Résumé
Quatre maladies héréditaires se présentant sous forme d’accès inflammatoires intermittents ont été reconnues et maintenant bien caractérisées dans leurs aspects cliniques et génétiques. Le chef de file de ce groupe reste la fièvre méditerranéenne familiale (FMF), une maladie qui affecte des milliers de malades originaires du bassin méditerranéen. Mais la fièvre méditerranéenne familiale n’est plus seule au sein des maladies inflammatoires récurrentes héréditaires. Trois autres entités clinico-génétiques ont maintenant été bien définies : la fièvre intermittente secondaire à des mutations du récepteur de type 1A du Tumor necrosis factor (TNF) appelée TRAPS (TNFRSF1A associated periodic syndrome), le syndrome d’hyperimmunoglobulinémie D, et une dernière entité regroupant le syndrome de MuckleWells, l’urticaire familiale au froid et le syndrome CINCA (Chronic Infantile Neurological Cutaneous and Articular). Un diagnostic précis de ces affections est crucial, car leur prise en charge et leur traitement sont spécifiques.
Summary
Four diseases presenting mainly as intermittent bouts of inflammatory symptoms have been clinically and genetically characterized. At the head of this group is familial Mediterranean fever, which affects thousands of patients of Mediterranean ancestry. The other three entities are the tumor necrosis factor receptor superfamily 1A-associated periodic fever syndrome (TRAPS) with a dominant mode of inheritance ; hyperimmunoglobulinemia D and periodic fever syndrome (HIDS) ; and the most recently recognized entity, which includes Muckle Wells syndrome, familial cold urticaria, and the chronic infantile neurological cutaneous and articular (CINCA) syndrome. Proper diagnosis of these entities is needed to begin specific clinical and therapeutic management.
INTRODUCTION
Les fièvres héréditaires intermittentes ou syndromes auto-inflammatoires constituent un groupe de maladies inflammatoires dont la plus fréquente est la fièvre méditerranéenne familiale (FMF), aussi dénommée maladie périodique . Trois autres entités ont été ensuite isolées : la fièvre intermittente liée au récepteur de type 1A du Tumor necrosis factor (TNFRSF1A pour TNF receptor superfamilly 1A), dénommée TRAPS pour TNFRSF1A associated periodic syndrome, le syndrome de fièvre périodique avec hyperimmunoglobulinémie D ou hyperimmunoglobulinemia D periodic fever syndrome (HIDS), et le syndrome de Muckle-Wells et ses variants :
l’urticaire familiale au froid ou familial cold urticaria (FCU) renommée Familial cold autoinflammatory syndrome (FCAS) et le syndrome CINCA (Chronic Infantile Neurological Cutaneous and Articular) [1]. Le démembrement génétique des fièvres intermittentes héréditaire a commencé en 1997 quand le gène en cause dans la FMF a été découvert par clonage positionnel [2, 3]. Les défauts génétiques des trois autres entités ont été depuis caractérisés.
LA FIEVRE MEDITERRANEENNE FAMILIALE
Epidémiologie
La fièvre méditerranéenne familiale est la plus connue et certainement la plus fréquente des maladies inflammatoires récurrentes héréditaires. Elle atteint les populations turques, arabes de l’Est et de l’Ouest, arméniennes, juives sépharades, mais aussi juives ashkénases, kurdes, druzes, libanaises, italiennes et grecques. Dans certaines de ces populations, notamment chez les Juifs sépharades et les Arméniens, la fréquence dans la population générale des porteurs à l’état hétérozygote d’une mutation du gène MEFV est supérieure à 1/5. Cette prévalence élevée explique la transmission pseudo-dominante couramment observée dans ces populations.
Aspects cliniques
La FMF dans sa forme typique commence tôt dans la vie, dans 2/3 des cas avant l’âge de cinq ans. Les accès aigus sont caractéristiques de la maladie, et si la fièvre y est quasi constante, elle est rarement isolée. Le plus souvent il existe des signes d’inflammation aiguë d’une séreuse, dans l’ordre de fréquence décroissante le péritoine (90 %), la plèvre (50 %), la synoviale articulaire (30 %), la vaginale testiculaire (10 %) et le péricarde (1 %). L’accès aigu abdominal est souvent impressionnant et en présence d’un premier accès, la suspicion de péritonite peut conduire à l’intervention chirurgicale en urgence. De nombreux signes cutanés ont été décrits au cours de la FMF, le plus fréquent est une plaque érythémateuse évoquant un érysipèle des membres inférieurs, particulièrement à la cheville. L’atteinte articulaire
aiguë intéresse les grosses articulations, genou, hanche, cheville. L’accès aigu dure de quelques heures à 72 heures et se résout spontanément. Les accès reviennent sans aucune régularité et avec une fréquence très variable d’un sujet à l’autre et d’une tranche de vie à l’autre pour un sujet donné. Il n’y a habituellement pas de signe clinique en dehors des accès aigus. Cependant certaines manifestations de la maladie peuvent se prolonger au-delà des 72 heures habituelles, c’est le cas des arthrites, et de myalgies très intenses qui peuvent durer plusieurs semaines. Chez un malade sur cent environ, l’atteinte articulaire évolue sur un mode chronique et destructeur, particulièrement à la hanche [4, 5].
Génétique et diagnostic
Le gène responsable de la FMF,
MEFV (MEditerranean FeVer), code une protéine de 781 acides aminés qui a été dénommée pyrine (du nom grec de la fièvre : pyros) , par le consortium international et marénostrine (du nom latin de la mer Méditerranée : mare nostrum ) par le consortium français.
Plus de trente mutations ont à ce jour été identifiées dont la majorité sont situées dans l’exon 10 et entraînent la substitution d’un acide aminé à l’extrémité carboxyterminale de la protéine, les autres étant réparties dans l’exon 2, et à un moindre degré dans les exons 3 et 4. Quatre de ces mutations représentent au moins 80 % des mutations des sujets atteints de FMF dans les populations les plus touchées. La plus fréquente d’entre elles, M694V, est présente, sur le même haplotype, dans l’ensemble des populations méditerranéennes étudiées, suggérant un effet fondateur dans ces populations.
Le diagnostic de FMF repose sur un faisceau d’arguments cliniques complété depuis peu d’un diagnostic génétique. Les signes cliniques de la FMF ne sont pas spécifiques. C’est pourquoi le diagnostic de FMF était souvent un diagnostic d’exclusion d’autres maladies dont les diagnostics reposent sur des éléments de certitude. La découverte du gène MEFV et de mutations responsables de la FMF apporte une aide certaine au diagnostic qui peut être ainsi porté chez des malades qui ont des signes modérés ou atypiques. L’analyse des données cliniques de certains malades ayant un phénotype typique et sans mutation, assortie de données de génétique formelle suggère qu’il existe un autre gène dont les mutations donnent le même phénotype [6].
Physiopathologie
MEFV n’est exprimé que dans les polynucléaires neutrophiles circulants et à un moindre degré dans les monocytes. La régulation du gène
MEFV est encore mal connue. In vitro, l’expression de
MEFV est ainsi accrue par l’interféron γ, l’interfé- ron α et la colchicine et le TNF α, qui régule l’expression de
MEFV par l’intermé- diaire du facteur de transcription NFκB [7]. Une nouvelle piste vient de s’ouvrir pour la compréhension de la physiospathologie de la FMF : l’apoptose. La protéine
marénostrine/pyrine contient dans sa partie N-terminale un domaine appelé maintenant domaine pyrine/PyD. Ce domaine a une structure tridimensionnelle similaire au domaine de mort (Death Domain, DD), au domaine effecteur de mort (Death Effector Domain, DED) et au domaine de recrutement de caspase (CAspase Recruitment Domain, CARD). Il est présent dans plusieurs protéines et définit ainsi une nouvelle famille, dénommée pyrine/PyD. Les domaines pyrine engagent des interactions homotypiques protéine/protéine. C’est ainsi que par son domaine pyrine, marénostrine/pyrine peut interagir avec le domaine PyD porté par la protéine ASC qui intervient lors de l’apoptose des polynucléaires et aussi dans une voie de l’inflammation faisant intervenir le facteur NF-kappa B [8].
Traitement
Il n’existe pas de réel traitement curatif de l’accès inflammatoire aigu. En revanche l’efficacité de la colchicine comme traitement préventif des accès est maintenant bien établi. La posologie de la colchicine dans cette indication est variable. La dose de 1 mg/jour est souvent suffisante pour prévenir les accès, mais des doses supérieures sont parfois nécessaires, jusqu’à 2,5 mg/jour. La colchicine permet aussi dans la plupart des cas de prévenir l’amylose mais la détermination individuelle de la dose nécessaire à la prévention de l’amylose est impossible [9]. La mesure régulière de l’inflammation infraclinique qui existe dans la FMF pourrait aider à déterminer cette dose en particulier chez l’enfant [10]. Les dosages sanguins, plasmatiques et intracellulaires, n’ont pas d’utilité pour déterminer la dose nécessaire à la suppression des accès. La prise de la colchicine pendant la grossesse est un sujet encore débattu ; la tendance est de considérer que les risques de toxicité pour l’enfant sont négligeables [11]. Lorsque l’amylose est installée, le traitement par colchicine peut encore faire disparaître les signes cliniques d’atteinte rénale, même lorsqu’il existe un syndrome néphrotique. La transplantation rénale reste le meilleur traitement de l’amylose de la FMF, mais si la colchicine prévient assez bien la récidive de l’amylose sur le transplant, l’évolution se fait vers une extension de l’amylose, en particulier au cœur et au tube digestif [12].
LA FIEVRE HEREDITAIRE PERIODIQUE LIEE AU RECEPTEUR DE TYPE 1A DU TNF
Epidémiologie
Même si le TRAPS a été initialement reconnu dans une famille d’origine irlandaise (comme le suggère le terme de fièvre hibernéenne), des mutations du gène du TNFR1 responsables du TRAPS ont été décrites plus récemment dans d’autres populations y compris méditerranéenne, noire américaine et japonaise [13, 14].
Accès inflammatoire du TRAPS
Les accès du TRAPS se manifestent pour la première fois durant l’enfance ou l’adolescence. Les poussées inflammatoires du TRAPS associent habituellement fièvre, manifestations abdominales, atteinte cutanée et musculo-articulaire [14]. La fièvre se caractérise classiquement par sa durée prolongée d’une à plusieurs semaines. Les manifestations abdominales sont le deuxième signe le plus fréquent. Habituellement il s’agit de douleurs abdominales violentes, qui peuvent évoquer un abdomen chirurgical. La majorité des malades souffrent de manifestations cutanées lors des poussées de la maladie. Les lésions observées peuvent être de plusieurs types : macules migrantes, plaques érythémateuses confluentes, œdème périorbitaire légèrement érythémateux. Les plus spécifiques sont des lésions de pseudocellulite, touchant les membres (inférieurs comme supérieurs). Ces lésions débutent à la racine et migrent en quelques heures ou jours vers l’extrémité du membre atteint, avant de disparaître.
Les manifestations musculo-articulaires sont souvent, le signe clinique prédominant de l’accès inflammatoire. L’atteinte musculaire se caractérise par une douleur localisée à un groupe musculaire. Cette douleur accompagne habituellement les lésions dermatologiques de type pseudocellulite. L’atteinte articulaire est moins spécifique : arthralgies diffuses, plus rarement arthrites aiguës. D’autres signes cliniques moins fréquents peuvent s’observer : adénopathies satellites des lésions cutanées, une conjonctivite aseptique accompagnant ou non l’œdème péri-orbitaire, des douleurs thoraciques.
Génétique et diagnostic
Le gène responsable de cette affection, code le récepteur de type 1A du TNF. Les mutations connues portent pour la plupart d’entre elles sur les cystéines de la partie extracellulaire du TNFRSFA.
La découverte de mutations du gène TNFRSF1A permet ainsi d’affirmer le diagnostic de TRAPS. Cependant il existe des polymorphismes génétiques dans la séquence codante du gène TNFRSF1A dont le caractère pathogène n’est pas prouvé.
Physiopathologie
Les mécanismes de la maladie ne sont pas encore parfaitement élucidés. Normalement, le clivage de la partie externe du récepteur membranaire conduit à la libération de la forme soluble, dont l’action principale est de limiter, en le captant, l’action du TNF circulant. Certaines mutations induisent un défaut de clivage du récepteur soluble, mais dans la plupart ce mécanisme n’est pas en jeu. On peut imaginer qu’une anomalie de la conformation du récepteur soluble modifie sa liaison au TNF.
Dans les deux cas il en résulterait un relatif déficit de la forme soluble du récepteur laissant sans opposition le TNF exercer son action pro-inflammatoire.
Traitement
La colchicine est inefficace dans le TRAPS. Par contre chez certains patients, les corticoïdes permettent d’atténuer les symptômes sans pour autant prévenir les poussées. L’effet du traitement semble s’atténuer avec le temps avec apparition d’une corticodépendance [13]. L’emploi d’agents inhibiteurs du TNF est a priori parfaitement logique dans le TRAPS. L’étanercept, une molécule de fusion du récepteur soluble de type 2 du TNF avec une immunoglobuline inhibe l’action du TNF en mimant l’action du récepteur soluble. Elle semble donc a priori parfaitement désignée pour être utilisée dans le TRAPS. Des essais cliniques avec l’étanercept, et avec d’autres médicaments anti-TNF sont en cours avec des résultats préliminaires variables [15].
LE SYNDROME DE FIEVRE PERIODIQUE AVEC HYPERIMMUNOGLOBULINEMIE D
Le syndrome d’hyperimmunoglobulinémie D (syndrome d’hyperIgD, hyperimmunoglobulinemia D syndrome ou HIDS) ou fièvre périodique hollandaise (Periodic fever, Dutch type), (MIM 260920) a été isolé au sein des fièvres héréditaires par Van der Meer et al en 1984 [16].
L’accès inflammatoire du syndrome d’hyperIgD
La maladie commence presque toujours dans l’enfance, souvent au cours de la première année de vie [16]. Les accès inflammatoires durent typiquement sept jours et reviennent toutes les quatre à huit semaines, la fièvre est majeure atteignant au moins 39° C, accompagnées de signes focaux dans 2/3 à 3/4 des cas : douleurs abdominales, diarrhée, vomissement, arthralgies ou arthrites dans. Probablement plus spécifiques par rapport aux trois autres variétés de fièvres héréditaires, sont l’hépatosplénomégalie et surtout la présence d’adénopathies cervicales douloureuses (94 % des cas). La définition de cette affection a reposé sur l’existence, aussi bien pendant qu’entre les accès, d’une forte élévation des IgD sériques (supérieure à 100 mU/ml ou 140 mg/l). En réalité il semble maintenant que l’élévation des immunoglobulines D sériques ne soit probablement pas d’une grande spécificité et puisse s’observer, entre autres, dans la FMF et le TRAPS [14].
Génétique diagnostic et mécanismes
Le gène responsable du syndrome d’hyperimmunoglobulinémie D code une enzyme de la voie du cholestérol, la mévalonate kinase (MVK). Le déficit complet en MVK était connu comme étant la cause d’une maladie pédiatrique, l’acidurie mévalonique qui comporte en plus des accès inflammatoires typiques du syndrome d’hyperim-
munoglobulinémie D, un retard de croissance, une dysmorphie, des lésions oculaires et de graves troubles neurologiques. Le syndrome d’hyperimmunoglobulinémie D se présente donc comme une forme clinique et biochimique modérée de l’acidurie mévalonique [17, 18]. C’est la mise en évidence du déficit enzymatique, par mesure de l’élimination urinaire du substrat dans l’urine (augmentée en cas de déficit) ou de l’activité enzymatique dans les lymphocytes (diminuée) qui est l’étalon or du diagnostic. La recherche de mutation complète la mise en évidence biochimique de la maladie. Les mécanismes intimes de l’inflammation créée par ce trouble métabolique sont encore mal compris.
Les médicaments anti-inflammatoires usuels, corticostéroïdes, colchicine, antiinflammatoires non stéroïdiens, sont généralement peu actifs sur cette variété d’inflammation. Des données préliminaires rapportent un effet favorable de l’etanercept [19], et un essai randomisé suggère que la simvastatine, utilisée à titre de modulateur de la voie de synthèse du cholestérol et des isoprènes, a une efficacité modérée sur les signes cliniques de ce syndrome [20].
LE SYNDROME DE MUCKLE-WELLS, L’URTICAIRE FAMILIALE AU FROID ET LE SYNDROME CINCA
Ces trois entités, décrites indépendamment, ont cependant des caractéristiques communes et sont maintenant reliées par la génétique. Toutes trois sont en effet liées à des mutations du gène CIAS1 (Cold Induced Auto-inflammatory Syndrome 1).
Aspects cliniques
Le syndrome de Muckle et Wells est défini comme l’association d’une urticaire, d’une amylose essentiellement rénale et d’une surdité neurosensorielle. Il est transmis sur le mode autosomique dominant. Les accès inflammatoires cliniques comportent, en plus de l’urticaire, qui définit la maladie, des signes oculaires à type de conjonctivite [21].
L’urticaire au froid familiale (familial cold urticaria ou FCU) est caractérisée par la survenue retardée de quelques heures après une exposition à une ambiance froide d’une urticaire associée à des arthralgies, une conjonctivite et une fièvre modérée [22]. La nature inflammatoire de cette variété d’urticaire a conduit à la renommer Familial cold auto-inflammatory syndrome (FCAS).
L’acronyme CINCA est défini par ‘‘ Chronic Infantile Neurological Cutaneous and Articular ’’ [23]. Dans la littérature anglo-saxonne, ce syndrome est aussi dénommé NOMID pour ‘‘ Neonatal Onset Multisystemic Inflammatory Disease ’’. L’âge de début est très précoce puisque l’atteinte cutanée survient habituellement dès les premiers jours à semaines de vie. La triade d’atteinte cutanée, neurologique et articulaire est caractéristique de ce syndrome. L’atteinte cutanée survient classiquement dès les premiers jours de vie sous forme d’un érythème diffus de type urticarien
mais non prurigineux. L’atteinte neurologique comprend une méningite chronique amicrobienne à polynucléaires neutrophiles et un retard mental qui apparaît progressivement pendant l’enfance. L’atteinte articulaire est la troisième caractéristique de ce syndrome, avec des arthralgies ou des arthrites, pouvant dans certains cas, conduire à une arthropathie grave dès l’enfance. L’atteinte ophtalmique comprend des conjonctivites, des uvéites, un pseudo-œdème papillaire et une atrophie optique, pouvant entraîner une cécité. L’atteinte auditive se présente sous forme d’une surdité neurosensorielle bilatérale progressive. Une dysmorphie faciale est quasi constante mais d’importance variable.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ont peu d’effet. La colchicine a parfois un effet sur l’atteinte articulaire du syndrome de Muckle-Wells. Son efficacité pour prévenir l’amylose n’est pas prouvée dans ces affections. Le recours à la corticothé- rapie est souvent nécessaire de façon intermittente ou continue, sans influencer le cours de la maladie. Plus récemment, un inhibiteur spécifique de l’interleukine 1, l’anakinra a montré une efficacité spectaculaire sur les signes cliniques et sanguins de l’inflammation, et sur la protéinurie secondaire à l’amylose, chez deux malades atteints de syndrome de Muckle-Wells [24].
Génétique diagnostic et mécanismes
Le gène associé au syndrome de Muckle-Wells et à l’urticaire familiale au froid (FCAS), puis au syndrome CINCA a été baptisé CIAS1 et code une protéine appelée cryopyrine aussi appelée PYPAF1 ou NALP3 [25, 26]. La racine ‘‘ cryo ’’ fait référence au fait que des mutations de ce gène ont été trouvées dans l’urticaire familiale au froid. Le domaine pyrine, aussi présent dans la protéine codée par CIAS1 justifie l’emploi de la racine ‘‘ pyros ’’ . Plus de vingt mutations dans le gène
CIAS1 sont actuellement connues et sont associées au syndrome de Muckle-Wells, à l’urticaire familiale au froid (FCAS) et au syndrome CINCA [25, 26, 27]. La découverte d’une mutation du gène CIAS1 permet d’affirmer le diagnostic évoqué par la clinique.
La protéine cryopyrine contient aussi dans sa partie N-terminale un domaine pyrine (PyD) de 90 acides aminés, un domaine appelé NACHT ou NBS (Nucléotide Binding Site), impliqué dans la liaison aux nucléotides et dans l’oligomérisation des protéines et un domaine riche en répétition de leucine (Leucin Rich Repeat, LRR).
Les données actuelles impliquent la cryopyrine, tout comme la pyrine, dans la modulation de l’apoptose cellulaire et de la réponse inflammatoire. Comme pour la pyrine, l’essentiel reste à faire pour élucider les mécanismes de la maladie et définir le rôle physiologique de la cryopyrine.
Démarche diagnostique
Le diagnostic précis d’une de ces quatre maladies est évoqué sur l’origine ethnique, la nature des signes cliniques qui accompagnent la fièvre au cours des accès (dou-
leurs abdominale, articulaire, éruption, atteinte oculaire, adénopathies), le mode de transmission génétique récessif ou dominant, en sachant qu’une présentation sporadique n’est pas exceptionnelle, et le diagnostic est confirmé par les données biochimiques et génétiques. Ainsi l’absence d’origine méditerranéenne élimine le diagnostic de fièvre méditerranéenne familiale. Les trois autres maladies sont pré- sentes dans toutes les populations. Les douleurs abdominales fébriles restent le signe clinique le plus fréquent, et le plus banal, qui doit faire évoquer le diagnostic de FMF. L’expérience acquise avec les autres maladies est plus modeste et ne permet pas de propose un algorithme diagnostique précis. Certains points peuvent toutefois être d’ores et déjà soulignés. La découverte d’une mutation du gène TNFRSF1A , associée au TRAPS, est exceptionnelle, mis à part les polymorphismes R92Q et P46L de signification discutée, en l’absence de caractère familial dominant. Il en va différemment pour le diagnostic des affections liées à CIAS1, en raison de la fréquence des néomutations. Pour ce groupe la suspicion clinique requiert la pré- sence d’une urticaire, constante et d’au moins un des signes cliniques suivants :
surdité pour le syndrome de Muckle-Wells, sensibilité au froid pour l’urticaire familiale au froid. Le diagnostic de CINCA se pose en présence d’un érythème néonatal rapidement suivi des signes articulaires, neurologiques et de la dysmorphie faciale caractéristique. Le début du syndrome d’hyperimmunoglobulinémie D est toujours dans l’enfance, le plus souvent dans les deux premières années de vie, et la présence d’une élévation des IgD, même si elle n’est ni spécifique, ni parfaitement sensible, peut jouer un rôle d’orientation diagnostique. En particulier chez l’enfant, un dosage des IgD est recommandé devant des signes qui peuvent évoquer un syndrome de Marshall (fièvre périodique, aphtes, pharyngite et adénopathies).
Amylose
L’amylose des fièvres récurrentes héréditaires est une amylose inflammatoire, de type AA. Le rein en est le principal organe cible, les autres organes atteints préfé- rentiellement sont le tube digestif, la thyroïde et le cœur. La cardiopathie est rare, et s’observe essentiellement chez les patients dont l’amylose évolue depuis longtemps.
Les dépôts amyloïdes sont formés de la protéine AA, qui dérive par clivage protéolytique de la protéine SAA, dont la concentration sérique est multipliée par un facteur de 10 à 1000 au cours de la réaction inflammatoire. Toutes les variétés de fièvre héréditaire s’accompagnent d’une réaction inflammatoire majeure pendant les accès avec élévation de la SAA sérique et de la CRP. L’essentiel des données actuelles sur les facteurs de susceptibilité à l’amylose au cours des fièvres récurrentes héréditaires provient des études concernant l’amylose de la FMF [28]. Tous les malades atteints de FMF ne développent pas d’amylose. Si la survenue d’une amylose est gobalement dépendante de la durée et de l’intensité de la réaction inflammatoire, il est bien établi depuis de nombreuses années que la prévalence de l’amylose est variable suivant les groupes ethniques. Ces données ont suggéré que des facteurs génétiques et/ou environnementaux participent à la survenue de l’amylose dans la FMF. Plusieurs facteurs génétiques ont été identifiés : le sexe, le
génotype
MEFV et le génotype du gène SAA1 qui code un des variants circulants de la protéine SAA. L’amylose peut compliquer les autres variétés de fièvres héréditaires, y compris le syndrome d’hyperimmunoglobulinémie D [29].
CONCLUSION
Les différentes formes de fièvres héréditaires sont maintenant mieux identifiées et diagnostiquées. Un diagnostic précis n’est pas seulement nosologique, il est nécessaire pour une prise en charge appropriée de ces affections, car leurs traitements sont différents. Les fièvres héréditaires illustrent aussi l’intérêt potentiel des maladies rares dans la découverte de nouvelles familles de protéines, de nouveaux mécanismes pathologiques associés et de perspectives plus générales pour d’autres maladies, en particulier concernant la possibilité de nouvelles thérapies anti-inflammatoires.
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CIAS1 mutations associated with phagocytic cell-mediated auto-inflammatory disorders (CINCA/NOMID, MWS, FCU). Blood , 2003, 103 , 2809-2815.
[28] GRATEAU G. — The relation between familial Mediterranean fever and amyloidosis.
Curr. Opin.
Rheumatol., 2000, 12 , 61-64.
[29] OBICI L., MANNO C., MUDA A.O. et al . — First report of systemic reactive (AA) amyloidosis in a patient with the hyperimmunoglobulinemia D with periodic fever syndrome.
Arthritis Rheum ., 2004, 50 , 2966-2969.
DISCUSSION
M. Raymond ARDAILLOU
Une mutation d’une enzyme d’hydrolyse peut-elle expliquer le déséquilibre entre récepteurs membranaires et récepteurs solubles du TNF α ? La production accrue de formes actives de l’oxygène pourra-t-elle être à l’origine du déséquilibre entre récepteurs solubles et récepteurs membranaires du TNF α ?
Les mécanismes du TRAPS sont incomplètement élucidés. Une anomalie de clivage du récepteur membranaire, source du récepteur soluble, est probablement en cause dans certaines mutations, ailleurs le mécanisme reste à définir. Les liens entre la mutation du récepteur, qui porte le plus souvent sur la plus externe du récepteur, et l’anomalie de clivage, qui a lieu au ras de la membrane ne sont pas élucidés. En outre, dans certaines familles ayant un phénotype TRAPS, sans mutation du récepteur du TNF de type 1, et un récepteur soluble sérique abaissé, on peut faire l’hypothèse d’un défaut de l’enzyme de clivage du récepteur. Il n’existe pas de travaux portant sur les formes actives dérivées de l’oxygène et les anomalies du récepteur du TNF au cours du TRAPS.
M. Georges SERRATRICE
Chez l’enfant, les accès urticariens sont longtemps considérés comme allergiques et parasitaires et traités comme tels. Le diagnostic est facilité par une surdité chronique de transmission autosomique dominant, persistant et n’évoluant pas par accès. Connaît-on, en l’absence, à ma connaissance, de cas anatomique, la physiopathologie de cette surdité ?
Est-elle en relation avec un dépôt d’amylose, central ou périphérique ?
Les données anatomiques sont réduites au cas princeps de Muckle et Wells qui montrait une atrophie de l’organe de Corti et l’absence de dépôts amyloïdes dans l’oreille. Les données électrophysiologiques suggèrent que ces malades aient une surdité de perception. Récemment un effet spectaculaire d’un inhibiteur de l’interleukine 1 a été rapporté dans le syndrome de Muckle et Wells, non seulement sur l’urticaire et la réaction inflammatoire, mais aussi dans un cas sur la surdité qui a en partie régressé. Ces données indiquent que la surdité aussi pourrait être de mécanisme inflammatoire, dont la nature et le niveau : oreille ou nerf, restent à préciser.
M. François Bernard MICHEL
A propos de la fièvre hivernale avec œdèmes, vous avez évoqué la génétique de l’urticaire au froid. Distinguez-vous formellement les deux atteintes, et le mécanisme de l’œdème orbitaire dans la première éventualité, diffère-il de celui de l’œdème de Quincke ?
L’urticaire familiale au froid se distingue radicalement de l’urticaire sporadique au froid.
L’accès d’urticaire qui survient de façon retardée lors d’un changement de température de l’environnement, s’intègre dans une réaction inflammatoire générale avec arthralgies, conjonctivite et fièvre. Le test au glaçon est négatif. Les signes sanguins d’inflammation sont présents. L’œdème orbitaire caractéristique de la fièvre hibernienne familiale, rebaptisée TRAPS, s’intègre aussi dans une réaction inflammatoire multisystémique.
M. Pierre BÉGUÉ
La génétique apporte-t-elle une contribution nouvelle au diagnostic des fièvres hiberniennes ou hollandaises, comme on l’a constaté récemment pour le diagnostic de la maladie périodique (FMF) ? Connaît-on la fréquence et la gravité de l’amylose par les fièvres périodiques héréditaires autres que la FMF ? Possède-t-on aujourd’hui une thérapeutique spécifique pour ces maladies ?
La génétique contribue fortement à l’aide au diagnostic de la fièvre hibernienne ou TRAPS, par diagnostic génotypique direct, avec toutefois, comme cela est souvent le cas, des incertitudes sur le rôle réellement pathogène de quelques variations de séquence de l’ADN. La fièvre hollandaise est un déficit partiel en mévalonate kinase, et c’est la biochimie qui est ici l’étalon or du diagnostic, qui repose sur le dosage direct de l’enzyme dans le sang ou sur le dosage du substrat de l’enzyme pendant les accès inflammatoires.
Toutes ces maladies peuvent se compliquer d’amylose, mais leur prévalence y est mal connue. Le traitement du TRAPS est très variable en fonction de la gravité des accès. Les corticostéroïdes sont fréquemment utilisés, les inhibiteurs du TNF sont un traitement de choix en fonction des hypothèses théoriques des mécanismes du TRAPS. En pratique, la réponse aux inhibiteurs du TNF est très variable, reflet de mécanismes sans doute différents en fonction des mutations rencontrées.
M. Jacques BATTIN
La fièvre méditerranéenne familiale, très répandue chez les séfarades, les arméniens, les arabes levantins, les turcs, a été initialement prise pour une maladie dominante à cause de l’atteinte plurigénérationnelle. En réalité, elle est récessive autosomique en raison de la consanguinité élevée, du mariage entre homozygotes et hétérozygotes. Est-ce que les mutations du gène de la marenostrin sont spécifiques des diverses populations concernées et quel est le mode d’action de la colchicine à titre préventif et curatif ?
Il existe une mutation, M694V, présente dans quasiment toutes les populations affectées.
Quatre mutations expliquent 80 à 90 % des génotypes observés, et sont présentes à des fréquences variables dans les différentes populations méditerranéennes. Au total, plusieurs dizaines de mutations ont été décrites. Le mécanisme d’action de la colchicine reste imparfaitement connu. Il n’a pas été analysé in vivo , à la lumière des données physiopathologiques connues sur la marénostrine/pyrine, et qui restent très incomplètes.
M. André VACHERON
Dans la fièvre méditerranéenne familiale, la colchicine est un traitement efficace. Faut-il la donner de façon permanente et à quelle dose ?
La dose doit être modulée en fonction de l’efficacité clinique, appréciée sur une période de trois à six mois, et varie de 1 à 2,5 mg par jour.
M. François BRICAIRE
L’hypothèse d’une meilleure défense des sujets atteints de fièvre méditerranéenne familiale se confirme-t-elle dans des données de la littérature ? Est-il vérifié qu’il y a en particulier moins de tuberculose ? Dans ce qu’il est convenu d’appeler TRAPS, y a-t-il une relation avec une paniculite de Weber-Christian ? Quels sont les éventuels liens éthniques dans le groupement du syndrome de Muckle Vells, l’urticaire familiale au froid et le CINCA compte tenu de l’origine génétique mis en évidence.
L’hypothèse d’une meilleure défense des sujets atteints de fièvre méditerranéenne familiale contre les infections et en particulier contre la tuberculose n’est pas démontrée. Elle est indirectement suggérée par des données épidémiologiques anciennes dans la population tunisienne. Les mutations du gène CIAS1 sont associées à trois phénotypes décrits indépendamment : le syndrome de Muckle Vells, l’urticaire familiale au froid et le CINCA. En réalité, il existe un continuum entre ces affections, la forme la plus bénigne étant l’urticaire familiale au froid et la plus grave le CINCA, avec des chevauchements clinique et génétique entre les formes contiguës.
M. Charles HAAS
Au cours de la fièvre méditerranéenne familiale (FMF), l’atteinte des séreuses péritonéale, pleurale et péricardique est bien connue. L’atteinte méningée a-t-elle été décrite ? Tout comme la FMF, la maladie de Belcet a une prévalence élevée dans les populations méditerranéennes. Les deux affections ont en commun certaines caractéristiques physiopathologiques et, en particulier, l’activation inappropriée des polynucléaires neutrophiles. La coexistence des deux maladies a déjà été rapportée chez certains patients. Le gène responsable de la FMF (MEFV) pourrait-il être également impliqué dans la physiopathologie de la maladie de Belcet ?
Une forme de méningite récurrente de type Mollaret, est décrite chez quelques malades atteints de FMF. Il est possible que cette association soit fortuite car ces cas sont très rares, et une autre cause de méningite de Mollaret, kyste épendymaire ou infection à herpesvirus, n’a pas été cherchée de façon systématique. Il est possible, dans les populations méditerranéennes, que l’hétérozygotie pour une mutation du gène MEFV soit un facteur de susceptibilité génétique.
* Médecine Interne, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 PARIS Cedex 20. Tirés à part : Professeur Gilles GRATEAU, même adresse. Article reçu le 1er mars 2005, accepté le 30 mai 2005 .
Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 6, 1235-1248, séance du 21 juin 2005