Résumé
Les progrès effectués dans le diagnostic des hyperparathyroïdies primaires HPT1 et la localisation préopératoire des glandes pathologiques ayant conduit à des indications plus larges, cette étude a eu pour objet d’évaluer si cette attitude s’est accompagnée : — d’une amélioration des résultats, — d’une diminution de la gravité des HPT1 traitées. Elle porte sur 511 opérations chez 499 patients dont les données ont été enregistrées de façon prospective. Nous avons comparé trois périodes successives de dix ans : (1973-1982) : 73 opérations, (1983-1992) : 155 opérations ; (1993-2002) : 283 opérations. Durant ces trois périodes les taux d’échecs précoces définis par la persistance d’une hypercalcémie ont été respectivement de 6,8 %, 1,3 % et 0,7 % ; simultanément les séquelles (hypocalcémie durable et paralysie récurrentielle définitive) sont devenues de plus en plus rares mais leur fréquence a été influencée par la variété d’HPT1 qui a conditionné l’importance de l’exérèse et a été majorée en cas d’exérèse thyroïdienne associée. Parmi les symptômes la lithiase urinaire est passée de 50 à 29,7 %. La proportion d’HPT1 décelées à la suite de dosages systématiques a doublé passant de 19 à 39 %. Enfin la fréquence du cancer a nettement diminué, passant de 6,8 % à 1,3 % puis 0 % durant la dernière période. Ces résultats sont en grande partie liés à la localisation préopératoire de la ou des glandes pathologiques qui est passée de 14 % à 42 % puis 90 % des opérés en période 3 et à la précocité des opérations qu’elle a permise. Parmi les examens de localisation, le plus performant a été la scintigraphie au MIBI par soustraction en acquisition simultanée du MIBI et de l’iode 123, telle qu’elle a été mise au point par l’un de nous : elle nous a donné 92,6 % de localisation correcte. Parce qu’il permet le plus souvent d’éliminer les lésions multi-glandulaires (14 cas sur 15 contrôlés par chirurgie bilatérale), cet examen a permis depuis, de proposer dans des * Service de Chirurgie Vasculaire et Endocrinienne du CHU Mondor, 51, avenue du Mal de Lattre de Tassigny 94010 Creteil — France. E-mail : didier.melliere@hmn.ap-hop-paris.fr ** Service de Médecine Nucléaire du CHU Saint-Antoine. Tirés-à-part : Professeur D. MELLIERE, même adresse. Article reçu le 27 mai 2003, accepté le 30 juin 2003.
Summary
Primary or secondary pulmonary hypertension (PH) is an unexplained condition whose severe forms in adults or neonates are fatal and for which no satisfactory treatment is available. Considerable progress has been achieved over the last few years in our understanding of this disease, both through genetic studies that have identified mutations in the gene for BMP-RII (bone morphogenetic protein receptor II) in patients with familial primary PH (PPH) and through pathophysiological investigations that have elucidated the molecular mechanisms involved in hypertrophic arterial wall remodelling, most notably the role for the serotonin transporter (5-HTT) in hyperplasia of pulmonary artery smooth muscle cells (PA-SMCs). Identification of the BMP (bone morphogenetic protein) pathway as relevant to the aetiology of PPH now raises many questions about the link between the BMP-RII mutant genotype and the PPH phenotype. That PPH does not develop in all subjects with BMP-RII mutations suggests a crucial role for environmental or associated genetic factors. Simultaneously, mechanistic studies investigating the biological processes that underlie the complex vascular changes associated with PPH have identified major molecular pathways involved in constriction and proliferation of pulmonary vascular smooth muscle cells, dysfunction of endothelial cells, and remodelling of extracellular matrix. Such mechanisms may be involved either in initiating or in perpetuating the disease. The finding that genetic polymorphism of some of the candidate genes related to these processes is closely associated with PPH suggests a causal relationship between the expression, or function, of these genes and the PPH phenotype. The association between PPH and the L allelic variant of the serotonin transporter (5-HTT) gene indicates that 5-HTT, which controls smooth muscle hyperplasia, probably contributes to susceptibility to PPH or is an important modifier of the PPH phenotype. Recognition of these molecular pathways should provide insight into the pathogenesis not only of primary PH, but also of secondary forms of PH. This should lead soon to the development of new and more selective therapeutic approaches to pulmonary hypertension.
LEXIQUE
BMP :
protéine morphogénique osseuse BMP-RII :
récepteur II de la protéine morphogénique osseuse CML :
cellules musculaires lisses HTAP :
hypertension artérielle pulmonaire HTAPP :
hypertension artérielle pulmonaire primitive 5-HT :
sérotonine 5-HTT :
transporteur de la sérotonine
TGF-β :
facteur de croissance transformant de type β ALK1 : récepteur de la famille des récepteurs du TGF-β activé par les activines INTRODUCTION
L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est caractérisée par une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires qui fait obstacle à l’éjection du sang du ventricule droit, conduisant à une insuffisance ventriculaire droite. Le terme HTAP primitive (HTAPP) est utilisé pour décrire une affection rare et mortelle sans étiologie décelable. L’HTAPP peut être familiale ou sporadique, la prévalence étant de 1-2 pour 1 000 000 individus 1. Les femmes sont deux fois plus nombreuses à être atteintes que les hommes. Dans la majorité des cas, la maladie semble s’installer en plusieurs années après une phase initiale asymptomatique caractérisée par une augmentation de la réactivité et du remodelage des artérioles pulmonaires. Les signes et symptômes apparaissent quand les pressions artérielles pulmonaires moyennes se situent entre 30 et 40 mm Hg au repos (la normale est <20 mm Hg).
L’état clinique se détériore progressivement lorsque ces pressions moyennes atteignent un plateau aux environs de 60 à 70 mm Hg et que le débit cardiaque diminue progressivement.
Une hypertension pulmonaire dont l’évolution clinique, l’histopathologie et la réponse au traitement sont identiques à celles de l’HTAPP s’observe dans les atteintes vasculaires des collagénoses ou les shunts gauche-droite congénitaux et peut être déclenchée par certains anorexigènes (fenfluramines et aminorex principalement), l’infection par le VIH et l’hypertension portale. Lors d’une récente conférence de consensus parrainée par l’Organisation Mondiale de la Santé, il a été suggéré que le concept d’HTAPP devrait être étendu à ces situations pathologiques Actuellement, nous ne savons pas si ce concept d’HTAP correspond à un mécanisme pathogène unique. Malgré les progrès importants réalisés au cours de ces dernières années dans l’étude des mécanismes pathobiologiques de l’HTAPP, il n’est pas encore possible de classer les malades en fonction de critères pathogéniques et de définir les approches thérapeutiques correspondantes. Les traitements actuels, y compris la perfusion continue de prostacycline (PGI et l’administration orale 2) d’antagonistes du récepteur de l’endothéline, s’attaquent probablement à des manifestations secondaires de la maladie et non aux mécanismes pathogènes initiaux. La mise en évidence d’un gène impliqué dans l’HTAPP, appelé BMP-RII, et l’identification d’anomalies pathobiologiques centrales associées à l’HTAPP, offrent maintenant une occasion privilégiée d’améliorer notre connaissance de cette maladie. Ces progrès devraient permettre dans un avenir proche d’évaluer de nouveaux traitements destinés à corriger les processus de remodelage sélectif des vaisseaux pulmonaires tout en validant les concepts physiopathologiques proposés ci-dessous.
La mise en évidence de ces voies moléculaires pourrait aussi aider à mieux comprendre les formes secondaires d’hypertension pulmonaire, telles celles compliquant la bronchopneumopathie obstructive chronique et l’insuffisance ventriculaire gauche.
Dans ces maladies et dans les formes primitives d’HTAP, y compris l’hypertension pulmonaire persistante du nouveau-né, une prédisposition génétique a été suggérée.
Ainsi, des variations dans l’expression et/ou la fonction de gènes candidats mis en jeu dans le processus de remodelage vasculaire pulmonaire pourraient aider à comprendre les formes secondaires d’hypertension pulmonaire et à définir la pré- disposition à l’hypertension pulmonaire liée à des causes diverses [2, 3].
Deux aspects confortés par une validation génétique seront abordés dans cette revue, le rôle de la voie BMP-BMP-RII et celui de la voie de la sérotonine et de son transporteur.
Stratégies destinées à élucider la physiopathologie de l’hypertension pulmonaire
Au cours de ces dernières années, plusieurs voies moléculaires impliquées dans le remodelage vasculaire pulmonaire ont été découvertes grâce à des stratégies diffé- rentes. La découverte par des méthodes génétiques du rôle de la voie BMP dans l’étiologie de l’HTAPP soulève maintenant une foule de questions, dont les suivantes : 1 Quelles sont les voies moléculaires qui lient le génotype BMP-RII mutant et le phénotype HTAPP ? 2 Quels facteurs exogènes et génétiques interagissent avec les mutations BMP-RII pour provoquer l’apparition d’une HTAPP ? A l’inverse, l’identification de voies moléculaires anormales par des études fonctionnelles a conduit à l’exploration de gènes candidats sélectionnés. De nouvelles méthodologies ont été mises au point, notamment la culture in vitro de poumon et de cellules provenant de malades qui ont une hypertension pulmonaire sévère, primitive ou secondaire. Les anomalies fonctionnelles persistent dans les cellules ou artères pulmonaires soustraites à leur environnement, ce qui constitue un argument en faveur d’une origine génétique. Étant donné que l’HTAPP semble bien être multigénique, les stratégies génétiques et fonctionnelles sont complémentaires dans la recherche de gènes candidats et de l’interaction génétique ou moléculaire à l’origine du processus pathologique.
Génétique
L’HTAPP peut être sporadique ou familiale. Dans une série de malades inscrits dans le registre des National Institutes of Health, l’HTAPP familiale représentait 6 % des cas d’HTAPP. La transmission semble être autosomique et dominante et la pénétrance incomplète, puisque la maladie n’apparaît que chez 20 % des sujets à risque [1]. En 2000, deux groupes travaillant de façon indépendante ont décrit des mutations hétérozygotes du gène du récepteur II de la protéine morphogénétique osseuse (BMP-RII), qui appartient à la super-famille TGF-β[4, 5]. Des mutations similaires du gène BMP-RII ont initialement été mises en évidence dans 26 % des
cas d’HPP apparemment sporadiques, suggérant que l’HTAPP familiale pourrait être plus fréquente qu’on ne le pensait. La fréquence des mutations du gène BMPRII dans l’HTAP sporadique est actuellement estimée à 6-10 %. Cependant, chez les porteurs de mutations BMP-RII, le risque d’apparition d’une HTAPP clinique n’est que de 10 à 20 % et parmi les malades qui ont une HTAPP seuls 60 % portent des mutations BMP-RII décelables [4, 5]. Il semble donc qu’une hétérogé- néité génétique ou des mutations situées ailleurs dans le gène BMP-RII puissent altérer la fonction ou l’expression de BMP-RII. Un argument supplémentaire en faveur d’une hétérogénéité génétique a récemment été apporté par la découverte de mutations dans un autre gène de récepteur TGF-β, ALK1, dans des familles dont certains membres avaient une télangiectasie hémorragique héréditaire et une hypertension pulmonaire sévère [7]. L’obtention du même phénotype avec des mutations affectant deux gènes différents mais participant aux mêmes mécanismes, ALK-1 et BMP-RII, indique que les récepteurs TGF-β constituent une voie moléculaire importante à l’origine du remodelage vasculaire pulmonaire. Alors que la mutation ALK1 peut conduire à une HTAPP, à une télangiectasie hémorragique héréditaire ou à l’association de ces deux anomalies, les mutations BMP-RII semblent associées uniquement au phénotype HTAPP. Selon une hypothèse séduisante, les mutations BMP-RII influenceraient principalement la prolifération des cellules musculaires lisses (CML) tandis que les mutations ALK1 agiraient soit sur la prolifération des cellules endothéliales, soit sur celle des CML. Les mutations de ces deux gènes ne sont ni suffisantes ni nécessaires pour provoquer l’apparition d’une HTAPP, suggé- rant que la maladie ne s’exprime cliniquement qu’en présence de facteurs présents dans l’environnement ou de gènes qui modifient la maladie.
Approches pathobiologiques
Indépendamment de la stratégie génétique, des efforts considérables ont été faits pour élucider les altérations moléculaires qui sous-tendent les modifications vasculaires complexes associées à l’hypertension pulmonaire. Les recherches portant sur les mécanismes pathobiologiques ont apporté divers éléments d’information :
— La vasoconstriction pulmonaire est un phénomène précoce dans le développement de l’hypertension pulmonaire. Cette constriction anormale a été rattachée à une altération de la fonction ou de l’expression des canaux potassiques [8], ainsi qu’à un déséquilibre entre les vasoconstricteurs et vasodilatateurs d’origine endothéliale.
— La prolifération cellulaire contribue aux altérations structurelles observées lors de l’apparition et de l’aggravation de l’hypertension pulmonaire. La prolifération anormale des CML, considérée comme un signe histologique caractéristique d’hypertension pulmonaire, s’observe in vitro lorsque les cellules sont stimulées par la sérotonine ou le sérum mais non par d’autres facteurs de croissance [9]. Le caractère clonal de la prolifération cellulaire endothéliale apparaît comme un élément clé de la lésion plexiforme.
— Parmi les altérations phénotypiques des cellules endothéliales et musculaires lisses observées dans les artères pulmonaires hypertendues, certaines sont liées à des altérations génétiques. Les mutations BMP-RII et le polymorphisme du gène 5-HTT influencent directement l’hyperplasie des CML pulmonaires.
— Les protéines matricielles et le renouvellement de la matrice jouent un rôle dans le remodelage vasculaire. Les principaux acteurs dans ce phénomène sont l’élastase et les métalloprotéases matricielles, qui contrôlent le remodelage de la matrice extracellulaire, la migration cellulaire et la croissance.
— L’apoptose contribue à la maladie vasculaire pulmonaire hypertensive. Le principal argument à l’appui de cette hypothèse est le fait que l’apoptose des cellules endothéliales conduit expérimentalement à un remodelage vasculaire pulmonaire.
— L’interaction des plaquettes et des cellules inflammatoires circulantes avec la paroi vasculaire contribue de façon importante au processus de remodelage [10].
— L’hémodynamique pulmonaire influence le processus pathologique par l’intermédiaire de forces mécaniques qui s’exercent sur la paroi vasculaire pulmonaire, notamment dans les shunts congénitaux entre la circulation systémique et la circulation pulmonaire.
— Une base rationnelle apparaît maintenant pour la mise au point de traitements efficaces dirigés contre des processus pathobiologiques spécifiques, c’est le cas de l’administration d’antagonistes du récepteur de l’endothéline, et de vasodilatateurs dont l’action est médiée par une formation accrue de GMP cyclique ou d’AMP cyclique, comme les inhibiteurs de la phosphodiestérase-V, la prostacycline ou des composés proches de la prostacycline.
Mécanismes pathobiologiques et gènes candidats
La voie BMP/TGF- β de transduction des signaux
Les protéines morphogénétiques osseuses (bone morphogenetic proteins, BMPs) appartiennent à la superfamille TGF-β (TGF-βs, activine A, BMP et facteurs de croissance et différentiation [GDFs]). Elles ont été identifiées à l’origine comme des molécules qui régulent la croissance et la différentiation de l’os et du cartilage.
Cependant, les BMP sont des cytokines multifonctionnelles qui possèdent une activité biologique dans divers types cellulaires, notamment les monocytes, les cellules épithéliales, les cellules mésenchymateuses et les cellules neuronales. Deux récepteurs BMP type I (BMP-RIA et BMP-RIB) et un récepteur BMP type II (BMP-RII) ont été mis en évidence chez les mammifères. Il s’agit de récepteurs possédant une activité sérine/thréonine kinase. In vitro , le récepteur BMPR-II fixe la
BMP2, la BMP4, la BMP7 et les GDF5 et 6, et ce phénomène est facilité par la présence du récepteur de type I. La formation de complexes hétéromériques avec l’un des sept récepteurs TGF-β type I détermine en partie la spécificité de l’activation ligand-récepteur.
FIG. 1. — Schéma de la transduction des signaux des BMP par l’intermédiaire des protéines Smad.
Transduction des signaux dépendante des Smad. Après la fixation du ligand au récepteur BMP-RII, le récepteur de type II forme un complexe avec le récepteur de type I et entraîne la phosphorylation de ce dernier (Figure 1). Cette phosphorylation d’un domaine riche en glycine et sérine à la partie proximale du segment intracellulaire du récepteur de type I active le domaine kinase de ce récepteur, déclenchant la phosphorylation de protéines cytoplasmiques, les Smad, qui sont responsables de la transduction des signaux déclenchés par les molécules de la superfamille TGF-β.
Les BMP génèrent des signaux en activant un ensemble spécifique de protéines Smad (Smad1, 5 et 8, appelés R-Smad), qui doivent former un complexe avec une molécule co-Smad (Smad4) pour fonctionner de façon optimale. Le complexe du R-Smad et du co-Smad pénètre dans le noyau, où il régule directement la transcription du gène. La spécificité tissulaire des signaux BMP serait déterminée par de multiples niveaux de régulation, notamment la présence d’inhibiteurs endogènes des BMP (chordine, noggine et BAMBI), les interactions entre récepteurs type I/type II, l’activation des Smad inhibiteurs (I-Smad : Smad 6 et 7) et la présence de co-répresseurs et co-activateurs nucléaires. Chez l’Homme, le muscle lisse artériel
pulmonaire et les cellules endothéliales expriment un large éventail de récepteurs de la super-famille TGF-β, y compris BMP-RII et BMP-RIB, et fixent 125I-TGFβ et 1 125I-BMP-4. De plus, l’activation de ces récepteurs par les BMP conduit à la phosphorylation de Smad1 et à l’induction d’ARNm pour Smad6 et Smad7.
Transduction de signaux indépendante des Smad. Bien que la transduction par l’intermédiaire des Smad soit bien caractérisée, un ensemble croissant de données indique que les kinases MAP, notamment ERK, JNK, et p38MAPK, sont activées par les BMP et les TGF-β dans certains types cellulaires. La voie spécifique activée par BMP-RII pourrait dépendre de ce qui survient en amont : soit le ligand stimule les hétérodimères type I/type II préformés (phénomène Smad-dépendant), soit il provoque le recrutement à la membrane de récepteurs liés au complexe de transduction.
Rôle possible dans l’hypertension pulmonaire primitive de mutations affectant la transduction des signaux TGF- β
La mise en évidence dans l’HTAPP familiale et sporadique de mutations hétérozygotes inactivantes situées dans le gène BMP-RII souligne l’importance de la superfamille TGF-β dans la régulation du développement et de l’intégrité vasculaires. Le rôle crucial de la voie des BMP dans le développement vasculaire a été clairement démontré lors d’études de délétion génique chez la souris. L’homozygotie pour une mutation nulle dans le gène BMP-RII est létale pendant la phase précoce de l’embryogenèse, et les souris déficientes en Smad5, l’un des Smad qui agissent en réponse au BMP, meurent en raison d’anomalies de l’angiogenèse liées à une absence de recrutement du muscle lisse vasculaire aux structures endothéliales.
Le résultat net de la transduction des signaux TGF-β sur la croissance et la structure vasculaires est complexe. C’est en grande partie le contexte qui détermine si la superfamille TGF-β inhibe ou favorise la prolifération cellulaire : les facteurs pertinents sont la nature du ligand et des complexes hétéromériques de récepteurs, le type cellulaire, les signaux en aval et le programme de transcription.
Dans le poumon normal, l’ARNm et la protéine de BMP-RII sont exprimés de façon prédominante dans les cellules endothéliales les macrophages, et dans une moindre mesure les CML. Atkinson et al. ont récemment mis en évidence un effondrement de l’expression de la protéine BMP-RII dans les poumons de malades porteurs d’une mutation du gène BMP-RII qui devrait conduire à la production d’une protéine tronquée (2 délétions partielles, mutation à trame décalée 1 exon 3 — 355delA). De plus, l’expression de BMP-RII était considérablement réduite chez des malades qui avaient une HTAPP sans mutation identifiée dans la séquence codante de BMP-RII . Une réduction peu marquée mais significative a aussi été observée dans plusieurs cas d’hypertension pulmonaire secondaire. La diminution de l’expression de BMP-RII était spécifique de ce récepteur puisqu’il n’y a eu aucune différence entre les groupes dans le niveau d’expression du marqueur endothélial CD31 ou du récepteur TGF-β type II (TGF-βRII). Étant donné que la sévérité de l’hypertension pulmonaire, évaluée d’après l’hémodynamique, était similaire dans les formes primitives et secondaires, et qu’une vasculopathie plexiforme sévère était
FIG. 2. — Expression des protéines BMP-RII (A) et CD31 (B) (marqueur endothélial) dans des coupes de poumon provenant de témoins et de patients porteurs d’une hypertension pulmonaire secondaire (HPS) ou primitive (HPP). (d’après la référence 2) présente dans les deux groupes, l’effondrement de l’expression de la protéine BMPRII dans l’HTAPP n’est probablement pas simplement une conséquence de l’élévation de la pression artérielle pulmonaire. Ces observations incitent plutôt à penser qu’une réduction marquée de l’expression de BMP-RII est une caractéristique spécifique de l’HTAPP, mais que des diminutions moins marquées pourraient contribuer à d’autres formes d’hypertension pulmonaire.
Le rôle des BMP dans le remodelage vasculaire pulmonaire n’est pas facile à prédire car la famille TGF-β exerce des effets complexes sur la fonction des cellules vasculaires, effets qui varient selon le phénotype cellulaire et le contexte. Les principaux effets décrits de TGF-β sur les cellules vasculaires sont l’inhibition de la croissance, la différentiation cellulaire et la stimulation de la synthèse du collagène. Morrell et al. ont récemment démontré que les BMP —2, —4 et —7 inhibent la prolifération des
CML provenant d’artères pulmonaires normales et de malades souffrant d’hypertension pulmonaire secondaire à une cardiopathie congénitale, mais ne bloquent pas la prolifération de cellules provenant de malades qui ont une HTAPP (Figure 2).
Selon une hypothèse séduisante, cette absence d’effet inhibiteur des BMP sur la croissance des cellules de l’HPP contribuerait à l’occlusion et au remodelage vasculaires qui caractérisent cette affection.
Plusieurs lignées de souris transgéniques surexprimant une forme mutée du gène BMPRII ont actuellement été développées. Certaines de ces souris exprimant le gène muté de façon conditionnelle semblent développer spontanément une hypertension artérielle pulmonaire. Ces animaux devraient dans l’avenir constituer un modèle unique permettant d’explorer les mécanismes par lesquels une dysfonction de la voie BMPRII conduit au développement de l’hypertension artérielle pulmonaire.
La voie de signalisation sérotoninergique : rôle du transporteur de la sérotonine
Le rôle de la sérotonine (5-hydroxytryptamine, 5-HT) dans la régulation de la circulation pulmonaire a été exploré à la suite des études mettant en évidence une augmentation du risque d’HTAPP en cas de prise d’anorexigènes inhibiteurs du transport de 5-HT. L’association entre l’anorexigène aminorex et l’HTAPP a été décrite pour la première fois dans les années 1960. Plus tard, dans les années 1980, une relation a été établie entre la prise de fenfluramines et une épidémie d’HTAPP en France et en Belgique [11]. L’hypothèse sérotonine a été renforcée par la mise en évidence d’une hypertension pulmonaire idiopathique chez le rat Fawn-hooded, caractérisé par un déficit héréditaire du stockage plaquettaire de la sérotonine.
Les premières études ont porté sur le 5-HT circulant et ses effets possibles sur le lit vasculaire pulmonaire. Elles ont mis en évidence une augmentation des concentrations circulantes de sérotonine chez les malades souffrant d’HTAPP [12], même après une greffe cœur-poumons. En plus de ses effets vasoactifs, le 5-HT exerce des effets mitogènes et co-mitogènes sur les CML des artères pulmonaires. Contrairement à l’action vasoconstrictrice du 5-HT, qui passe principalement par l’intermé- diaire des récepteurs 5-HT, c’est-à-dire 5-HT 1BD et 2A sur les CML, les effets mitogènes et co-mitogènes du 5-HT ne se produisent qu’après internalisation de l’indoleamine par le transporteur du 5-HT (5-HTT) [13, 14]. Par conséquent, les médicaments qui inhibent le 5-HTT de façon compétitive bloquent aussi les effets mitogènes du 5-HT sur les CML. Les anorexigènes fenfluramine, d-fenfluramine et aminorex diffèrent des inhibiteurs sélectifs du transporteur de la sérotonine dans la mesure où leur effet consiste non seulement à inhiber le recaptage de la sérotonine mais aussi à provoquer la libération de l’indoléamine et à entrer dans une interaction spécifique avec le 5-HTT. Eddahibi S et coll. ont récemment cherché à déterminer si le 5-HTT pulmonaire joue un rôle de premier plan dans le remodelage vasculaire pulmonaire, par l’intermédiaire de ses effets sur la croissance des CML artérielles pulmonaires. 5-HTT est exprimé en grandes quantités dans le poumon, où il est présent principalement sur les CML. Ce transporteur est codé par un gène unique exprimé dans divers types cellulaires comme les neurones, les plaquettes et les cellules endothéliales et musculaires lisses des vaisseaux pulmonaires. Chez l’homme, le niveau d’expression de 5-HTT semble considérablement plus élevé dans le poumon que dans l’encéphale, laissant penser qu’une altération de l’expression de 5-HTT a peut-être des conséquences directes sur la fonction des CML artérielles pulmonaires. Le rôle de 5-HTT comme médiateur indispensable de l’activité mitogène du 5-HT semble spécifique des CML des vaisseaux pulmonaires, puisqu’il n’a pas été décrit avec les autres types de CML. Un argument direct en faveur d’un rôle clé du 5-HTT dans le remodelage vasculaire pulmonaire a été apporté récemment par une étude qui a mis en évidence une réduction de la sévérité de l’hypertension pulmonaire hypoxique chez des souris porteuses d’une délétion ciblée du gène 5-HTT, par comparaison aux témoins de type sauvage [15], ainsi qu’une atténuation de l’hypertension pulmonaire hypoxique par l’administration d’inhibiteurs sélectifs
FIG. 3. — Activité 5-HTT dans les cellules musculaires lisses d’artères pulmonaires provenant de témoins (colonnes blanches) et de patients (colonnes noires) porteurs d’une hypertension pulmonaire primitive (gauche). Prolifération de cellules musculaires lisses d’artères pulmonaires de patients porteurs d’une HTAP (colonnes noires) et de témoins (colonnes blanches) (d’après la référence 9).
du 5-HTT. Au contraire, une expression accrue de 5-HTT s’accompagne d’une sévérité accrue de l’hypertension pulmonaire hypoxique. Bien que les artères pulmonaires contiennent une population hétérogène de récepteurs 5-HT2A et 5-HT1B, les antagonistes du récepteur 5-HT ne semblent pas aussi efficaces que les inhibiteurs du 5-HTT en termes de protection contre le développement de l’hypertension pulmonaire hypoxique. Dans leur ensemble, ces observations sont en faveur d’une corrélation étroite entre l’expression et/ou l’activité de 5-HTT et le degré de remodelage vasculaire pulmonaire pendant l’exposition à l’hypoxie.
Des résultats en faveur d’un rôle clé du 5-HTT dans la pathogénie de l’HTAPP chez l’Homme ont été obtenus plus récemment. Une augmentation de l’expression de 5-HTT a été mise en évidence dans les plaquettes et les poumons de malades souffrant d’HTAPP, où cette expression prédominait dans la media des artères pulmonaires épaissies et dans les lésions en bulbe d’oignon [9]. Fait intéressant, l’augmentation de la concentration et de l’activité de la protéine 5-HTT persistait dans des CML en culture provenant d’artères pulmonaires de malades souffrant d’HTAPP, par comparaison aux témoins. De plus, les CML d’artères pulmonaires
de malades qui avaient une HTAPP ont proliféré plus rapidement après stimulation par sérotonine ou sérum, par comparaison aux cellules de témoins, et cette diffé- rence était liée à une expression accrue du transporteur de la sérotonine. En présence d’inhibiteurs du 5-HTT, la stimulation de la croissance par le sérum et la sérotonine était nettement moins importante, et il n’y avait plus de différence de prolifération entre les CML des malades et celles des témoins. La prolifération des CML en réponse à divers facteurs de croissance comme le PDGF, l’EGF, le TGFβ, le FGFa, et l’IGF était similaire chez les malades qui avaient une HTAPP et les témoins. Ces résultats démontrent qu’une expression et/ou une activité excessive du 5-HTT dans les CML d’artères pulmonaires de malades hypertendus pulmonaires est responsable de la réponse mitogène accrue à la sérotonine et au sérum (qui contient de la sérotonine à des concentrations micromolaires).
Les mécanismes responsables de l’augmentation de l’expression de 5-HTT dans les CML de malades hypertendus pulmonaires ne sont pas entièrement élucidés. Il a été démontré que l’expression du 5-HTT est soumise à une régulation génétique : un polymorphisme de la région promoteur du gène 5-HTT humain altère l’activité de transcription. Ce polymorphisme consiste en deux allèles fréquents, une insertion ou une délétion de 44 bp, appelés allèles L et S respectivement. Avec l’allèle L, la transcription du gène 5-HTT est deux à trois fois plus active qu’avec l’allèle S (Figure 4). Dans l’étude mentionnée ci-dessus, le génotype était L/L chez 70 à 80 % des malades hypertendus pulmonaires, par comparaison à 20 ou 30 % d’une population témoin [9]. Ce résultat démontre que le génotype L/L prédispose à l’HTAPP chez l’Homme.
Plusieurs questions restent sans réponse. Bien que l’allèle long du promoteur du gène 5-HTT soit fortement lié à l’HTAPP, ce fait n’explique pas entièrement l’augmentation de l’expression de 5-HTT chez les malades qui ont une HPP. Ainsi, la présence concomitante d’autres facteurs est probablement nécessaire à l’apparition d’une surexpression de 5-HTT. Il reste à déterminer si cette surexpression est due à une altération du gène 5-HTT lui-même ou à des altérations d’autres facteurs mis en jeu dans la régulation de l’expression du gène 5-HTT. Il existe un besoin pressant d’études des voies moléculaires qui lient le génotype BMP-RII mutant, l’expression de 5-HTT, et le phénotype HTAPP.
La possibilité d’une association entre une surexpression du gène 5-HTT et d’autres formes d’hypertension pulmonaire secondaire demande aussi à être explorée. Une prédisposition génétique a été suggérée pour la plupart des formes secondaires d’hypertension pulmonaire et pour l’hypertension pulmonaire persistante du nouveau-né. De plus, il existe d’importantes variations inter-individuelles dans la sévérité de l’hypertension pulmonaire associée aux pneumopathies hypoxémiques.
Eddahibi S et al. ont montré que le gène 5-HTT peut être induit par l’hypoxie [13, 16], laissant penser que l’hypertension pulmonaire hypoxique est probablement elle aussi liée au polymorphisme 5-HTT. Il existe probablement des interactions entre l’expression de 5-HTT et d’autres facteurs comme l’inflammation ou les anorexigè- nes. Les anorexigènes pourraient contribuer à l’hypertension pulmonaire en aug-
FIG. 4. — Activité 5-HTT (gauche) et croissance des cellules musculaires lisses (droite) issues de sujets témoins en fonction du génotype SS, LS ou LL. D’après la référence 9.
mentant les concentrations de 5-HT dans la circulation, en stimulant directement la prolifération des CML ou en modifiant l’expression de 5-HTT. Nous suggérons qu’une expression forte de 5-HTT à l’état basal, en rapport avec la présence de la variante longue du promoteur du gène 5-HTT, prédispose peut-être à un ou plusieurs de ces mécanismes sous-tendant le développement d’une hypertension pulmonaire en réponse aux anorexigènes. Ainsi, les associations qui lient la surexpression de 5-HTT à l’hypertension pulmonaire et le polymorphisme du gène 5-HTT à la prédisposition à l’HTAP se retrouvent probablement dans divers types d’hypertension pulmonaire chez l’homme.
CONCLUSION
La compréhension de la physiopathologie de l’HAP a beaucoup progressé au cours de ces dernières années. De nouvelles approches thérapeutiques destinées à corriger les anomalies de la média et de l’adventice feront probablement l’objet d’études cliniques dans un avenir proche.
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DISCUSSION
M. Yves GROSGOGEAT
Le rôle au transporteur de sérotonine est-il aussi important dans le mécanisme de l’hypertension artérielle pulmonaire secondaire aux shunts intra-cardiaque que dans l’hypertension primitive ?
Il s’agit d’une question non résolue, un protocole devrait démarrer prochainement afin de déterminer la fréquence du génotype LL dans cette population de patients M. Pierre GODEAU
Comment peut-on expliquer que l’effet des « coupe-faim » ait été différent en Europe (risque d’HTAP) et aux USA et Canada où l’on a observé des valvulopathies et pas d’HTAP. Y avait-il un substratum génétique différent ? D’autre part, vous avez démontré un rôle éventuellement favorable de la fluoxétine pour freiner le développement de l’HTAP au moins expérimentalement chez la souris. En revanche, il semble que la fluoxétine ait joué un rôle adjuvant dans le développement des valvulopathies des patients ayant absorbé à la fois fenfluramine phentermine et pour certains aussi la fluoxétine ?
Une étude parallèle menée aux USA a montré également l’augmentation du risque de développer une HTAP chez les patients traités par les dérivés de la fenfluramine. Une particularité des patients aux USA ayant développé une valvulopathie est que ceux-ci prenaient l’association fenfluramine phentermine dont une conséquence théorique est une augmentation massive des concentrations plasmatiques de sérotonine. Je n’ai pas la notion d’un effet similaire de l’association fluoxétine-phentermine. Il s’agit d’une notion importante car elle signifierait alors que le développement des valvulopathies est directement lié à l’augmentation de la concentration de sérotonine libre circulante.
M. Jacques CAEN
Dans l’A.M.J. en juillet 1990 avec l’équipe de Pierre Duroux et Philippe Hervé à Clamart, avec Ludovic Drouet et J.-Marie Launay, nous avons documenté les relations entre la sérotonine plaquettaire et l’hypertension artérielle pulmonaire dans une maladie familiale de départ de stockage dans les organelles plaquettaires de serotonine et nous jetions ainsi les bases d’une hypothèse qui a été reprise chez les porcs souffrant congénitalement de cette anomalie, découverte par Ludovic Drouet. La sérotonine chez le porc a une action vasodilatatrice mais pas vasoconstrictrice. La physiopathogénie évoquée était la suivante : par défaut congénital de stockage de mitogenes et de facteurs vasoactifs, ceux-ci sont en excès dans le plasma, il en résulterait la séquence suivante : activation des cellules musculaires lisses (vasoconstriction) leur prolifération (hypertrophie médiale) et dédifférenciation des cellules musculaires lisses pour un phenotype fibreux et une remodélisation vasculaire aboutissant à une augmentation de la résistance artérielle pulmonaire. Nous avons suggéré en 1990 une action synergique de la sérotonine et de facteurs de croissance d’origine
plaquettaire pour expliquer l’hypertension artérielle pulmonaire progressive familiale touchant le malade décédé à Clamart, son fils et sa petite fille.
L’hypothèse que vous avez avancée se révèle en effet de plus en plus vraisemblable. En revanche, il est peu probable que le mécanisme fasse intervenir les propriétés vasoconstrcitrices de la sérotonine. En effet, dans notre expérience, les antagonistes des récepteurs à la sérotonine de type 1B, 2B et 2A ne modifient pas le développement de l’HTAP expérimentale, hypoxique ou induite par la monocrotaline. L’expression pulmonaire de ces récepteurs n’est par ailleurs pas modifiée dans l’HTAP humaine.
M. Patrice QUENEAU
Pour revenir aux hypertensions pulmonaires de cause médicamenteuse (imputées notamment à certains anorexigènes), peut-on espèrer que la connaissance du génotype puisse identifier les populations à risques et donc les contre-indications des médicaments inducteurs de telles hypertension pulmonaires ?
Il est possible que dans l’avenir, le génotype puisse être utilisé pour identifier certains patients à risque de développer une HTAP. Ainsi, on peut imaginer, si ceci était confirmé que des patients porteurs d’une BPCO et dont le génotype favorise le développement d’une HTAP puissent être traités de façon plus active ou plus précoce que leurs homologues de génotype différent. En revanche, il paraît peu vraisemblable que ceci puisse contribuer à sélectionner des patients face à l’utilisation d’un produit dangereux.
M. Claude JAFFIOL
L’hypentension artérielle pulmonaire des anorexigènes est relativement rare. Qu’en est il des recherches d’une anomalie génétique type « LL » chez ces patients ?
Il est malheureusement difficile de retrouver maintenant des patients avec HTAPP ayant pris des anorexigènes et les comparer à des contrôles ayant également pris des anorexigènes. Dans l’étude publiée en 2001 par S. Eddahibi dans le Journal clinical Invest, nous avons montré que l’incidence du génotype LL, chez des patients ayant pris des anorexigènes, était la même que celle trouvée dans la population de patients porteurs d’une HTAPP.
M. Daniel LOISANCE
L’HTAP signifie pour un patient en insuffisance cardiaque terminale une contreindication absolue à la greffe cardiaque. Il semble que la mise en œuvre d’une dérivation ventriculaire gauche prolongée permette la disparition de cette HTAP, et par voie de conséquence, à nouveau une possibilité ou greffe ? Quel est le mécanisme de ce phénomène ? Quel est le rôle de la sérotonine ?
Il est possible que génotype LL puisse favoriser le développement de l’HTAP chez les patients avec insuffisance cardiaque et ainsi expliquer la susceptibilité particulière qu’auraient certains de ces patients à développer une HTAP. Ceci devrait faire l’objet d’une prochaine étude.
M. Claude DREUX
Quel pourrait être le rôle du récepteur 5HT2B de la sérotonine dans l’hypertension pulmonaire ? Dans son intervention devant notre Académie le 14 Janvier 2003, J.M.Launay avait rappelé le rôle mitogène de la 5HT et du récepteur 5HT2B en stimulant la voie des kinases et de la mitose. Pensez-vous que le mécanisme puisse être invoqué dans l’HTAP, à côté de celui mettant en jeu le transporteur 5HTT ?
Il est bien sûr vraisemblable que les récepteurs 5HT2B agissent selon des mécanismes différents de celui du transporteur de la sérotonine. Le mécanisme impliqué dans l’action des 5HT2B est à ma connaissance encore méconnu, mais n’affecte pas la prolifération des CML.
M. Georges DAVID
Dans les hypertensions artérielles pulmonaires du très jeune enfant, a-t-on, dans certains cas, retrouvé la notion de prise d’anorexigènes par les mères.
A ma connaissance, non. En revanche, il est possible que le génotype LL puisse favoriser le développement de l’HTAP persistante du nouveau-né. Cette hypothèse fait actuellement l’objet d’une étude en cours avec le réseau national de néonatalogie.
M. André PARODI
Il existe en médecine vétérinaire au modèle spontané d’HTAP ; c’est celui de l’infection parasitaire-pulmonaire du chat par un nématode, Aelustrongylus abstrusus. Cette parasitose, devenue rare, s’accompagne d’hypoxie et d’une hyperplasie sévère de la média des artérioles pulmonaires. Ma question porte sur la mutation qui survient sur le gène codant pour la protéine morphogénique osseuse (BMPRII) dans l’hypertension artérielle pulmonaire primitive génétique. Existe-t-il des anomalies du développement du squelette associées à cette mutation ?
Les patients porteurs d’une mutation du gène codant pour le BMP-R2 ne semblent pas présenter d’anomalies associées à l’HTAP. La survenue de l’HTAP chez le chat pourrait représenter un bon modèle d’étude, notamment dans le cadre de sa composant inflammatoire.
Hyperparathyroidie primaire évolution des techniques durant trois décennies intérêt et innocuité des opérations précoces
Primary hyperparathyroidism :
Evolution in diagnostic and imaging techniques during three decades and advantages of early surgery
Didier MELLIERE*, Elif HINDIE**
Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1529-1545, séance du 4 novembre 2003