Communication scientifique
Séance du 8 juin 2010

Génétique et sensibilité aux papillomavirus : le modèle de l’épidermodysplasie verruciforme

MOTS-CLÉS : infections à papillomavirus. prédisposition génétique a une maladie.
Genetics and susceptibility to human papillomaviruses : epidermodysplasia verruciformis, a model disease
KEY-WORDS : carcinoma. epidermodysplasia verruciformis. genetic predisposition to disease. keratinocytes. papillomavirus infections

Gérard Orth

Résumé

Une grande variabilité interindividuelle caractérise l’issue des infections causées par les papillomavirus humains (HPV), quel que soit leur potentiel oncogène. Les facteurs géné- tiques et les mécanismes mis en jeu sont mal connus. Leur complexité est illustrée par l’épidermodysplasie verruciforme (EV), une génodermatose autosomique récessive rare, qui comporte un risque élevé de carcinome cutané. Cette maladie modèle reflète une sensibilité anormale aux bêtapapillomavirus, des virus ubiquitaires, comme HPV-5, associé aux cancers de l’EV. La majorité des cas est due à une mutation inactivant l’un ou l’autre des gènes apparentés, EVER1 et EVER2. Cette inactivation compense, très vraisemblablement, l’absence d’un gène viral (E5 ou E8) essentiel au pouvoir pathogène des papillomavirus. Les protéines E5 ou E8 interfèrent avec l’interaction des protéines EVER et d’un transporteur de zinc, ZnT1. L’EV constitue donc, vraisemblablement, un déficit primaire de l’immunité intrinsèque (constitutive) ou de l’immunité innée envers les bêtapapillomavirus, lié à une modulation de l’homéostasie du zinc au cours de l’infection des kératinocytes. Il reste à établir quels gènes jouent un rôle majeur dans les réponses antivirales, intrinsèques, innées, ou acquises, lors des infections par les autres papillomavirus humains, comme les HPV génitaux oncogènes.

Summary

The outcomes of infection by human papillomaviruses (HPV), both oncogenic and non oncogenic, show major interindividual variability. The underlying genetic factors and mechanisms are poorly known, but their complexity is illustrated by epidermodysplasia verruciformis (EV), a rare autosomal recessive genodermatosis associated with a high risk of non melanoma skin cancer. This model disease is characterized by abnormal susceptibility to widespread betapapillomaviruses, including HPV-5, a virus associated with EV cancers. Most cases of EV are caused by a mutation that inactivates either of two related genes, EVER1 and EVER2. This inactivation likely compensates for the absence of a viral gene (E5 or E8) essential for HPV pathogenicity. Proteins E5 and E8 interfere with the interaction between EVER proteins and ZnT1, a zinc transporter. EV is thus likely to represent a primary defect of intrinsic (constitutive) immunity or innate immunity to betapapillomaviruses, involving modulation of zinc homeostasis upon keratinocyte infection. It remains to be established which cellular genes are involved in intrinsic, innate or acquired immune responses to other human papillomaviruses, including oncogenic genital types.

INTRODUCTION

Les infections causées par les papillomavirus humains (dénommés HPV) représentent un important problème de santé publique. Si nombre de ces virus ne provoquent que des tumeurs bénignes de la peau, d’autres sont à l’origine des maladies virales à transmission sexuelle les plus fréquentes. Parmi ceux-ci figurent les agents étiologiques du cancer du col de l’utérus (le second cancer féminin à l’échelle mondiale), de cancers des organes génitaux externes et de la région anale, et de cancers de l’oropharynx [1-3]. Une grande variation interindividuelle caractérise l’issue de l’infection par les HPV, de l’infection inapparente au cancer [4]. Les réponses immunitaires de l’hôte à l’infection par ces virus ne sont encore que partiellement comprises [5]. Les facteurs génétiques qui jouent, très vraisemblablement, un rôle majeur dans l’histoire naturelle de l’infection restent très mal connus [6, 7]. Une maladie modèle, l’épidermodysplasie verruciforme, a permis récemment des progrès dans la compréhension de ces facteurs et des mécanismes mis en jeu [6-8].

LES INFECTIONS PAR LES PAPILLOMAVIRUS HUMAINS

Caractères généraux des papillomavirus humains

Cent vingt-quatre types de papillomavirus humains (HPV-1 — HPV-124)) ont été caractérisés à ce jour et des dizaines de types additionnels ont été identifiés [9]. Leur capside nue contient une molécule d’ADN circulaire constituée de 7 500 à 8 000 paires de nucléotides. Les différents types d’HPV présentent une organisation génétique similaire. Huit phases ouvertes de lecture, localisées sur le même brin de l’ADN viral, sont réparties en deux régions, E et L (Figure 1) situées en aval d’une région de régulation non codante [1, 2]. Une grande diversité phylogénétique et biologique traduit l’étonnante multiplicité des HPV. La comparaison de la séquence nucléotidique des ADN viraux a conduit à répartir les types d’HPV dans cinq genres ( Alphapapillomavirus, Betapapillomavirus, Gammapapillomavirus, Mupapillomavirus et Nupapillomavirus) et, au sein de ces genres, dans de nombreuses espèces [9].

 

Cette classification phylogénétique reflète le tropisme, le pouvoir pathogène et le potentiel oncogène des HPV [1, 2] (Tableau 1).

Tableau 1. — Principaux papillomavirus humains Genres Espèces Types Tropisme Maladies Alphapapillomavirus α1 32 Oral Maladie de Heck α2 3, 10, 28 Cutané Verrues planes α4 2, 27, 57 Cutané Verrues vulgaires α7 18, 39, 45, 59, 68 Anogénital Lésions intraépithéliales, carcinomes α9 16, 31, 33, 35, 52, 59 Anogénital Lésions intraépithéliales, carcinomes α10 6, 11 Anogénital Condylomes acuminés 13 Oral Maladie de Heck Betapapillomavirus β1 5, 8, 12, 14, 20, 36, Cutané Epidermodysplasie verruciforme 47 β2 9, 15, 17, 38 Cutané Epidermodysplasie verruciforme β3 49 Cutané Épidermodysplasie verruciforme Gammapapillomavirus γ1 4, 65 Cutané Verrues γ2 60 Cutané Verrues Mupapillomavirus μ1 1 Cutané Verrues plantaires profondes μ2 63 Cutané Verrues Nupapillomavirus ν 41 Cutané Verrues Infections par les papillomavirus humains

Les HPV infectent spécifiquement les kératinocytes des épithéliums malpighiens de la peau ou de certaines muqueuses. Les cellules souches de ces épithéliums constituent, très vraisemblablement, leur cible [10]. Aucun des systèmes usuels de culture cellulaire ne permet leur multiplication in vitro . Leur réplication in vivo est étroitement liée à l’expression de la différenciation terminale des kératinocytes [1, 2].

Chaque type d’HPV possède un tropisme et un pouvoir pathogène spécifiques (Tableau 1). Les HPV sont ubiquitaires. Les infections sont souvent acquises très tôt dans l’enfance (HPV cutanés) ou dès le début de l’activité sexuelle (HPV génitaux).

Leur issue varie beaucoup en fonction de l’hôte, mais aussi du type d’HPV. Les infections sont souvent latentes (asymptomatiques) et transitoires. Elles peuvent se traduire par des proliférations épithéliales bénignes de la peau ou des muqueuses (Tableau 1). Ces lésions régressent en général. Mais certains HPV ont un potentiel oncogène et les lésions intraépithéliales qu’ils provoquent peuvent persister et évoluer vers le carcinome in situ et le carcinome invasif. Parmi eux figurent les HPV responsables, entre autres, des carcinomes du col utérin, comme les HPV-16 et -18, ou responsables des carcinomes cutanés de l’épidermodysplasie verruciforme (EV), comme l’HPV-5 [1-3] (Tableau 1).

 

L’infection latente ne requiert, très vraisemblablement, que l’expression des protéines E1 et E2, mises en jeu dans la réplication du génome viral (E1, E2), la régulation de sa transcription (E2) et la ségrégation de l’ADN viral dans les cellules en division (E2). La production d’une lésion et la réplication virale qui l’accompagne représentent un double défi pour les HPV. Il leur faut stimuler la prolifération des cellules souches épithéliales quiescentes, puis se multiplier dans des kératinocytes qui ne se divisent plus, au cours de leur différenciation terminale. La stratégie commune à la plupart des HPV met en jeu les protéines E5/E8, E6 et E7. L’interaction d’E6 et d’E7 avec des protéines cellulaires entraîne, d’une part, l’activation de la machinerie de synthèse d’ADN de la cellule et une progression dans le cycle cellulaire et, d’autre part, l’inhibition de l’apoptose qui résulterait de l’induction d’une synthèse d’ADN non programmée. Les protéines E6 et E7 des HPV génitaux oncogènes interagissent avec des cibles cellulaires (p53, pRB, …) dont l’inactivation induit une instabilité génétique et chromosomique [1, 11]. Le rôle des protéines E5 et E8 dans l’expression des propriétés biologiques des HPV sera discuté par la suite.

Grande variation interindividuelle de l’issue des infections par les HPV

Diverses réponses cellulaires, mobilisant l’immunité intrinsèque, innée ou spécifique, sont mises en jeu dans le contrôle de l’infection par les kératinocytes, la guérison de l’infection, et la régression des lésions. Ces réponses immunitaires ne sont encore qu’imparfaitement connues [5, 12]. Elles mettent en jeu les constituants du système immunitaire cutané (incluant les kératinocytes) et des lymphocytes T CD4+ auxiliaires et CD8+ cytotoxiques spécifiques de protéines virales non structurales (E2, E6, E7, …). Certains HPV ont développé des stratégies pour échapper à ces réponses immunitaires, parmi lesquelles, l’inhibition de la synthèse des interfé- rons de type 1 et de la réponse à ces cytokines ou l’inhibition de l’expression des antigènes de classe I du complexe majeur d’histocompatibilité (MHC) [13]. Le rôle prépondérant des facteurs immunitaires dans la sensibilité aux HPV est illustré par la prévalence élevée des infections asymptomatiques et des maladies cutanées et génitales dues à ces virus, chez des patients présentant une immunodépression iatrogène (allogreffes d’organe) ou acquise (infection par le virus de l’immunodéficience humaine) [1, 2]. Un déficit immunitaire primaire, le syndrome de WHIM ( warts , hypogammaglobulinemia , infections and myelokathexis ), entraîne une prédisposition à des infections cutanées et génitales chroniques, généralement causées par des alphapapillomavirus. Cette maladie est associée à des mutations dans le gène d’un récepteur de chimiokine, CXCR4 [14].

Une grande variabilité interindividuelle caractérise l’issue des infections causées par les HPV dans la population générale. L’infection latente peut être transitoire ou persistante ; elle peut ou non conduire à une maladie ; les lésions peuvent régresser (très souvent) ou persister ; les lésions persistantes peuvent ou non évoluer vers la malignité. L’infection persistante par un HPV génital potentiellement oncogène (une quinzaine de types) constitue une condition nécessaire pour que se développent le précurseur immédiat du cancer du col de l’utérus (la néoplasie intraépithéliale de grade 3, regroupant la dysplasie sévère et le carcinome in situ ), puis le cancer. Cette persistance n’est observée que chez une minorité des patientes infectées [1, 2, 4]. Des cofacteurs augmentent le risque de cancer chez les femmes infectées (tabagisme, usage prolongé de contraceptifs oraux, …) [3].

Deux maladies sont caractérisées par une sensibilité anormale à des types spécifiques d’HPV : l’épidermodysplasie verruciforme [6], qui sera étudiée en détail, et la maladie de Heck (hyperplasie épithéliale focale orale), essentiellement observée chez des eskimos et des amérindiens [15]. Ces maladies ont une transmission mendélienne, ce qui souligne l’importance des facteurs génétiques et leur spécificité dans l’issue des infections par les HPV.

Rôle des facteurs génétiques dans l’histoire naturelle des infections

Les facteurs génétiques à l’origine de la variabilité de la réponse aux HPV dans la population générale ne sont que très incomplètement compris [2, 16, 17]. La sensibilité ou la résistance à ces virus devrait dépendre du polymorphisme ou de mutations de gènes de l’hôte intervenant à différentes étapes de l’infection : l’expression ou l’activité de protéines virales non structurales dans les kératinocytes, les réponses immunitaires à l’infection ou au développement d’une lésion, la progression tumorale (immortalisation, transformation maligne, métastase).

L’essentiel des travaux dans ce domaine a porté sur les facteurs génétiques associés à la persistance de l’infection par les HPV génitaux potentiellement oncogènes et à la progression des lésions intraépithéliales du col utérin vers le cancer [16-18]. Le rôle de facteurs génétiques a d’abord été étayé par des études d’agrégation familiale de cas de cancer du col de l’utérus et par l’observation d’une association positive ou négative récurrente entre ce cancer et certains allèles ou haplotypes de gènes de classe I et II du CMH (mis en jeu dans la présentation des antigènes viraux aux lymphocytes T) [16]. Les nombreuses études sur les relations entre le polymorphisme (arginine ou proline) du codon 72 du gène TP53 et le risque de cancer cervical ont eu des résultats équivoques [18]. L’étude de gènes candidats a révélé, récemment, l’association de variants de quelques gènes de la réponse immunitaire ou de la réparation de l’ADN avec le risque de persistance de l’infection (gènes IRF3 , IFNG , …) ou celui d’une progression vers le cancer (gènes FANCA, IFNG, … ) [16]. Ces premiers résultats sont à confirmer et ces études d’association devraient s’étendre à l’échelle du génome entier. L’étude d’une génodermatose, l’épidermodysplasie verruciforme, a montré la nécessité de ne pas avoir d’idées préconçues pour aborder ce problème.

L’ÉPIDERMODYPLASIE VERRUCIFORME

Historique

L’épidermodysplasie verruciforme (EV) a été décrite en 1922 par Lewandowsky et Lutz [19]. La patiente décrite avait des parents consanguins et présentait des papules squameuses rougeâtres disséminées sur tout le corps. Elle développa un carcinome invasif du front à l’âge de 25 ans. La consanguinité parentale et le caractère familial de la maladie observés pour certains des premiers cas décrits conduisirent, dès 1933, à postuler que l’EV était transmise par un gène récessif [20]. Mais, durant les 25 années qui ont suivi sa description, la nature de la maladie a été un sujet de controverses : anomalie héréditaire de la différenciation épidermique associée à une prédisposition au développement de cancers cutanés, pour certains ; forme particulière de verrucose généralisée, pour d’autres [6, 21].

La nature virale de l’EV a été établie par des expériences d’auto et d’hétéroinoculation d’extraits de lésions [22, 23], puis par l’observation de particules virales, de morphologie similaire à celle du virus de la verrue, dans les lésions bénignes, faisant de l’EV un modèle pour étudier le rôle des virus dans l’oncogenèse [23]. La découverte de la pluralité du virus de la verrue en 1977 a conduit à la mise en évidence de l’association de l’EV à des types spécifiques d’HPV [24, 25] et à celle du rôle de l’un de ces virus dans la genèse des cancers [21, 26, 27]. Ces virus se sont révélés être à l’origine d’infections asymptomatiques très fréquentes dans la population générale [28-30]. L’hétérogénéité génétique de la maladie a été démontrée et les deux principaux gènes associés à l’EV ont été identifiés [31, 32]. D’où cette définition de l’EV : une maladie cutanée autosomique récessive rare, comportant un risque élevé de cancer cutané, qui résulte d’une sensibilité anormale à un groupe d’HPV spécifiques ubiquitaires (bêtapapillomavirus), dont certains ont un potentiel oncogène [6, 21].

Le phénotype de l’épidermodysplasie verruciforme

Clinique

L’EV débute en général avant l’âge de dix ans. La maladie est caractérisée par des lésions cutanées, ayant l’aspect de verrues planes ou de macules brunâtres, rougeâ- tres ou achromiques. Ces lésions sont réfractaires aux traitements usuels et persistent durant toute la vie. Les couches épineuse et granuleuse de l’épiderme renferment des kératinocytes « dysplasiques », au cytoplasme hypertrophié faiblement coloré et au noyau vacuolisé. Ces cellules traduisent l’effet cytopathogène qu’induit la réplication des virus spécifiquement associés à l’EV. Environ vingt ans après le début de la maladie, plus de la moitié des patients développe des lésions précancé- reuses (maladie de Bowen, kératoses actiniques), puis des carcinomes spinocellulaires de la peau, en général au niveau de régions exposées au soleil [33]. Les patients sont, par ailleurs, en bonne santé. Chez une minorité d’entre eux, cependant, la maladie est associée à un retard mental ou à d’autres anomalies congénitales [34].

Virologie

Les lésions d’EV sont provoquées par un groupe de virus apparentés (dénommés, à l’origine, HPV de l’EV) regroupés maintenant dans le genre Betapapillomavirus [9, 21] . Ce genre comprend actuellement 39 types d’HPV ; une vingtaine de ces virus a été initialement identifiée à partir de cas d’EV. Les patients sont généralement infectés par de multiples types de bêtapapillomavirus et, souvent, le sont également par HPV-3, un alphapapillomavirus à l’origine de verrues planes dans la population générale. Les lésions polymorphes d’EV sont caractérisées par leur richesse en particules virales. L’ADN viral est aisément détecté par des méthodes d’hybridation moléculaire, sans amplification préalable [21, 33].

Contrastant avec la grande multiplicité des types d’HPV associés aux lésions bénignes, seuls HPV-5 et, occasionnellement, les types 8, 14, 17, 20 et 47 sont détectés dans les cancers. Chaque cellule tumorale contient des copies multiples du génome viral à l’état épisomique et d’abondant transcrits des gènes E6 et E7 [21].

Des anticorps dirigés contre l’une ou l’autre des protéines E6 et E7 sont présents chez 70 % des patients. Ces données indiquent que le processus de carcinogenèse cutanée requiert la présence et l’expression du génome du HPV-5 ou de bêtapapillomavirus apparentés. La présence fréquente de mutations du gène TP53 dans les lésions prémalignes et malignes suggère un rôle syncarcinogénique de ces virus et des radiations ultraviolettes du soleil dans la genèse de cancers cutanés chez de jeunes adultes atteints d’EV [35].

Immunologie

Les patients souffrant d’EV ne sont pas anormalement prédisposés aux infections bactériennes, virales ou fongiques, en particulier à l’infection par les HPV induisant des maladies génitales ou des verrues dans la population générale (à l’exception d’HPV-3). L’immunité humorale de ces patients est préservée [33] et la présence d’anticorps dirigés contre HPV-5 et d’autres bêtapapillomavirus est régulièrement mise en évidence [36, 37]. On ignore encore quel dysfonctionnement de l’immunité innée ou de l’immunité acquise conduit à la persistance des lésions d’EV, alors que les verrues régressent le plus souvent dans la population générale [38]. Une réponse anormale de lymphocytes T ou de cellules tueuses naturelles de patients à des kératinocytes autologues infectés a été rapportée, mais ces travaux anciens demandent confirmation [39].

Certains troubles de l’immunité cellulaire non spécifique, révélés par des tests in vitro et in vivo , ont été observés chez la plupart (mais pas la totalité) des patients décrits dans la littérature [39-41]. L’anomalie la plus constante est une anergie à la sensibilisation par le dinitrochlorobenzène [41]. On ignore si ces anomalies, en particulier celles qui affectent l’immunité cellulaire locale, résultent d’un déficit immunitaire primaire et pourraient jouer un rôle dans la pathogénie de la maladie, ou sont secondaires à l’infection virale chronique massive [39, 41].

Les bêtapapillomavirus en dehors de l’EV

Rareté des phénocopies d’EV au cours d’une immunodépression

Les patients immunodéprimés à l’occasion d’une allogreffe d’organe ont un risque élevé de développer des verrues et des carcinomes cutanés. Cependant, des phéno- copies d’EV (caractérisées par la présence de macules et de cancers cutanés associés au HPV-5) ne sont que très rarement observées au cours de l’immunodépression iatrogène. Il en est de même au cours de l’immunodépression acquise après une infection par le virus de l’immunodéficience humaine [42, 43]. Les verrues observées chez des patients immunodéprimés et des sujets de la population générale sont causées par les mêmes types d’HPV (Tableau 1). Pour qu’un bêtapapillomavirus soit détecté dans ces verrues, sans amplification préalable des séquences virales, une co-infection par HPV-3 ou un type apparenté semble nécessaire [44].

L’immunosuppression n’est donc pas une condition suffisante pour que soit levée la restriction qui s’exerce sur l’expression des propriétés biologiques des bêtapapillomavirus dans la population générale. Une maladie évoquant l’EV peut survenir chez des malades atteints d’un déficit immunitaire combiné sévère traité par une transplantation de cellules souches hématopoïétiques, mais uniquement lorsque ce déficit est dû à des mutations de la chaîne γc commune à différents récepteurs de cytokine ou de la tyrosine kinase JAK-3 associée à ces récepteurs [45]. La vulnérabilité aux bêtapapillomavirus requiert donc un dysfonctionnement immunitaire spécifique, auquel participent très vraisemblablement les kératinocytes.

Les bêtapapillomavirus sont-ils des virus commensaux ?

Le réservoir des HPV spécifiques de l’EV a longtemps été une énigme. L’utilisation d’approches de PCR conçues pour détecter les HPV spécifiques de l’EV et de nouveaux virus apparentés a apporté une profusion d’informations sur l’épidémiologie et la biologie de ces virus. Une diversité impressionnante des bêtapapillomavirus a été mise en évidence. La prévalence des infections asymptomatiques de la peau par ces virus s’est révélée très élevée et il a été montré que ces infections pouvaient être acquises très tôt dans la première enfance [6, 28-30]. Cependant, la prévalence des anticorps spécifiques de ces virus est faible (inférieure à 10 %) chez l’adulte dans la population générale [36, 37, 46]. Compte tenu du caractère ubiquitaire et asymptomatique des infections, il a été proposé que les bêtapapillomavirus étaient des commensaux de la peau humaine [30].

Les bêtapapillomavirus sont-ils inoffensifs ?

L’innocuité des bêtapapillomavirus pour la population générale reste un sujet de controverses [47]. Des séquences d’ADN de ces virus ont été détectées dans 25 % à 60 % des carcinomes basocellulaires et des carcinomes spinocellulaires cutanés de malades immunocompétents et dans environ 90 % des cancers spinocellulaires de receveurs de greffes d’organe. Il en est de même pour les kératoses actiniques [48].

Mais la faible quantité de ces séquences (en général très inférieure à une copie du génome viral par cellule) impose une amplification préalable à leur détection [48, 49]. Ces observations, et d’autres, ont conduit à suspecter que les bêtapapillomavirus joueraient un rôle dans la carcinogenèse cutanée chez des patients non atteints d’EV [48, 50, 51]. Les effets mutagène et immunodépresseur des radiations ultraviolettes du soleil représentent le facteur de risque majeur pour le développement des cancers de la peau. Une contribution des bêtapapillomavirus nécessiterait des mécanismes différents de ceux qui conduisent à un carcinome du col de l’utérus ou à un carcinome cutané de l’EV, en mettant en jeu l’expression continue des oncogè- nes viraux dans chaque cellule tumorale [47].

Une levée partielle de la restriction à l’infection par les bêtapapillomavirus est associée à des maladies de la peau comportant une hyperprolifération de l’épiderme.

Les anticorps spécifiques du HPV-5 ont une prévalence plus élevée (de 10 à 20 fois) chez les patients atteints de psoriasis, par comparaison avec la population générale [36]. Il en est de même pour d’autres conditions pathologiques entraînant une prolifération intensive des kératinocytes (formes sévères de diverses maladies bulleuses, brûlures étendues) [46]. HPV-5 et d’autres bêtapapillomavirus ont été détectés par une approche très sensible de PCR (mais parfois directement par hybridation moléculaire) dans la grande majorité des lésions de patients atteints de psoriasis. Ces patients pourraient constituer un réservoir du HPV-5 [36]. Il a été proposé qu’HPV-5 et d’autres HPV associés à l’EV pourraient jouer un rôle dans la pathogénie de la maladie [52], mais il reste à démontrer que les oncoprotéines virales sont exprimées à un niveau suffisant pour contribuer à l’hyperprolifération des kératinocytes et à la réaction auto-immune caractérisant le psoriasis.

LES GENES EVER

L’EV, une maladie autosomique récessive hétérogène

Plusieurs observations sont compatibles avec une transmission autosomique récessive de l’EV (MIM 226400). Environ 10 % des patients décrits dans la littérature sont nés d’un mariage consanguin et environ 10 % des familles comportent plus d’un enfant atteint. La proportion des enfants malades est proche de 25 % et leur sex-ratio est voisin de 1 [34]. Un exemple de transmission récessive liée au chromosome X (MIM 305350) a cependant été rapporté [53]. L’analyse génétique de familles consanguines a permis de confirmer l’hétérogénéité non allélique de l’EV, en mettant en évidence deux loci de sensibilité. L’un, EV1 , est localisé dans la région chromosomique 17q25 ; l’autre,

EV2 , est inclus dans la région 2p21-p24 [31, 54].

 

Les gènes

EVER et leur rôle dans la majorité des cas d’EV

L’analyse de la région

EV1 a révélé l’existence de mutations non-sens homozygotes ségrégant avec la maladie, dans l’un ou l’autre de deux nouveaux gènes adjacents, initialement nommés EVER1 et EVER2 [32] . Ces gènes ont été ensuite renommés

TMC6 et TMC8 en raison de leur appartenance à une nouvelle famille de gènes très conservés, les gènes

TMC ( transmembrane channel-like ) codant pour des protéines transmembranaires possiblement mises en jeu dans l’homéostasie ionique cellulaire et la transduction de signaux. Des mutations affectant le gène TMC1 sont responsables d’une surdité [55].

 

Une étude réalisée à l’Institut Pasteur a permis de mettre en évidence des mutations homozygotes inactivant l’un ou l’autre gène EVER chez 31 (75 %) des 41 cas familiaux ou sporadiques étudiés. Dix mutations ont été ainsi identifiées (hétérogé- néité allélique) chez des patients d’origine algérienne, colombienne, polonaise ou japonaise. L’étude de familles a révélé une pénétrance complète des mutations homozygotes. Aucune corrélation n’a été observée entre le génotype et le phénotype des patients. Cinq nouvelles mutations des gènes EVER1/TMC6 ou EVER2/TMC8 ont été décrites par d’autres groupes chez des patients d’origine géographique diverse [6, 7]. L’inactivation homozygote des gènes

EVER1 ou EVER2 est donc la cause de la majorité des cas d’EV à l’échelle mondiale.

LA PATHOGÉNIE DE L’EV ET L’HOMÉOSTASIE DU ZINC

Les protéines EVER et l’homéostasie du zinc

Les gènes

EVER codent pour des protéines apparentées comportant 10 ( EVER1 ) ou 8 (

EVER2 ) domaines transmembranaires, localisées dans le réticulum endoplasmique [32]. Ces deux gènes sont transcrits dans la peau et, à un niveau élevé, dans les lymphocytes T CD4+ et CD8+, les lymphocytes B et les cellules NK et, pour le gène EVER1 au moins, dans les cellules endothéliales, les cellules myéloïdes CD33+ et les cellules dendritiques [6].

Des travaux récents du groupe de Michel Favre ont montré que les protéines EVER formaient un complexe et qu’elles interagissaient avec le transporteur (exportateur) de zinc ZnT1+ [56]. L’expression des protéines EVER et ZnT1 dans des kératinocytes réprime la synthèse des facteurs de transcription MTF-1 ( metal regulatory transcription factor 1 ) et AP-1 ( activator protein 1 ). Les protéines EVER et ZnT1 n’influenceraient pas la concentration intracellulaire du zinc, mais affecteraient sa distribution intracellulaire. L’expression d’EVER2 inhibe le transport du zinc libre dans le nucléole [56].

Les protéines ZnT1 et MTF-1 jouent un rôle central dans l’homéostasie du zinc [57].

Il a donc été proposé que les protéines EVER participent à la constitution d’un complexe de transport du zinc régulant la balance intracellulaire des ions Zn++ [8].

D’autres protéines cellulaires interagissant avec les protéines EVER ont été identifiées [8], mais la signification fonctionnelle de ces interactions reste incomprise.

Les bêtapapillomavirus et l’homéostasie du zinc

Le lien des protéines EVER avec l’homéostasie du zinc a d’abord été suspecté à la suite de travaux montrant que les HPV associés à l’EV étaient très vraisemblablement défectifs pour un gène (E5 ou E8) essentiel au développement d’une lésion et codant pour une protéine interagissant avec ZnT1 [58].

 

Fig. 1. — Carte linéaire des phases ouvertes de lecture de papillomavirus prototypes Commentaire : Les phases ouvertes de lecture (POL) sont localisées en aval d’une région de régulation (non représentée) et sont groupées dans les régions précoce (E) et tardive (L). Il faut noter la présence d’une POL E5 dans le génome du HPV-16, celle d’une POL E8 dans les génomes du HPV-1 et du CRPV, un papillomavirus animal modèle, et l’absence de l’une ou l’autre de ces POL dans le génome du HPV-5.

Les virus de l’EV sont défectifs pour un gène essentiel

Le génome des bêtapapillomavirus ne comporte ni gène E5, ni gène E8, alors que l’un ou l’autre de ces gènes est présent chez les autres papillomavirus humains et les papillomavirus animaux (Figure 1) [6, 7, 58]. Ces gènes codent pour de petites protéines hydrophobes transmembranaires présentant des similitudes structurales et ne manifestant qu’un faible pouvoir transformant in vitro [59] . Leur fonction in vivo n’a été comprise que récemment, grâce à l’étude d’un modèle animal de la carcinogenèse par les HPV, le papillomavirus du lapin cottontail (CRPV) [60]. Le

CRPV induit chez le lapin des verrues cutanées qui régressent ou, lorsqu’elles persistent, peuvent se transformer en carcinomes invasifs. La région E6 du génome viral contient un gène E8 (Figure 1). Une mutation empêchant l’expression de la protéine E8 diminue considérablement la capacité du CRPV d’induire des verrues et la croissance des rares verrues induites est lente, en dépit de l’expression normale des oncogènes E6 et E7 [58]. La protéine E8 joue donc un rôle crucial dans le développement des verrues.

 

Les gènes E5 et E8 et l’homéostasie du zinc

Des enseignements inattendus sur les mécanismes par lesquels la protéine E8 du CRPV stimule la prolifération des kératinocytes (vraisemblablement des cellules souches de l’épiderme) ont été tirés de l’étude des partenaires cellulaires de cette protéine. Il a été montré que la protéine E8 interagissait avec le transporteur ZnT1 et qu’il en était de même pour la protéine E5 du HPV-16, suggérant des mécanismes pathogéniques similaires [58]. Znt1 n’avait jamais été relié, auparavant, à la pathogenèse virale. Il a été observé que la protéine E8 et la protéine E5 du HPV-16 augmentaient fortement l’activité du facteur de transcription AP-1 par une voie de signalisation dépendant du récepteur de l’EGF (facteur de croissance de l’épiderme) et que l’activation d’AP-1 nécessitait une interaction entre E8 et ZnT1 [58]. AP-1 est un acteur important de la physiologie normale et pathologique de l’épiderme et de la transcription du génome des papillomavirus.

Ainsi, les bêtapapillomavirus seraient incapables d’interagir avec des mécanismes modulant l’homéostasie du zinc et cette inaptitude pourrait être compensée par l’inactivation d’un gène EVER [6, 58]. De fait, il a été montré que la protéine E5 du

HPV-16 pouvait interagir avec les protéines EVER et lever la régulation négative exercée par le complexe EVER-ZnT-1 sur les facteurs de transcription MTF-1 ou AP-1 [56].

Le zinc, un élément essentiel de la physiologie cellulaire

Le zinc est un oligoélément essentiel à la structure et à l’activité biologique d’un grand nombre de protéines cellulaires (facteurs de transcription, protéines de signalisation, …) [57]. Il en est de même pour certaines protéines virales (comme les protéines E6 et E7 des HPV). Les ions Zn++ peuvent agir comme un second messager et influencer divers aspects de la signalisation cellulaire [61]. Un excès de zinc est toxique pour la cellule et la concentration cytosolique des ions Zn++ libres est inférieure à une nanomole. L’homéostasie intracellulaire et la localisation subcellulaire du zinc dépendent de l’expression équilibrée de transporteurs qui importent (Zip) ou exportent (ZnT) le zinc et de l’activité des métallothionéines, des protéines riches en cystéine fixant le zinc. Le facteur de transcription MTF-1, inductible par le zinc, régule l’expression de ZnT1 et celle des métallothionéines.

Divers signaux (substances microbiennes, cytokines, hormones, antigènes, oxyde nitrique, oxydants, métaux lourds) modulent l’homéostasie du zinc [57, 61].

L’interaction entre ZnT1 et les protéines EVER ou les protéines E5/E8 peut donc affecter diverses fonctions cellulaires contribuant à l’expression des propriétés biologiques des HPV et à leur contrôle [6-8].

L’EV, UN DÉFICIT IMMUNITAIRE PRIMAIRE SPÉCIFIQUE

Deux hypothèses peuvent être proposées pour interpréter le phénotype des patients présentant une inactivation des gènes EVER : 1) un déficit de l’immunité intrinsèque contre les bêtapapillomavirus, 2) un déficit de l’immunité innée et de la mise en place de l’immunité spécifique contre ces virus. Ces hypothèses ne s’excluent pas mutuellement. Les kératinocytes jouent très vraisemblablement un rôle central dans les deux cas [6, 7].

Un déficit primaire de l’immunité intrinsèque?

L’immunité intrinsèque est la première ligne des défenses de l’hôte contre les infections virales [62]. Une hypothèse plausible est que les protéines EVER se comportent comme des facteurs de restriction s’opposant à l’infection des cellules souches épidermiques par les bêtapapillomavirus, dans la population générale. Seuls les gènes viraux requis pour la réplication et la ségrégation du génome viral (E1, E2) s’exprimeraient, conduisant à une infection latente [1, 2]. L’inactivation homozygote (ou une double mutation hétérozygote) d’un gène EVER compenserait l’absence d’une modulation de l’homéostasie du zinc par les protéines E5 ou E8 que nécessite l’activation de certaines voies de signalisation et de certains facteurs de transcription (comme AP-1). Ceci permettrait aux bêtapapillomavirus d’éluder un contrôle (impliquant les protéines EVER) exercé sur la division des cellules souches infectées et, ainsi, d’exprimer leur pouvoir pathogène et de se répliquer [6-8]. La levée partielle de la restriction de l’infection par HPV-5 et les autres HPV de l’EV qui accompagne certaines conditions pathologiques (psoriasis, maladies bulleuses, brû- lures étendues) serait due à une stimulation continue des cellules souches.

L’EV résulterait ainsi d’un déficit primaire de l’immunité intrinsèque contre les papillomavirus. L’EV ne prédisposant qu’à l’infection par les bêtapapillomavirus (et HPV3), il est vraisemblable que des mécanismes redondants sont mis en jeu dans l’immunité intrinsèque contre les autres HPV, comme HPV-16 [6, 7].

Un déficit primaire de l’immunité innée ?

Il reste à comprendre pourquoi les lésions ne régressent jamais chez les patients atteints d’EV. Les gènes EVER sont exprimés dans la peau et dans divers types de cellules immunitaires. Des variations de la concentration ou de la localisation intracellulaire des ions Zn++ libres interviennent lors de la réponse de diverses cellules de l’immunité à des stimulations [61, 63-65]. Une carence en zinc affaiblit les défenses immunitaires et la résistance aux infections [64]. L’inactivation des gènes EVER pourrait ainsi affecter différentes étapes de la réponse immunitaire. Les kératinocytes sont des constituants important du système immunitaire de la peau [66, 67] et jouent un rôle important dans les réponses à l’infection par les papillomavirus [13]. Il a été montré que l’expression des protéines EVER et ZnT1 dans des kératinocytes réprimait l’expression de facteurs de transcription (c-Jun, Elk) induits par certaines cytokines et que cette inhibition était levée par la protéine E5 du HPV-16 [56].

Une hypothèse vraisemblable est que l’absence d’expression d’une protéine EVER dans les kératinocytes entraînerait un déficit primaire de la réponse immunitaire innée et de la mise en place de la réponse spécifique aux bêtapapillomavirus, conduisant à la persistance des lésions d’EV et, éventuellement, à leur transformation maligne [6-9]. Aucune relation claire n’existe entre les troubles de l’immunité cellulaire non spécifique mis en évidence chez certains malades et l’inactivation d’un gène EVER car il a été observé que tous les malades porteurs d’une même mutation fondatrice d’

EVER2 ne présentent pas de tels disfonctionnements (S. Jablonska et

G. Orth, résultats non publiés). Il est possible que certaines protéines virales (comme les protéines E6 et E7 du HPV-16) interfèrent avec l’expression des interférons de type 1 ou celle de cytokines et de chimiokines proinflammatoires, ou avec la réponse à ces facteurs, et contribuent à la suppression des réponses antivirales et à la persistance de la maladie [1, 5-7, 13].

CONCLUSIONS

L’EV est l’une des maladies mendéliennes qui se manifestent par la prédisposition anormale de certains enfants, par ailleurs bien portants, à l’infection par un agent pathogène spécifique, souvent peu virulent [68]. De telles maladies permettent de disséquer les mécanismes moléculaires de l’immunité aux infections chez l’homme. L’étude de l’EV a révélé des mécanismes inconnus de défense contre les papillomavirus, mettant en jeu une modulation de l’homéostasie du zinc, et a permis d’identifier la stratégie d’échappement à ces défenses qu’utilisent la plupart de ces virus, à l’exception des HPV spécifiquement associés à l’EV. En rapportant le premier cas d’EV [19], Lewandowsky et Lutz ont, selon toute vraisemblance, décrit en 1922 la première maladie due à un déficit immunitaire primaire, 30 ans avant la découverte de l’agammaglobulinémie par Bruton [69]. Les leçons tirées de l’EV ont une portée générale. Des polymorphismes communs de la région EVER ont récemment été associés à une séropositivité pour certains bêtapapillomavirus et à un risque accru de cancer spinocellulaire cutané [70] ou à un risque accru de cancer du col de l’utérus [17].

Environ 25 % des cas sporadiques ou familiaux d’EV ne sont pas associés aux gènes EVER [7, 71] . L’identification des gènes responsables, et en particulier celle du gène inclus dans le locus

EV2 , devraient fournir d’autres clés pour comprendre les défenses de l’hôte contre les papillomavirus humains. Il reste aussi à identifier les gènes associés à la transmission autosomique récessive de la maladie de Heck (hyperplasie épithéliale focale orale, MIM 229045). Cette maladie bénigne affecte principalement les eskimos et les amérindiens et résulte d’une sensibilité anormale à deux alphapapillomavirus (HPV-13, HPV-32) [15].

Les HPV génitaux potentiellement oncogènes représentent un problème de santé publique important. Le défi est de comprendre les bases génétiques des grandes variations de la réponse de l’hôte à ces virus qui le plus souvent sont à l’origine d’infections asymptomatiques ou de maladies qui guérissent, alors que seule une minorité des femmes infectées développera un carcinome invasif [17].

 

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DISCUSSION

M. Jean-Jacques HAUW

Existe-t-il des rapports entre le mécanisme de l’infection par les papillomavirus d’épidermodysplasie verruciforme et des polyomavirus ? Nous avons, en effet, décrit une observation d’épidermodysplasie verruciforme et de leucoencéphalopathie multifocale progressive associée à des gliomes multiples.

À l’origine regroupés au sein des

Papovaviridae , les polyomavirus et les papillomavirus constituent, depuis une dizaine d’année, deux familles distinctes (

Polyomaviridae et

Papillomaviridae ). Ces virus diffèrent par l’organisation de leur génome, leurs propriétés biologiques et leur pouvoir pathogène pour l’homme ou l’animal. Le patient auquel vous vous référez n’a pas d’équivalent dans la littérature. Une immunodéficience sévère étant généralement associée la leucoencépholalopathie multifocale progressive due au polyomavirus humain JC, il est possible que ce patient représente l’un des rares exemples de phénocopies d’épidermodysplasie verruciforme associées à l’immunosuppression.

Charles-Joël MENKÈS

Ayant observé quelques cas d’extension cutanée impressionnante de verrues dans la maladie lupique ainsi que des cas de cancers du col chez des personnes jeunes, quel est le rôle de cette pathologie auto-immune sur cette prolifération virale ? Faut-il la traiter par le zinc ?

Les patients atteints de lupus érythémateux sont à risque plus élevé d’être infecté par un papillomavirus, en raison d’un dysfonctionnement immunitaire propre à la maladie et à l’utilisation de traitements immunosuppresseurs. Cela se traduit par une prévalence élevée des verrues cutanées et des lésions intraépithéliales malpighiennes du col utérin, en particulier, des néoplasies intraépithéliales de haut grade, précurseurs des cancers invasifs cervicaux. Trois cas d’association d’un syndrome évoquant l’épidermodysplasie verruciforme au lupus érythémateux systémique ont été rapportés dans la littérature.

Quelques publications relativement récentes ont montré l’efficacité d’un traitement des verrues récalcitrantes par le zinc administré par voie orale (sulfate de zinc) ou locale (oxyde de zinc). Ces faits sont en faveur d’un rôle du zinc dans les réponses immunitaires dirigées contre les infections par les papillomavirus cutanés.

 

<p>* Virologie, Institut Pasteur, 25 rue Docteur Roux, 75726 Paris cedex 15, e-mail : gorth@pasteur.fr Tirés-à-part : Professeur Gérard Orth, même adresse Article reçu le 21 mai 2010, accepté le 7 juin 2010</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 6, 923-941, séance du 8 juin 2010