Pour animer ce Forum nous avons fait appel aux équipes qui se sont particulièrement intéressées à la pathologie du rachis. La partie médicale a été confiée à Jean-Pierre VALAT, président de la section rachis de la Société Française de Rhumatologie et à son adjoint Philippe GOUPILLE. Ce dernier a bien voulu remplacer Jean-Pierre VALAT, malheureusement décédé quelques jours avant ce Forum dédié à sa mémoire. L’équipe de chirurgie du rachis du CHU de Bordeaux était représentée par Jean-Marc VITAL, et complétée par Philippe BANCEL de Paris. Enfin, la rééducation était prise en charge par Bernard BIOT, du Centre des Massues, à Lyon.
Le vieillissement de la population est une évidence et à 65 ans, 50 % des individus ont des manifestations rhumatismales, dont l’arthrose du rachis. L’arthrose est une maladie non seulement du cartilage mais aussi des structures adjacentes, os souschondral, capsule et membrane synoviale. Elle s’exprime souvent après 50 ans mais elle diffère du simple vieillissement marqué par une moindre activité du chondrocyte, sans évolution destructrice.
Dans ce contexte, l’atrophie musculaire a un rôle aggravant.
La station debout se fait grâce à une chaîne de l’équilibre des pieds à la tête en passant par le bassin, véritable vertèbre pelvienne. Toute détérioration de l’équilibre de cette chaîne favorise le vieillissement du rachis. Une atteinte des hanches retentit sur la colonne vertébrale et l’hyperlordose lombo-sacrée ou cervico-thoracique est un facteur favorisant de l’arthrose.
Il en est de même pour les pathologies congénitales ou acquises de l’enfance, scolioses, cyphoses, maladie de Scheuermann, malformations, séquelles de traumatisme… Longtemps bien tolérées ces anomalies se décompensent et deviennent douloureuses en favorisant mécaniquement la détérioration discale et le développement d’une arthrose. C’est dire l’importance d’une prévention dans l’enfance.
Les douleurs rachidiennes sont étroitement liées à la dégénérescence discale. Celle-ci est due à des contraintes mécaniques anormales avec libération de cytokines, dans un contexte génétique et familial particulier. On reconnaît, en particulier, les polymorphismes COL9A2 du collagène de type IX, de l’aggrécane et du gène du récepteur de la vitamine D. Les chondrocytes discaux diminuent leur production de collagène de type II et d’aggrécanes avec baisse de la pression osmotique et affaissement du disque sous l’effet combiné des contraintes mécaniques et de l’activation des metalloproteinases par libération locale de TNF et d’IL1. Le disque intervertébral est dépourvu de vaisseaux et de nerfs, sauf à la partie externe de l’annulus fibrosus mais sa dégénérescence est marquée par l’apparition en son sein d’une néo-vascularisation et d’une néo-innervation responsables de douleurs. La discarthrose vertébrale touche l’ensemble formé par le disque et les plateaux vertébraux adjacents qui vont se densifier. Le processus arthrosique intéresse aussi les articulations interapophysaires postérieures, fonctionnellement très liées à l’articulation discovertébrale dans le même segment mobile. Ie principal facteur favorisant de l’arthrose vertébrale, en particulier lombaire est génétique mais on a également incriminé, une lourde activité physique, le tabagisme, l’obésité et les anomalies de croissance : scolioses, spondylolisthesis par lyse isthmique, maladie de Scheuermann.
Les scolioses de l’adulte sont souvent des scolioses de l’enfance ou de l’adolescence qui dans les deux tiers des cas, continuent à évoluer à l’âge adulte. Un angle de Cobb initial supérieur à 30° est un facteur favorisant. Certaines scolioses apparaissent et évoluent après 50 ans dans un contexte de discarthrose plus ou moins destructrice avec instabilité rotatoire et translation latérale sur un étage. L’association à une chondrocalcinose articulaire est possible.
L’arthrose du rachis peut être responsable d’un canal étroit, à l’étage cervical et surtout lombaire avec saillie discale hypertrophie des ligaments jaunes et ostéophytose articulaire postérieure. Le canal lombaire étroit est responsable d’une claudication intermittente très caractéristique. Malgré son caractère inquiétant, elle a tendance à s’améliorer spontanément avec le temps.
Le traitement médical vise à soulager la douleur, améliorer la fonction et rassurer le patient.
Les antalgiques de pallier 1 et 2 sont associés aux AINS lors des poussées douloureuses et à court terme. Les infiltrations de corticoïdes peridurales et intrathécales sont transitoirement efficaces. Les infiltrations foraminales rarement indiquées en raison d’un risque vasculaire avec paraplégie récemment rapporté. Une rééducation adapté, une immobilisation par corset sont également utiles.
On peut estimer que chez les patients ayant une sténose lombaire non compliquée traités médicalement et suivis de deux à dix ans, 20 % à 40 % auront besoin d’une intervention chirurgicale et parmi ceux qui ne seront pas opérés, 50 % à 70 % verront leurs douleurs améliorées, après plusieurs mois.
La chirurgie du rachis chez le sujet âgé, doit tenir compte du risque particulier d’accident vasculaire cérébral, lié à l’anesthésie, à la position opératoire et à la longueur de l’intervention.
Ce sont les signes neurologiques, compression médullaire cervicale, de la queue de cheval ou radiculaire, qui amènent à intervenir sur les éléments de compression arthrosiques et discaux. Une libération insuffisante est suivie d’échec mais une libération très complète et étendue doit être stabilisée par une arthrodèse avec un risque de douleurs rachidiennes persistantes. Les douleurs chroniques rachidiennes ne sont pas une indication opératoire sauf s’il existe un trouble statique avec déséquilibre vertébral, comme dans les scolioses évoluées ou plus rarement, une instabilité par fracture ostéoporotique.
Les principales complications immédiates sont l’hématorachis qui nécessite une reprise chirurgicale rapide et l’infection locale dont la fréquence augmente avec la durée et l’importance de l’intervention, passant de 0,5 % pour un simple disque à 2 % pour une chirurgie plus complexe.
En cas d’échec, une nouvelle intervention est surtout envisagée s’il y a eu un problème technique avec libération ou fixation insuffisantes.
Quel que soit le traitement choisi, le médecin de rééducation a un rôle essentiel pour optimiser la gestion des défauts posturaux, reconnaître les secteurs et les moyens de compensation, utiliser à bon escient les appareillages orthopédiques. Le muscle du sujet âgé répond aux sollicitations de l’exercice mais la force acquise ne se maintient que si l’exercice est poursuivi.
Ainsi le vieillissement du rachis peut être responsable d’une dépendance fonctionnelle liée à la plus grande fréquence des atteintes dégénératives consécutive à l’augmentation de la durée de vie. Dans la plupart des cas, le traitement médical et la rééducation adaptée sont suffisants.
La décision opératoire doit être mûrement réfléchie et résulter d’une confrontation entre médecin, chirurgien, rééducateur et radiologue pour ne pas se laisser entraîner dans un engrenage d’échecs et d’interventions successives.
* Membre de l’Académie nationale de médecine et coordonnateurs du Forum
Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 8, 1941-1943, séance du 25 novembre 2009