Communication scientifique
Session of 22 mai 2007

Et le diabète dans tout cela ?

MOTS-CLÉS : diabète
And what about diabetes ?
KEY-WORDS : diabetes

Erol Cerasi

Résumé

Le diabète de type 2, dit aussi diabète gras, augmente de façon alarmante depuis une quinzaine d’années, et va atteindre plus de 350 millions de patients d’ici peu. La physiopathologie du diabète contient plusieurs éléments dont les plus importants sont l’insulinorésistance, principalement due à l’obésité et l’inactivité physique, et à l’insuffisance de l’insulinosécrétion. En effet, bien que 80 % des patients diabétiques présentent un surplus pondéral, les deux tiers des personnes obèses n’ont aucun trouble du métabolisme glucidique. Plusieurs données accumulées durant quelques décennies indiquent sans équivoque que le diabète ne peut apparaître qu’en présence de modifications majeures de l’insulinosécrétion. Ces modifications se caractérisent par la perte du pic précoce de la réponse insulinique au glucose, et la dégradation graduelle de la capacité maximale de la fonction bêta-cellulaire. Cependant, il n’existe pas de discontinuité entre la fonction normale et l’anomalie avancée de la fonction bêta-cellulaire ; on retrouve certaines caractéristiques de l’insulinosécrétion diabétique dans une partie de la population saine. Une question majeure est de savoir si cette sous-population constitue le réservoir des futurs diabétiques. Certaines données soutiennent cet hypothèse, mais sa preuve conclusive est difficile à obtenir. La recherche des facteurs moléculaires qui aboutissent au malfonctionnement de la cellule bêta a été difficile. Il est clair qu’une fois le métabolisme glucidique et lipidique du sujet dérangés, la cellule bêta souffre de ce qui a été nommé la gluco-lipotoxicité, réduisant aussi bien la réponse insulinique aux stimuli que la biosynthèse, donc le stockage, de l’insuline. La résistance à la leptine observée chez le patient obèse pourrait jouer un certain rôle dans ce contexte, car la leptine diminue les lipides de la cellule bêta ; ceci est valable aussi pour la réduction des taux de l’adiponectine. Cependant, il est plus probable que l’inflammation accrue de l’obésité, induite par nombre de cytokines, joue un rôle plus important dans la dégradation de la fonction bêta-cellulaire, comme le démontrent les récents travaux de DONATH. Nous proposons l’hypothèse que la cellule bêta « prédiabétique » n’est qu’une cellule normale dont la gamme de ses capacités (sécrétion, biosynthèse, prolifération cellulaire…) se trouve à l’échelle inférieure de la distribution normale. En temps d’équilibre énergétique normal, les besoins en insuline de l’organisme sont aisément couverts par ce pancréas « prédiabétique ». Un déficit n’apparaîtrait que soit si les besoins s’avèrent au-delà des capacités de la cellule bêta, comme dans la suralimentation excessive avec ou sans insulinorésistance, soit si des facteurs extérieurs à la cellule bêta, dont les cytokines inflammatoires, réduisent son potentiel fonctionnel et prolifératif. Donc, l’insuffisance de l’insulinosécrétion n’est conçue que dans un contexte de relativité imposé par les facteurs d’environnement. Les facteurs génétiques, clairement présents dans le diabète de type 2, joueraient au niveau des limites de la capacité d’adaptation de la cellule bêta. Les découvertes récentes des liens entre le polymorphisme de certains gènes d’importance pour la formation ou fonction de la cellule bêta, tels le TCF7L2 ou le SLC30A8, et le diabète de type 2, soutiennent cette hypothèse. Vu sous cet angle, le traitement du diabète de type 2 nécessiterait — la réduction des exigences auxquelles la cellule bêta est soumise, — le renforcement de sa fonction. Les nouvelles avancées de la thérapeutique, dont une partie a été soulevée dans cette réunion, nous font espérer que le traitement du diabète sera amélioré de façon sensible dans les années à venir.

Summary

Type 2, non-insulin-dependent diabetes has been increasing exponentially over the past decade and a half, and it is estimated that within short it will comprise more than 350 million patients. The pathophysiology of type 2 diabetes is complex, but has two dominating factors, insulin resistance (which is mainly due to obesity and physical inactivity), and deficient insulin production. Indeed, although ∼ 80 % of type 2 diabetics are obese, 2/3 of overweight or obese persons show normal glucose metabolism. Data accumulated over the past few decades unequivocally indicate that diabetes can not develop in the absence of a major deficiency of insulin secretion. This deficiency is characterised by an early loss of first-phase insulin response to glucose, followed by gradual collapse of the later insulin response as well as of the maximal secretory capacity of the beta-cell. Interestingly, functional modifications in the beta-cell do not present a discontinuity ; in fact, some of the characteristics of the diabetic beta-cell function can be found in a fraction of the healthy population. A major challenge has been to answer the question whether the population with decreased insulin secretory capacity represents the substratum from which future diabetics emerge. While many observations suggest that such may indeed be the case, conclusive evidence is still unavailable. The search for the beta-cell molecular mechanisms which prepare the ground for diabetes has been difficult and mainly limited to laboratory models of type 2 diabetes. Greater success has been achieved in elucidating the secondary beta-cell defects elicited once diabetes is established and the beta-cell exposed to chronically elevated glucose and fatty acid levels (so-called gluco-lipotoxicity). The latter reduces the responsiveness of insulin secretion to physiological stimuli, as it impairs the biosynthesis and processing of proinsulin. The leptin resistance of obesity certainly plays a role in this context, since leptin reduces, i.a., the lipid content of the islet. Similarly, the reduced adiponectin levels of obesity favour diminished beta-cell function. Nevertheless, it seems probable that the most important negative factor for the beta-cell in obesity is the inflammatory state. Indeed, several cytokines are deleterious for the beta-cell and may play a role in the pathogenesis of the islet dysfunction of diabetes, as demonstrated by the recent work of Donath and coworkers. We propose the working hypothesis that the ‘‘ prediabetic ’’ beta-cell in fact is a normal beta-cell whose functional capabilities (insulin secretion and biosynthesis, cell proliferation, resistance to stress…) is at the lower-end of the normal distribution. At times of ‘‘ reasonable ’’ metabolic requirements, i.e. reasonable energy balance, such a ‘‘ prediabetic ’’ beta-cell is fully adequate to cover the insulin needs of the organism. Insulin production by the ‘‘ prediabetic ’’ beta-cell becomes insufficient either when insulin needs become excessive, as is the case in over-nutrition (with or without insulin resistance), or when beta-cell function and adaptation are impaired by ‘‘ external ’’ factors such as the obesity-related inflammatory cytokines. Thus, deficient beta-cell function is seen as a relative factor against the metabolic background dictated by environmental factors. Type 2 diabetes is a hereditary disease, and many genes have been shown to be linked to diabetes. Our hypothesis is that such genes (or rather their polymorphism) define the range of the functional adaptability of the beta-cell to metabolic demand. This would be an excellent example of gene-environment interaction. Thus, we do not believe that sensu stricto diabetes genes exist. Against the above, optimal diabetes treatment would necessitate — reduction of the metabolic demand on the beta-cell, — support of its function and adaptive capabilities. Several new research avenues, discussed in the present meeting, may open new and improved therapeutic approaches for type 2 diabetes.

DISCUSSION

M. René MORNEX

Dans mon expérience très ancienne, le diabète II qui n’avait pas eu des consignes diététiques sérieuses et qui recevait de l’insuline guérissait très rapidement par l’arrêt des injections et par la mise en place d’un régime sérieux qui donnait des résultats spectaculaires. Ce qui très rapidement n’a plus été confirmé. Qu’en pensez-vous ?

Votre expérience est toujours valable. Une de nos principales erreurs était d’utiliser une insulinothérapie tout à fait non-physiologique : injection une fois par jour d’une insuline à action prolongée, ce qui est à l’opposé de ce que fait le pancréas pour réguler la glycémie. Nous avons publié plusieurs études sur l’emploi de modes d’insulinothérapie plus proches de la physiologie (pompe à insuline ou doses multiples d’insuline ultrarapide+NPH) chez le diabétique de type II obèse : nous avons réussi à quasi-normaliser la glycémie avec des doses journalières d’insuline de l’ordre de 0,6 U/kg jour, ce qui n’est pas loin de la production journalière physiologique (0,5-1 U/kg jour). Ceci dit, il est évident que la surcharge calorique joue un rôle prépondérant dans la pathogénie du diabète de type II, d’où le succès thérapeutique quand on arrive à faire suivre un régime de façon continue et à réduire le poids de nos malades, mais hélas le taux de succès est loin de nous faire réjouir !

M. Claude JAFFIOL

Lutte contre le diabète épidémique : elle passe par le dépistage des sujets à risque et la mise en œuvre de mesures hygiéno-diététique. Comment organiser ce dépistage et la prévention ?

Le dépistage de sujets à haut risque de développer un diabète de type II ne se fait actuellement que s’il y a une forte histoire familiale, une forte obésité, ou des antécédents de type diabète gestationnel. Or, on aurait voulu détecter les sujets à risque à un stade bien plus précoce. Bien que théoriquement possible (perte du pic précoce de l’insulinosécrétion, présence de polymorphismes génétiques comme le TFC7L2…) la méthodologie est lourde, donc pas applicable dans la pratique médicale quotidienne.


* Endocrinology and metabolism, Hadassah University hospital — Jerusalem Tirés-à-part : Professeur Erol CERASI, même adresse

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, nos 4-5, 941-943, séance du 22 mai 2007