepteurs membranaires maternels (cellules dNK) et ligands membranaires ou solubles d’origine fœtale (trophoblaste) en terme de développement placentaire (vascularisation). Ces données nouvelles démontrent que les interactions cellules maternelles/cellules trophoblastiques aux différentes interfaces fœto-maternelles pendant la grossesse ont des conséquences fonctionnelles cruciales : les signaux qui en résultent apparaissent à la fois bénéfiques au fœtus et à la mère. Les différentes théories immunologiques élaborées au cours des cinq dernières décades et qui tentaient d’expliquer le ‘‘ paradoxe immunologique ’’ de la gestation (‘‘ self-nonself ’’, ‘‘ missing self ’’, ‘‘ danger hypothesis ’’…) doivent donc maintenant être revisitées. Bien que considérées comme ‘‘ allogéniques ’’, les cellules trophoblastiques fœtales et les cellules immunes maternelles interagissent pour leurs bénéfices réciproques. La grossesse ne peut donc plus être considérée dorénavant comme une simple ‘‘ allogreffe ’’. Un dialogue permanent et bénéfique s’établit donc entre la mère et son enfant in utero .

 

REMERCIEMENTS

L’équipe de Philippe Le Bouteiller est financée par l’INSERM, l’Université Paul Sabatier, le CHU de Toulouse, le réseau d’excellence européen EMBIC. HEC et JT bénéficient d’une bourse de la Fondation pour la Recherche Médicale.

BIBLIOGRAPHIE [1] Medawar P.B. —Some immunological and endocrinological problems raised by the evolution of viviparity in vertebrates. Symp. Soc. Exp. Biol, . 1953, 44 , 320-338.

[2] Caucheteux S.M., C. Kanellopoulos-Langevin, D.M. Ojcius. — At the innate frontiers between mother and fetus: linking abortion with complement activation. Immunity, 2003, 18 , 169-172.

[3] Ledee-Bataille N. — Materno-fœtal dialogue and human embryo implantation: some evolving concepts. J. Gynecol. Obstet. Biol. Reprod., 2004, 33 , 564-576.

[4] Chaouat G. — The Th1/Th2 paradigm: still important in pregnancy?

Semin. Immunopathol., 2007, 29 , 95-113.

[5] Hunt J.S. — Stranger in a strange land.

Immunol. Rev., 2006, 213 , 36-47.

[6] Moffett A., C. Loke. — Immunology of placentation in eutherian mammals.

Nat. Rev.

 

Immuno., 2006, 6 , 584-594.

[7] Moffett A., Y.W. Loke. — The immunological paradox of pregnancy: a reappraisal.

Placenta, 2004, 25 , 1-8.

[8] Le Bouteiller P., A. Blaschitz. — The functionality of HLA-G is emerging.

Immunol. Rev. , 1999, 167 , 233-244.

[9] Loke Y.W., A. King. — Immunology of human placental implantation: clinical implications of our current understanding. Mol. Med. Today, 1997, 3 , 153-159.

[10] Le Bouteiller P., J. Pröll. — Immunologie placentaire: le fœtus face à un double défi.

Réalités en Gynécologie-Obstétrique,. 2001, 57 , 9-17.

[11] Solier C., M. Aguerre-Girr, F. Lenfant, A. Campan, A. Berrebi, V. Rebmann, et al.

Secretion of pro-apoptotic intron 4-retaining soluble HLA-G1 by human villous trophoblast.

Eur. J. Immunol. , 2002, 32 , 3576-3586.

[12] Ishitani A., N. Sageshima, N. Lee, N. Dorofeeva, K. Hatake, H. Marquardt , et al.

Protein expression and peptide binding suggest unique and interacting functional roles for HLA-E, F, and G in maternal-placental immune recognition. J. Immunol. , 2003, 171 , 1376- 1384.

[13] Hunt J.S., P.J. Morales, J.L. Pace, A.T. Fazleabas, D.K. Langat. — A commentary on gestational programming and functions of HLA-G in pregnancy. Placenta, 2007, 28 Suppl A ,

S57-63.

[14] Pröll J., A. Bensussan, F. Goffin, J.M. Foidart, A. Berrebi, P. Le Bouteiller. — Tubal versus uterine placentation: similar HLA-G expressing extravillous cytotrophoblast invasion but different maternal leukocyte recruitment. Tissue Antigens, 2000, 56 , 479-491.

[15] Zhang J., D. Schneider, C. Ober, M.S. McPeek. — Multilocus linkage disequilibrium mapping by the decay of haplotype sharing with samples of related individuals. Genet. Epidemiol. , 2005, 29 , 128-140.

[16] Holmes C., K. Simpson, H. Okada, N. Okada, S. Wainwright, D. Purcell , et al.

Complement regulatory proteins at the feto-maternal interface during human placental development: distribution of CD59 by comparison with membrane cofactor protein (CD46) and decay accelerating factor (CD55). Eur. J. Immunol. , 1992, 22 , 1579-1585.

[17] Xu C., D. Mao, V.M. Holers, B. Palanca, A.M. Cheng, H. Molina. — A critical role for murine complement regulator crry in fetomaternal tolerance. Science, 2000, 287 , 498-501.

[18] Girardi G., R. Bulla, J.E. Salmon, F. Tedesco. — The complement system in the pathophysiology of pregnancy. Mol. Immunol., 2006, 43 , 68-77.

[19] Aït-Azzouzene D., M. Gendron, M. Houdayer, A. Langkopf, K. Burki, D. Nemazee , et al.

— Maternal B lymphocytes specific for paternal histocompatibility antigens are partially deleted during pregnancy. J. Immunol., 1998, 161 .

[20] Hunt J.S., D.E. Geraghty. — Soluble HLA-G isoforms: technical deficiencies lead to misinterpretations. Mol. Hum. Reprod., 2005, 11 , 715-717.

[21] Contini P., M. Ghio, A. Poggi, G. Filaci, F. Indiveri, S. Ferrone , et al. — Soluble

HLA-A,-B,-C and —G molecules induce apoptosis in T and NK CD8+ cells and inhibit cytotoxic T cell activity through CD8 ligation. Eur. J. Immunol., 2003, 33 , 125-134.

[22] Alegre E., A. Diaz-Lagares, J. Lemaoult, N. Lopez-Moratalla, E.D. Carosella, A.

Gonzalez. — Maternal antigen presenting cells are a source of plasmatic HLA-G during pregnancy: longitudinal study during pregnancy. Hum. Immunol., 2007, 68 , 661-667.

[23] Hunt J.S., L. Jadhav, W. Chu, D.E. Geraghty, C. Ober. — Soluble HLA-G circulates in maternal blood during pregnancy. Am. J. Obstet. Gynecol., 2000, 183 , 682-688.

[24] Slager H.G., W. Van Inzen, E. Freund, A.J. Van Den Eijnden-Van Raaij, C.L. Mummery.

— Transforming growth factor-beta in the early mouse embryo: implications for the regulation of muscle formation and implantation. De.v Genet., 1993, 14 , 212-224.

[25] Szekeres-Bartho J., A. Barakonyi, G. Par, B. Polgar, T. Palkovics, L. Szereday. — Progesterone as an immunomodulatory molecule. Int. Immunopharmacol., 2001, 1 , 1037-1048.

[26] Munn D.H., M. Zhou, J.T. Attwood, I. Bondarev, S.J. Conway, B. Marshall , et al.

Prevention of allogeneic fetal rejection by tryptophan catabolism.

Science, 1998, 281 , 1191- 1193.

[27] Hunt J.S., D. Vassmer, T.A. Ferguson, L. Miller. — Fas ligand is positioned in mouse uterus and placenta to prevent trafficking of activated leukocytes between the mother and the conceptus. J. Immunol., 1997, 158 , 4122-4128.

[28] Fournel S., M. Aguerre-Girr, X. Huc, F. Lenfant, A. Alam, A. Toubert , et al. — Cutting

Edge: Soluble HLA-G1 triggers CD95/CD95 ligand-mediated apoptosis in activated CD8+ cells by interacting with CD8. J. Immunol., 2000, 164 , 6100-6104.

[29] Tafuri A., J. Alferink, P. Moller, G.J. Hammerling, B. Arnold. — T cell awareness of paternal alloantigens during pregnancy. Science, 1995, 270 , 630-633.

[30] Jiang S., M. Vacchio. — Multiple mechanisms of peripheral T cell tolerance to the fetal allograft. J Immunol., 1998, 160 , 3086-3090.

[31] Bulmer J., G. Lash. — Human uterine natural killer cells: a reappraisal.

Mol. Immunol., 2005, 42 , 511-521.

[32] Tabiasco J., M. Rabot, M. Aguerre-Girr, H. El Costa, A. Berrebi, O. Parant , et al.

Human decidual NK cells: unique phenotype and functional properties — a review.

Placenta, 2006, 27 Suppl A , S34-39.

[33] Le Bouteiller P., A. Barakonyi, J. Giustiniani, F. Lenfant, A. Marie-Cardine, M.

Aguerre-Girr , et al. — Engagement of CD160 receptor by HLA-C is a triggering mechanism used by circulating natural killer (NK) cells to mediate cytotoxicity.

Proc. Natl. Acad. Sci. USA., 2002, 99 , 16963-16968.

[34] Koopman L., H. Kopcow, B. Rybalov, J. Boyson, J. Orange, F. Schatz , et al. — Human decidual natural killer cells are a unique NK cell subset with immunomodulatory potential.

J.

Exp. Med., 2003, 198 , 1201-1212.

[35] Hanna J., D. Goldman-Wohl, Y. Hamani, I. Avraham, C. Greenfield, S. NatansonYaron , et al. — Decidual NK cells regulate key developmental processes at the human fetal-maternal interface.

Nat. Med., 2006, 12 , 1065-1074.

[36] Kopcow H.D., D.S. Allan, X. Chen, B. Rybalov, M.M. Andzelm, B. GE , et al. —Human decidual NK cells form immature activating synapses and are not cytotoxic.

Proc. Natl. Acad.

Sci. USA., 2005, 102 , 15563-15568.

[37] El Costa H., A. Casemayou, M. Aguerre-Girr, M. Rabot, A. Berrebi, O. Parant , et al.

Critical and differential roles of NKp46- and NKp30-activating receptors expressed by uterine NK cells in early pregnancy. J. Immunol., 2008, 181 , 3009-3017.

[38] Avril T., A.C. Jarousseau, H. Watier, J. Boucraut, P. Le Bouteiller, P. Bardos , et al.

Trophoblast cell line resistance to NK lysis mainly involves an HLA class I-independent mechanism. J. Immunol., 1999, 162 , 5902-5909.

[39] Chumbley G., A. King, K. Robertson, N. Holmes, Y.W. Loke. — Resistance of HLA-G and HLA-A2 transfectants to lysis by decidual NK cells. Cell Immunol., 1994, 155 , 312-322.

[40] Straszewski-Chavez S., V. Abrahams, E. Funai, G. Mor. — X-linked inhibitor of apoptosis (XIAP) confers human trophoblast cell resistance to Fas-mediated apoptosis. Mol. Hum.

Reprod., 2004, 10 , 33-41.

[41] Hiby S.E., J.J. Walker, M. O’Shaughnessy K, C.W. Redman, M. Carrington, J. Trowsdale , et al. — Combinations of maternal KIR and fetal HLA-C genes influence the risk of preeclampsia and reproductive success.

J. Exp. Med., 2004, 200 , 957-965.

[42] Redman C.W., I.L. Sargent. — Latest advances in understanding preeclampsia.

Science , 2005, 308 , 1592-1594.

[43] Le Bouteiller P., J. Tabiasco. — Killers become builders during pregnancy.

Nature Medicine, 2006, 12 , 991-992.

[44] Rajagopalan S., Y.T. Bryceson, S.P. Kuppusamy, D.E. Geraghty, A.V. Meer, I. Joosten , et al. — Activation of NK Cells by an Endocytosed Receptor for Soluble HLA-G. PLoS Biol., 2005, 4 , e9.

[45] Croy B.A., H. He, S. Esadeg, Q. Wei, D. McCartney, J. Zhang , et al. — Uterine natural killer cells: insights into their cellular and molecular biology from mouse modelling.

Reproduction, 2003, 126 , 149-160.

[46] Guimond M.J., B. Wang, B.A. Croy. — Engraftment of bone marrow from severe combined immunodeficient (SCID) mice reverses the reproductive deficits in natural killer cell-deficient tg epsilon 26 mice. J. Exp. Med. , 1998, 187 , 217-223.

[47] Mold J.E., J. Michaelsson, T.D. Burt, M.O. Munch, K.P. Beckerman, M.P. Busch , et al.

— Maternal alloantigens promote the development of tolerogenic fetal regulatory T cells in utero. Science, 2008, 322 , 1562-1565.

[48] Sasaki Y., M. Sakai, S. Miyazaki, S. Higuma, A. Shiozaki, S. Saito. — Decidual and peripheral blood CD4+CD25+ regulatory T cells in early pregnancy subjects and spontaneous abortion cases. Mol. Hum. Reprod., 2004, 10 , 347-353.

 

DISCUSSION

M. François-Bernard MICHEL

Vous nous avez remarquablement décrit cette sorte de « pacte de non agression » entre mère et fœtus. A quelle date estimez-vous qu’il est rompu ? Sitôt après l’accouchement ou progressivement au cours des premiers mois de vie ?

Sitôt après l’accouchement, car il n’y a alors plus de cellules NK déciduales qui jouent un rôle très important dans cette tolérance, l’anergie des cellules T CD8+ cytotoxiques est levée ainsi que la délétion partielle de certaines cellules B spécifiquement dirigées contre les alloantigènes paternels. Chez la souris, il a été ainsi montré que, après la mise bas, une greffe de peau de souris exprimant des antigènes paternels était rejetée, ce qui n’était pas le cas durant la gestation. Toutefois, il est à noter que des cellules ou débris trophoblastiques (d’origine fœtale) persistent de longs mois dans la circulation sanguine maternelle sans que cela déclenche normalement de réaction de rejet (voir réponse à la question de M. Georges David).

M. Claude DREUX

Quel est le mécanisme de la forte prolifération de cellules NK dans l’utérus ? Est-ce que les cellules NK du placenta sont spécifiques donc différentes des cellules NK utérines ?

La forte prolifération des cellules NK utérines présentes dans la decidua basalis est due à la sécrétion locale de cytokines stimulatrices et en particulier de l’interleukine 15 (IL-15) ainsi que par la prolactine, toutes deux produites par les cellules stromales de la muqueuse utérine. Les cellules NK utérines ont un phénotype différent de celui des cellules NK du sang périphérique : elles sont CD56bright CD16négatives (phénotype ‘‘ non cytotoxique ’’) alors que les cellules NK du sang sont CD56dim CD16positives (phénotype ‘‘ cytotoxique ’’). Les cellules NK utérines expriment également certains autres récepteurs et marqueurs que l’on ne voit pas dans les NK du sang. Les cellules NK utérines ont un phénotype très conservé alors que celui des cellules NK du sang périphérique est variable d’un individu à l’autre. Fonctionnellement, les NK utérines ne sont pas cytotoxiques (dans les grossesses normales) mais sécrétent des facteurs angiogéniques (Vascular Endothelial Growth Factor, Placental Growth Factor, angiopoiétine-2), ce qui n’est pas le cas des cellules NK du sang périphérique.

M. Georges DAVID

Le passage d’éléments trophoblastiques est habituel en cours de grossesse. On sait qu’il y a possibilité de persistance bien au-delà de l’accouchement. Quel est le mécanisme de leur tolérance ?

 

En effet, des cellules ou débris trophoblastiques (d’origine fœtale) persistent de longs mois dans la circulation sanguine maternelle sans que cela déclenche normalement de réaction de rejet : ceci est probablement dû au fait que ces trophoblaste n’expriment pas les molécules HLA-A et HLA-B polymorphes à leur surface (donc pas de présentation d’alloantigènes paternels aux cellules T CD8+ cytotoxiques), n’expriment pas non plus de molécules HLA de classe II (donc pas de stimulation des lymphocytes B) mais expriment par contre les molécules HLA-E et HLA-G qui les protègent de la lyse NK en interagissant avec des récepteurs NK de type inhibiteur.

M. Jacques MILLIEZ

Quelles nouvelles pistes d’application clinique peut-on explorer en fonction des connaissances récentes sur l’immunité de la grossesse, à propos des fausses couches spontanées répétées, autrefois attribuées à des causes immunitaires ?

Il est encore trop tôt pour envisager ces applications cliniques. Toutefois, au vu des résultats obtenus sur la prééclampsie (PE) par le groupe de Ashley Moffett à Cambridge (UK) démontrant qu’une association particulière entre un génotype ‘‘ KIR maternel ’’ et un génotype ‘‘ HLA-C fœtal ’’ était un facteur prédictif de PE, on peut penser que dans le futur, il serait possible d’effectuer des génotypage ‘‘ KIR ’’ et ‘‘ HLA-C ’’ à partir du sang de la mère et du père et de pouvoir prédire la probabilité d’avortements spontanés à répétition. Il est possible également que des infections virales utérines soient un ‘‘ déclencheur ’’ de l’activité cytolytique des cellules NK de la decidua, entraînant alors la destruction des cellules trophoblastiques et une fausse-couche dite ‘‘ spontanée ’’.

M. Bernard PESSAC

Qu’en est-il des michrochimérismes chez la mère (voir réponse donnée plus haut à Georges David) ? Et la tolérance vis-à-vis des grossesses ultérieures extra-utérines ?

Il existe également un microchimérisme maternel chez le fœtus. En effet, un nombre substantiel de cellules maternelles traversent le placenta et migrent dans les ganglions lymphatiques de l’embryon. Il vient d’être démontré que l’immunité fœtale antimaternelle se développe in utero et était annihilée (tolérance) par le développement de cellules T régulatrices qui persistent jusqu’à l’âge adulte. Que les grossesses soient normales (dans l’utérus) ou extra-utérines, les mécanismes de tolérance que j’ai décrits doivent être identiques. En effet, les seules cellules fœtales qui sont en contact avec les tissus maternels pendant la grossesse sont les cellules trophoblastiques. Or, nous avons démontré que dans les grossesses tubaires, les cellules trophoblastiques (qui contribuent à activer les cellules NK utérines) étaient bien présentes au site d’implantation embryonnaire, tout comme les cellules NK, mais en moindre quantité.

M. Jean-Daniel SRAER

Y-a-t-il des cellules souches hématopoïétiques dans l’utérus avant la grossesse ?

De rares populations de cellules épithéliales et stromales ayant une activité progénitrice ont été identifiées dans l’endomètre humain et murin adulte. Chez l’homme, des clones de cellules stromales exprimant un panel de marqueurs des cellules souches mésenchymateuses viennent d’être identifiés. On ne sait pas si une seule cellule souche endométriale primitive en est à l’origine.

 

<p>* Inserm U563, Centre de physiopathologie de Toulouse-Purpan, Bât. A, CHU Purpan, B 3028 — 31024 Toulouse Cedex 3, et e-mail : philippe.le-bouteiller@inserm.fr Tirés à part : Docteur Philippe Le Bouteiller, même adresse Article reçu et accepté le 24 avril 2009</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 5, 1029-1042, séance du 12 mai 2009