Résumé
Les objectifs, les caractéristiques, la structure et le fonctionnement des comités d’éthique appliqués à l’expérimentation animale en France et à l’étranger sont présentés dans leurs généralités. Quatre notions majeures sont soulignées : intégration du concept de respect de l’animal, compétence, ouverture, communication.
Summary
Functions, main features, organization and operating principles of ethical committees for animal experiments in France and foreign countries are presented from a general viewpoint. Four majors concepts are underlined : awareness of respect of animal, competence, open door policy, communication.
Ethics committees.
INTRODUCTION
Dès leurs premiers travaux expérimentaux respectifs, François Magendie et Claude Bernard ont dû faire face à l’hostilité de quelques-uns de leurs contemporains. Par la suite et pendant près d’un siècle, l’opposition à la pratique d’expérience sur les animaux vivants va demeurer l’apanage de minorités, finalement peu influentes.
Dans les cinquante dernières années, la disparition du cheval de trait, l’éloignement de la réalité objective des animaux de rente, la prolifération des animaux de compagnie, ou encore l’influence de la représentation anthropomorphique des animaux dans les fictions cinématographiques ou télévisuelles, ont bouleversé l’image traditionnelle de l’animal dans la société occidentale. De son statut d’objet, l’animal a évolué implicitement ou explicitement vers celui de sujet. Et si les droits de l’animal demeurent du domaine de la controverse, les devoirs de l’homme envers ce dernier sont aujourd’hui communément admis [1, 2].
La prise en compte de ce changement dans les mentalités, et aussi, il faut le dire honnêtement, la menace que fait planer l’activisme des ligues dites anti-vivisectionnistes, conduisent la communauté scientifique à concevoir et à mettre en place, au Canada, dès 1969, des comités chargés de promouvoir une attitude éthique lors des expérimentations sur animaux vivants. Après un certain délai la Suisse (1978), la Suède (1979) et l’Australie (1979) donnent un statut juridique à ces comités. Le mouvement se généralise alors, la Nouvelle Zélande (1984), les États-Unis (1986), la République Fédérale d’Allemagne (1987), la République Sud Africaine (1990), les Pays-Bas (1997) et le Royaume-uni (1999) intègrent, tour à tour, les comités d’éthique dans leurs réglementations [3, 4, 5].
La France ayant adopté en 1987 le principe de la responsabilité personnelle des chercheurs reconnus comme qualifiés n’a pas encore légiféré en ce domaine [6].
Cependant des comités d’éthique appliquée à l’expérimentation animale ont été progressivement mis en place dans l’industrie pharmaceutique entre 1990 et 1992 [7], et au sein des laboratoires du ministère de la Défense entre 1992 et 1998 [8]. Pour leur part, les Établissements Publics à caractère Scientifique et Technique (INSERM, CNRS, INRA, CEA) se sont dotés d’une organisation commune comprenant, fin 2002, 19 comités régionaux interorganismes [9].
OBJECTIFS DES COMITÉS D’ÉTHIQUE
Dans l’affrontement qui oppose chercheurs et protectionnistes la volonté de chacun des deux partis est de gagner à sa cause l’opinion publique et au-delà celle du législateur. Aussi, établir ou rétablir une relation de confiance avec la société civile et ses décideurs est l’une des priorités que se sont fixés les promoteurs des comités d’éthique. Ils sont ainsi amenés à garantir, par un véritable contrat moral, le suivi de règles de comportement visant à protéger l’animal de laboratoire. Pour atteindre et généraliser cet objectif leur démarche se fonde sur la volonté pédagogique de convaincre l’expérimentateur plutôt que de le contraindre [10].
Les bases éthiques de ces ambitions reposent sur le respect de principes généraux réunis dans diverses chartes qui, toutes, partagent trois fondements. Dans l’état actuel des connaissances le progrès des sciences biomédicales implique le recours aux modèles animaux ; or, l’animal est un être vivant doué de sensibilité ; en conséquence, l’homme doit le respecter [2, 11].
Dès 1959 Russel et Burch [12] précédaient ces considérations générales pour proposer une attitude pragmatique reposant sur trois principes pratiques, consacrés et adoptés par la communauté biomédicale internationale comme la règle des trois « R », pour les trois axes de réflexion et d’action : « Replacement » « Reduction » et « Refinement ».
La mise en jeu du principe de « Replacement » vise à substituer à l’animal, chaque fois que cela est possible, divers modèles dont les plus accessibles demeurent les préparations biologiques dites in vitro ou les modèles dits in silico relatifs aux simulations mathématiques ou informatiques.
Le second principe « Reduction » consiste à réduire le nombre de sujets utilisés lorsqu’il est indispensable de recourir à des essais sur l’animal. Sa mise en jeu fait notamment appel à un choix judicieux de stratégies expérimentales et d’outils statistiques adaptés.
Enfin, le troisième principe « Refinement » a pour objet d’améliorer les protocoles et procédures en portant un intérêt spécifique aux causes de douleurs et aux facteurs, physiques ou comportementaux, à l’origine d’agressions ou d’inconfort. Leur maî- trise doit être explicitée en insistant, notamment, sur la nécessité de définir, en préalable à toute expérimentation, des « points limites ». C’est à dire en fixant des paramètres biologiques et comportementaux qui signent une situation très critique pour l’animal, la reconnaissance de celle-ci impliquant l’interruption impérative de l’expérience et l’euthanasie du sujet [13, 14].
CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DES COMITÉS D’ÉTHIQUE
Leurs objectifs définis, les comités d’éthique interviennent, avant tout et selon la volonté de leurs concepteurs, comme organismes consultatifs. C’est ce que l’on constate au Canada et en France. Leurs avis et recommandations y sont transmis aux chercheurs qui demeurent responsables, avec éventuellement leur hiérarchie, de la décision finale et de l’exécution des protocoles.
Cependant, la plupart des autres nations accordent une autorité plus importante aux avis des comités d’éthique et s’en remettent à eux pour orienter significativement, soit l’autorisation administrative d’expérimenter, cas de l’Allemagne [15] ou du Royaume-Uni [3], soit la décision de financement des projets de recherches, cas de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande [3].
Enfin les nations organisées de manière très décentralisée, comme les États-Unis, leur confient non seulement l’évaluation éthique des projets mais aussi la responsabilité de l’application, au niveau de leurs propres institutions, de l’ensemble de la réglementation relative aux animaux de laboratoire [3, 16, 17].
Afin de conserver leur expression pédagogique et bien que souvent profondément engagés dans le processus de décision, les comités d’éthique veillent, notamment dans le choix de leurs structures, à préserver leur aptitude fondamentale au dialogue.
Dialogue avec les chercheurs, pour en obtenir l’adhésion ; dialogue avec les repré- sentants de la société civile, pour en saisir la sensibilité et les limites éthiques que cette dernière accorde, consciemment ou inconsciemment, aux techniques expérimentales ; dialogue interne, pour ponctuer les évaluations de projet par des propositions constructives et si possible consensuelles [15, 18].
À l’évidence, cette nécessaire aptitude au dialogue doit être accompagnée d’une triple compétence reconnue comme indispensable aux membres des comités. Compétence scientifique suffisante pour appréhender l’intérêt des projets soumis à évaluation, bien que ces derniers aient été examinés, au préalable et à ce propos, par des commissions spécialisées. Il s’agit là de contribuer à l’appréciation du délicat rapport préjudice animal sur bénéfice pour l’homme qui constitue la clé de l’avis final du comité. Compétence éthique, qui suppose elle-même une information si ce n’est une véritable formation des membres des comités pour une mise en pratique efficace des chartes en général et de la règle des 3 R en particulier [19]. Enfin, maîtrise de la culture de l’institution ou de l’organisme de recherches afin d’optimiser les relations avec les chercheurs et, éventuellement, avec leur hiérarchie.
Dernière aptitude indispensable aux comités d’éthique : leur crédibilité. Ils ne l’acquièrent que si toutes les parties : chercheurs, société civile, hiérarchie, administration, respectent leur indépendance ; que si leurs membres ne violent pas la confidentialité de leurs débats et de leurs avis ; que si leurs méthodes de travail permettent une évaluation rapide des projets évitant d’introduire tout retard dans le déroulement de ceux-ci [18].
STRUCTURE DES COMITÉS D’ÉTHIQUE
La volonté d’ouverture et de dialogue à l’origine de la conception des comités d’éthique constitue la pierre d’achoppement de leur structure. Composés d’une dizaine de membres, entre cinq et quinze selon les recommandations des différentes nations, ils rassemblent des représentants du monde de la recherche, des représentants de la société civile et dans la plupart des cas un vétérinaire [20].
Ce dernier, de préférence praticien libéral, intervient non seulement en tant qu’homme de l’art mais aussi en tant que médiateur indépendant, associant à sa culture professionnelle une connaissance approfondie de la sensibilité du public, acquise dans son exercice quotidien [21]. La constitution du « collège » des expérimentateurs associe, pour être représentative, des chercheurs et des techniciens, volontaires et disponibles, et si possible, de générations et de disciplines différentes [22].
L’importance de l’ouverture vers la société civile varie suivant la nation ou l’institution. La présence d’un ou plusieurs salariés de l’institution, sans engagement direct dans les activités de recherche, tels que des personnels administratifs ou de support technique, en définit le niveau minimum. Une plus large et plus fréquente ouverture est assurée par la participation de personnalités étrangères à l’institution
et reconnues pour leurs capacités à débattre de problèmes d’éthique, soit par leurs formations philosophiques ou juridiques, soit par leurs engagements civiques ou associatifs. La présence de membres des ligues protectionnistes, a priori peu compatible avec la sérénité des débats et le respect de leur confidentialité, est rarement proposée [15]. En fait, le rôle de ces associations ne devient réellement fructueux que lorsqu’il est exercé par une représentation responsable et dans le cadre de structures de réflexion de niveau national, comme le prouve, dans notre pays, la qualité de leur action au sein de la Commission Nationale de l’Expérimentation Animale.
Lié à la structure des comités d’éthique se pose le problème de leur validation. En effet, aujourd’hui, pratiquement toutes les revues scientifiques internationales exigent qu’un comité d’éthique ait approuvé, au préalable à leur réalisation, les expériences dont elles publient les résultats. La compétence des comités doit donc être reconnue, leur structure et leur mode de fonctionnement validés. Cette validation est assurée dans la plupart des pays par la simple conformité des comités à la réglementation. De manière plus élaborée et plus objective, le Canada, l’Australie et la Nouvelle Zélande accréditent les comités après audit de leurs structures et de leurs modes de fonctionnement [3].
MODE DE FONCTIONNEMENT DES COMITÉS D’ÉTHIQUE
Le niveau d’intervention et de responsabilité des comités d’éthique fait l’objet de trois conceptions. Dans un souci de proximité et de dialogue avec les chercheurs, 17 nations sur 25 disposant de comités leur ont donné un statut institutionnel, leurs activités s’exerçant au profit d’un seul organisme de recherche, d’un seul laboratoire.
En Allemagne, en Suède, en Suisse et en France pour partie [9], les comités interviennent au profit de l’ensemble des organismes de recherche implantés dans une aire géographique d’ordre régional. Alors que Chypre, l’Inde, l’Italie et le Danemark ne disposent actuellement que de comités nationaux [4].
Qu’ils soient institutionnels, inter-organismes ou nationaux, l’essentiel de l’activité des comités d’éthique réside dans l’évaluation des projets de recherche mettant en jeu des animaux de laboratoire. Précédant l’évaluation à proprement parler, la présentation des projets ou saisine, peut varier dans sa substance ou dans ses modalités, selon les pays ou les institutions [13].
De caractère généralement obligatoire, la saisine demeure encore facultative en France et en Belgique, où elle est laissée à l’appréciation des chercheurs. Il peut être également discuté de l’intérêt de la présentation de tous les projets sans exception. Il est possible, en effet, d’imaginer une certaine saturation des comités par des projets inoffensifs pour les animaux utilisés, au détriment de l’étude approfondie de protocoles posant de réels problèmes d’éthique. Enfin, entre les grandes étapes documentaires d’une recherche que sont, pour aller du plus général au plus détaillé, les programmes, les projets, les protocoles ou les procédures, il peut être débattu du niveau optimal d’intervention des comités [6].
Matériellement, l’évaluation proprement dite comprend le plus souvent quatre grandes étapes. Elle débute par la confirmation de l’intérêt scientifique ou sociétal de la recherche. Se poursuit par la justification du modèle animal proposé, puis par l’étude détaillée du protocole afin de réduire autant que faire se peut le nombre de sujets utilisés ainsi que le caractère éventuellement agressif des manipulations [14].
Elle se termine par l’appréciation globale du rapport comparant le préjudice probablement occasionné à l’animal, au bénéfice que retirera l’homme de la recherche envisagée [16, 23].
CONCLUSION
Les comités chargés d’intégrer la notion de respect de l’animal au sein de la démarche expérimentale, partagent un socle commun constitué par la compétence et la volonté d’ouverture sur la société civile. Quelles que soient leurs modalités pratiques d’organisation ou de fonctionnement, il s’agit pour ces comités d’établir un dialogue constructif entre les expérimentateurs et leurs concitoyens. A l’occasion de cet indispensable dialogue la société civile doit pouvoir exprimer les limites qu’elle accorde à l’utilisation des animaux en recherche. De leur côté les expérimentateurs doivent pouvoir expliciter la finalité de leurs travaux et leurs interrogations méthodologiques [20].
Médiateurs indépendants, les comités d’éthique devraient, par une démarche appropriée et de niveau national, s’efforcer d’éclairer objectivement une opinion publique trop schématiquement informée des enjeux et de la réalité de la recherche en Biologie et en Médecine [24].
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DISCUSSION
M. Michel BOUREL
Les cultures cellulaires in vitro , provenant d’animaux, peuvent-elles, dans une certaine mesure, remplacer ou compléter les recherches à visées thérapeutiques pour l’homme ?
Les méthodes dites « in vitro » utilisant comme réactifs des cultures cellulaires d’origine humaine ou animale sont souvent et abusivement présentées comme des approches substitutives à l’expérimentation animale. Intervenant à un niveau d’organisation élé- mentaire elles ne peuvent, à l’évidence, simuler les réactions d’un organisme dans sa globalité. En revanche, leur relative simplicité de mise en œuvre et leur spécificité permettent de les utiliser, par exemple afin de comparer rapidement l’intensité des effets de diverses molécules d’une même famille chimique dont on aurait déterminé, au préalable, le spectre pharmacologique. Dans ce cas, leur fiabilité associée à la possibilité d’automatiser les tests en font des méthodes de choix au-delà de toute considération de protection animale.
M. Charles PILET
Je souhaiterais connaître votre opinion quant à l’indépendance de la France en matière d’élevage de primates. Le projet d’extension de l’élevage de Strasbourg n’ayant pas été autorisé, comment envisagez-vous l’avenir en ce domaine ?
L’application des nouvelles règles internationales interdisant l’utilisation en recherche biomédicale des primates de capture (ce dont chacun doit se féliciter), associée aux difficultés rencontrées dans le transport des primates nés en captivité, ont considérablement réduit la disponibilité des sujets nécessaires aux recherches biomédicales. Techniquement et matériellement prêt, notre pays pouvait acquérir une certaine autonomie en ce domaine par l’extension du Centre de Primatologie de Strasbourg. En condamnant cette extension, une décision très circonstancielle risque de priver, à plus ou moins longue échéance, les chercheurs français des modèles indispensables dans de nombreuses disciplines. Citons pour mémoire : les mises au point des thérapies géniques, de la vaccination contre le VIH, des xénogreffes ou l’approfondissement de la physiopathologie des maladies dégénératives. A propos de toutes ces questions, actuellement en pleine évolution, la proximité phylogénétique des primates peut constituer un facteur déterminant de succès.
M. Claude HURIET
Si l’on compare les comités d’éthique pour l’expérimentation animale aux comités de protection des personnes on constate que le souci de protection des animaux de laboratoire a été formalisé (1969) avant celui des personnes (1988) ; que dans les deux cas la fonction pédagogique prime : « il faut convaincre plus que contraindre » et qu’elle est accompagnée d’une volonté d’ouverture et de pluralisme ; que les différences essentielles portent sur la finalité : protection des personnes dans un cas, souffrance animale et confiance de la société civile dans l’autre ; s’y ajoute l’hétérogénéité des populations animales concernées « de la drosophile aux primates ». Quelles sont les valeurs auxquelles peut se référer le débat éthique concernant l’animal ?
Le caractère évolutif et consensuel de l’éthique ne permet pas de figer une fois pour toute des règles de comportement vis-à-vis de l’animal de laboratoire. En l’absence d’une doctrine actualisée et exprimant clairement un consensus sur les relations homme/ animal, les comités d’éthique ont adopté unanimement la proposition pragmatique de Russel et Burch. Leur objectif est de faire évoluer, d’améliorer et de promouvoir le principe des « 3R » : « replacement », « reduction » et « refinement », tout en respectant la responsabilité ultime du chercheur.
M. Jean NATALI
Il peut être intéressant pour les membres de l’Académie de savoir que l’un d’eux a participé à un comité d’éthique. J’ai eu cette charge pendant sept ans, en prenant la succession de Jean Charles Sournia, notre regretté confrère, au sein du comité d’éthique d’une importante société pharmaceutique, Rhône Poulenc Rorer, devenue ultérieurement Aventis. Je puis témoigner de la rigueur des débats tenus lors des quatre à cinq séances annuelles au cours desquelles étaient examinés les protocoles d’expérimentation. La souffrance animale était particulièrement prise en compte et il est arrivé que des protocoles soient refusés pour insuffisance de considération ou de précaution en ce domaine. Vous avez participé, en 1999, en tant que membre du GIRCOR (Groupe Interprofessionnel de réflexion et de communication sur la recherche) à un colloque au cours duquel il avait été décidé la mise en place d’une instance nationale de réflexion. Pouvez-vous nous dire où en est ce projet ?
La création d’une structure nationale de réflexion sur l’éthique en expérimentation animale, dont la nécessité vient d’être soulignée, est à l’ordre du jour, pour ne pas dire imminente. Après une longue phase de maturation les conversations entre les deux ministères essentiellement concernés : le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, et des Affaires rurales et le ministère de la Recherche et des nouvelles Technologies, sont sur le point d’aboutir. Les missions de cet organisme sont définies. Sa composition est fixée. Il reste à déterminer sa position administrative. Il est probable que ses activités débuteront au quatrième trimestre 2003.
M. Pierre PÈNE
Combien y a-t-il de comités d’éthique en expérimentation animale dans notre pays et comment se répartissent-ils sur le plan des institutions, des régions et des départements ?
Il existe, affiliés au GRICE (Groupe de Réflexion Interprofessionnel sur les Comités d’Ethique) 21 comités opérationnels intervenant localement au profit d’une institution, d’une firme pharmaceutique ou d’un laboratoire privé. De son côté le ministère de la Défense dispose de 4 comités locaux concernés par les travaux de ses 4 principaux laboratoires de recherches biomédicales. Enfin la recherche publique, universités et EPST (Etablissements Publics Scientifiques et Techniques), a créé ces deux dernières années une vingtaine de comités inter-organismes régionaux, où siègent les représentants de l’INSERM, du CNRS, de l’INRA ou du CEA. Donc au total plus d’une cinquantaine de structures locales ou régionales participent, dans notre pays, à la généralisation d’une attitude éthique envers l’animal de laboratoire.
* Docteur Vétérinaire, 18 Avenue Jean Jaurès — 92140 Clamart. Tirés-à-part : M. Claude Milhaud, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 16 décembre 2002, accepté le 20 janvier 2003.
Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 3, 559-567, séance du 11 mars 2003