Résumé
L’hémochromatose présente les principales caractéristiques retenues par l’Organisation Mondiale de la Santé pour bénéficier d’un dépistage systématique dans la population générale. De fait, il s’agit d’une maladie classiquement fréquente, potentiellement grave après une longue phase de latence, aisée à diagnostiquer et accessible à un traitement efficace. Toutefois, sa pénétrance est bien moindre qu’on ne la supposait avant la découverte du gène HFE1 et de sa principale mutation, C282Y, en cause dans plus de 95 % des phénotypes hémochromatosiques. De plus, il y a débat à propos des modalités d’un tel dépistage [phénotypique ou génotypique ? à quel[s] âges ?…], du risque de discrimination génétique qu’il peut faire courir et de son réel rapport coût-bénéfice. Les recommandations actuelles pourraient être [i] de diffuser une large information sur les signes précoces de la maladie, [ii] d’effectuer, à la moindre suspicion, un dosage de la saturation de la transferrine et, en cas d’augmentation de ce test, une recherche de la mutation C282Y qui soit prise en charge par la Sécurité Sociale, [iii] de mener à bien l’enquête dans la famille de tout probant et [iv] de répondre, par des études régionales et nationales appropriées, aux questions qui demeurent en suspens concernant la réelle pénétrance de la maladie ainsi que l’acceptabilité et le rapport coût-bénéfice de son dépistage.
Summary
Genetic hemochromatosis meets the principal World Health Organization criteria for diseases warranting systematic population screening. Indeed, it is a frequent, late-onset, severe disease that is easy to diagnose and cure. However, its penetrance is much lower than thought prior to the discovery of the HFE1 gene, whose C282Y mutation is responsible for more than 95 % of cases with phenotypic expression. Moreover, several questions remain to be answered, notably concerning practical modalities [genotypic or phenotypic screening ? at what age ?, etc.], the risk of genetic discrimination, and cost-effectiveness. Current recommendations should include [i] broad information of the general population and GPs on early symptoms, [ii] transferrin saturation assay in all patients with symptoms compatible with hemochromatosis and, when elevated, genetic testing, the cost of which should be covered by public health insurance, [iii] both phenotypic and genotypic screening of all proband families, and [iv] implementation of regional and national pilot studies aimed at assessing disease penetrance and the acceptability and cost-effectiveness of large-scale screening.
Les hémochromatoses génétiques [1] [également dénommées idiopathiques, héréditaires, primitives ou, simplement, hémochromatoses] sont des affections de transmission autosomique, le plus souvent récessive, caractérisées par une hyperabsorption digestive de fer dont la conséquence est la constitution progressive et dommageable d’une surcharge viscérale en fer. On leur décrit trois stades : stade 0 de prédisposition génétique au cours duquel l’affection est totalement quiescente, stade 1 d’expression biologique marqué par une augmentation du coefficient de saturation de la transferrine (test le plus précoce et le plus sensible) à laquelle s’associe secondairement une élévation progressive du taux sérique de la ferritine et stade 2 d’expression clinique engageant le pronostic fonctionnel (asthénie, ostéoarthropathie, hypogonadisme…) puis le pronostic vital (cirrhose avec son risque de carcinome hépatocellulaire, diabète, cardiomyopathie …). Le phénotype hémochromatosique est presque exclusivement le fait de l’hémochromatose HFE1 et, dans ce cadre, d’une homozygotie pour la mutation C282Y [2]. C’est tout à fait exceptionnellement que les autres types d’hémochromatose sont en cause, tout au moins en France et en Europe du Nord (revue in [3]).
Ainsi définie, l’hémochromatose génétique présente nombre des caractéristiques retenues par l’Organisation Mondiale de la Santé pour bénéficier d’un dépistage systématique dans la population générale. De fait, il s’agit d’une maladie classiquement fréquente, potentiellement grave après une longue phase de latence, aisée à diagnostiquer et accessible à un traitement efficace. Cependant, aucun pays n’a, à ce jour, mis en place un tel dépistage et, en France, l’Agence Nationale de l’Accréditation et d’Évaluation en Santé (ANAES) en a même écarté l’éventualité à deux reprises, en 1995 [4] et 1999 [5], c’est à dire avant et après la découverte du gène HFE1.
Notre but est ici, dans un premier temps, de recenser les arguments qui plaident pour et contre le dépistage systématique de l’hémochromatose HFE1 dans la population française et, dans un second temps, de discuter les stratégies possibles d’un tel dépistage.
LE POUR ET LE CONTRE
L’hémochromatose est une maladie fréquente .
Oui à en juger sur les nombreuses études autopsiques, familiales, phénotypiques (saturation de la transferrine et/ou ferritinémie) et génotypiques (homozygotie C282Y), l’hémochromatose apparaît, avec une prévalence de 0,2 à 0,9 %, comme l’une des maladies génétiques les plus fréquentes dans les populations d’origine européenne [1].
Mais prévalences phénotypique et génotypique ne se recouvrent que partiellement car (i) les études phénotypiques ont vraisemblablement surestimé la fréquence de la maladie en confondant hémochromatose génétique et autres surcharges en fer dont, particulièrement, celles liées à l’état de cirrhose [6] et au syndrome polymétabolique [7, 8] et (ii) les études génotypiques récentes [9, 11] ont démontré qu’un pourcentage important d’homozygotes C282Y, même âgés [12], n’avaient pas, au moment du dépistage, développé de surcharge en fer cliniquement significative. Le nombre exact de cas d’hémochromatose HFE1 cliniquement exprimés n’est pas connu en France avec exactitude. Il est certainement très inférieur au nombre de sujets homozygotes C282Y.
L’hémochromatose présente une longue phase de latence
Oui l’hémochromatose demeure longtemps asymptomatique. Selon une étude multicentrique américaine [13], l’âge moyen au moment du diagnostic est de 50 fi 13 ans avec un délai diagnostique moyen de 10 fi 10 ans. Cette longue phase de latence est indiscutablement propice à la réalisation d’un dépistage systématique.
Mais l’histoire naturelle de l’hémochromatose demeure mal connue. Il en existe — des formes d’expression précoce liées, soit à un génotype particulier (hémochromatose juvénile), soit à l’intervention de facteurs de révélation et d’aggravation comme l’alcool [14, 15], ce qui postulerait, en cas de dépistage phénotypique, d’effectuer plusieurs « sondages » au cours de la vie ;
— des formes qui demeurent inexprimées tout au long de la vie.
L’hémochromatose est une maladie grave
Oui l’hémochromatose est une affection potentiellement sévère car elle obère le pronostic fonctionnel par les manifestations générales (asthénie) et, surtout, ostéoarticulaires [16] qu’elle induit et, au stade de ses complications viscérales, est responsable d’une surmortalité précoce [17, 18].
Mais la fréquence des formes graves de la maladie demeure très en retrait de celle de l’homozygotie C282Y (revue in [3]). Ainsi, l’étude de dépistage phénotypique et génotypique que nous avons conduite chez 16170 sujets âgés de 25 à 70 ans dans trois centres d’Examens de Santé du Grand Ouest [10] a montré que parmi les 23 hommes homozygotes C282Y dépistés, 10 % étaient au stade 0 de la maladie, 60 % au stade 1 et 30 % au stade 2 et parmi les 55 femmes homozygotes C282Y dépistées, 23 % étaient au stade 0 de la maladie, 67 % au stade 1 et 10 % au stade 2. Aucun des sujets au stade 2 n’était en outre au stade des complications viscérales et il n’y avait pas de relation entre le stade évolutif et l’âge comme cela avait été préalablement démontré par un travail franco-canadien portant sur 410 homozygotes C282Y [19].
Ces résultats, confirmés par plusieurs autres études (revue in [3]), démontrent le caractère très incomplet de la pénétrance de l’homozygotie C282Y, notamment chez la femme. Ils remettent bien évidemment en cause le bien-fondé d’un dépistage systématique. Toutefois, nous ne disposons pas des études longitudinales permettant de savoir si un homozygote stade 0 ou 1 au moment du dépistage est ou non à risque de développer ultérieurement une surcharge cliniquement significative (stade 2). Les quelques études de suivi d’homozygotes non traités parues à ce jour ne permettent pas de répondre à cette importante question de l’histoire naturelle de l’hémochromatose [20, 21].
Le diagnostic de l’hémochromatose est aisé
Oui car le diagnostic d’hémochromatose repose aujourd’hui sur la mise en évidence d’une élévation de la saturation de la transferrine puis la démonstration d’une homozygotie C282Y. Dans notre expérience, cette séquence autorise le diagnostic de certitude dans la plupart des cas, la place des hémochromatoses non HFE1 étant inférieure à 5 % [22]. La biopsie hépatique, geste vulnérant, qui est longtemps demeurée le pivot du diagnostic n’a plus, chez l’homozygote C282Y, d’indication que pronostique [23].
Mais en condition de dépistage systématique, la situation est autre en raison des faux positifs et des faux négatifs de la saturation de la transferrine qui sont nombreux et qui imposent, les premiers, d’effectuer le test génétique chez près de 10 % de la population et, les seconds, de déterminer la saturation de la transferrine à plusieurs reprises au cours de la vie.
L’hémochromatose bénéficie d’un traitement simple et efficace
Oui le traitement de l’hémochromatose repose sur des phlébotomies régulières qui sont, en règle, bien tolérées et qui permettent l’évacuation de la surcharge. Mis en œuvre avant le stade des complications viscérales, il restaure une espérance de vie normale [17].
Mais l’histoire naturelle de la maladie étant mal connue, il n’est pas démontré que le sujet dont la seule expression est biologique bénéficie réellement du traitement déplétif en termes de morbidité et de mortalité.
LES STRATÉGIES POSSIBLES
Le dépistage phénotypique
L’avis est unanime pour considérer la détermination de la saturation de la transferrine comme le test de dépistage de référence. Reste à en définir le seuil qui varie, selon les études et selon le sexe, de 40 à 62 % [5].
Du fait de la variabilité de l’âge d’expression de la maladie, il est indispensable de prévoir au moins deux dépistages dans le temps. Le premier pourrait intervenir vers l’âge de 25-30 ans (détection des formes précoces, notamment chez l’homme) et le second vers l’âge de 50-55 ans (détection des formes tardives, notamment chez la femme).
Toucher l’ensemble de la population française impose une forte campagne préalable de sensibilisation et une logistique d’autant plus lourde que chaque individu devra être dépisté au moins à 2 reprises au cours de sa vie.
Le coût direct et indirect (prise en charge des faux positifs) de telles campagnes n’a pas encore été évalué de façon satisfaisante. Deux études antérieures à la découverte du gène HFE1 ont toutefois suggéré que le rapport coût-bénéfice du dépistage phénotypique systématique chez des hommes trentenaires [24] et chez des donneurs de sang [25] serait favorable.
Le dépistage génotypique
Un tel dépistage repose sur la seule recherche de l’homozygotie C282Y, les autres génotypes HFE1 n’étant pas susceptibles de donner lieu à des surcharges en fer compliquées de lésions viscérales et les autres formes d’hémochromatose étant, dans la population française, excessivement rares. Il n’est toutefois pas exclu que la mise en évidence de co-facteurs génétiques d’expression de l’homozygotie C282Y remette prochainement en cause cette simple stratégie.
Un seul temps de dépistage est ici nécessaire dont le moment fait débat. La réalisation du test génétique à la naissance [26] permet d’utiliser la logistique mise en place pour la détection d’autres maladies génétiques chez le nouveau-né, apparaît bien acceptée et permet d’effectuer une enquête familiale ascendante. Elle se heurte toutefois au possible retentissement psycho-familial du diagnostic et au problème du suivi jusqu’à l’âge adulte pour une affection qui, peut-être, ne s’exprimera jamais.
Cette dernière réserve ainsi que le risque de « discrimination génétique » est également opposée au dépistage génotypique effectué à l’âge adulte.
Il a été suggéré que la stratégie de dépistage génotypique était, avec un coût de 4441 euros par année de vie gagnée, financièrement envisageable chez des hommes âgés de 25 ans [27] et qu’elle devenait une alternative possible à la stratégie phénotypique dès lors où le prix de revient du test génétique était ramené au dessous de
28 US$ [28]. Ce travail n’a toutefois pas été confirmé par une simulation réalisée par l’ANAES [5].
CONCLUSION
Au vu des recommandations de l’OMS concernant les politiques de prévention, il apparaît justifié, compte tenu des caractéristiques épidémiologiques et cliniques de l’hémochromatose génétique HFE1, de s’interroger sur l’opportunité du dépistage systématique de cette affection au sein de la population française. La mise en œuvre d’un tel dépistage semble toutefois prématurée en raison de l’ignorance où nous demeurons (i) de la pénétrance réelle et de l’histoire naturelle de la maladie, (ii) de la stratégie à utiliser et (iii) de l’impact économique, sociétal et individuel d’une telle démarche. Il pourrait être proposé (i) de diffuser une large information sur les signes précoces de la maladie à l’intention de la population et des médecins, (ii) d’effectuer, à la moindre suspicion, un dosage de la saturation de la transferrine et, en cas d’augmentation de ce test, une recherche de la mutation C282Y qui soit prise en charge par la Sécurité Sociale, (iii) de mener à bien l’enquête phénotypique et génotypique dans la famille de tout probant et (iv) de répondre, par des études régionales et nationales appropriées, aux questions qui demeurent en suspens concernant la pénétrance de la maladie ainsi que l’acceptabilité et le rapport coût-bénéfice de son dépistage.
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DISCUSSION
M. Michel BOUREL
Quels arguments déterminants pour la réticence actuelle face à un dépistage systématique de l’ génétique (d’ordre éthique, scientifique ou économique…) ? Quel lien entre la pathologie hémochromatosique et les maladies infectieuses (en raison du peptide antimicrobien en lien avec l’hepcidine ? Quelle place dans le traitement préventif de l’hémochromatosie génétique par l’hépcidine ?
Il n’y a pas d’argument d’ordre éthique opposable au dépistage phénotypique de l’hémochromatose, hormis celui de la discrimination génétique qui pourrait en résulter. La question est, par contre, celle de l’opportunité d’un tel dépistage compte-tenu de la faible pénétrance de la maladie et de l’ignorance où nous sommes de son histoire naturelle. Il faut toutefois noter qu’en faisant l’hypothèse d’une pénétrance de 10 %, la fréquence de la maladie serait encore au dessus de celles de la plupart des maladies génétiques qui, aujourd’hui, font l’objet d’un dépistage systématique. Quant aux arguments économiques, ils doivent pouvoir être levés si des réponses scientifiques satisfaisantes sont données aux questions de la pénétrance, de l’histoire naturelle, du test de dépistage et de son seuil… Enfin, il est possible que, d’ici à l’obtention de ces réponses, l’idée du dépistage génotypique ait progressé, surtout si le ou les cofacteur(s) qui intervien(nen)t dans l’expressivité de l’homozygotie C282Y est (sont) identifié(s).
L’hepcidine a, à côté de son effet antimicrobien, un rôle de régulation de l’absorption digestive du fer. Quand le stock en fer augmente, l’hépatocyte synthétise et secrète de l’hepcidine qui agit alors négativement sur l’absorption digestive du fer. Dans l’hémochromatose génétique HFE1, il existe une sous expression de l’hepcidine qui est vraisemblablement responsable de l’hyperabsortion digestive de fer caractéristique de la maladie.
Cette sous expression de l’hepcidine pourrait expliquer la sensibilité des homozygotes C282Y vis à vis de certaines infections (yersinioses…) et déboucher sur leur traitement par l’administration d’hepcidine exogène.
M. Denys PELLERIN
Vous avez bien indiqué qu’il n’y avait pas lieu de faire un dépistage systématique de l’hémochromatose en France. Vous confirmez ainsi les conclusions de l’ANAES publiées il y
a quelques années déjà. Mais vous avez dit : « Il faut informer la population ». Aujourd’hui, informer la population d’un risque dont l’origine génétique est identifiable, conduit inévitablement notre société à revendiquer non pas de traiter le risque, mais de l’éradiquer préventivement. Des demandes de plus en plus fréquentes formulées en ce sens font craindre une ampliation d’une dérive eugénique de notre société. Pensez-vous qu’il y ait un risque de dérive en ce sens ? Ne pensez-vous pas que l’hémochromatose génétique devrait être prise en exemple de l’utilité de la médecine prédictive basée sur la génétique, visant à mieux soigner qu’à éradiquer ?
La distinction que vous faites entre médecine préventive et médecine prédictive est au cœur de notre débat. Il est vraisemblable qu’à terme, les progrès de la génétique aidant, le dépistage génotypique de l’hémochromatose s’imposera et que nous entrerons alors dans l’ère de la prédiction.
M. Pierre GODEAU
Où en sont les recherches génétiques dans le syndrome dysmétabolique et à partir de quand la surcharge ferrique doit-elle déclencher une intervention thérapeutique ?
Nous avons peu d’arguments pour penser que l’hépatosidérose dysmétabolique soit une maladie génétique monofactorielle. Il est par contre possible qu’il s’agisse, comme dans beaucoup de pathologies, d’une rencontre de l’acquis (mode de vie et régime favorisant la surcharge) et de l’inné (polymorphismes sur les gènes impliqués dans le métabolisme du fer). L’hétérozygotie composite pourrait être impliquée à ce niveau mais non les autres génotypes HFE1, ni d’ailleurs les mutations décrites sur le gène codant la ferroportine.
Un travail récent de l’équipe de JP Zarski à Grenoble répond à votre deuxième question : au delà du seuil de 450 ng/ml, la ferritinémie du syndrome dysmétabolique ne se corrige jamais sous le seul effet de la prise en charge du surpoids, de l’HTA, de la dyslipidémie ou des troubles de la glycorégulation. Les soustractions sanguines me paraissent donc indiquées lorsque ce seuil est franchi.
M. René MORNEX
Pourquoi les CTS refusent-ils d’utiliser le produit des saignées pratiquées chez les hémochromatosiques ?
Parce qu’à la suite de l’affaire du sang contaminé, les recommandations en matière de sélection des donneurs prônent le principe de précaution. Une telle prudence est vraisemblablement peu justifiée en ce qui concerne les hémochromatosiques, même si leur sang est riche en un fer potentiellement toxique (le fer non lié à la transferrine).
* Service des Maladies du Foie (Centre de Dépistage Familial de l’Hémochromatose) et Centre d’Investigation Clinique INSERM 0203, CHU Pontchaillou 35033 Rennes. ** UMR 6061, Faculté de Médecine, CS 34317, Rennes, 35043 France. Tirés-à-part : yves.deugnier@univ-rennes1.fr Article reçu le 22 décembre 2003, accepté le 26 janvier 2004.
Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 2, 265-273, séance du 17 février 2004