Communication scientifique
Session of 4 juin 2002

Enfants tyrans et violents

MOTS-CLÉS : adolescence. relations parent-enfant.. violence familiale
Child and adolescent violence, battered parents
KEY-WORDS : adolescence. domestic violence. parent-child relations.

D. Marcelli

Résumé

Trois à 4 % des parents sont régulièrement victimes de violence de la part de leur enfant, surtout au moment de l’adolescence. Toutefois cette violence ne débute généralement pas sans préavis. Elle surgit habituellement au terme d’une escalade progressive et traduit des distorsions dans les relations familiales caractérisées par des interactions violentes de toute nature tant entre conjoints que sur les enfants. Les symptômes associés sont fréquents : troubles du comportement, retard scolaire allant jusqu’à la déscolarisation, conduites délinquantes, etc. Il faut cependant signaler que dans quelques cas, la violence semble réellement commencer avec l’adolescence dans des familles en apparence préservées de tout autre difficulté. On y retrouve toutefois un climat de tension familiale majeure et souvent des discordances éducatives entre les deux parents. La prise en charge thérapeutique s’impose et la prévention est le meilleur des traitements grâce à une intervention dès la petite enfance.

Summary

Three to 4 % of parents are regularly battered by their children, at the adolescence. Before the appears of violence, there is an escalation of pathologic interaction between parents and child. Comorbidy is usual : problem behavior, impairments in school fontionning, antisocial disorders, etc… Sometimes violence seens to appear at the adolescence in families without any probleme. Very often there are many family conflicts and discrepancy between parents about education of their children. Prevention is the better treatment with an early intervention as soon as possible.

S’il est habituel de parler des enfants victimes de sévices, il est en revanche moins fréquent d’aborder la question des enfants et adolescents agressant leurs proches, en particulier les parents. Pourtant il y a presque trente ans le professeur Duché et ses collaborateurs avaient déjà proposé un travail sur les enfants « bourreaux domestiques » [1]. Dans cette communication nous aborderons spécifiquement les violences intrafamiliales exercées par un jeune sur ses proches, parents, grands-parents, frères ou sœurs, etc.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Ce phénomène est loin d’être exceptionnel puisque sa fréquence est évaluée entre 0,5 et 13,7 % selon les séries, fonction bien évidemment du mode de recrutement [2, 3].

Sur les dossiers ouverts par un juge des enfants, 0,5 % concernent des mineurs impliqués dans des violences sur les proches [4]. Aux Etats-Unis, 9,2 % des adolescents frapperaient au moins une fois par an leurs parents [5] ! Au Japon, 3,7 % des individus de moins de 18 ans ont exercé des violences vis-à-vis de leurs parents [6] et en France Laurent et coll. [7] retrouvent un taux identique : 3,4 %.

L’AGRESSEUR

Il s’agit de garçons dans 75 à 80 % des cas [6-8], âgés de 9 à 17 ans avec un pic vers 13/14 ans [3, 6, 7]. Ces enfants et adolescents violents présentent assez souvent des désordres somatiques (antécédents d’asthme, d’eczéma, d’infection ORL à répétition) mais plus encore des difficultés psychologiques anciennes et actuelles : presque tous ont connu des anomalies telles que des troubles sphinctériens (énurésie, encoprésie), moteurs (instabilité, tics), des troubles du sommeil, des retards de développement et des apprentissages. On ne peut donc pas dire que les comportements violents surgissent sans préalable. En dehors de la famille ces jeunes présentent également des difficultés : troubles du comportement avec violence verbale (insultes, colère en plein cours, …), agitation et provocation, passage à l’acte, bagarres, actes délinquants, vols, fugues, consommation de produits en particulier alcool avec ivresses répétées. Les difficultés scolaires sont habituelles : retards scolaires, mauvais résultats, absentéisme, exclusion, orientation en sections spécialisées, rupture scolaire et déscolarisation. Cependant si ces troubles à l’extérieur du milieu familial sont trouvés dans une très large majorité de cas, il y a aussi quelques situations où la violence reste strictement limitée au milieu familial sans autre trouble ni conduite violente à l’extérieur. Ceci s’observe plutôt chez de jeunes adolescents, vers 12/13 ans, qui sans être des enfants violents ont été des enfants capricieux et difficiles et dont les conduites violentes restent focalisées sur l’un des parents. Plus souvent que les autres ces jeunes sont volontiers isolés parfois même timides dans le milieu extrafamilial, objet des moqueries des autres ou bouc émissaire d’une classe. A la maison ils semblent se venger de cette situation d’infériorité et font subir à leur proche ce dont ils sont les victimes à l’extérieur de la famille.

LA FAMILLE, LES PARENTS

Concernant la structure de la famille, on observe aussi bien des couples parentaux [9], que des familles dissociées et des parents isolés [4] ou des familles recomposées dans des proportions qui n’apparaissent pas très différentes de la population générale. Toutes les enquêtes signalent en revanche le fait que les parents victimes sont souvent plus âgés : ils avaient plus de 35 ans à la naissance de l’enfant agresseur.

Dans une très grande majorité des cas, le niveau socio-économique est faible, marqué par l’absence de qualification professionnelle, le chômage, une invalidité.

Les antécédents médicaux sont très fréquents : maladie chronique de l’un ou l’autre parent, handicap moteur avec invalidité. Mais surtout on trouve chez les parents des antécédents de dépression, de tentative de suicide, de troubles anxieux. L’alcoolisme est sinon habituel du moins très fréquent et quand il existe c’est non seulement un alcoolisme chronique mais surtout des épisodes d’alcoolisation aiguë avec des comportements violents associés. Cette violence s’est exercée soit entre les conjoints mais l’enfant en a été le spectateur soit sur les enfants, mais le futur tyran n’a pas toujours été la victime principale. Il n’est pas rare que l’un des parents ait des antécédents judiciaires. Le climat familial est le plus souvent violent, les manifestations de cris, de colères, les grossièretés, les injures entre adultes, à l’égard des enfants sont habituelles. Deux grands types de familles ont pu être décrites [4] : celles où une carence d’autorité est manifeste avec un père dévalorisé, déchu, objet de sarcasmes et de moqueries de la mère. Ces pères ont souvent disparu pendant de longues périodes, se désintéressent de leur enfant. Dans les autres situations on trouve des pères violents, impulsifs, autoritaires mais en même temps rejetant leur enfant, ayant souvent des difficultés avec la justice dans le cadre d’épisodes d’alcoolisation aiguë, instables au plan professionnel quand ils ne sont pas chroniquement au chômage…

LE CADRE ÉDUCATIF

Le climat familial dépend des relations père-mère mais aussi de l’éducation qu’ils s’accordent à donner à leur(s) enfant(s) de façon cohérente ou au contraire opposée (par exemple un père d’autant plus sévère que la mère est laxiste et hyperprotectrice). On observe ainsi quatre types de profil : libéral, strict, hyperprotecteur, rejetant. La mère est plus souvent libérale, ne posant aucune limite ni cadre éducatif, n’ayant aucune exigence par rapport aux diverses tâches quotidiennes de rangement, de participation aux repas (mettre la table, débarrasser…). Le père est indifférent, laxiste, sans aucune exigence, parfois même complice avec son fils pour disqualifier le travail de la mère ou s’opposer à ses demandes d’aide, uniquement préoccupé de son propre bien-être et de ses loisirs. Ailleurs il est trop strict avec une rigidité inflexible, des refus catégoriques, des menaces de coups à la moindre opposition, des exigences de soumission qui ont une allure sadique et humiliante…

L’attitude hyperprotectrice est plus volontiers le fait des mères qui semblent prêtes à tout excuser de leur enfant pour obtenir de celui-ci câlins et tendresse. Systématiquement elles viennent au secours de leur enfant, le cautionnent dans tous ses comportements y compris ceux qui apparaissent comme franchement délinquants, dissimulent les vols domestiques, cachent au début les menaces et violences verbales dont elles commencent à devenir la cible. Quant à l’indifférence et au désintérêt, ils sont effectivement plus souvent le fait du père que de la mère mais on peut voir aussi des mineurs totalement livrés à eux-mêmes dès l’enfance vers 7/8 ans, sans aucun cadre éducatif, rentrant chez eux à l’heure qu’ils ont choisie, mangeant seul dans leur chambre devant leur propre poste de télévision ce qu’ils ont pris eux-mêmes dans le congélateur, dormant quand ils le veulent, traînant à l’extérieur avec une bande, etc.

LA VICTIME

Le mineur exerce en général sa violence sur une personne de prédilection. Cette victime est le plus souvent la mère, mais ce peut être aussi une grand-mère, les deux parents, un membre de la fratrie. Toutefois la violence n’a pas le même sens en fonction de la victime : — pour les mères seules avec leur enfant, en particulier garçon, il semble que ce soit l’établissement d’une relation duelle trop exclusive et trop gratifiante qui soit à l’origine de la relation de violence ; — face à un couple parental, c’est en général dans le cadre d’une opposition ou d’une contestation de l’autorité, en particulier envers un beau-parent non reconnu comme porteur de cette autorité ; — plus que de violence physique directe, la fratrie est plus souvent victime de mesures d’intimidation et de violence morale pouvant aller jusqu’à l’exploitation.

Parfois c’est l’ensemble de la famille qui est contrainte par celui qui devient un véritable « bourreau domestique ».

TYPE DE VIOLENCE

Il est rare que la violence physique soit inaugurale. Dans la quasi-totalité des cas une violence verbale l’a précédée : insultes, menaces verbales, attitudes de provocation, etc. Les parents — surtout les mères — se plaignent d’un manque de respect, d’insolence, d’arrogance. L’adolescent et même parfois l’enfant ne respectent pas les consignes, transgressent les limites, adoptent des comportements ouvertement provocateurs. Ils peuvent devenir les véritables tyrans de toute la maisonnée, exerçant cette emprise sur les parents mais aussi parfois sur la fratrie. Toute la vie quotidienne est commandée par eux : heures des repas, nature des plats, programme de télévision, dépenses particulières, etc. Cette violence verbale et morale est souvent suivie par des agressions sur les biens, laquelle se produit après de nombreuses menaces de bris de matériel, menaces qui ont conduit les parents à céder aux exigences. Les destructions visent au début de petits objets, bibelots, vaisselle qui ont en général une valeur
affective importante pour l’un ou l’autre membre de la famille. Viennent ensuite les destructions de meubles (télévision, chaises,…) puis des attaques sur la maison elle-même : destruction de portes, arrachage de papiers peints, dégradation des peintures par graffiti injurieux, trous dans les murs, les portes… Parfois de véritables crises de fureur clastique aboutissent à un saccage complet d’une ou de plusieurs pièces. Cela survient le plus souvent dans le contexte d’une frustration qui n’est pas toujours du fait des parents. Parallèlement les violences morales commencent à être imposées au membre le plus vulnérable de la famille : enfermement à clef dans une pièce, extorsion d’argent sous menace, brimades diverses. Les violences physiques surviennent donc au terme d’une longue escalade et débutent souvent par un geste brutal et habituel mais qui cette fois est allé plus loin et a touché sa cible ! Dès lors, l’attitude craintive de la victime semble fonctionner comme un déclencheur de l’agression : le geste violent survient quand la victime cherche à se protéger. Dans la très grande majorité des cas les agressions consistent en coups de poing, de pied mais parfois un objet est utilisé : fourchette, couteau, cutter… Il faut noter la grande tolérance des familles à ce genre de comportement puisqu’au moment de la première consultation les troubles remontent à plus de 6 mois (80 % des cas) voire plus de 18 mois (40 % des cas) [10].

LE

PROFIL

PSYCHOLOGIQUE

ET

PSYCHOPATHOLOGIQUE

DU

MINEUR

Les jeunes tyrans familiaux présentent assez rarement des troubles psychiatriques bien définis. Par exemple on note peu souvent une psychose infantile constituée [11].

Des manifestations dépressives ou anxieuses sont en revanche assez souvent découvertes sans pour autant se constituer en un véritable état dépressif ou en troubles anxieux caractérisés. L’évaluation psychologique permet de repérer trois grands types de tableaux :

— les enfants chez lesquels prédomine un vécu « abandonnique » et de carence affective. On trouve dans leur passé des ruptures, des hospitalisations fréquentes, des changements de cadre de vie, des délaissements plus ou moins durables. Ces jeunes ont eu un développement retardé, un échec scolaire ;

— d’autres se caractérisent par l’immaturité, des exigences toutes puissantes et infantiles. Ils ont souvent évolué au sein d’un lien dyadique, trop protégés par une mère qui n’avait à leur égard aucune exigence éducative. Ils ont présenté des troubles du comportement dès l’enfance ;

— les derniers enfin ont entretenu avec leur mère une relation fusionnelle sans aucune séparation, en l’absence de figure paternelle. Ils ont rarement été confrontés à des frustrations et souffrent souvent d’une angoisse de séparation parfois intense.

UNE GENÈSE DU LIEN DE VIOLENCE

Le lien agressif qui se constitue chez le grand enfant ou en début d’adolescence a-t-il une histoire, une genèse qui permette d’en retrouver les traces dans la petite enfance ? Comme on l’a vu, si parfois la violence semble apparaître vers 12/13 ans, dans la grande majorité des cas elle a été précédée par de nombreuses manifestations pathologiques tels que des troubles oppositionnels, des troubles du comportement, des retards scolaires, etc. [12] Dans la petite enfance, à la période d’opposition, c’est-à-dire entre 2 ans et demi et 3 ou 4 ans on observe fréquemment des gestes agressifs ou de menace : main levée en direction du parent interdicteur, objet lancé, morsure, griffure, geste de gifle ou de claque, etc. L’attitude éducative des parents est alors essentielle. Ils peuvent exprimer une réprobation franche, élever nettement la voix, empêcher fermement le geste, toute conduite qui lorsqu’elle est partagée par les deux parents et qu’elle est la réponse régulière, cohérente et automatique au comportement de menace du jeune enfant, aboutit rapidement à la disparition de ces gestes agressifs. Il est donc nécessaire de soutenir les parents dans ces positions éducatives dénuées d’ambiguïté en leur montrant que d’apprendre ainsi à leur enfant le respect qu’il doit à ses parents constitue la meilleure protection ultérieure pour leur enfant : le respect de lui-même sera calqué sur le respect pour ses parents. De la même manière les caprices sont fréquents à cette période d’opposition et d’affirmation de soi.

Lorsqu’ils deviennent envahissants et répétitifs, qu’ils se compliquent de colère intense (enfants qui se roulent par terre, hurlant jusqu’au spasme du sanglot…) ils peuvent faire le lit ultérieur d’une volonté de toute puissance, d’un non-respect des limites et interdits, d’une intolérance à toute frustration. C’est pourquoi il importe dès ce jeune âge d’opposer à ces colères et caprices une attitude cohérente, ferme tout en restant bienveillante, et surtout identique entre les deux parents. Les caprices sont souvent un moyen pour l’enfant de mobiliser autour de lui l’attention de ses parents ou d’obtenir grâce à la différence d’attitude entre le père et le mère ce que l’un lui interdit et que l’autre lui accorde ou ce qu’on finit toujours par lui accorder : la colère devenant alors le préalable de la récompense. Aider les parents à ne pas céder sans pour autant avoir un comportement violent envers l’enfant apparaît être une prophylaxie essentielle. On sensibilisera aussi les parents à des attitudes ou propos qui peuvent sembler provocateurs. En voici un exemple : ce couple de parents totalement dépassé par un adolescent de 15 ans, violent à la maison, en échec scolaire, ayant des troubles de conduites (vols) racontent cet épisode de la petite enfance comme un fait d’arme glorieux qui témoigne du caractère indomptable de leur rejeton ! Vers deux trois ans, confronté à un interdit, cet enfant a menacé sa mère d’un chausson ; le père a énoncé un interdit mais le petit garçon a aussitôt envoyé le chausson en pleine figure sur sa mère la « blessant ». Qu’a dit ce père ?

« Ne le lance pas ! » et non pas « Pose ça tout de suite ». On peut penser aussi que cet interdit a été prononcé avec le même petit sourire sarcastique toujours présent sur les lèvres du père. D’une certaine façon quand on dit à un jeune enfant âgé de deux/trois
ans et qui menace un adulte d’un objet « ne le lance pas ! », cela signifie implicitement qu’il est possible de le lancer, ce qui est très différent de l’injonction : « pose cela tout de suite » laquelle exclut d’emblée la possibilité de lancer cet objet, limitant et contenant ainsi l’enfant. Son éventuelle violence rencontre immédiatement une limite éducative. Certes il n’est pas toujours facile d’intervenir de la sorte mais c’est une des fonctions du suivi pédiatrique lorsque le médecin se donne la peine de questionner les parents sur ces attitudes fréquentes dans la petite enfance. Apprendre au jeune enfant à contenir ainsi son agressivité représente probablement une des meilleures prophylaxies de ce qui adviendra à l’adolescence.

En effet si les gestes agressifs sont bénins et facilement contrôlables chez le jeune enfant, avec l’âge ils deviendront de plus en plus dangereux et destructeurs. En début d’adolescence la puberté et les exigences pulsionnelles qui l’accompagnent font que désormais la frustration à laquelle doit se confronter le jeune adolescent ne provient plus seulement du milieu externe mais provient aussi du monde interne. La puberté et la sexualité confrontent l’adolescent à l’exigence de ses pulsions et celles-ci ne peuvent être satisfaites dans l’instant et avec le premier interlocuteur venu. L’adolescent est contraint d’attendre. Cette contrainte caractérise la psychopathologie de l’adolescence comme j’ai eu l’occasion de le dire lors d’une communication récente. Une des différences principales entre l’enfant et l’adolescent peut s’énoncer de la façon suivante : alors que chez l’enfant la proximité avec ses parents est apaisante, chez l’adolescent il y a une distance en deçà de laquelle la proximité devient excitante. Le rapport parent-adolescent change de nature et désormais les parents deviennent peu ou prou la cible privilégiée de l’agressivité du jeune. Il est évident, dans ces conditions, que les principes d’autorité acquis du temps de l’enfance représentent pour le jeune comme pour ses parents la meilleure et la plus efficace des protections.

CONCLUSION

Lorsqu’un adolescent, un enfant maltraite ses parents il y a une incontestable situation de danger potentiel et tout doit être mis en œuvre pour que cette violence cesse. La véritable prévention commence d’ailleurs dès la petite enfance, en particulier au cours de cette phase d’opposition vers 3 ou 4 ans. Chez le grand enfant et le jeune adolescent il convient de soutenir les parents, surtout celui qui est l’objet des agressions et de les encourager à ne pas accepter cette maltraitance comme un phénomène naturel et inéluctable. Dans l’idéal une thérapie familiale peut être proposée afin d’aborder les habituelles distorsions de communication intrafamiliale.

Des aménagements de vie peuvent aussi être envisagés quand les approches relationnelles semblent impossibles à mettre en place : séparation et internat thérapeutique, hôpital de jour, etc. Enfin il faut parfois savoir recourir à des traitements médicamenteux d’autant plus efficaces que le jeune et ses parents acceptent cette prescription et qu’elle répond à des troubles bien identifiés : dépression, troubles anxieux, impulsivité majeure, etc. Là encore il est préférable d’associer à cette prescription une approche relationnelle telle qu’une psychothérapie de soutien.

BIBLIOGRAPHIE [1] Duché D.J. — L’enfant bourreau domestique.

Synapse , 1984, 6 , 39-47.

[2] Dugas M., Mouren M.C., Halfon O. — Psychiatrie et problèmes d’assistance : les parents battus et leurs enfants. Psychiatrie de l’Enfant, XXVIII, 1, 1985, 185-220.

[3] Paulson M.J., Coombs R.H., Landverk J. — Youth who physically assault their parents.

Journal of family violence, 1990, 5 , 121-132.

[4] Legru H. — Les enfants qui battent leurs parents ; une problématique adolescente ? Étude à partir des dossiers judiciaires. Mémoire de D.I.U. Médecine et Santé de l’Adolescent, 2001.

[5] Agnew R., Huguley S. — Adolescent violence toward parents. Journal of Mariage and the

Family , 1989 , 51, 699-711.

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[7] Laurent A., Boucharlat J., Anchisi A.M. — A propos des adolescents qui agressent physiquement leurs parents. Arch. Pédiatr., 1997, 4 , 468-472.

[8] Charles A.V. — Physically Abused Parents.

Journal of Family Violence , 1986, 1 , no 4, 343-355.

[9] Harbin H.T., Madden D.J. — Battered parents : a new syndrome.

Am. J. Psychiatry, 1979, 136 , 1288-1291.

[10] Dubois R.H. — Battered parents : psychiatric syndrome or social phenomenon ? In :

Schwartzberg A.Z.—

The adolescent in turmoil , Wesport, Praeger, 1998, 124-133.

[11] Alvin P., Marcelli D. — Médecine de l’Adolescent. Paris : Masson éd., 2000.

[12] Bizouard P. — Transmissions de violences dans les familles et risque de psychopathie. Neurop- sychiatr. Enfance Adolesc ., 1996, 44 , (3-4), 84-88.

DISCUSSION

M. Roger NORDMANN

N’y a t’il pas lieu de considérer l’usage d’alcool ou de drogues illicites comme l’un des facteurs importants dans le déclenchement de la violence des adolescents envers leurs parents, ceci surtout chez ceux qui y sont pré exposés par le déroulement de leur petite enfance ?

Il est incontestable que les jeunes ayant des conduites violentes présentent aussi de multiples conduites de risque, en particulier des consommations abusives de produits, dont l’alcool. On sait que l’alcool est un puissant désinhibiteur. Toutefois, la majorité des jeunes, surtout à cet âge, autour de 13-16 ans, consomment de l’alcool en groupe : les comportements violents induits par l’alcool concernent plutôt les actes extérieurs au milieu familial : dans la rue, dans les réunions (bagarres avec les pairs) ou bien dans les rencontres avec la police ou d’autres bandes, etc. En revanche, les violences à l’intérieur du milieu familial correspondent en fait à d’autres logiques : elles se produisent en général quand l’adolescent n’est pas sous l’influence de l’alcool.

M. Louis AUQUIER

Qu’en est-il de la prévention chez les enfants tyrans et violents ? Le rétablissement d’une autorité paternelle, actuellement passée de mode, n’est-il pas une solution qu’il serait bon de remettre en place au lieu des discours lénifiants que nous entendons sur ce sujet ?

Une prévention est possible au moment de l’adolescence, en ne laissant pas s’installer et se répéter ces conduites violentes. La famille doit accepter une démarche auprès d’un tiers, d’un consultant et ne pas se replier sur elle-même. Les deux parents doivent clairement exiger qu’un terme soit mis à ces attitudes de provocation, de menaces, de violences croissantes… Malheureusement, l’adolescent est souvent utilisé par l’un des parents comme soutien parental et c’est souvent cette position ambivalente qui est la cause de tous les atermoiements. C’est pourquoi la meilleure des préventions concerne l’enfant. Comme j’ai essayé de le dire, les enfants auxquels on ne donne pas de limites dès le plus jeune âge, qu’il s’agisse de limites dans la curiosité exploratrice du monde, ou dans les besoins d’affirmation et d’opposition (phase d’opposition entre 12-18 mois et 3 ans), ceux qui sont pris dans un rapport de séduction avec un adulte risquent de ne pas intérioriser un contenant d’autorité. Toutefois, force est de constater la totale ambivalence de notre société sur ce point. En effet, le discours social semble dévaloriser et disqualifier toute position d’autorité assimilant aussitôt celle-ci à un autoritarisme néfaste : en ce sens, les parents ne sont pas aidés, surtout les plus fragiles, précisément ceux qui ont eux-mêmes un rapport difficile avec l’autorité soit qu’ils en aient manqué soit qu’ils aient souffert d’un excès d’autorité.

M. Maurice TUBIANA

Vous venez de parler des difficultés de la parentalité. Mais, à notre époque où l’on enseigne tout, personne n’apprend aux parents la parentalité.

Le terme « parentalité » résume de façon explicite toutes les ambiguïtés de la position des parents face à leur enfant. La question est de savoir quels sont les messages essentiels que l’on peut leur adresser et comment les préparer à une « bonne éducation », comme vous le dites justement. Incontestablement, les soutiens à la parentalité sont à renforcer et développer mais je crois aussi qu’une réflexion sur cette notion serait justifiée avant de se lancer dans des « programmes éducatifs » dont le risque est qu’ils soient l’expression d’une position plus idéologique que pragmatique.


* Professeur de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent — Centre Hospitalier Henri Laborit — 86021 Poitiers. Tirés-à-part : Professeur Daniel Marcelli, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 19 février 2002, accepté le 13 mai 2002 .

Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 6, 991-999, séance du 4 juin 2002