Communication scientifique
Séance du 2 décembre 2009

Imagerie et recherche translationnelle : maladies neurodégénératives

MOTS-CLÉS : technique d’imagerie par résonance magnétique nucléaire.
Imaging and translational research : neurodegenerative diseases
KEY-WORDS : brain. central nervous system. magnetic resonance imaging

Philippe Hantraye

Résumé

Les avancées réalisées au cours des vingt dernières années dans le domaine de l’imagerie cérébrale sont le résultat d’avancées marquantes dans différents domaines technologiques (méthodes d’imagerie, logiciels de traitement d’images, développement des technologies de l’informatique) ainsi que d’une meilleure compréhension du fonctionnement normal et pathologique du cerveau. En plus des informations qu’elle fournit sur la structure anatomofonctionnelle du cerveau normal et pathologique, l’imagerie fonctionnelle permet de réaliser un suivi lésionnel atraumatique et une quantification absolue de l’efficacité d’une thérapie innovante dirigée contre des maladies incurables.

Summary

Advances in neuroimaging of neurodegenerative diseases over the past two decades are the product of breakthroughs in imaging technology, more powerful computers, imageprocessing software, and expanding knowledge in basic and clinical neuroscience. In addition to the insights into normal brain structure and function that such methods provide, and the information that can be gained from disease-related changes in structure and function, functional imaging offers the promise of monitoring brain lesions and quantifying the therapeutic efficacy of innovative treatments for these largely incurable disorders.

La recherche translationnelle occupe aujourd’hui une position de premier plan dans le paysage de la recherche biomédicale. Elle se définie comme une véritable recher- che de transfert au sein d’un continuum qui comprend à une extrémité la recherche biologique fondamentale et, à l’autre extrémité de la chaine, une recherche clinique innovante.

Au sein de ce véritable continuum de transfert technologique, la recherche translationnelle représente le premier stade de développement scientifique et technique qui prend véritablement en compte le patient et sa pathologie dans sa réalité complexe et envisage comme un véritable objectif de transformer un concept nouveau, la découverte d’un nouveau mécanisme cellulaire ou moléculaire par exemple, en une véritable application médicale, directement utilisable chez le malade.

Ceci explique pourquoi la recherche translationnelle nécessite d’être développée à proximité du patient, afin de permettre un flux bi-directionnel des connaissances de la recherche fondamentale vers l’application clinique et des observations cliniques vers la recherche pré-clinique et/ou fondamentale. Ainsi, si la recherche translationnelle s’est faite le plus souvent du laboratoire vers l’hôpital avec par exemple l’identification de nouveaux biomarqueurs dans des modèles expérimentaux de pathologies humaines développés chez l’animal, les observations cliniques et histopathologiques réalisées chez le patient ont également permis de développer de nouvelles théories. Ainsi par exemple le concept, aujourd’hui largement reconnu, de plasticité ou de réparation neuronales, largement ignorés — voire niés — encore très récemment et qui ouvrent à présent de larges perspectives thérapeutiques avec l’avènement des cellules souches ou des techniques de transfert de gènes in vivo .

Pour ce qui concerne les maladies du cerveau, la difficulté d’accès de cet organe a longtemps limité les recherches de transfert pouvant être effectuées. Ne disposant pas de méthodes d’investigations non-invasives pour appréhender — encore moins mesurer — l’intégrité anatomique ou fonctionnelle du cerveau des patients, les découvertes réalisées chez l’animal utilisant l’arsenal des méthodes exploratoires post-mortem trouvaient pour une large part des échos limités en termes de retombées cliniques.

L’imagerie cérébrale : accélérateur d’applications cliniques

L’arrivée, somme toute récente, de l’imagerie cérébrale a, depuis, ouvert de nouvelles et très nombreuses voies à la recherche de transfert pour les applications dans le système nerveux central et périphérique. En permettant de réaliser des examens répétés, de plus en plus précis du cerveau, dans des conditions strictement noninvasives, les dispositifs d’imagerie permettent aujourd’hui d’effectuer un suivi lésionnel — parfois même le diagnostic d’une atteinte cérébrale, pour un nombre croissant de pathologies cérébrales.

Mieux encore, les progrès technologiques des dix dernières années, mettent à la disposition des chercheurs, des machines dédiées au petit animal dont les performances — en termes de résolution spatiale ou temporelle — sont strictement équivalentes à celles des meilleures machines cliniques. De facto, le continuum préclinique-clinique s’en trouve renforcé, plaçant les chercheurs et les cliniciens dans des conditions techniques comparables. C’est ainsi que non seulement le concept innovant issu de la recherche cognitive peut être l’objet de la recherche de transfert mais également (souvent simultanément), la méthode d’imagerie qui permettra d’effectuer le suivi thérapeutique dans un premier temps chez l’animal, puis si la stratégie thérapeutique s’avère efficace, chez le patient lui-même.

Recherche translationnelle en imagerie : pour et par l’imagerie

En ce qui concerne l’imagerie biomédicale, on peut schématiquement considérer qu’elle se scinde en deux types d’applications. D’une part, les applications pour l’imagerie qui visent à développer, valider voire qualifier pour une utilisation chez l’homme des équipements spécifiques, des méthodologies, des biomarqueurs (Pl.

4-2, Pl. 4-3). Ces développements méthodologiques, souvent d’un très haut niveau scientifique et technique, contribuent à l’établissement d’un socle de compétences et de savoir-faire à haute valeur en termes d’applications et de valorisation. D’autre part, les applications par l’imagerie qui, mettant en œuvre des méthodologies éprouvées et validées à un stade préclinique et clinique, forment la base scientifiques et techniques des essais thérapeutiques en recherche préclinique et clinique. Dans ce contexte, l’imagerie devient un outil de référence permettant le suivi objectif (souvent quantitatif) et longitudinal d’une lésion ou de l’efficacité d’un traitement expérimental chez l’animal modèle ou l’homme malade.

Quelques exemples de recherche translationnelle en imagerie

Dans le cadre des maladies neurodégénératives, les exemples d’utilisation de l’imagerie en recherche de transfert, sont très nombreux (Pl.4-4 à Pl.4-12). La mesure de la progression des maladies neurodégénérative est rendue délicate par la pauvreté et la subjectivité des paramètres cliniques utilisés en routine. Ces dernières années, des progrès considérables ont été faits dans le suivi lésionnel et thérapeutique de ces pathologies par l’introduction de l’imagerie cérébrale, fonctionnelle et anatomique.

Ainsi l’introduction des méthodes d’imagerie fonctionnelle, au premier rang desquelles on peut citer la tomographie par émission de positons ou l’imagerie par résonance magnétique, a-t-elle permis de mesurer, in situ , du vivant du malade des paramètres aussi divers (et jusque là inaccessibles) que les zones mises en jeu par une fonction cérébrale, l’état des systèmes de neurotransmission, les connections interrégionales ou la concentration de molécules chimiques cérébrales.

Le cas de la maladie de Parkinson est en ce sens très évocateur. Par utilisation combinée de la tomographie par émission de positons (TEP) qui permet de quantifier la concentration cérébrale d’un radiotraceur spécifique d’une fonction, d’une cible cellulaire ou moléculaire et de l’imagerie par résonance magnétique qui permet une cartographie 3D à haute résolution de l’anatomie cérébrale, il a été possible de visualiser et de quantifier l’action neurorestoratrice ou neuroprotectrice de nouvelles stratégies thérapeutiques, cellulaires ou géniques. Ainsi, plusieurs études ont récemment eu recours à l’imagerie fonctionnelle comme critère de jugement du potentiel neuroprotecteur d’agonistes dopaminergiques par rapport à la L-Dopa, traitement antiparkinsonien de référence. Dans les différents cas, l’imagerie a démontré que le choix initial d’un traitement par agoniste dopaminergique plutôt que la L-Dopa réduisait significativement (de 35 % environ) la progression de la perte de fonction dopaminergique mesurée par imagerie TEP (Pl. 4-5).

Réparer le cerveau malade est un objectif affiché pour les stratégies de thérapie cellulaire. Il s’agit ici de remplacer les neurones progressivement détruits par le processus dégénératif par d’autres neurones provenant soit d’embryons soit de cellules souches différentiées en neurones. Deux concepts ont été développés : la greffe médicaments et les greffes reconstructrices. Dans le premier cas, appliqué à la maladie de Parkinson, l’objectif était de fournir au cerveau malade des neurones produisant de la dopamine in situ . Dans le second cas, appliqué à la maladie de

Huntington, l’objectif était de reconstruire un réseau de neurones cortico-souscorticaux fonctionnel TEP (Pl. 4-6 à Pl. 4-25).

Dans ces deux situations, l’imagerie fonctionnelle et anatomique utilisant la combinaison TEP-IRM a joué un rôle fondamental en démontrant la survie des greffons et en permettant d’interpréter les effets cliniques des greffes en termes moléculaires et cellulaires.

CONCLUSION

Au cours des années à venir, nous avons l’espoir que de nouveaux traitements émergent pour le traitement des maladies neurodégénératives grâce à la collaboration de chercheurs fondamentaux et des neurologues impliqués dans la prise en charge des patients. Il est probable que dans un avenir proche, il sera possible de manipuler des cellules souches ou de disposer de vecteurs viraux adaptés pour restaurer des fonctions cérébrales perdues ou protéger des populations cellulaires « à risque » chez des patients atteints par des pathologies cérébrales sévèrement invalidantes et encore incurables, aujourd’hui. Dans tous les cas, tant au stade de l’expérimentation chez l’animal que des essais cliniques chez les patients, l’imagerie fonctionnelle et anatomique joue et jouera un rôle fondamental dans l’évaluation de l’efficacité des traitements. C’est ce potentiel remarquable illustré ci-dessus, qui justifie pleinement le rôle central que ces méthodes non-invasives de suivi lésionnel et thérapeutique prennent déjà dans le domaine de la recherche translationnelle des maladies neurodégénératives.

 

ICONOGRAPHIE

Le CD contenant l’iconographie de cette présentation peut être consulté à la Bibliothè- que de l’Académie nationale de médecine et à la Bibliothèque de l’Académie des sciences.

Chaque renvoi est noté de « Pl.4-1 » à « Pl.4-26 ».

The iconography of this presentation can be consulted on CD-ROM at the library of the National Academy of Medicine and the library of the Académie of Sciences. Each referral is noted « Pl.1-4 » to « Pl. 26-4 ».

 

<p>* Molecular Imaging Research Center MIRC, Route du Panorama, 92265, Fontenay aux Roses Tirés à part : Professeur Philippe Hantraye, même adresse</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 4, 863-867, séance du 2 décembre 2008