Résumé
L’hypertension artérielle rénovasculaire bien que rare en pédiatrie doit être recherchée systématiquement en présence d’un enfant hypertendu. La mise en évidence d’une maladie de l’artère rénale conduit dans la quasi totalité des cas à un traitement étiologique. La définition de l’hypertension en France repose sur une étude épidémiologique de la pression artérielle chez 17 067 enfants âgés de 4 à 18 ans. A partir des courbes établies ont été définies la pression artérielle normale, l’hypertension artérielle limite, l’hypertension artérielle confirmée et l’hypertension artérielle menaçante. La suspicion de l’hypertension rénovasculaire repose sur l’élévation de l’activité rénine plasmatique mesurée dans le sang périphérique ou dans celui obtenu par le cathétérisme des veines rénales et sur les tests au captopril. Ce sont les examens d’imagerie qui vont confirmer le diagnostic en mettant en évidence une sténose de l’artère rénale ou d’une de ses branches. Le traitement médical de l’HTA repose principalement sur 6 grandes familles de molécules : les diurétiques, les inhibiteurs calciques, les β bloquants, les α bloquants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les antagonistes des récepteurs de type I de l’angiotensine II. Des problèmes très importants restent non encore totalement résolus : celui des posologies par manque d’études contrôlées et pharmacologiques, les formes galéniques inadaptées et l’absence d’obtention de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour l’enfant.
Summary
Renovascular hypertension constitutes a small percentage of cases of secondary hypertension in childhood. It has to be diagnosed because it is potentially curable. The definition of hypertension in France is based on a study involving 17067 children which analysed the normal distribution of blood pressures from the ages of 4 through 18. Based on these data, different levels of blood pressure are defined : normal blood pressure, bordeline hypertension, confirmed hypertension and life threatening hypertension. The confirmation of a renovascular disease as the cause of a child’s hypertension is based on the elevation of the peripheral plasma renin level, the captopril tests, possibly the renal vein renin determinations and the imaging studies. The medical management is based on the use of antihypertensive drugs : diuretics, calcium-channel blockers, β blockers, α blockers, converting-enzyme inhibitors and angiotension II receptor antagonists. The treatment of childhood hypertension has been hampered by several factors : a lack of extensive scientific data and manufacturer’s recommendations regarding the doses and pharmacokinetics, a lack of age-appropriate drug formulations and the lack of official authorization for the prescription of most of the antihypertensive drugs in children.
INTRODUCTION
L’hypertension (HTA) rénovasculaire est secondaire à une sténose unie ou bilatérale des artères rénales.
Celle-ci va entraîner une HTA par hypersécrétion de rénine qui sera responsable d’une augmentation de la synthèse d’angiotensine II, inductrice de vasoconstriction.
Le mécanisme de cette hypertension artérielle a été étudié expérimentalement par Goldblatt dès 1934.
La situation est différente en néphrologie de l’adulte et en néphrologie pédiatrique.
Chez l’adulte, étant donné la fréquence de l’HTA, l’exploration exhaustive n’est ni possible ni souhaitable et un certain nombre d’HTA rénovasculaires passent inaperçues. Même lorsqu’une sténose de l’artère rénale est mise en évidence, la démonstration reste à faire qu’elle est responsable de l’HTA et que son traitement permettra sa disparition.
Chez l’enfant, l’hypertension artérielle essentielle est rare et ce d’autant plus qu’il est jeune. La recherche d’une cause en présence d’une HTA confirmée est systématique.
La mise en évidence d’une maladie de l’artère rénale conduit dans la quasi totalité des cas à un traitement étiologique.
L’hypertension artérielle par sténose de l’artère rénale est cependant une cause rare d’HTA de l’enfant. Les chiffres sont extrêmement variables d’une publication à l’autre avec des fourchettes de 5 à 25 % [1]. Dans l’expérience de C. Loirat [2] portant sur 100 enfants hypertendus, une sténose de l’artère rénale n’est retrouvée que chez 3 d’entre eux. Dans celle du service de néphrologie pédiatrique de l’hôpital des Enfants Malades décrite par G. Deschênes [3], il a été retrouvé entre janvier 1990 et
septembre 1955, 94 enfants âgés de 4 jours à 17 ans qui ont été traités pour une hypertension artérielle secondaire à une maladie des artères rénales.
Le but de ce travail est d’apporter l’éclairage d’un néphrologue pédiatre à la présentation de M. Lacombe [5] en cherchant à pallier toute redondance et en rendant compte uniquement de la prise en charge médicale.
La prise en charge d’un enfant ayant une HTA rénovasculaire passe par 3 étapes :
— affirmer l’HTA, — confirmer qu’il s’agit d’une HTA rénovasculaire, — définir le traitement.
AFFIRMER L’HTA
Des conditions précises doivent être respectées afin de ne pas porter un diagnostic d’HTA par excès.
L’enfant doit être au repos. Il est très important d’utiliser un brassard couvrant les deux tiers de la longueur du bras. Une taille inappropriée est une source d’erreur fréquente : une largeur de brassard insuffisante majore les chiffres tensionnels, une largeur excessive va les minorer.
La technique auscultatoire utilisant un manomètre à mercure est la technique de référence. Les appareils automatisés supplantent de plus en plus les autres méthodes : méthode auscultatoire grâce à un capteur sonique et une méthode oscillométrique.
Enfants de plus de 4 ans
La société de néphrologie pédiatrique s’est basée sur l’étude effectuée à Nancy [5].
Elle exprime la pression artérielle normale en fonction de la taille chez 17 067 enfants âgés de 4 à 18 ans. Elle donne des chiffres peu différents de ceux de la « Task force on blood pressure in children » américaine [6]. A partir des courbes établies chez les garçons et les filles, la Société de néphrologie pédiatrique définit :
— une pression artérielle normale par des chiffres de systolique et de diastolique inférieurs au 97,5e percentile, — une hypertension artérielle limite par des chiffres de systolique et diastolique compris entre 97,5e percentile et 97,5e percentile + 10 mmHg, — une hypertension artérielle confirmée par des chiffres de systolique et de diastolique compris entre 97,5e percentile + 10 mmHg et 97,5e percentile + 30 mmHg, — une hypertension artérielle menaçante par des chiffres de systolique et de diastolique supérieurs à 97,5e percentile + 30 mmHg.
Il faut répéter la prise tensionnelle à 3 reprises avant d’affirmer une HTA. Ainsi chez des lycéens la prévalence de l’HTA passe de 4,2 % après une prise tensionnelle à 1,1 % après une seconde prise [7]. Ces résultats ont été confirmés par d’autres auteurs [8].
Enfants de moins de 4 ans
Les références des pressions sont celles fournies par la Task Force [6].
Pour le nouveau-né à terme, les références sont celles de De Swiet [9]. Ainsi à l’âge de 4 jours, un nouveau-né est considéré comme hypertendu pour une pression artérielle systolique supérieure à 95 mmHg.
Holter tensionnel chez l’enfant
L’étude de la pression artérielle ambulatoire est largement utilisée chez l’adulte. La miniaturisation des appareils automatiques permet leur utilisation en pédiatrie bien que les valeurs de référence soient moins nombreuses [10, 11].
Elle a l’avantage de pallier le stress de l’enfant lors des consultations hospitalières et évite ainsi le syndrome de la blouse blanche.
Les symptômes et le retentissement viscéral
L’HTA de l’enfant peut être totalement asymptomatique et n’être révélée que par un examen systématique. Les signes cliniques, lorsqu’ils existent, sont des céphalées des épistaxis, des vomissement, une paralysie faciale, un retard de croissance. Chez le nouveau-né ou le nourrisson on peut noter des convulsions et une défaillance cardiaque [12]. Dans l’expérience des Enfants Malades [3], sur 94 enfants, 34 se sont présentés avec des symptômes de détresse neurologique ou d’insuffisance cardiaque aiguë, 36 avec une symptomatologie modérée. Il s’agissait d’une découverte fortuite pour 24 enfants. Dans la recherche d’un retentissement viscéral c’est l’hypertrophie ventriculaire gauche qui est le critère le plus sensible et le plus souvent retrouvé. Un retentissement au fond d’œil est retrouvé chez environ 25 % des enfants.
L’hypertension artérielle maligne ou menaçante
Elle a été définie ci-dessus. Elle nécessite une hospitalisation et un traitement antihypertenseur en urgence (Tableau 1) car il existe un risque d’encéphalopathie hypertensive et de défaillance cardiaque.
TABLEAU I. — Les antihypertenseurs utilisés en pédiatrie.
Dose Classe Initiale Maximum Pharmaceutique Poussée hypertensive
Nifedipine I.C.
0,25 mg/kg 0,5 à 1 mg/kg Nicardipine I.C.
0,5-4 µg/kg/mnIV 4 µg/kg/mn IV Nitroprussiate de Sodium V.D.
0,5 µg/kg/min IV 8 µg/kg/min IV Labetalol αetβ B 1 mg/kg/hr/IV 3 mg/kg/hr IV Traitement au long cours
Captopril Nouveau-né 0,03 mg/kg/j 2 mg/kg/j I.E.C.
} Enfants 1,5 mg/kg/j 6 mg/kf/j Enalapril I.E.C.
0,15 mg/kg/j 0,75mg/kg/j Nifedipine I.C.
0,25 mg/kg/j 3 mg/kg/j Isradipine I.C.
0,07mg/kg/j 0,9 mg/kg/j Propranolol β B 1 mg/kg/j 8 mg/kg/j Acebutol β B 1 mg/kg/j 8 mg/kg/j Prazosin α B 0,05-0,1 mg/kg/j 0,5 mg/kg/j Minoxidil V.D.
0,1-0,2 mg/kg/j 1 mg/kg/j Hydrochlorothiazide Diurétique 1 mg/kg/j 2-3 mg/kg/j Furosémide Diurétique 1 mg/kg/j 12 mg/kg/j Bumetanide Diurétique 0,02-0,05 mg/kg/j 0,3 mg/kg/j I.C. = Inhibiteur des canaux calciques β B = β bloqueur V.D.= Vasodilatateur direct I.E.C. = Inhibiteur de l’enzyme de conversion α et β B = α et β bloqueur α B = α bloqueur CONFIRMER QU’IL S’AGIT D’UNE HTA RÉNOVASCULAIRE
Un examen clinique préalable complet recherche un souffle abdominal ou lombaire.
On recherchera également un souffle crânien, orbitaire, ou cervical pouvant évoquer une maladie vasculaire plus étendue.
Le diagnostic est évoqué par l’élimination des autres causes d’HTA et confirmé par des examens complémentaires . L’activité rénine plasmatique (ARP) périphérique n’est pas toujours élevée.
Quand elle est élevée, elle reste de grande valeur [13]. Elle doit être appréciée en tenant compte de la valeur de l’excrétion urinaire du sodium. Dans ces circonstances, la prise orale de captopril [14] entraîne une chute significative de la pression artérielle. Le test au captopril décrit par Case et Laragh [15] permet de mettre en évidence une élévation de l’ARP qui est beaucoup plus importante en cas d’HTA rénovasculaire.
Le dosage de l’ARP sur prélèvements obtenus par cathétérisme séparé des veines rénales est plus sensible [16, 17]. Il montre une élévation significative de l’ARP du côté du rein responsable de l’HTA et une diminution du côté controlatéral [18]. Mais cet examen est agressif. Les pédiatres se contentent souvent des examens d’imagerie.
L’exploration de départ est basée sur l’échographie rénale qui peut montrer une asymétrie de la taille des reins et sur l’écho-doppler [19, 20]. C’est un bon examen de débrouillage lorsqu’il montre une modification uni ou bilatérale du flux sanguin. Il est souvent couplé à une scintigraphie au DTPA ou Mag 3. Ces derniers examens visualisent une hypoperfusion rénale globale ou une zone parenchymateuse isché- mique [16].
L’artériographie sélective reste l’examen de référence permettant au mieux de mettre en évidence les anomalies vasculaires. Les nouvelles techniques d’imagerie déjà largement utilisées chez l’adulte commencent à l’être chez l’enfant : angioIRM [21, 22], angioscanner [23]. Beaucoup moins agressives pour l’enfant, elles ont déjà donné des résultats très intéressants en visualisant l’atteinte vasculaire.
Nous ne reviendrons que très rapidement sur les causes vasculaires responsables de l’HTA rénovasculaire de l’enfant décrites par M. Lacombe [4] et par Ingelfinger et Dillon [24]. Dans la série rapportée par G. Deschênes [3] soixante-cinq malades ont pu être classés selon les critères cliniques, radiologiques et histologiques : maladie de Von Recklinghausen : 17 cas, dysplasie fibro-musculaire : 11, artériopathie calcifiante diffuse : 11, thrombose de l’artère rénale : 10, syndrome de Williams-Beuren :
4, maladie de Takayashu : 3 et pathologies diverses : 19. Vingt-neuf autres malades ont été classés selon leurs lésions radiologiques : sténose isolée de l’artère rénale : 15, artériopathie multiples : 11 et lésions diverses : 3.
Toute compression extrinsèque de l’artère rénale — quel qu’en soit le mécanisme — peut aussi être source d’HTA sévère, en l’absence de toute maladie artérielle.
Nous avons décrit une HTA sévère d’un nouveau-né secondaire à une compression de l’artère rénale par un hématome de la surrénale [25] Pronostic à long terme
Le pronostic à long terme de l’HTA rénovasculaire est variable d’une publication à l’autre. Lorsque la cause a pu être efficacement traitée elle permet dans la grande majorité des cas une normalisation définitive de la pression artérielle. Dans l’expé- rience de M. Lacombe [4], au terme d’une surveillance de 1 à 18 ans, 82 % des enfants sont normotendus et ne suivent ni régime ni traitement.
Cependant un petit nombre d’enfants restent hypertendus et nécessitent la poursuite d’un traitement médical antihypertenseur.
Les résultats obtenus par l’angioplastie endolumminale sont encourageants [26] mais les séries pédiatriques ne sont pas importantes et il existe encore des complications : thrombose ou resténose de l’artère rénale, responsables de la persistance ou de la réapparition d’une HTA.
Diagnostic différentiel
On rencontre d’autres situations cliniques où il existe une hypersécrétion de rénine.
C’est le cas d’un grand nombre de néphropathies glomérulaires. L’ischémie du parenchyme rénal peut être induite par une tumeur comme le néphroblastome [27].
L’hypoplasie rénale avec aspect de rein cicatriciel est associée souvent à un reflux vésico-urétéral. Quand il existe une HTA elle correspond le plus souvent à une hypoplasie segmentaire avec élévation de l’ARP [28].
Le syndrome hémolytique et urémique est souvent responsable d’HTA chez l’enfant en phase aiguë ou comme séquelle [29, 2]. Dans une série de 70 enfants rapportée par R. Habib [30], 24 avaient une HTA au décours de la phase initiale.
A noter que la sécrétion inappropriée de rénine peut provenir non pas du parenchyme rénal lui-même mais d’une tumeur sécrétant de la rénine. La localisation de cette tumeur à rénine est aussi bien rénale qu’extra-rénale [31, 32]. Nous avons observé récemment une HTA survenue chez une enfant de 13 ans secondaire à une sécrétion de rénine par une tumeur de l’ovaire. La pression artérielle s’est normalisée après l’ablation chirurgicale de la tumeur. Nous n’avons pas retrouvé d’observations pédiatriques dans la littérature, mais cette situation a été décrite chez l’adulte [33] LE TRAITEMENT MÉDICAL
Nous n’aborderons ni le traitement chirurgical ni le traitement par angioplastie transcutanée mais uniquement le traitement médicamenteux.
Le traitement antihypertenseur chez l’enfant et l’adolescent repose principalement sur 6 grandes familles de molécules :
— les diurétiques, — les inhibiteurs des canaux calciques, — les β bloquants, — les α bloquants, — les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), — les antagonistes des récepteurs de type I de l’angiotensine II.
Le minoxidil est un vasodilatateur puissant, il n’est que très rarement utilisé.
Le nitroprussiate de Na était utilisé dans les poussées hypertensives graves. Son utilisation est également devenue exceptionnelle.
Le labetalol, qui est un α et β bloquant a l’avantage de pouvoir être donné par voie IV.
En cas d’HTA rénovasculaire la prescription d’IEC doit être prudente. Ce type de médicament entraîne une inhibition de la vasoconstriction de l’artériole glomérulaire efférente. Cet effet peut être responsable d’une baisse de la filtration glomérulaire en aval de l’artère rénale sténosée [34].
Problème de la posologie des antihypertenseurs chez l’enfant
Les doses utilisées chez l’enfant ont été calculées à partir des doses recommandées par l’industrie pharmaceutique pour l’adulte.
Les enfants sont traités mais les doses établies empiriquement ne peuvent pas être proposées par les fabricants comme des recommandations.
Les posologies conseillées dans des articles [12 et Tableau 1] ne sont pas toutes basées sur des études pharmacologiques pédiatriques. Il manque encore beaucoup de travaux permettant d’obtenir des conclusions qui soient partaitement adaptées à l’enfant [35, 36].
Des formes galéniques inadaptées à l’enfant [37]
Comme pour tous les médicaments fabriqués initialement pour l’adulte, les suspensions ou autres formes galéniques adaptées à l’enfant n’existent pas, sauf pour :
— Acebutol (solution à 40 mg/ml)(en pharmacies hospitalières), — Furosemide (solution à 10 mg/ml), — Nifedipine (solution à 1 mg/0,4ml) (Pharmacie Centrale).
Ce sont des préparations « extemporanées » pour transformer les comprimés et les capsules en suspension.
Cependant le problème de la stabilité des suspensions extemporanées est posé. La stabilité des suspensions a été étudiée lors d’études monocentriques pour :
— Captopril, Enalapril, Isoprinil, — Losartan, — Labetalol, Atenolol, Metaprolol, — Amladipine, Isradipine [38].
L’industrie pharmaceutique ne prend pas en charge la fabrication de formes galé- niques adaptées à l’enfant. L’information va donc continuer à venir d’études monocentriques.
Des molécules antihypertensives qui n’ont pas l’AMM en pédiatrie
La plupart des molécules antihypertensives modernes n’ont pas obtenu l’AMM en pédiatrie. Les firmes pharmaceutiques ne sont pas intéressées financièrement par l’obtention de cette AMM. Celle-ci nécessitera des études complexes, coûteuses, difficiles et qui n’aboutiront qu’à un nombre infime de prescriptions par rapport à la population adulte.
L’Enalapril est l’inhibiteur de l’enzyme de conversion de référence en pédiatrie.
Pourtant dans le Vidal 2003 il est bien spécifié que chez l’enfant « la tolérance et l’efficacité n’ont pas été démontrées par des études contrôlées ».
Le néphrologue pédiatre est pris entre deux choix : prendre le risque médico-légal d’utiliser une molécule qui n’a pas l’AMM ou bien être insuffisamment efficace pour traiter une HTA sévère.
Ce problème n’est pas propre à la France. Il a existé également aux Etats-Unis qui ont essayé de pallier ces inconvénients par le « Food and drug administration (FDA) modernization act (1997) » .
Ils ont établi une liste des drogues potentiellement bénéfiques chez l’enfant. Il est demandé aux fabricants de mettre en place des études pour définir les doses efficaces et la tolérance chez l’enfant.
Les fabricants reçoivent en échange 6 mois d’exclusivité du marché. La FDA est impliquée dans l’aide aux laboratoires pour ces études.
L’Europe est en train de calquer son attitude sur les Etats Unis : « Better medicines for Children » .
On peut espérer que cette incitation permettra en France et en Europe de pallier cet énorme inconvénient auquel font face les néphrologues pédiatres.
CONCLUSIONS
Bien que rare, l’hypertension rénovasculaire de l’enfant doit être évoquée chaque fois qu’est mise en évidence une hypertension artérielle.
La cause exacte est plus facilement retrouvée grâce aux moyen modernes de l’imagerie médicale.
Le pédiatre dispose, en théorie, de toutes les molécules antihypertensives modernes qui sont le plus souvent très efficaces pour contrôler les HTA même sévères.
Des problèmes très importants restent non encore totalement résolus : celui des posologies par manque d’études contrôlées, les formes galéniques inadaptées et l’absence de l’obtention de l’AMM chez l’enfant.
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DISCUSSION
M. Christian NEZELOF
J’aimerais faire état d’une expérience acquise auprès de l’équipe des Enfants Malades (Mme Renée Habib, M. Broyer et M. Mathieu) et demander si un certain nombre de sténoses dysplasiques n’étaient pas associées à une neurofibromatose de Von Recklinghausen, laquelle pourrait expliquer le caractère bilatéral de la sténose et la survenue de récidives ?
Effectivement l’existence de sténose de l’artère rénale secondaire à une dysplasie fibromusculaire associée à une maladie de Von Recklinghausen est fréquente. Dans la série rapportée par G. Deschênes portant sur 65 enfants traités pour HTA rénovasculaires, 17 avaient une maladie de Recklinghausen.
M. Roger NORDMANN
Vous avez insisté sur la difficulté du traitement médical anti-hypertenseur chez l’enfant, difficulté liée à l’absence d’études validées sur la posologie indiquée en pédiatrie, ainsi que l’absence de formes galéniques adaptées. Vous avez rappelé que, pour remédier à cet état de fait, la Food and Drug Administration avait proposé d’augmenter de 6 mois la durée d’exclusivité pour les médicaments faisant l’objet d’une étude spécifique en pédiatrie. Ces recommandations ont-elles été suivies d’effets aux Etats-Unis et quelle est la situation en France ?
Les recommandations de la FDA ont été suivies d’effet, elles ont permis de lancer des études pédiatriques. Elles ont influencé les autorités européennes qui ont publié des instructions incitatives « Better medicines for children ». Les effets commencent à se faire sentir en France, ainsi une étude pédiatrique d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion vient — enfin — d’être mise sur pied et financée par les laboratoires Servier. Les laboratoires Novartis ont également promis une étude pédiatrique d’un anti-hypertenseur.
M. Pierre BÉGUÉ
Les sténoses primitives répondent-elles toujours aussi bien à l’intervention, ne reste-il pas une « maladie hypertensive » résiduelle chez certains enfants ?
Dans la grande majorité des cas le traitement chirurgical de la sténose permet la normalisation de la pression artérielle. Selon les séries cependant, un traitement antihypertenseur doit être poursuivi chez 10 à 20 % des enfants.
M. Jean SÉNÉCAL
Des enquêtes épidémiologiques, françaises et étrangères, ont-elles permis de préciser l’incidence de l’HTA chez l’enfant ?
Les enquêtes épidémiologiques ont surtout porté sur les chiffres tensionnels normaux de l’enfant. Rappelons l’étude menée par J.L André à Nancy qui a porté sur 17 067 enfants
âgés de 4 à 18 ans. Avec les définitions actuelles 2,5 % des enfants sont au-dessus du 97,5è percentile. Ils sont donc hypertendus, mais la grande majorité de ces enfants ont une « hypertension artérielle limite » qui n’est pas toujours confirmée après une 2ème prise.
Dans une étude épidémiologique américaine faite chez des lycéens américains la prévalence de l’HTA passe de 4,2 % après une prise tensionnelle à 1,1 % après une seconde prise.
M. Michel BOUREL
Quel est le mécanisme évoqué pour expliquer la paralysie faciale qui peut accompagner l’hypertension rénovasculaire de l’enfant ?
Le mécanisme évoqué est l’existence d’une vasoconstriction importante contemporaine de l’H.T.A qui entraîne une ischémie du nerf facial. Cependant, je ne connais pas d’étude permettant d’étayer avec rigueur cette hypothèse.
M. Raymond ARDAILLOU
Une des raisons de la rareté des essais thérapeutiques chez l’enfant n’est-elle pas la difficulté d’appliquer la loi Huriet à cet âge de la vie, et en particulier d’effectuer des phases I ?
La difficulté d’appliquer la loi Huriet en pédiatrie est effectivement un problème. Pour les anti-hypertenseurs ce ne sont pas des études de phase I qui sont souhaitées par les pédiatres. Ce sont principalement des études pharmacologiques permettant de mieux adapter les posologies et des essais thérapeutiques portant sur des formes galéniques adaptées à l’enfant. Le protocole d’Helsinki stipulant que seules les molécules déjà validées chez l’adulte peuvent être étudiées chez l’enfant doit bien évidemment être appliqué à la lettre.
M. Jacques-Louis BINET
Avez-vous besoin de l’Académie pour faire reprendre cette pharmacologie en pédiatrie ?
Je pense que l’Académie peut aider les néphrologues pédiatres mais également tous les pédiatres. La pharmacologie d’une molécule est différente chez l’adulte et chez l’enfant, notamment le nouveau-né et le nourrisson. Dans l’ignorance de celle-ci des erreurs peuvent être commises dans la prescription d’un médicament. Une action sur les laboratoires ne peut pas venir des pédiatres mais uniquement des autorités de tutelle françaises et européennes. L’Académie de médecine peut agir en informant les autorités.
* Service de Néphrologie Pédiatrique, Hôpital d’Enfants Armand Trousseau — 26, avenue du Docteur Arnold Netter — 75012 Paris. ** Service de Néphrologie Pédiatrique, Hôpital Robert Debré — 48, boulevard Sérurier — 75019 Paris . Tirés-à-part : Professeur Albert BENSMAN, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 24 mars 2003, accepté le 5 mai 2003.
Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 6, 1067-1079, séance du 17 juin 2003