Éloge
Session of 8 avril 2008

Éloge de d’André Cornet (1911-2007)

Bernard Hillemand *

Summary

Éloge d’André CORNET (1911-2007)

Bernard HILLEMAND *

Très grand, très droit, le regard direct, l’expression avenante, le sourire affable, tel apparaissait au premier abord André Cornet. Il émanait de lui une parfaite courtoisie modulée par une discrétion et une retenue natives.

André Cornet nous a quittés en ce triste jour du 20 juillet 2007 au terme d’une longue vie toute droite menée avec un double impératif, celui du travail bien fait et celui du devoir parfaitement accompli.

De souche paysanne, lorraine du côté maternel, artésienne du côté paternel il était né le 31 mars 1911 dans le xviie arrondissement de Paris non loin de ce quartier des Batignolles où jadis sous l’égide de Manet se réunissait le groupe des impressionnistes. Peut-être la profession de son père au contact du milieu artistique fut-elle à l’origine de son goût pour l’art de peindre auquel il se consacrait lors de ses rares moments de détente dans sa chère maison de Combloux ?

Après des études primaires au Cours Hattemer, puis des études secondaires classiques au Lycée Condorcet André Cornet choisit au sortir du baccalauréat de philosophie de faire sa médecine en l’absence de tout antécédent direct dans cette profession et nonobstant un souhait familial de le voir devenir vétérinaire.

Externe des Hôpitaux de Paris en 1931, Interne des Hôpitaux de Paris en 1936, il prend ses fonctions à Necker dans le service du Docteur André Jacquelin. Elles seront interrompues deux fois, d’abord courant 1937 et 1938 par le service militaire durant lequel il sort premier de sa promotion d’élève officier de réserve, puis en septembre 1939 par la guerre. Alors qu’il est mobilisé à l’Hôpital militaire du Val de Grâce, il se porte volontaire pour une unité combattante et il est affecté au régiment d’artillerie d’une division légère mécanique comme médecin-lieutenant, médecinchef. Il participe à la campagne de France et est décoré en juin 1940 de la Croix de Guerre sur le front des troupes. Cette distinction fut confirmée en 1977 par la Croix de la Légion d’honneur pour services rendus civils et militaires alors qu’André Cornet atteint par la limite d’âge en 1968 avait terminé sa carrière militaire de réserviste comme médecin-commandant honoraire. Dès septembre 1940 démobilisé, André Cornet reprend ses fonctions hospitalières. Il deviendra interne du Professeur Léon Binet, du Docteur Pierre Jules Ameuille, du Professeur Maurice Chiray et du Docteur Robert Clément.

Docteur de la Faculté de Médecine de Paris en 1941 il devint chef de clinique dans le service du Professeur Maurice Villaret de 1942 à 1945. C’est là qu’il va rencontrer deux personnalités qui vont avoir une influence décisive sur sa carrière nos futurs Maîtres le Professeur Louis Justin-Besançon et le Docteur François Moutier.

Après l’éloge remarqué qu’en 1990 à cette même tribune, André Cornet fit de Louis Justin-Besançon, il serait inconvenant de revenir sur cette personnalité exceptionnelle à l’affabilité légendaire, à l’intelligence puissante, au courage stoïque.

Dans différents écrits André Cornet a rendu un très grand hommage à François Moutier auteur en 1908 d’une thèse monumentale sur l’aphasie de Broca dont la valeur et l’importance jointes à certains aspects doctrinaux suscitèrent paradoxalement une réaction hostile d’un grand maître de la neurologie de l’époque. Chassé de cette spécialité puis écarté des concours des hôpitaux l’ancien interne François Moutier va alors, sans autre moyen de travail que des consultations en principe bénévoles dans divers services hospitaliers de ses relations, bâtir une œuvre gastroentérologique de renommée internationale. Elle lui vaudra, fait exceptionnel, de devenir Président d’Honneur de la Société Nationale Française de Gastroentérologie. Initiateur de la gastroscopie en France, bibliophile passionné, homme de haute culture, c’était un écrivain de valeur, auteur d’admirables poèmes souvent sous-tendus par une angoisse métaphysique.

Il avait profondément marqué la pensée médicale d’André Cornet qu’il avait initié à la gastroscopie. Celui-ci avait collaboré avec lui dans une véritable et remarquable symbiose intellectuelle. Quand vint l’approche des derniers moments André Cornet s’en occupa avec une sollicitude et un dévouement véritablement filiaux.

C’est en 1946 qu’André Cornet s’intégra à l’école de Louis Justin-Besançon à l’hôpital Bichat. Il y dirigea alors pendant près de dix ans le centre Maurice Villaret, centre de triage hydro-climatique des hôpitaux de Paris. Assistant en Médecine des Hôpitaux de Paris en 1947, il suit la longue filière des concours et nominations de l’époque pour finalement devenir en 1973 Professeur de Clinique Médicale de pathologie digestive à la faculté Necker, avec en 1955 deux grandes étapes, ses promotions de Médecin des Hôpitaux de Paris puis quelques mois plus tard d’Agrégé d’Hydrologie et Climatologie à la faculté de médecine de Paris.

Durant tout ce parcours Henri Péquignot, Claude Laroche, Maurice Grivaux, Lucien Hartmann, Jacques Chrétien, d’autres encore lui manifestèrent une amitié sans faille à laquelle il était très sensible et qui lui fut véritablement un soutien.

C’est à l’Hôpital Laënnec qu’André Cornet va démontrer toutes ses qualités de grand organisateur. Après un intermède à la consultation de l’Hôpital Cochin, il avait pris en 1964 un petit service de deux salles médiocres. Il n’y avait aucun matériel spécialisé et les locaux de consultation étaient très incommodes et inadaptés. Quelques années plus tard le service devenu clinique médicale de pathologie digestive comportait quatre salles au confort très amélioré. Surtout avait été créé un centre d’endoscopie modèle comportant entre autres des chambres de préparation aux laparoscopies, aux endoscopies digestives proprement dites et aux examens complémentaires spécialisés tubage gastrique, biopsie hépatique. L’existence sécurisante d’un assistant spécialisé avait rendu possible l’anesthésie dans de bonnes conditions. Il avait formé une équipe d’endoscopistes capables de procéder aux examens en urgence, notamment en cas d’hémorragies digestives. On comprend donc pourquoi le premier coloscope flexible introduit en France fut attribué au centre de Laennec.

Jusqu’à sa retraite le 1er octobre 1980, André Cornet arrivait à l’hôpital vers 8 h 30 dans un service qu’il ne quittait pas avant 19 h. D’une remarquable sûreté de diagnostic, son attitude d’homme bon et attentif auprès des malades avait d’emblée frappé son personnel infirmier. À l’égard de celui-ci il était très vigilant vis-à-vis de ses difficultés et de ses soucis. Ses deux premiers assistants furent Gérard Terris et Bernard Hillemand. Quand ils furent appelés à d’autres fonctions leur succédèrent pour des périodes diverses, Pierre Carrayon, Jean Guerre, Claude Bétourné. En 1968 son premier agrégé fut Jacques Dubrisay auquel succéda définitivement JeanPhilippe Barbier. Le secrétariat était assuré avec efficacité et dévouement par Odile Moins. Dans des réunions mensuelles du soir étaient discutées les observations les plus intéressantes du mois. Parmi les présents on relevait entre autres : Charles Laverdan Agrégé du Val de Grâce et fidèle du service, Pierre Choubrac le chef du service voisin, des chirurgiens digestifs de l’hôpital comme Georges Thomeret ou Bernard Debesse, des anatomopathologistes comme Pierre Renault ou Françoise Carnot etc.

La transformation d’un modeste laboratoire en un véritable centre de recherches et d’études parasitologiques, confié à Lucien Brumpt, donna une impulsion supplé- mentaire à l’activité du service et compléta heureusement un très bel instrument de travail. Celui-ci était d’ailleurs en relation très étroite avec des laboratoires de recherche fondamentale comme celui de Lucien Hartmann pour les études immunologiques, avec celui d’Émile Courtois pour les études enzymatiques, avec aussi des laboratoires d’histologie et d’histopathologie expérimentale par l’intermédiaire de J.

Bescol-Liversac pour l’histo-auto-radiographie etc. Ainsi grâce à un effort inlassa- ble de démarches administratives couronnées de succès André Cornet intégrant le nouveau ‘‘ temps plein ’’ hospitalier, avait progressivement réalisé un magnifique ensemble fonctionnel non seulement pour le mieux être des malades et une meilleure qualité de leurs soins mais aussi pour une amélioration de l’enseignement et une promotion de la recherche.

Il en résultera le développement d’une œuvre considérable répartie dans plus de 450 publications. Certes on ne peut ici qu’évoquer seulement certaines d’entre elles issues d’un choix dont il n’est pas possible d’éliminer tout arbitraire.

Nombre de ces publications concernent les activités cliniques et de soins

La gastroscopie fut à la base de très nombreux travaux d’André Cornet. Quand il fut initié à cette méthode par F. Moutier l’appareil utilisé était le gastroscope semiflexible de R. Schindler à vision latérale et à éclairage électrique distal. L’examen laissait des secteurs inexplorables. La calotte tubérositaire, une partie de la petite courbure étaient des zones aveugles. Inconstamment seulement on pouvait apercevoir l’antre et parfois le pylore. Faute de gastrophotographie on n’obtenait pas de document iconographique objectif. Pénible pour le malade, difficile pour l’opérateur, même entraîné, l’exploration demandait une grande dextérité.

La généralisation aux alentours de 1970 d’appareils totalement flexibles à fibres de verre avant même l’apparition de l’endoscopie électronique supprima l’essentiel des inconvénients et transforma la situation. La biopsie dirigée devenait facile, le pylore et le duodénum devenaient explorables, le cathétérisme du canal cholédoque était rendu possible, une endoscopie digestive opératoire naissait. Ce fut le triomphe de l’endoscopie sur la radiologie. André Cornet vécu avec passion cette évolution à laquelle il participa activement par exemple en décrivant les aspects endoscopiques et les modalités évolutives des adénomes duodénaux et des adénocarcinomes de la partie haute du grêle ou en essayant de développer le cathétérisme du canal cholé- doque.

Mais la gastroscopie permit dès le début de renouveler la question des gastrites décrites cliniquement par Broussais qui ne disposait que de pièces anatomiques post mortem. Grâce aux techniques endoscopiques on pu voir les lésions in vivo et pratiquer des prélèvements également in vivo .

Il en résulta un livre monumental écrit en 1955 par F. Moutier et A. Cornet et illustré en l’absence de gastrophotographie possible par des aquarelles de haute qualité dues à Françoise Canouet. Cependant les auteurs ne voulurent pas se borner à des descriptions endoscopiques ou histologiques qui y sont certes longuement développées. À leurs yeux les recherches quoique basées sur plus de 1 800 cas n’auraient eu ainsi qu’une portée limitée débouchant sur un simple classement anatomo-clinique.

Il leur a donc paru indispensable d’étudier les aspects étiologiques des gastrites et d’envisager leurs rapports avec la pathologie générale dans une imposante synthèse de vision globale.

D’autres écrits, également consacrés aux gastrites, se sont focalisés sur des thèmes plus particuliers : gastrites hémorragiques diverses, gastrites tuberculoïdes granulomateuses, intensité des gastrites chez les anciens amibiens etc.

Dans la gastrite du vieillard, l’atrophie gastrique résulte non pas de l’involution spontanée de la muqueuse fondique mais de l’évolution de lésions gastriques d’origines variées. Il apparaît en effet que l’évolution générale des gastrites chroniques se fait vers l’atrophie. Or dans les gastrites atrophiques il faut se méfier d’une métaplasie intestinale présente dans près de 15 % des cas. De fait si cette dernière n’est pas différenciée, elle peut aboutir à des foyers néoplasiques multiples ? Ceci explique la fréquence du cancer de l’estomac dans la maladie de Biermer et chez les gastrectomisés car la muqueuse de leur moignon s’atrophie. Les rapports entre gastrite atrophique et cancer furent donc soulignés.

Dans d’importants travaux, André Cornet confirma la constance des lésions de gastrite atrophique autour des polypes gastriques dont il étudia longuement les problèmes de métaplasie et de dégénérescence. Avec François Moutier il donna chez les opérés de l’estomac la description endoscopique des dispositions morphologiques selon le type de gastrectomie et fit la distinction entre les gastrites et les stomites inflammatoires d’une part, les invaginations de l’anse jéjunale dans l’estomac à travers la bouche anastomotique d’autre part. La gastrite quant à elle peut être due au reflux du suc bilio-pancréatique dans le moignon gastrique. Elle est parfois entretenue par l’élimination de fils de suture. Vingt ans plus tard André Cornet confirmera les faits sur deux cent-cinq gastrectomisés endoscopés. À l’époque initiale de la gastroscopie, examen d’exception, André Cornet montra avec François Moutier et tout en signalant ses pièges, la supériorité de celle-ci sur l’examen radiologique pour la visualisation des lésions superficielles et des lésions des faces en particulier des ulcères.

Parmi d’autres publications d’intérêt endoscopique :

— il a insisté sur la valeur de la fibroscopie aux différents stades du cancer de l’œsophage thoracique, dans le suivi de la chirurgie d’exérèse œsophagienne pour cancer et dans la surveillance de l’œsophagite peptique.

— il a souligné que les hémorragies gastroduodénales des anticoagulants sont une des indications majeures de l’endoscopie d’urgence.

— il a relevé 169 accidents dont 50 mortels dans une étude multicentrique portant sur plus de 250 000 fibroscopies hautes.

par voie basse alors que seul le rectum et les 10 ou 15 derniers centimètres du sigmoïde étaient endoscopés au rectoscope rigide l’apparition d’appareils totalement flexibles permit l’exploration de la totalité du colon voire de la fin du grêle.

C’est ainsi qu’André Cornet put faire un diagnostic endoscopique de lymphosarcome cœcal et que très vite il souligna l’intérêt du dépistage et de l’identification des polypes par la colonoscopie. À long terme il observa que les polypes itératifs sur le colon restant des colectomisés pour cancer étaient sans dégénérescence constatée à l’inverse de ceux des polypectomisés par endoscopie cependant d’apparition moins fréquente.

En fait l’endoscopie digestive ne représente qu’un aspect de l’œuvre hépatogastroentérologique d’ensemble d’André Cornet qui s’est exprimé dans des travaux multiples.

Trop nombreux on ne peut en faire ici qu’une évocation incomplète et partielle donc très arbitraire : — tantôt publications de cas souvent uniques mais rarissimes, par exemple perforation d’un mésothélium péritonéal dans le grêle ou encore de cas d’intérêt doctrinal, par exemple précession de crises de pancréatite aiguë sur l’apparition d’une lithiase du pancréas ou encore insistance à partir d’un cas d’ascite cirrhotique lactescente à distinguer l’ascite chyleuse vraie par fistule lymphatique intra péritonéale de l’ascite chyliforme dont André Cornet a proposé une classification etc., — tantôt à l’inverse publications de séries de l’ordre d’une centaine de malades relatant son expérience sur un thème donné par exemple le traitement des cancers inopérables de l’œsophage etc., — tantôt des études d’ensemble concernant entre autres la lithiase biliaire du sujet âgé et les séquelles médicales de la cholécystectomie etc., — tantôt publications de thérapeutique et de pathologie iatrogène digestive : soit montrant l’intérêt de la sulfaguanidine (avec François Moutier) puis de la corticothérapie locale dans la rectocolite ulcéreuse et hémorragique ou encore le risque dans cette affection de l’emploi des antibiotiques à large spectre ou encore l’intérêt de la nystatine dans la prévention de la candidose digestive post antibiotiques : soit apportant des données d’actualisation sur la maladie des laxatifs soit encore reprenant la question des lésions digestives, essentiellement coliques et rectales, parfois si dramatiques, après irradiation abdomino-pelvienne pour cancer de l’appareil génital etc.

André Cornet s’est intéressé aux relations entre affection de l’appareil digestif, troubles extra digestifs et pathologie générale. C’est ainsi, — qu’il a décrit le rôle réflexogène de la région œsophago-cardio-tubérositaire dans la genèse de crises majeures d’hypotension ou d’hypertension artérielle.

— qu’il a relaté l’apparition d’un mégaduodénum aigu au décours d’un infarctus du myocarde par perturbation neuro végétative vraisemblable.

— qu’il a rapporté une association d’hypotension orthostatique à pouls invariable et de diarrhée cholériforme au cours d’une dysautonomie régressive.

— qu’il a abordé la question des phénomènes gastriques des migraines.

— qu’il s’est penché sur les liens entre l’estomac et l’allergie.

— qu’il a étudié les lésions gastroduodénales de détresse et les localisations digestives des maladies de système, etc.

Endoscopiste de pointe, gastroentérologue réputé, André Cornet était en fait un grand interniste . Sa culture médicale était immense et il n’est même pas possible d’évoquer ses publications de dermatovénérologie, de neurologie, de pathologie parasitaire extra-digestive, de pathologie respiratoire, d’hématologie, de pathologie des systémoses, de pathologie iatrogène où il relata entre autres une des toutes premières anuries aux sulfamides.

Un aspect très particulier des travaux d’André Cornet peut être groupé dans une sorte de triptyque comportant diététique et nutrition d’une part, thermalisme d’autre part, climatologie enfin. André Cornet s’est intéressé aux carences vitaminiques des gastritiques, au syndrome carentiel des gastrectomisés, aux interdits diététiques du pain et des féculents, à la valeur nutritive du plancton, à la diététique des gastrites et des colites, à la complémentarité entre diététique et crénothérapie. Dans le domaine du thermalisme, il a insisté sur certaines grandes indications de la crénothérapie, chez les asthmatiques ou les colitiques par exemple. L’indication des eaux bicarbonatées sodiques dans les gastrites chroniques, dans les cholecystopathies non lithiasiques et dans les séquelles de la cholecystectomie a été soulignée. Il a étudié les résultats généraux des cures thermales en gastroentérologie. Ses travaux ont encore intéressé la crénothérapie des affections veineuses et artérielles, le traitement thermal de la douleur et la cure de diurèse. Il a fait des travaux d’ensemble sur les eaux thermales françaises dont il a donné un annuaire et une classification. Cette compétence en crénothérapie lui a valu au sein de notre Compagnie d’assumer avec dévouement de nombreux et excellents rapports sur des demandes d’exploitation de sources thermales. En clinique climatologique il a été, véritable précurseur, un des tout premiers à donner l’alerte sur les dangers de la pollution atmosphérique. Il a abordé le problème du climatisme social et celui de la climatothérapie. Il y a acquis une notoriété internationale qui l’amènera à être sollicité pour la rédaction d’un important article sur ce sujet dans un traité américain de médecine physique.

Les activités d’enseignement d’André Cornet furent particulièrement nombreuses, enseignement clinique à l’hôpital, enseignements magistraux divers dont l’un d’hydrologie et de climatologie à l’École Nationale de Santé Publique, participation aux enseignements post universitaires. À l’étranger il fut appelé à enseigner au cours de perfectionnement de l’Hôpital Saint Luc à Montréal. Il fit des films d’enseignement médical dont un sur la gastroscopie.

Il rédigea un ouvrage ‘‘ Savoir interpréter l’endoscopie digestive ’’ ainsi qu’un précis remarquable de clarté et de concision sur les consultations journalières en pathologie digestive. Il réalisa de nombreux articles d’intérêt didactique dont près d’une quarantaine dans l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale traitant de l’essentiel de la gastroentérologie. Nombre de ces textes furent des référentiels à l’époque. À destination du grand public André Cornet collabora au Dictionnaire du xixe siècle européen et à un ouvrage ‘‘ Le corps exploré ’’.

Les activités de recherches d’André Cornet s’orientèrent vers plusieurs directions :

Dans des études d’ordre bioclinique, il a montré qu’à l’exception des produits à la chlorophylle la mastication de chewing-gum semble de peu de conséquence sur la sécrétion acide de l’estomac et sur la proportion de certains constituants de la salive mixte humaine. À partir de déterminations de l’acidité gastrique recueillie par plus de quatre cents tubages après stimulation par l’histalog, l’analyse statistique com- parative de différents lots lui a permis de préciser des chiffres limite au-dessous ou au-dessus desquels l’ulcère bulbaire est soit peu vraisemblable soit hautement probable. Avec François Moutier, il s’est intéressé à la vision endoscopique de la motilité gastrique, départ des anneaux de contraction dans la région angulaire se propageant par trains d’ondes réguliers jusqu’au pylore avec fermeture transitoire du pylore à leur arrivée. Un anneau de contraction antrale réalisant une sorte de pseudo pylore peut masquer une lésion prépylorique bénigne ou maligne. L’action de divers produits sur la motilité digestive a été appréciée : La trimébutine est antispasmodique et hypotoniante sur la fibre musculaire lisse digestive tandis que l’acétyl-bêta-méthylcholine à l’effet inverse s’est avérée efficace dans le traitement des constipations de type atonique aux contractions rares ou nulles au sigmoïdogramme. Au sein de l’équipe de Louis Justin-Besançon, André Cornet a montré que le métoclopramide, première substance individualisée du groupe chimique des orthopramides détermine une hyperkinésie gastrique, une distension remarquable du bulbe duodénal et un transit jéjunal accéléré. Régulateur de l’évacuation antropyloro-duodénale il a des effets remarquables sur les sténoses pyloriques organiques ou fonctionnelles. Antiémétique puissant sans action sur la sécrétion gastrique, il conserve son pouvoir péristaltogène après vagotomie. Il apparaît donc indiqué dans les suites dyskinétiques de cette intervention ainsi que dans le syndrome fonctionnel précoce des gastrectomisés, les ulcères gastroduodénaux ou les gastrites. André Cornet étudia également les effets d’un second orthopramide, le sulpiride. Nombre des propriétés de ce dernier sont assez voisines de celles du métoclopramide d’où certaines indications communes quand il s’agit de rétablir une kinésie antro-pyloroduodénale normale ou de réguler des suites post opératoires dyskinétiques dont il redonna des vues synthétiques d’ensemble. L’intérêt doctrinal de ces produits est grand, tous les deux agissent sur le tronc cérébral mais le sulpiride a aussi un impact hypothalamique.

Des recherches d’ordre plus fondamental ont concerné l’histochimie des glandes gastriques, le suc gastrique et les problèmes immunitaires digestifs.

— L’histochimie des glandes gastriques a été étudiée avec J. Bescol-Liversac par l’histoautoradiographie au moyen d’un tracteur radioactif au souffre, sur des fragments biopsiques maintenus en survie. Elle a montré une activité très différente des diverses cellules muqueuses selon leur siège. C’est dire la complexité de ces secrétions muqueuses. Dans les gastrites chroniques il y a viciation du mucus stomacal, par exemple dans la métaplasie intestinale des gastrites chroniques il y a sécrétion d’un mucus de type intestinal et donc normalement étranger au contenu de l’estomac tandis que curieusement dans la gastrite Biermerienne des groupes de cellules muqueuses restent actifs. Une même approche histoautoradiographique a été pratiquée dans divers types de tumeurs digestives.

Concernant le suc gastrique avec l’école de L. Justin- Besançon, André Cornet a montré la variabilité de sa teneur en mucine selon l’agent pharmacodynamique utilisé pour en provoquer l’excrétion.

Avec Lucien Hartmann il a étudié le suc gastrique humain en immunoélectrophorèse et en ultracentrifugation analytique objectivant ainsi des perturbations de sa composition dans la maladie de Biermer. Concernant les problèmes immunitaires digestifs, André Cornet après une revue générale sur l’auto-immunité gastrique a mené avec L. Hartmann des recherches conduites en immunofluorescence sur des prélèvements biopsiques. Il apparaît, alors que normalement les immunocytes sont rares dans le chorion muqueux de l’estomac, qu’ils sont en grand nombre dans celui des gastrites, médicamenteuses ou non, et dans celui du fondus gastrique chez les cirrhotiques. À l’inverse chez eux il y a au niveau du grêle une raréfaction significative des immunocytes expliquant ainsi la vulnérabilité à l’infection du milieu intestinal des cirrhotiques. Au niveau de l’intestin grêle la présence de cellules lymphoïdes à double spécificité Kappa et Lambda a été observée avec une grande variabilité qui semble caractéristique et qui pourrait témoigner de l’importante activité du système immunitaire de l’intestin grêle. Par ailleurs chez les cirrhotiques les dosages des disaccharidases dans le grêle s’avèrent assez proches de ceux obtenus chez les sujets sains.

— André Cornet s’est également livré à des recherches en Hydrologie avec par exemple la démonstration expérimentale de la prévention du choc histaminique du cobaye par une eau de Cauterets ou encore des études sur les problèmes ayant trait au souffre thermal ou sur le comportement des fragments biopsiques cutanés en survie vis-à-vis du souffre marqué chez les sujets traités à la Roche Posay pour de l’eczéma et du psoriasis…

Ainsi André Cornet avait-il par sa parole, ses écrits et son action, rempli magnifiquement la triple mission de soins, d’enseignement et de recherche dévolue à tout hospitalo-universitaire.

Il avait eu le mérite de le faire en sachant concilier dans une très difficile synthèse haute spécialisation et vision globale de l’homme grâce à son immense culture d’authentique humaniste dont sa modestie innée ne lui permettait de faire état qu’en toute discrétion …

La consécration était venue avec ses responsabilités et ses honneurs : dès 1963 par exemple il entre au Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France section alimentation et en 1964 il est expert de l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) pour la Tunisie. Notre Compagnie l’avait élu membre titulaire dans la 1ère Division en 1982 en remplacement de René Gutmann. L’Académie Royale de Médecine de Belgique le comptait parmi les siens. Il était membre de nombreuses sociétés savantes françaises et étrangères. Il avait été porté à la présidence de la Société Nationale Française de Gastroentérologie, à celle de la Société Nationale Française d’Endoscopie Digestive, à celle du deuxième Congrès Européen d’Endoscopie Digestive et à la vice-présidence de la Société Européenne d’Endoscopie Digestive.

C’est pendant sa retraite qu’André Cornet auteur d’une douzaine d’articles sur des sujets d’ordre médico-historique dont un hommage biographique à son Maître Léon Binet fut promu à la Présidence de la Société Française d’Histoire de la

Médecine lorsqu’elle était dans une crise très grave susceptible de mettre en jeu son existence même. Il la sauva alors avec l’aide inappréciable d’une équipe dévouée et de son épouse le Docteur Anna Cornet qui remit au point le fichier défaillant et contribua par ses capacités de gestion au rétablissement des finances. Tous deux furent nommés membres d’honneur de cette société.

C’est en 1937 qu’André Cornet avait épousé sa collègue de l’Internat des Hôpitaux de Paris Anna Sachnine du concours 1936. Femme remarquable s’il en fut, elle a été pour lui une collaboratrice active tout en menant simultanément avec discrétion, simplicité, modestie et sans manifester de surmenage apparent, une vie de mère de famille de six enfants et une activité professionnelle propre de médecin du travail.

Leur couple donnait l’impression d’une entente et d’une complémentarité assez exceptionnelles. C’est dire le drame que fut pour André Cornet les ennuis de santé de son épouse puis son veuvage. Heureusement il fut alors environné par la chaude atmosphère familiale entretenue par ses filles qui l’entourèrent et lui apportèrent toute leur affection et tout leur réconfort.

À toute sa famille, à ses filles à ses petits-enfants, à tous les siens l’Académie présente ses condoléances attristées et les assure de la pérennité du souvenir qu’elle gardera de ce grand médecin, de ce grand humaniste, de cet homme de bien.

<p>* Membre de l’Académie nationale de Médecine</p>