Communication scientifique
Session of 11 mars 2003

Évolution du concept de maladie mitochondriale

MOTS-CLÉS : genome.. maladies mitochondriales. mitochondrie
Updating the concept of mitochondrial disease
KEY-WORDS : genome.. mitochondria. mitochondrial diseases

C. Desnuelle

Résumé

Le concept de maladie mitochondriale est né en 1962 avec la description d’un patient présentant un syndrome d’hypermétabolisme sans dysthyroïdie rapporté à une perte du couplage oxydation-phosphorylation mitochondriale. Dans les 25 ans qui ont suivi, grâce à l’usage routinier dans l’étude histo-pathologique des biopsies musculaires de la technique de Gomori et Engel, colorant en rouge les mitochondries anormales, de nombreuses maladies, principalement myopathies ou encéphalomyopathies, ont été réunies par la présence de fibres rouges déchiquetées ou en anglais « ragged red » (RRF). La mise en évidence en 1988 de mutations dans le génome mitochondrial a imposé le concept de maladies mitochondriales à transmission maternelle et les recherches dans ce domaine ont connu une croissance exponentielle. Depuis 1990, nombreuses ont été les mutations identifiées laissant souvent le clinicien dépité par la difficulté à diagnostiquer de multiples syndromes hétérogènes et à identifier des corrélations phénotype-génotype. La grande complexité du système et la répartition ubiquitaire des mitochondries dans l’ensemble des cellules de l’organisme expliquent en partie la variété clinique d’expression. Plus récemment, de nombreux gènes nucléaires ont également été mis en cause, non seulement des gènes de structure mais aussi des gènes de régulation et les interrelations croisées entre les deux génomes commencent à être mieux comprises. Le concept de mitochondriopathie n’a cessé d’évoluer au cours de la décennie vers une médecine mitochondriale si on y inclut les atteintes mitochondriales acquises et iatrogènes, ainsi que le rôle capital que jouent les mitochondries dans les mécanismes fondamentaux de la vie cellulaire. Ici ne sont considérées que les maladies mitochondriales par déficits fonctionnels génétiques de la chaîne respiratoire où les connaissances ont progressé particulièrement rapidement.

Summary

The concept of mitochondrial disease originated in 1962 when Luft and co-workers described a patient with non thyroidal hypermetabolism related to loose coupling of oxidationphosphorylation in muscle mitochondria. Over the following quarter of century, with the routine use of the Engel-Gomory staining on muscle biopsy revealing ragged-red fibres as a convenient markers for mitochondrial pathology, numerous papers described clinical, biochemical and morphological aspects of mitochondrial encephalomyopathies. With the discovery in 1988 of mutations in mitochondrial DNA, the concept of mitochondrial disease with maternal transmission led to an explosive expansion of research in the field. Throughout the 1990’s the rapid identification of multiple mitochondrial gene defects associated with clinically diverse disorders has left practitioners puzzled about diagnosing such heterogeneous and complexes syndromes. The great complexity of the system and the ubiquitous repartition of mitochondria explain the wide variety of clinical phenotypes associated with primary mitochondrial diseases due to mutations in the mitochondrial genome, in the nuclear genome or in the cross-talk between the two genomes and regulations. In the past few years, the pivotal role of mitochondria in drug sensitivity, their key role in aging, apoptose or neurodegeneration lead to a mitochondial medicine. Here the term of mitochondrial disease is limited to genetic defect in the respiratory chain where advance were recently especially significant for the evolution of the concept and updated classification.

INTRODUCTION

Sous le terme de maladies mitochondriales, il est convenu de désigner les affections liées à un dysfonctionnement de la chaîne respiratoire mitochondriale engendrant un déficit du couplage oxydation-phosphorylation mitochondrial d’où résulte une baisse des capacités de production d’ATP cellulaire [1, 2]. Fonctionnellement, la chaîne respiratoire mitochondriale est constituée de cinq complexes protéiques enzymatiques, correspondant à l’assemblage d’environ 80 sous-unités protéiques parmi lesquelles 13 sont codées par le génome mitochondrial, les autres étant classiquement contrôlées par le génome nucléaire (Fig. 1). L’ADN mitochondrial (ADNmt) est présent en copies multiples dans chaque mitochondrie et représente environ 1 % de l’ADN cellulaire total. De structure bicaténaire, circulaire, l’ADNmt est de relative petite taille comprenant environ 16 500 nucléotides. La séquence, entièrement codante, a été caractérisée et clonée en 1981 par Anderson [3]. On connaît parfaitement les séquences codant pour des protéines de structure, pour des ARN de transfert (ARNt) et pour des ARN ribosomiaux (ARNr). La seule région non codante est une zone en boucle ( D-loop ) qui contient l’origine de réplication des brins lourds et les origines de transcription des deux brins. Le génome mitochondrial est très polymorphe, la séquence de l’ADNmt varie de 0,3 % en moyenne entre deux individus.

Fig. 1. — Représentation schématique de la chaîne respiratoire mitochondriale. Cx I = complexe I (7 sous-unités contrôlées par l’ADNmt — ND1 à ND6 — et environ 35 sous-unités contrôlées par l’ADN nucléaire), Cx II = complexe II (4 sous-unités contrôlées par l’ADN nucléaire), Cx III = complexe III (1 sous-unité contrôlée par l’ADNmt — Cytb- et 10 sous-unités contrôlées par l’ADN nucléaire), CX IV = complexe IV (3 sous-unités unité contrôlée par l’ADNmt — COXI à COXIII- et 10 sous-unités contrôlées par l’ADN nucléaire) CX V = complexe V (2 sous-unités unité contrôlée par l’ADNmt — ATP6 et ATP8 — et environ 14 sous-unités contrôlées par l’ADN nucléaire). Q = coenzyme Q. Cyt c = cytochrome c). NAD = nicotinamide adénine dinucléotide, NADH = forme réduite du NAD. Le flux d’électrons s’écoule le long de la membrane interne selon le gradient d’oxydo-réduction des protéines des complexes enzymatiques de I à IV. Le coenzyme Q (Q) permet les transferts entre les complexes I à III et II à III, le cytochrome c (Cyt c) entre les complexes III et IV. Le cycle des protons, extraits de la matrice couplé au flux d’électrons, permet lors de l’influx retour à travers le complexe V de libérer l’énergie nécessaire à la phosphorylation de l’ADP en ATP (ATP = adénosine triphosphate, ADP = adénosine diphosphate, ANT = adénosine nucléotide translocase, H+ = proton).

La mitochondrie étant un organite intracellulaire ubiquitaire, les maladies mitochondriales sont des maladies multi-systémiques, mais d’expression clinique parfois limitée à un seul tissu. Ce concept est né au début des années 60 à partir de l’observation d’un patient présentant un tableau d’hypermétabolisme sans dysthyroïdie. Pendant le quart de siècle suivant la constatation histo-pathologique, sur
biopsie musculaire notamment, de mitochondries anormales révélées par une coloration rouge au trichrome de Gomori a conduit à définir un groupe de maladies réunies par la présence de ces fibres musculaires d’aspect particulier, désignées dans la littérature anglo-saxonne sous le nom de myopathie ou d’encéphalomyopathie avec « ragged-red fibres » (ou RRF). Les tenants d’une théorie uniciste ou dualiste de leur genèse se sont opposés un temps. Des sous-groupes selon que les mitochondries étaient anormales par leur nombre, leur structure ou la présence d’inclusions cristallines en microscopie électronique ont été constitués. Une entité clinique réunissant ptosis, ophtalmoplégie et RRF sur la biopsie musculaire a été reconnue comme une myopathie mitochondriale avec anomalie fonctionnelle enzymatique des complexes de la chaîne respiratoire et on qualifia d’ophtalmoplégie « plus » l’association à ce noyau symptomatique de signes cliniques neurologiques parfois complexes. A la fin des années 80, la notion de maladies génétiques par mutation de l’ADNmt est apparue.

La cause de plusieurs syndromes a été reconnue, tels les syndromes de Kearns et Sayre, de Wolfram, de Leigh ou encore la neuropathie optique de Leber et parallè- lement des associations syndromiques, le plus souvent désignées par leur acronyme en langue anglaise, ont été rapportées à une mutation de l’ADNmt tel le MERRF (pour Encéphalopathie Mitochondriale avec Fibres Ragged Red), le MELAS (pour Encéphalopathie Mitochondriale avec Acidose Lactique et pseudo-accident vasculaire cérébral ischémique transitoire), le NARP (pour Neuropathie, Ataxie, Rétinite Pigmentaire), le MNGIE pour (Encéphalopathie Myo-Neuro-Gastro-Intestinale)… Toutes les possibilités d’association restent ouvertes avec les notions d’atteinte neurologique : leucodystrophie, ptosis, ophtalmoplégie, ataxie, épilepsie, neurosensorielle : surdité, rétinite pigmentaire, mais en fait beaucoup plus large avec diabète, cardiomyopathie, néphropathie, anémie, troubles du transit…

Un nombre croissant de mutations nouvelles est rapporté [4-7] et le rôle des fonctions mitochondriales dans des processus biologiques généraux tel le vieillissement [8] ou l’apoptose [9] ne cesse d’être mis en avant. Cependant, comparé aux connaissances génétiques nucléaires classiques, il est apparu surprenant que ce petit ADNmt, malgré son importance vitale, puisse à lui seul être l’objet de tant de mutations spontanées différentes. Un contrôle par le noyau de sa stabilité, sa réplication ou sa réparation est apparu comme nécessairement impliqué et de nombreux exemples démontrent clairement que des altérations génétiques autres que celles touchant directement les protéines de structure des complexes enzymatiques de la chaîne respiratoire sont également en cause dans la genèse de ces maladies. Le nombre de gènes nucléaires reconnus comme impliqués dans les maladies mitochondriales est lui aussi en pleine expansion. Les maladies mitochondriales apparaissent maintenant comme liées à des altérations génétiques mitochondriales aussi bien que nucléaires.

L’épidémiologie des maladies mitochondriales reste imprécise. Une étude récente [10] donne, tous âges confondus, une prévalence de 12,5 pour 100 000, mais ce chiffre est considéré comme sous-estimé.

Les données de la littérature récente dans le domaine des relations phénotype — génotype et des interrelations géniques nucléo-mitochondriales, ainsi que notre contribution de ces dernières années, montrent qu’en moins d’un demi-siècle est née une médecine mitochondriale.

MALADIES MITOCHONDRIALES : ASPECTS CLINIQUES ET DIAGNOSTIC

En dehors des syndromes énoncés plus haut ce sont les associations syndromiques faisant intervenir des tissus embryologiquement distincts qui attirent l’attention du clinicien vers une maladie mitochondriale. La notion d’hérédité maternelle doit être présente à l’esprit puisque ce mode de transmission caractérise l’hérédité mitochondriale, mais elle ne résume pas l’hérédité des maladies mitochondriales dont nombre sont sporadiques ou à transmission mendélienne quand il s’agit de l’atteinte d’un gène nucléaire. Les signes les plus évocateurs sont oculaires, touchant la musculature extrinsèque (ptosis, ophtalmoplégie) ou la rétine (maculopathie, rétinite pigmentaire), mais également neurosensoriels (cécité, surdité), neurologiques (ataxie céré- belleuse, dystonie, encéphalopathie avec retard mental, épilepsie, myoclonies, céphalées….), endocrino-métaboliques (acidose lactique, diabète), cardio-respiratoires (cardiomyopathie, insuffisance respiratoire aiguë), voire rénaux (syndrome néphrotique, syndrome de Toni-Debré-Fanconi), hématologiques (anémie sidéroblastique) ou gastro-intestinaux. C’est leur association qui oriente le diagnostic d’autant plus qu’elle constitue un des regroupements syndromiques décrits plus haut.

Le syndrome de Leigh est l’exemple de cette hétérogénéité. Défini initialement sur des études post-mortem comme une encéphalopathie spongiforme subcorticale subaiguë, les premiers symptômes apparaissent vers l’âge de 2 ans avec atrophie optique, ophtalmoparésie, hypotonie, ataxie et dystonie. L’association à une neuropathie et à une myopathie est fréquente, ce qui la distingue d’une encéphalopathie pure. L’évolution est fluctuante avec des périodes d’aggravation avec acidose lactique à l’occasion de maladies intercurrentes. La mort survient quelques années après l’apparition des premiers symptômes. Les maladies mitochondriales ont progressivement intégré ce syndrome et les leucoencéphalopathies infantiles avec défaillance multi-systémiques en sont une expression symptomatique privilégiée, sans que la définition anatomique initiale soit toujours correctement respectée.

Quel que soit le degré de suspicion clinique d’une maladie mitochondriale, des investigations diagnostiques, biologiques et radiologiques, sont nécessaires en première intention. Biologiquement l’acidose lactique est caractéristique et apparaît lorsque l’ATP doit être produit en l’absence d’oxygène, c’est-à-dire par hypoxie tissulaire lors de l’inhibition de la glucogenèse, par déficit en pyruvate déshydrogé- nase ou par découplage oxydation-phosphorylation. En dehors des phases aiguës, un rapport de concentrations sériques lactate/pyruvate supérieur à 20 est hautement

Fig. 2. — Exemples d’imagerie par résonance magnétique nucléaire encéphalique dans des encéphalopathies mitochondriales a) Coupe axiale en séquence FLAIR dans un syndrome MELAS montrant un signal hyperintense prédominant dans le lobe occipital droit,épargnant la substance blanche profonde, réalisé pendant une crise hémiparétique chez un enfant de 9 ans.

b) Coupe axiale pondérée en T2 chez un homme de 20 ans présentant une myopathie oculaire pure révélant une atrophie corticale et sous corticale marquée.

c) Coupe axiale pondérée en T2 chez un enfant de 10 mois présentant un syndrome de Leigh montrant les lésions anatomiques de nécrose pallidale bilatérale et une hyperintensité diffuse de leucoencéphalopathie.

d) Coupe sagittale chez une jeune fille de 18 ans présentant un syndrome NARP et montrant une atrophie cérébelleuse diffuse avec un certain degré d’atrophie corticale.

suspect. L’imagerie cérébrale par résonance magnétique (IRM) (Fig. 2) peut être d’orientation sur des signes non spécifiques d’atrophie cortico-sous-corticale ou cérébelleuse, d’hypersignaux de leucodystrophie en séquence pondérée en T2 ou plus simplement de calcifications. Les images observées au cours d’une poussée de MELAS sont en revanche caractéristiques (Fig. 2). Les acquisitions par séquence pondérée en T2 montrent un processus œdémateux et hyperhémique occipital, ne correspondant pas à un territoire vasculaire. De plus, la résonance magnétique spectroscopique permet de mettre en évidence un pic de lactate dans les zones hyperdenses.

Dans le cas de la leucodystrophie du syndrome de Leigh, la topographie des lésions est significative, siégeant de façon bilatérale et symétrique dans les ganglions de la base. L’IRM peut guider la recherche de mutations puisqu’un aspect IRM leucodystrophique en région sub-thalamique serait spécifique d’un syndrome de Leigh par mutation du gène SURF1 [11].

Mais c’est la biopsie musculaire qui, lorsqu’elle est informative, reste le meilleur argument. Les éléments clés du diagnostic histopathologique sont la présence de fibres ragged-red au trichrome, négatives en coupes sériées pour la coloration révélant l’activité cytochrome-oxydase (COX). L’utilisation d’anticorps spécifiques dirigés contre les sous-unités des complexes de la chaîne respiratoire peut permettre, en immunocytochimie, de préciser la localisation moléculaire du déficit et faciliter la recherche biologique moléculaire de mutations. La microscopie électronique n’est pas indispensable, mais objective des anomalies structurales, principalement des crêtes mitochondriales, ou la présence d’inclusions para-cristallines caractéristiques. Ces signes histopathologiques existent également dans des atteintes mitochondriales secondaires, de causes toxiques ou iatrogènes [12-14]. Ils mettent souvent plusieurs années à apparaître et peuvent ainsi être absents dans les formes de la petite enfance.

La quantification biochimique de l’activité enzymatique des complexes de la chaîne respiratoire sur échantillon tissulaire prélevé complète l’étude diagnostique. La majorité des maladies mitochondriales relève d’un déficit enzymatique multiple impliquant essentiellement les complexes I et IV, parfois d’un déficit isolé d’un des complexes. Ces constations sont importantes pour conforter le diagnostic et orienter les analyses génétiques, elles sont hétérogènes et ne suffisent pas à une classification pratique [15]. Si on reprend l’exemple du syndrome de Leigh, les caractéristiques histo-enzymatiques sont rarement présentes, le déficit biologique porte sur le complexe I ou sur le complexe IV. Dans l’étude de Rahman et coll. [16] sur 29 patients ayant un déficit enzymatique reconnu, 16 touchaient la chaîne respiratoire (13 fois le Cx I, 9 fois le Cx IV) et 7 avaient un déficit du complexe de la pyruvate déshydrogé- nase (PDH) et majoritairement de sa fraction E1 (à transmission liée à l’X). Dans cette même série, sur 67 cas, 11 avaient une mutation ponctuelle de l’ADNmt dans le gène ATP6, 6 dans le gène de l’ARNt lysine et un une délétion hétéroplasmique.

Selon Evans [17] 25 % des syndrome de Leigh ont un déficit en Cx IV et 10-15 % en Cx V. Dans l’étude de Makino et coll. [18] sur 100 syndromes de Leigh étudiés, 21
avaient un déficit spécifique : 15 en Cx IV, 4 de la PDH, 1 en Cx I et 1 en Cx II. Dans cette étude, 18 patients avaient une mutation ponctuelle en position 8993 de l’ADNmt, la transition T-G étant caractéristique des formes précoces et graves, alors que la transition C-G correspondait à des formes plus chroniques. Les études récentes (Tableau 4) montrent que le syndrome de Leigh est l’expression courante des mutations des gènes de protéines de structure ou non de la chaîne respiratoire.

L’analyse biologique moléculaire est nécessaire pour une classification génétique qui est la plus admise actuellement. L’étude biologique moléculaire est plus informative lorsqu’on recherche une mutation de l’ADNmt si elle est réalisée sur tissus musculaire, sur cellules de muqueuse buccale ou follicule pileux [19] en raison du phénomène d’hétéroplasmie (coexistence en nombre aléatoire de molécules mutées et de molécules sauvages dans une même mitochondrie, ce nombre est plus élevé dans les tissus gros consommateurs d’énergie). Ainsi le taux de molécules mutées sur échantillons d’ADN isolé à partir d’un prélèvement sanguin peut rester trop bas pour être détecté par les techniques classiques dans les syndromes MELAS ou MERRF. En revanche, si la mutation est homoplasmique (100 % de molécules mutées dans tous les tissus) comme dans la neuropathie optique de Leber l’échantillon sanguin peut être utilisé. Si une lignée cellulaire est disponible, développée par exemple à partir de fibroblastes ou de cellules sanguines, le cytoplasme des cellules issues du patient peut être fusionné en cellules Rho° c’est-à-dire complémenté par un noyau d’autre origine, et le phénotype biochimique testé. Si celui-ci reste anormal, il s’agit d’une atteinte primitive de l’ADNmt. Si au contraire ce phénotype est normalisé, il s’agit d’une anomalie génétique nucléaire et cette distinction est capitale tant pour avancer dans le diagnostic moléculaire que pour jeter les bases du conseil génétique.

MALADIES

MITOCHONDRIALES

D’ORIGINE

GÉNÉTIQUE

MITO-

CHONDRIALE

La première mutation pathologique de l’ADNmt a été décrite il y a plus de dix ans [20, 21]. Il s’agissait d’une délétion accompagnant le syndrome de Kearns et Sayre démontrant sans conteste son origine mitochondriale [22]. Actuellement plus de cent mutations ponctuelles et un grand nombre de réarrangements de l’ADNmt ont été rapportés en association à des maladies mitochondriales [6] incluant des déplé- tions [23]. L’ADNmt du spermatozoïde étant éliminé après fertilisation de l’oocyte, les mutations ponctuelles de l’ADNmt sont d’hérédité maternelle. Les molécules délétées ne sont pas transmises [24] ou, si c’est le cas, la mutation causale est germinale. Classiquement, les myopathies oculaires associant ptosis et ophtalmoplégie (PEO), ou dans leur forme la plus complète réalisant le syndrome de Kearns et Sayre (KSS), s’accompagnent de délétions. Les mutations ponctuelles peuvent affecter des gènes d’ARNt (Tableau 1) ou des régions codantes de gènes de structure (Tableau 2). D’une façon générale les mutations ponctuelles A3243G dans le gène de
l’ARNt leucine, A8344G dans le gène de l’ARNt lysine et T8993G dans le gène de l’ATPase 6, respectivement décrites initialement dans les syndromes MELAS, MERRF et NARP, représentent plus de 75 % des mutations des maladies mitochondriales par mutation de l’ADNmt [25]. Bien qu’elles soient souvent désignées par le nom du phénotype clinique où elles ont été initialement décrites, il n’y a pas de véritable spécificité phénotypique. Par exemple la mutation T8993G, longtemps considérée comme caractéristique du syndrome NARP, représente la cause de 7 à 20 % des syndromes de Leigh [1]. Le syndrome MELAS ne représente qu’environ 40 % des cas de mutation A3243G. Celle-ci est la mutation la plus fréquemment retrouvée dans le syndrome diabète-surdité [26], présente chez 10 % des patients atteints [27]. Les caractéristiques phénotypiques des diabètes mitochondriaux par mutation A3243G [28, 29] présentent peu de différences phénotypiques avec ceux associés à la mutation T14709C [30].

Bien qu’initialement décrite dans des syndromes multi-systémiques, les mutations de l’ADNmt sont également présentes dans des atteintes ne touchant qu’un seul tissu. Les notions de seuil ou de charge en mutations, de distribution tissulaire aléatoire, ne permettent pas d’expliquer pourquoi un seul type de mutation cause Tableau 1. — Principales expressions cliniques des mutations pathogènes dans des gènes d’ARN de transfert (ARNt) de l’ADNmt MELAS : encéphalopathie mitochondriale, acidose lactique et épisode vasculaire cérébral ;

MIDD : diabète d’hérédité maternelle et surdité ; PEO : ophtalmoplégie externe progressive ;

MERRF : épilepsie myoclonique avec fibres « ragged-red »
différents phénotypes cliniques et, inversement, pourquoi différentes mutations peuvent se traduire par un phénotype commun.

L’hétérogénéité génétique est grande : plus de dix mutations ponctuelles sont décrites en plus de la classique mutation A3243G pour le syndrome MELAS [31].

La mutation T8993G, décrite à l’origine dans le syndrome NARP, affecte uniquement l’ATPsynthase c’est-à-dire le complexe V qui est le producteur d’ATP.

L’assemblage de ses sous-unités protéiques est ralenti par cette mutation et le complexe obtenu reste instable [32]. Différentes mutations responsables d’un décalage du cadre de lecture de la sous-unité III du complexe IV [33] modifient l’assemblage de la cytochrome c oxydase, une délétion dans le gène d’une des sous unités constitutives de ce complexe est associée à des épisodes récurrents de myoglobinurie [34]. Les mutations qui affectent le gène du cytochrome b, constituant du complexe III, s’expriment préférentiellement par des tableaux d’intolérance à l’exercice [35].

Un exemple de maladie par mutation ponctuelle de l’ADNmt touchant des gènes de structure est celui de la neuropathie optique de Leber. De transmission strictement maternelle, elle atteint classiquement les garçons à l’adolescence, mais aussi les Tableau 2. — Expressions clinique des principales mutations en région codante de l’ADNmt manifestations cliniques mutationGène (ADNmt) Abréviations : LHON : neuropathie optique de Leber ; MELAS : Encéphalopathie mitochondriale, acidose lactique et pseudo accident vasculaire cérébral ; NARP : Faiblesse musculaire neurogène, ataxie, rétinite pigmentaire ; MILS : syndrome de Leigh d’hérédité maternelle ; KSS : syndrome de Kearns et Sayre ; PEO : ophalmoplégie externe progressive
femmes à un âge plus élevé. Trois mutations ponctuelles de l’ADNmt représentent plus de 70 % des situations génétiques retrouvées dans cette neuropathie [36] :

G3460A dans le gène ND1, G11778A dans le gène ND4 et T14484C dans le gène ND6. De façon intéressante, les chances de réversibilité, c’est-à-dire de récupération spontanée de la vision, varient selon la mutation [37]. Elle est d’environ 5 % pour la mutation en position 11778, de l’ordre de 40 % pour la mutation en position 3460 et jusqu’à plus de 50 % pour la mutation en position 14484. Tous les gènes affectés concernent des sous-unités du complexe I de la chaîne respiratoire, la région ND6 étant un point sensible [4]. À l’évidence l’activité de ce complexe enzymatique est importante pour l’expression de cette neuropathie sans que le mécanisme exact soit encore parfaitement identifié.

La gravité du tableau clinique est corrélée avec le nombre de copies du gène muté pour certaines mutations dans des gènes d’ARNt. Il en est ainsi pour la mutation A8344G du gène de l’ARNt lysine spécifiquement associée au syndrome MERRF, où le degré d’hétéroplasmie, c’est-à-dire le nombre de copies d’ADNmt mutée, est proportionnel à la gravité de la maladie [38]. Dans les cellules les plus affectées une dégradation des ARN messagers non associés aux ribosomes aggraverait le phénotype. En revanche, pour la mutation A3243G dans le gène de l’ARNt leucine dont l’hétérogénéité d’expression clinique est grande, il n’existe pas de corrélation entre le nombre de molécules d’ADNmt mutées et la gravité clinique ou avec le phénotype biochimique [39]. Cette mutation a pour conséquence une instabilité de l’ARNt leucine, moins bien chargé par la leucyl-tRNA synthétase. L’idée d’un mécanisme général causal est ainsi suggérée. Les cellules porteuses des mutations en position 3243 du gène ARNt leucine ou en position 8344 du gène ARNt lysine expriment un déficit en uridine à qui on attribue une mauvaise translation de l’aminoacide [40]. La mutation ponctuelle en position 4269 du gène ARNt isoleucine, décrite dans des cardiomyopathies, entraîne une stabilité moindre de l’aminoacyl-tRNA [41].

D’une façon générale, les mutations en ARNt agissent sur le mécanisme global de la synthèse protidique. Affectant un mécanisme biologique général, elles entraînent un déficit fonctionnel combinant une atteinte d’intensité variable de plusieurs des complexes protéiques de la chaîne respiratoire. En revanche, les mutations ponctuelles en région codante de protéines de structure, sous-unité d’un complexe enzymatique, entraînent une anomalie spécifique liée au dysfonctionnement de la protéine mal traduite.

Les corrélations phénotype-génotype paraissent bien souvent illusoires en pathologie mitochondriale dans ce contexte. Si une mutation dans un gène d’ARNt modifie un processus cellulaire général, on peut comprendre que l’expression clinique sera différente selon le tissu où elle s’exprime, où le nombre de mitochondries affectées dépasse un seuil critique. De même, des mutations différentes peuvent entraîner un même syndrome clinique si celles-ci affectent un mécanisme similaire dont la fonctionnalité est cruciale pour un type de tissu. En revanche, lorsque les mutations touchent l’expression de protéines de structure leur effet est plus univoque bien que
le plus souvent on n’ait encore aucune idée du lien de causalité direct sur la symptomatologie. Des facteurs régulateurs sous contrôle génétique nucléaire, autres que ceux décrits dans ce paragraphe, peuvent jouer un rôle dans l’hétérogénéité de ce groupe de maladies.

MALADIES MITOCHONDRIALES D’ORIGINE GÉNÉTIQUE NUCLÉAIRE

On peut distinguer trois groupes de maladies mitochondriales dont l’origine est nucléaire [pour revue voir 42 et 43]. Le premier est constitué de syndromes associés à des délétions multiples de l’ADNmt (Tableau 3), le deuxième correspond à des altérations génétiques touchant directement des gènes nucléaires contrôlant des sous-unités des protéines de structure des complexes enzymatiques de la chaîne respiratoire (Tableau 4) et le troisième concerne les altérations de protéines sous contrôle nucléaire indirectement impliquées dans le fonctionnement de la chaîne respiratoire (Tableau 4).

Tableau 3. — Réarrangements complexes (délétions multiples, déplétion) de l’ADNmt par mutations d’un gène nucléaire Abréviations : AD : autosomique dominant, AR : autosomique récessif ANT : adénine nucléotide translocase PEO : ophtalmoplégie progressive, MNGIE : Encéphalopathie myoneurogastrointestinale

Syndromes mitochondriaux avec délétions multiples de l’ADNmt

Les myopathies oculaires associant ptosis et ophtalmoplégie chronique apparaissent généralement comme sporadiques et associées à une délétion unique de l’ADNmt [20]. Néanmoins dans certaines familles la transmission est mendélienne, autosomique dominante ou parfois récessive. Ces formes résultent de délétions multiples de l’ADNmt et sont génétiquement hétérogènes puisque, initialement, une liaison en 10q23 a été décrite dans certaines familles, alors que dans d’autres le locus 3p14 était impliqué ou encore dans d’autres ces deux loci étaient éliminés. Trois gènes nucléaires ont récemment été identifiés.

Le gène responsable de la forme autosomique dominante liée au chromosome 10 code pour une protéine à activité hélicase qui co-localise avec un complexe nucléoprotéique mitochondrial dont la fonction n’est pas encore comprise [44]. Des mutations du gène de l’isoforme muscle de l’adénine nucléotide translocase type 1 (ANT1), chargées d’échanges ATP-ADP entre cytosol et mitochondrie (Fig. 1), localisées en 4q34, ont été constatées dans cinq familles présentant une transmission autosomique dominante [45]. Dans d’autres familles il s’agit de mutations hétéroTableau 4. — Maladies mitochondriales par mutation dans un gène nucléaire Manifestations cliniques gène nucléaire fonction.

AD-PEO : ophtamoplégie progressive autosomique dominante, RRF : fibres ragged-red MNGIE : encéphalopathie myoneurogastro-intestinale, S de Leigh : syndrome de Leigh
zygotes de l’ADN polymérase gamma à transmission autosomique dominante ou récessive [46]. L’exemple classique de maladie mitochondriale avec délétions multiples à transmission autosomique récessive demeure le syndrome MNGIE qui est dû à une mutation dans le gène de la thymidine phosphorylase [47]. Restent des situations où l’identification causale n’est pas connue [48]. Nous avons comparé les séquences de l’ADNmt dans deux familles avec délétions multiples de l’ADNmt présentant des phénotypes très différents puisque d’un côté il s’agissait d’une forme clinique autosomique dominante à début adulte marquée par un tableau neurologique associant ataxie cérébelleuse et déficit en territoire d’innervation bulbaire alors que dans l’autre il s’agissait d’une atteinte sporadique chez un enfant présentant un ptosis avec ophtalmoplégie et ataxie [49]. Les résultats de cette étude ont montré que les mécanismes moléculaires étaient différents puisque dans l’atteinte autosomique dominante tous les individus porteurs de la délétion multiple avaient des séquences répétées similaires aux bornes de la délétion, des mutations ponctuelles dans les clones contenant des bornes de la délétion ainsi qu’un motif de 9 paires de bases tripliquées dans la région intergénique COII-ARNt lysine. Aucune de ces anomalies n’était présente dans le cas sporadique. Les altérations trouvées nous ont ainsi amenés à émettre l’hypothèse que la participation d’un système de réparation de l’ADNmt, sous contrôle nucléaire, pourrait expliquer de tels réarrangements de l’ADNmt. Un tel système n’a jamais été décrit chez le mammifère mais on connaît, chez la bactérie, le système MutHLS responsable de la réparation de l’ADN. Le gène de la protéine MSH1, homologue à la protéine bactérienne MutS est apparu comme un bon candidat puisque cette protéine est impliquée dans la réparation des mésappariements du génome mitochondrial de levure [50, 51] et que le système bactérien est considéré, dans une théorie symbiotique, comme l’ancêtre de la mitochondrie.

Nous avons pu démontrer indirectement que ce mécanisme était présent puisque, en inactivant le système MutHLS par surexpression des protéines bactériennes MutS dans des mitochondries de cellules de mammifères répliquées en culture, on peut faire apparaître des délétions multiples dans le génome mitochondrial. De même des constructions de souris transgéniques MutS portent des mutations multiples de l’ADNmt mais ne présentent pas, par ailleurs, d’anomalie phénotypique évidente malgré une forte proportion de mort-nés (résultats non publiés — thèse de Rachel Paul). Mais si ceci confirme indirectement que le contrôle nucléaire de la réparation de l’ADNmt peut être impliqué dans la genèse de maladies mitochondriales, ce mécanisme n’a pu être démontré formellement, la séquence du gène humain restant inconnue à ce jour, il n’est pas possible de démontrer qu’une mutation de ce gène soit associée à une maladie.

Syndromes mitochondriaux liés à des mutations dans des gènes nucléaires qui contrô- lent des protéines de structure de la chaîne respiratoire

Le premier groupe correspond à des modifications dans des gènes de protéines de structure comprises dans les complexes I et II de la chaîne respiratoire mitochondriale. Au cours de ces dernières années, plusieurs mutations dans des gènes nucléai-
res des sous-unités du complexe I ont été décrites. Il s’agit d’une famille de gènes NDUFS codant pour des sous-unités du complexe I contenant des flavoprotéines et des protéines fer-soufre. Le phénotype clinique en est relativement univoque, rejoignant celui du syndrome de Leigh pur ou associé à une cardiomyopathie ou avec des atteintes multi systémiques diffuses. Ce même syndrome de Leigh est l’expression clinique de mutations dans des sous-unités du complexe II, SDH flavoprotéines (Tableau 4). A la longue liste des maladies mitochondriales s’ajoutent des tumeurs bénignes ectodermiques (paragangliomes) transmises avec une hérédité autosomique dominante à pénétrance variable et associées à des mutations dans les gènes de la petite sous-unité de la SDH servant d’ancre membranaire au complexe II. On peut rapprocher de ces anomalies des protéines de structure les déficits touchant le co-enzyme Q10 dont le phénotype associe de façon variable myoglobinurie, retard mental et ataxie.

Le deuxième groupe correspond aux atteintes des protéines qui contrôlent l’assemblage des complexes de la chaîne respiratoire mitochondriale (Tableau 4). Il s’agit essentiellement de l’assemblage du complexe IV ou cytochrome oxydase. Ces mutations s’expriment cliniquement chez l’enfant, là encore dans le cadre d’un syndrome de Leigh. En premier lieu le gène SURF-1 dont la mutation a été décrite comme spécifique du syndrome de Leigh avec déficit en complexe IV mais qu’on retrouve en fait sous d’autres phénotypes cliniques. Des mutations dans les gènes SCO1 et SCO2 (pour synthèse de cytochrome-oxydase) sont reconnues comme à l’origine de cardio-encéphalopathies avec déficit en cytochrome-oxydase, mais également de comas acido-cétosiques de l’enfant. Ces gènes codent pour des protéines qui participent à l’incorporation de l’atome de cuivre dans le site catalytique du complexe IV.

Mutations dans des gènes nucléaires codant pour des facteurs mitochondriaux indirectement impliqués dans la phosphorylation oxydative

Il s’agit là d’une série de maladies essentiellement neurologiques (Tableau 4), non véritablement considérées comme des maladies de la chaîne respiratoire mitochondriale, mais physiopathologiquement liées à des modifications de la production énergétique. Il s’agit du gène de la paraplégine avec expression phénotypique de paraplégie spastique autosomique dominante ou récessive [52}, du gène DDP1 codant pour une protéine d’importation mitochondriale impliquée dans le syndrome surdité, dystonie, atrophie optique ou syndrome de Mohr-Tranebjaerg [53], du gène ABC7, codant pour un transporteur du fer impliqué dans l’anémie sidéroblastique [54]. Le gène de la frataxine assurant le stockage du fer mitochondrial est mis en cause dans l’ataxie de Friedreich [54]. Le gène ATP7B est impliqué dans la régulation de protéines fer /soufre et, ayant une incidence sur le métabolisme du cuivre, est responsable de la maladie de Wilson [56]. L’atrophie optique dominante causée par une mutation dans le gène OPA1 (codant pour une protéine de transfert intracellulaire) est considérée comme une maladie mitochondriale car elle est liée à un défaut d’assemblage des constituants de la chaîne respiratoire. Enfin très récem-
ment a été mise en évidence une surexpression du gène ANT1 lié à la mutation D4Z4 de la dystrophie facio-scapulo-humérale [57] ce qui laisse à penser une implication mitochondriale dans la pathogénie de cette dystrophie musculaire.

Au cours de ces dernières années, des avancées majeures ont été faites dans la reconnaissance et la compréhension des maladies mitochondriales, notamment par une approche nouvelle de la physiopathologie des maladies du génome mitochondrial impliquant des mécanismes généraux régulateurs aussi bien pour les mutations de l’ADNmt que pour celles affectant des gènes nucléaires. Les corrélations phénotype — génotype sont difficiles, sauf pour quelques syndromes spécifiques comme le MERRF, le NARP ou le MELAS ou le couple ptosis-ophtalmoplégie. Il s’agit d’associations de manifestations cliniques dominées chez l’enfant par des encéphalopathies plus ou moins pures, avec ou sans cardiomyopathie et, chez l’adulte, essentiellement par des tableaux neurologiques centraux, neurosensoriels, neuromusculaires, volontiers associés à des atteintes cardiaques ou endocrinométaboliques. Le trait commun à ces maladies mitochondriales est une dysfonction de la production énergétique cellulaire secondaire à des défauts génomiques. Le développement de modèles animaux reste encore difficilement utilisable vu la grande létalité qui semble accompagner toute modification de l’expression mitochondriale, mais devrait amener à une meilleure compréhension des mécanismes qui relient le déficit moléculaire à l’expression clinique.

Le concept de maladie mitochondriale est maintenant non seulement admis mais évolue vers celui d’une médecine mitochondriale découlant de l’altération de mécanismes complexes de régulation génétique et d’interrelations entre génomes, nucléaire et mitochondrial.

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DISCUSSION

M. Claude JAFFIOL

Existe-t-il une prévalence variable du diabète mitochondrial selon certains groupes ethniques à forte consanguinité ? Le caractère monogénique de la transmission maternelle de ce diabète et l’atteinte mitochondriale apportent-ils une ouverture vers la compréhension des mécanismes physiopathologiques : insulinodéficience, retard à l’insulinosécrétion, insulinorésistance hépatique, … ?

Dans l’étude que nous avons menée sur 140 patients avec le groupe de nutrition diabétologie de Marseille, de même que dans l’étude en collaboration multicentrique française GEDIAB, il n’est pas apparu de population à risque. Pour ce qui concerne la physiopathologie de ce type de diabète, une théorie met en cause le fonctionnement de canaux potassium ATP-dépendant. Ces canaux sont responsables des mécanismes de sécrétion
des cellules bêta pancréatiques. Ce sont ces canaux qui sont sensibles aux sulfonylurées comprenant une grande partie des sulfamides hypoglycémiants. Les perturbations métaboliques modifiant les concentrations d’ATP disponibles pourraient être à l’origine de leurs dysfonctions.

M. Michel ARTHUIS

La transmission mitochondriale est maternelle. C’est la règle. D’après Nature , il a été rapporté la possibilité d’une transmission paternelle. Qu’en est-il ? Quel mécanisme ?

Il est physiquement possible que, lors de la fécondation, une copie d’ADN mitochondrial d’origine paternelle puisse être transmise de façon concomitante avec l’ADN nucléaire.

Dans les autres cas la transmission est mendélienne autosomique dominante ou récessive, voire liée à l’X. Il s’agit alors de maladie par mutation du génome nucléaire répondant à une hérédité nucléaire classique. Certaines mutations du génome mitochondrial de type duplication, déplétion ou délétions multiples sont secondaires à une mutation dans un gène nucléaire qui contrôle la stabilité de l’ADN mitochondrial.

M. Georges SERRATRICE

Compte tenu de la sénescence « physiologique » des mitochondries, y a t-il avec l’âge un seuil ou un index à considérer avant de faire jouer un rôle franchement pathologique aux altérations morphologiques et biochimiques des mitochondries ?

La question posée met en jeu deux caractéristiques du concept de maladie mitochondriale : l’accumulation des mutations de l’ADN mitochondrial avec l’âge et la notion de seuils critiques pour une expression phénotypique de ces mutations. De fait, actuellement aucune mutation de l’ADN mitochondrial ne peut être formellement identifiée et corré- lée au vieillissement, si ce n’est ce qu’on appelle la délétion commune, plus fréquente chez le sujet âgé, mais également trouvée dans les myopathies oculaires mitochondriales, ou visible dans un muscle ischémique, sans qu’il soit possible de lui attribuer un rôle défini dans le phénomène du vieillissement. La notion de seuil, fonction du type de mutation, est également très variable. Par exemple la mutation en position 11 778 dans le gène ND1 de l’ADN mitochondrial est la plus courante dans la maladie de Leber mais ne s’exprime phénotypiquement que chez 75 % des garçons porteurs et chez moins de 30 % des filles porteuses. A l’évidence, des mécanismes associés, ou régulateurs, sont nécessaires à l’expression de ces mutations même si elles ne s’expriment qu’à partir d’un certain seuil quantitatif.

M. Claude SUREAU

Du point de vue de la prévention des manifestations cliniques, quelle place peut-on envisager pour le transfert nucléaire dans un cytoplasme ovocytaire étranger à mitochondries normales ?

On peut envisager de former des hybrides issus de la fusion de 2 cellules, l’une apportant le matériel nucléaire, l’autre les mitochondries. Théoriquement, il est possible in vitro de convertir une maladie par mutation de l’ADN mitochondrial en une maladie par
mutation de l’ADN nucléaire. Le gène sauvage peut être transféré depuis l’ADN mitochondrial à celui du noyau et on se retrouve dans le cas de figure de la thérapie génique d’une maladie par mutation du génome nucléaire. Pour être reconnue et transportée dans la mitochondrie, la nouvelle protéine nucléaire devra comporter une séquence d’adressage empruntée à une autre protéine mitochondriale elle-même régulièrement contrôlée par l’ADN nucléaire. Cette approche dite allotopique a été décrite par Nagley il y a quelques années et a été très récemment publiée par le groupe d’Eric Schon à New York comme pouvant être appliquée avec succès à des cellules humaines en culture. Reste à faire la transposition in vivo . D’autres pistes sont également possibles : modifier l’expression hétéroplasmique, stimuler la croissance de cellules satellites musculaires dont les mitochondries ont un taux de mutation moindre ou encore utiliser des lignées germinales mais sortant actuellement du domaine légal.


* Fédération des Maladies Neuromusculaires, Hôpital de l’Archet CHU de Nice, UMR CNRS 6549, Instabilité Altération des Génomes, Faculté de Médecine de Nice, BP 3079 - 06202 Nice cedex 03. desnuelle.c@chu-nice.fr Tirés-à-part : Professeur Claude Desnuelle, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 2 décembre 2001, accepté le 6 janvier 2003.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 3, 537-557, séance du 11 mars 2003