Résumé
Objectifs de l’enquête : — Préciser, au sein d’une population majoritairement précaire, la prévalence des diabètes déclarés, découverts et des hyperglycémies intermédiaires. — Analyser les divers aspects de la vie socio économique et alimentaire en fonction du degré de précarité évalué par le score EPICES. — Déterminer les conséquences de la précarité et de ses composantes socio économiques et alimentaires sur le dépistage du diabète, sur l’équilibre glycémique, le suivi, la prise en charge, le vécu de la maladie dans une population diabétique de type 2 (DT2). — Evaluer le bénéfice apporté par un réseau de soins en fonction du degré de précarité . Méthodologie : le degré de précarité a été évalué par le score EPICES (cinq paliers : Q1/Q3 non ou peu précaires, Q4 précaires, Q5 très précaires). Une série de paramètres ont été recueillis par l’examen clinique et par questionnement direct en ambulatoire chez 1686 sujets. Sur l’ensemble des sujets recrutés, ont été calculés ou mesurés le pourcentage de diabètes déclarés et découverts, d’hyperglycémies intermédiaires, d’anté- cédents de diabète gestationnel, de fumeurs, la tension artérielle (TA), l’indice de masse corporelle (IMC), le tour de taille (TT). Ces valeurs ont été comparées en fonction du degré de précarité. Les données socio économiques et alimentaires ont été recueillies chez 564 sujets représentatifs de la population générale (diabétiques déclarés ou découverts, hyperglycémies intermédiaires, témoins normo-glycémiques). Les valeurs des divers paramètres socio économiques et alimentaires ont été comparées entre sujets non ou peu précaires et précaires. Dans la population des diabétiques déclarés (n = 163), de nombreuses données caractérisant le diabète ont été comparées entre précaires et non ou peu précaires. Les diabétiques du réseau de soins AUDIAB de Narbonne (n = 126) ont été comparés aux diabétiques hors réseau (n = 163) prenant en compte l’ensemble des sujets, puis, sélectivement les précaires et peu ou non précaires. L’exploitation statistique des données a recouru aux tests paramétriques usuels avec ajustement sur les facteurs de confusion et à une analyse multivariée lorsque cela était nécessaire. Résultats : 1 686 personnes diabétiques ou non ont été recrutées à Montpellier (1 648 dossiers exploitables) et 154 à Narbonne toutes diabétiques. Les sujets les plus précaires de la population montpelliéraine sont plus jeunes, majoritairement célibataires, de sexe masculin, fumeurs, avec un IMC supérieur à celui des non précaires. 163 sujets (8,1 %) ont déclaré être diabétiques. Avant 65 ans, le pourcentage de diabètes connus est plus élevé chez les précaires que chez les non ou peu précaires (6,9 % vs 4,4 %). Il en est de même pour les hyperglycé- mies intermédiaires (22,8 % chez les précaires avant 65 ans vs 19,5 % chez les non ou peu précaires), ces deux résultats s’inversant après 65 ans. Le pourcentage de diabètes découverts n’est pas différent entre précaires et non ou peu précaires. L’enquête socio économique et alimentaire confirme que la population la plus précaire est plus jeune, masculine, célibataire, avec un fort taux de tabagisme et un niveau d’instruction secondaire et universitaire supérieur à celui des non précaires plus âgés. Leur IMC et TT sont plus importants. Le groupe le plus précaire présente d’importantes différences avec le groupe des non ou peu précaires : fréquence des affections dentaires, difficultés socio économiques, alimentation carencée en poisson, viande, légumes verts, fruits, laitages et fromages et une surconsommation de féculents et de sodas sucrés, recours à l’aide alimentaire. Les conséquences de la précarité sur le diabète ont été étudiées chez 161 sujets DT2. Les diabétiques précaires comparés aux non ou peu précaires sont plus jeunes, plus souvent célibataires, de sexe masculin, fumeurs et avec un niveau d’instruction secondaire et universitaire plus élevé. Leur diabète a été plus rarement découvert par dépistage systématique, il est moins bien équilibré avec plus d’hypoglycémies, de comas et une HbA1c plus élevée. Ils présentent plus de problèmes podologiques et dentaires. Ils sont plus souvent sans régime ni traitement et sont moins souvent sous insuline. Ils consultent moins fréquemment le généraliste, le cardiologue, le dentiste et respectent moins souvent le contrôle biologique biannuel. Ils sont demandeurs d’éducation. Leurs conditions de vie socio économiques et alimentaires sont défavorables et le recours à l’aide alimentaire beaucoup plus fréquent que chez les non ou peu précaires avec des difficultés pour se déplacer. Les repas sont irréguliers et le grignotage fréquent. Le ressenti de leur maladie et leurs conditions de vie sont défavorables avec un important pourcentage d’états anxio-dépressifs à l’origine desquels la précarité joue un rôle déterminant sensibilisé par les hypoglycémies. La précarité et plusieurs de ses composants socio économiques contribuent à influencer défavorablement l’équilibre glycémique avec une relation démontrée entre le taux d’HbA1c et certains paramètres (étude multivariée).Le bénéfice apporté par un réseau de soins est probant quelque soit le degré de précarité.
Summary
Background : Diabetes prevalence is frequently associated with low socioeconomic status (SES), but little is known about the relationship between SES and diabetes control, follow-up and quality of life. We evaluated SES by using the EPICES score, an individual index of deprivation (Evaluation de la Précarité et des Inégalités de Santé dans les Centres d’Examen de Santé ; Evaluation of Precariousness and Inequalities in Health Examination Centers). A total of 1686 subjects aged from 25 to 85 years were selected at random in Montpellier and 154 in Narbonne, of whom 126 were managed by a care network including diabetologists, general practitioners and nurses. Capillary glycemia, the body mass index (BMI), waist circumference (WC), and blood pressure were measured in all the subjects. HbA1c was measured in subjects with above-normal glycemia. Five hundred sixty-four subjects from the study population (190 diabetic patients, 292 subjects with non diabetic hyperglycemia, and 86 euglycemic subjects) were clinically evaluated and asked to complete a questionnaire covering socioeconomic status and diet. The data were then compared between deprived and non deprived subjects. One hundred sixty-one diabetic patients had a clinical examination and completed a detailed questionnaire including their history, therapy, control and follow-up of diabetes, perception of diabetes, quality of life, socioeconomic status and diet. The data were then compared between deprived and non deprived patients. One hundred twenty-six diabetic subjects managed by the AUDIAB care network were compared with 163 diabetics recruited in Montpellier, based on the same investigations and the same questionnaires. The data were compared between the overall patients and between deprived and non deprived patients. In the overall population, deprived subjects were younger and more frequently smokers, and had higher BMI than non deprived subjects. The overall prevalence of type 2 diabetes was 8.1 %. Among patients younger than 65 years, deprived subjects had a higher prevalence of diabetes and non diabetic hyperglycemia than non deprived subjects (6.9 % vs 4.4 % and 22.8 % vs 19.5 %). More are unmarried males and 33 % present with a significant level of education (secondary or university). Deprivation was associated with transport difficulties, vehicle acquisition, living in a private house, employment. More have few income to buy food and a large number use economic stores. They eat few proteins, fresh vegetables, fruits, dairy products and more often rice, pasta, tea, coffee and soft drinks. Most have their meals outside in economic restaurants. Dental problems are very common. 161 diabetic patients were evaluated. Deprived diabetics were younger, more frequently males, more smokers with an increased BMI and WC. Among deprived diabetic patients, diabetes was diagnosed later on and less often by a systematic inquiry than in the non deprived group. Deprived patients presented with a poorer glycaemic control, more hypoglycaemic and ketosis events than non deprived subjects. They present with more difficulties to accept dietary and antidiabetic drugs. Insulin was less frequently used. Quality of life was impaired with an increased prevalence of anxiety and depression. Diabetic patients treated in the <<Réseau de soins AUDIAB>> presented with a better control of their disease and a better quality of life than patients treated out of the <<Réseau>>. These data were confirmed whatever the level of deprivation.
Plusieurs publications ont rapporté une prévalence ou une incidence accrues du diabète chez les sujets vivant dans des conditions précaires. Nous-mêmes, avons participé à une étude confirmant ce fait dans la région francilienne [1]. Mais, plus rares sont les travaux qui se sont attachés à préciser l’influence de la précarité, sur la prévalence des états prédiabétiques , sur le dépistage, l’équilibre glycémique, la qualité du suivi, le vécu de la maladie en analysant dans le détail le rôle des facteurs socio économiques et alimentaires. Aucune étude, à notre connaissance, n’a évalué le bénéfice apporté par un réseau de soins à la prise en charge des diabétiques en fonction de leur degré de précarité.
Nous avons entrepris une enquête en Languedoc, avec trois objectifs :
Recruter une population plus ou moins précaire et analyser ses caractères, ses conditions de vie socio économiques, ses comportements alimentaires et son statut glycémique en fonction du degré de précarité.
Déterminer les conséquences de la précarité sur le dépistage, l’équilibre glycémique, les complications, la qualité du suivi et le vécu de la maladie diabétique.
Évaluer le bénéfice apporté par un réseau de soins sur l’équilibre, la prise en charge, le suivi et le vécu du diabète chez des sujets présentant des degrés divers de précarité.
Le choix du Languedoc se justifiait par le taux élevé de pauvreté dans cette région (11,7 % vs 8 % pour la population nationale).
La finalité de cette enquête était de proposer aux institutions et pouvoirs publics une série de recommandations visant à améliorer la prise en charge des diabétiques vivant dans des conditions précaires.
MÉTHODOLOGIE
L’enquête a été soumise aux accords du Comité de protection des personnes, Sud Méditerranée IV (Montpellier) et de la CNIL Conditions de recrutement
Le recrutement s’est fait sur la base du volontariat après signature d’une fiche de consentement éclairé. Un contact direct entre enquêteurs et les personnes concernées visait à apporter une plus grande fiabilité dans les réponses et à mieux faire comprendre certaines questions. La durée de chaque entretien accompagné des examens prévus dans le protocole variait selon les personnes entre 15 et 45 minutes.
Ce procédé a été très productif, évitant de nombreuses erreurs et l’absence de réponses. Il a certainement amélioré la crédibilité de l’enquête en comparaison avec celles réalisées par téléphone ou par courrier. Les refus s’expliquent par divers motifs : crainte de la piqûre au doigt, de la découverte d’une maladie, non respect de l’anonymat, manque de temps, rejet du monde de la santé. La population recrutée était âgée de vingt-cinq ans ou plus.
Lieux choisis pour l’enquête
Ils étaient censés recevoir des sujets en plus ou moins grande précarité selon la spécificité d’accueil. Tous se situaient en ville, le milieu hospitalier ayant été écarté en raison de biais liés à une prise en charge ne reflétant pas les conditions dans lesquelles sont habituellement suivis les sujets précaires qui évitent bien souvent l’hôpital. Nous n’avons pu étendre l’enquête aux zones rurales. Les grands précaires ont été recrutés dans des structures spécialisées dans l’accueil des personnes désocialisées (Médecins du monde, Croix rouge, Secours catholique, SAMU social, l’Avitarelle). Ces divers centres ont été regroupés sous la dénomination <<Associations Grands précaires>> pour simplifier l’analyse statistique.
Les autres sujets, peu ou pas précaires, ont été recrutés parmi des personnes relevant du RMI puis du RSA dans les antennes du Conseil Général de l’Hérault, dans les CCAS de Montpellier et de Narbonne. Les diabétiques suivis en réseau de soins sont ceux du réseau AUDIAB de Narbonne auquel participent de nombreux généralistes et spécialistes de ce département. Le pilotage est assuré par les docteurs JP. Courrèges et JP. Olive. Le même protocole que celui suivi à Montpellier a été appliqué.
Évaluation de la précarité
Elle est fondée sur le score EPICES. Cet outil a été validé par les centres d’examen de santé depuis 1998. Il repose sur onze questions et sur l’indexation des réponses selon un barème préétabli. Plus le score est élevé, plus la précarité est grande. Divers degrés de précarité se succèdent selon une répartition en quintiles de l’échelle des réponses allant de la situation la meilleure (quintile 1) à la plus défavorable (quintile5). Nous avons regroupé les quintiles 1 à 3 incluant les sujets non ou peu précaires, le quintile 5 comportant les individus très précaires. Le quintile Q4 (précaires) a été isolé afin de différencier clairement les populations en situation de grande précarité de celles non ou peu précaires.
Questionnaires
Ils comportent trois documents : le premier était destiné à l’ensemble de la population enquêtée. Le deuxième était réservé à un échantillon de cette population incluant les diabétiques déclarés ou dépistés, les sujets présentant une hyperglycémie intermédiaire et un groupe témoin normo —glycémique. Le troisième questionnaire ne s’adressait qu’aux diabétiques déclarés.
Recherche des anomalies glycémiques
Deux techniques ont été utilisées, la mesure de la glycémie capillaire (Gc) et le dosage de l’hémoglobine glyquée (HbA1c). Les mêmes appareils ont été utilisés pour toutes ces mesures. Pour la glycémie capillaire, nous avons retenu comme normales les valeurs inférieures ou égales à 1,5 g/l moins de 2h après un repas et à 1,2 g/l plus de 2H après. Les hyperglycémies intermédiaires étaient comprises entre ces chiffres et moins de 2g/l lorsque le sujet s’était alimenté ou entre 1,10 g/l et 1,25g/l s’il était à jeun Un diabète était attesté par une glycémie égale ou supérieure à 2g/l après un repas ou 1,26g/l à jeun. Pour l’HbA1c, le seuil était de 6,5 % au delà duquel le sujet était considéré comme diabétique. La combinaison des deux mesures a augmenté la sensibilité et la spécificité du dépistage.
Exploitation statistique
Les données recueillies dans les questionnaires ont été vérifiées manuellement et saisies sur informatique avec le logiciel 4DV11SQL. Le fichier résultant a été exporté sous Excel pour être analysé par le logiciel statistique SPSS pour Windows, version 13.
Sur l’ensemble des sujets recrutés à Montpellier , nous avons calculé le pourcentage de diabètes déclarés, de diabètes découverts, d’hyperglycémies intermédiaires, d’anté- cédents de diabète gestationnel, ainsi que de fumeurs. Par ailleurs, ont été déterminées les moyennes de plusieurs paramètres : tension artérielle (TA), indice de masse corporelle (IMC), tour de taille (TT ). Ces valeurs ont été comparées en fonction du lieu de recrutement et du degré de précarité.
Les données socio économiques et les habitudes alimentaires ont été recueillies dans un échantillon incluant les diabétiques déclarés ou découverts lors de l’enquête, les sujets présentant une hyperglycémie intermédiaire, et le groupe témoin normoglycémique. Ces trois groupes ont été préalablement comparés pour confirmer leur homogénéité en ce qui concerne le degré de précarité évalué par le score EPICES et la répartition entre eux des caractères socio économiques et alimentaires. Dans un deuxième temps, les valeurs des divers paramètres socio économiques et alimentaires ont été comparées sur l’ensemble des sujets des trois sous groupes entre la population non ou peu précaire (Q1-Q3), très précaire (Q5) et un groupe intermé- diaire précaire (Q4).
Dans la population des diabétiques déclarés , de nombreuses données caractérisant le diabète, équilibre, suivi, ressenti etc., ont été comparées en fonction du degré de précarité évalué par le score EPICES.
Les diabétiques suivis dans le réseau de soins AUDIAB ont été comparés aux diabétiques hors réseau suivis à Montpellier ou recrutés au CCAS de Narbonne. La même comparaison a été réalisée pour les sous groupes de diabétiques précaires ou très précaires (Q4, Q5) et peu ou non précaires (Q1 à Q3).
Tous les tests réalisés sont des tests paramétriques usuels (chi deux, t de Student, Anova) avec ajustement sur les facteurs de confusion (âge, sexe) quand cela était approprié.
RÉSULTATS
Les sujets vus à Montpellier, diabétiques ou non diabétiques, étaient collectés au hasard dans les centres qui nous avaient donné leur accord administratif.
Les sujets vus à Narbonne étaient tous des diabétiques de type 2 : 126 étaient inclus dans le réseau AUDIAB tandis que 28 étaient collectés hors de ce réseau, au CCAS de Narbonne.
Analyse de la population recrutée à Montpellier (figure 1) 1 648 personnes composent cet effectif recueilli dans sept centres .
Cinq, comme cela a été signalé ci-avant , accueillaient de très grands précaires,
Médecins du Monde, Croix rouge, Secours catholique, SAMU Social, l’Avitarelle.
Ils ont été regroupés sous la dénomination <<ASS. Grands précaires >> rassemblant 460 personnes. Dans ce groupe, la valeur moyenne du score EPICES est de 74,7 fi 18,3 correspondant à 92,6 % de sujets très précaires (Q5).
807 personnes ont été vues dans les locaux du Conseil Général de l’Hérault avec une moindre précarité (score EPICES : 60,8 fi 19,8) mais comportant malgré tout 77 % de sujets en grande précarité (Q5).
381 sujets ont été recrutés au CCAS de Montpellier avec un degré de précarité encore plus faible (score EPICES : 38,7 fi 24,9) et 42,5 % de sujets peu ou pas précaires (Q1-Q3).
Plusieurs paramètres diffèrent en fonction du degré de précarité (tableaux 1 et 2)
Les sujets les plus précaires(Q5) sont plus jeunes, de sexe masculin, fumeurs et leur IMC est supérieur à celui des moins précaires. Compte tenu des refus rencontrés lors de l’enquête, nous n’avons pas considéré les pourcentages calculés de sujets diabé- tiques et hyperglycémiques comme répondant réellement à des taux de prévalence.
Cette réserve faite, il est cependant intéressant de faire quelques commentaires sur ces valeurs :
Le pourcentage de diabètes déclarés pour la totalité des sujets enquêtés est de 8,1 %.
Il est plus élevé dans le groupe non ou peu précaire mais ce résultat s’inverse après élimination des sujets de plus de 65 ans confirmant l’effet de l’âge sur la prévalence du diabète.
Le taux de diabètes découverts n’est pas différent entre sujets très précaires et non ou peu précaires.
Le pourcentage de glycémies capillaires anormales est supérieur à 2O %, quel que soit le degré de précarité atteignant 28,4 % dans le groupe Q1-Q3 où se situent les sujets les plus âgés . Après exclusion des plus de 65 ans, le résultat s’inverse, les grands précaires (Q5) présentant le taux le plus important (22,8 %) de glycémies capillaires anormales.
Les antécédents de diabète gestationnel sont plus fréquents chez les femmes en situation de grande précarité par rapport à celles moins précarisées (14,3 % vs 8,9 %).
Analyse des données socio économiques et des habitudes alimentaires en fonction du degré de précarité évalué par le score EPICES (Tableaux 3, 4, 5 et 6)
Cette partie de l’étude concerne un échantillon de la population recueillie à Montpellier incluant les diabétiques déclarés ou découverts lors de l’enquête (190 cas), les sujets présentant une hyperglycémie intermédiaire (292 cas) et un groupe témoin normo-glycémique (86 cas) soit, au total, 568 personnes. Comme pré-requis, nous nous sommes assuré s que le taux de précarité n’était pas différent entre ces trois groupes ; les diabétiques se différenciaient des témoins par une fréquence plus élevée de complications podologiques et dentaires, un IMC et un TT plus élevés. Sur l’ensemble des sujets, la population la plus précaire (Q5) est plus jeune, avec une prépondérance masculine, plus souvent isolée et un fort taux de tabagisme par rapport aux moins précaires. Cette population très précaire connait des difficultés de logement, de transport, avec peu de revenus pour se nourrir. Le régime alimentaire est très éloigné des recommandations du Plan National Nutrition Santé (PNNS) : il est pauvre en protéines animales, légumes frais, fruits, laitages et fromages et riche en pâtes, riz, thé, café et boissons sucrées ; ces dernières sont plus abondamment consommées par les plus précaires et plus particulièrement par ceux chez lesquels a été découverte une hyperglycémie pathologique méconnue annonciatrice d’un diabète. Les achats se font majoritairement dans des centres commerciaux économiques ; les repas sont le plus souvent pris dans des restaurants sociaux ou dans la rue pour les plus précaires. Les rythmes alimentaires sont irréguliers, le grignotage fréquent et un tiers des précaires se plaignent de difficultés pour mastiquer. 82,1 % des plus précaires ont des problèmes dentaires et 47,6 % des anomalies podologiques. Le TT et l’IMC ajustés sur l’âge et le sexe sont supérieurs chez les grands précaires.60,2 % d’entre eux ont fait des études au delà du primaire et 15,7 % ont suivi un cursus universitaire.
Ces données confirment une évolution de la grande précarité qui concerne actuellement des sujets jeunes, souvent instruits, célibataires, mal logés et mal nourris et en grande détresse financière.
Influence de la précarité sur le diabète (Tableaux 7-14).
163 diabétiques déclarés ont été inclus dans cette partie de l’enquête, 135 à Montpellier et 28 au CCAS de Narbonne. 97 étaient de grands précaires (Q5), 45 des non ou peu précaires (Q1 Q3), 19 appartenaient au quintile 4 jouant le rôle de frontière entre les extrêmes, Q1 et Q5. Deux personnes ont été exclues car le score EPICES n’était pas interprétable. Les diabétiques les plus précaires sont plus jeunes, de sexe masculin, plus souvent fumeurs avec un IMC et un TT plus importants. L’attention qu’ils portent à leur santé est moindre : ils consultent moins souvent leur médecin généraliste, le cardiologue, l’ophtalmologiste, le dentiste et subissent plus rarement que les non ou peu précaires un contrôle biologique biannuel.
Les diabétiques les plus précaires ont été découverts à un âge plus précoce et plus rarement par dépistage systématique. Ils sont moins bien équilibrés, présentent plus d’hypoglycémies, de comas diabétiques et ont un taux d’HbA1c plus élevés que les moins précaires. Ils sont plus souvent dépourvus de régime ou de traitement et moins souvent insulinés ; leur sommeil est de moins bonne qualité avec ronflements plus fréquents. Ils regardent plus longtemps la télévision.
Il n’existe pas de différence entre précaires et moins précaires dans la fréquence des complications qui affectent cependant le tiers des sujets, mais ces dernières étaient souvent ignorées ou négligées par les plus grands précaires ce qui rend la comparaison entre les deux groupes peu significative.
Le vécu de la maladie est moins bon chez les diabétiques précaires, avec de plus grandes difficultés pour suivre leur régime, leur traitement. Ils ont des problèmes dans leur vie affective, sexuelle et dans l’accomplissement de leurs démarches administratives. 55,4 % insistent sur l’impact défavorable de leurs faibles revenus.
49 % souhaitent pouvoir pratiquer un auto contrôle glycémique et 62,8 % réclament de séances d’éducation.
Un nombre important se plaint d’anxiété, dépression, irritabilité, agressivité. Une analyse de variance confirme le rôle déterminant de la précarité dans ces troubles et l’action sensibilisante des hypoglycémies plus fréquentes chez les grands précaires sur les états dépressifs et probablement sur les épisodes d’agressivité malgré la non-significativité statistique.
L’analyse des conditions de vie socio économiques et alimentaires retrouve les difficultés et les troubles nutritionnels observés dans l’échantillon témoin étudié dans le chapitre précédent. Une analyse multivariée a pu mettre en évidence les facteurs liés à un niveau élevé d’HbA1c : un degré de précarité important, le manque de moyens pour acheter des aliments, l’absence de logement stable, l’insuffisance d’apport de légumes verts, l’irrégularité des repas, le grignotage.
Bénéfice apporté par un réseau de soins sur le cours du diabète en fonction du degré de précarité. (Tableaux 15-21).
Nous avons comparé les diabétiques suivis dans le réseau AUDIAB aux diabétiques suivis hors réseau. Les diabétiques suivis en réseau ont un taux de précarité moins important avec des conditions socio économiques et alimentaires meilleures. Leur diabète est mieux équilibré et mieux suivi que chez les diabétiques hors réseau.
Cette différence est retrouvée lorsque l’on compare, d’une part, les diabétiques précaires et très précaires (Q4, Q5) et, d’autre part, les diabétiques qui sont non ou peu précaires (Q1, Q3), suivis en réseau et hors réseau. Cette différence est retrouvée quel que soit le degré de précarité.
CONCLUSIONS
La grande précarité affecte des sujets jeunes , fréquemment isolés, souvent instruits, qui connaissent des difficultés importantes pour se loger et s’alimenter correctement avec tabagisme élevé.
La précarité a une incidence défavorable sur l’équilibre, le suivi, le vécu du diabète dont le dépistage est insuffisant. L’éducation à la santé est désirée par un nombre important de diabétiques précaires.
La grande précarité génère des difficultés socio économiques et alimentaires qui rendent difficile la prise en charge correcte de la maladie diabétique. Les épiceries sociales et les restaurants sociaux répondent, pour partie, à ces difficultés.
Les réseaux de soins sont susceptibles d’améliorer significativement le cours du diabète chez les plus précaires.
DISCUSSION
Méthode d’études Recrutement de la population et évaluation du degré de précarité.
Nous avons délibérément choisi de réaliser cette étude en milieu extra hospitalier pour nous rapprocher le plus possible des conditions de vie quotidienne des sujets enquêtés. Ce choix a entraîné certaines difficultés de contact liées au contexte social, linguistique et, pour certains sujets, à une attitude de rejet de toute action d’ouverture à leur égard. Nous sommes convaincus que l’enquête en face à face a évité beaucoup de malentendus et d’erreurs d’interprétation. C’est, entre autres, le cas pour plusieurs questions concernant les habitudes alimentaires ou la vie socio économique.
Le taux de refus n’a pu être évalué avec précision, mais il est important comme dans toute étude menée dans des populations précaires dont l’approche s’avère difficile.
Nous avons interrogé les personnes sur les raisons motivant leur non participation à l’enquête ; il s’avère que leur choix dépendait de facteurs aléatoires, principalement le temps disponible, la crainte d’une piqûre, d’apprendre l’existence d’une maladie.
Subjectivement, ni le degré de précarité, ni l’existence d’un diabète n’ont paru dicter les refus. Plusieurs résultats de notre enquête son conformes aux données de la littérature ce qui constitue un gage supplémentaire en faveur de leur fiabilité.
Nous avons utilisé le score EPICES établi par l’ensemble des centres d’examens de santé de la CNAM et validé [ 2 ]. Ce score permet d’individualiser les populations socialement fragilisées en établissant des degrés de précarité. Il apporte un avantage reconnu par rapport aux critères utilisés dans de nombreuses publications qui retiennent comme principaux indicateurs le niveau d’éducation, le lieu de résidence ou les entrées financières. Le niveau d’éducation ne saurait, dans la société actuelle, refléter à coup sur le risque de précarité. Dans notre étude, 17,9 % des plus grands précaires ont fait des études secondaires et 15,7 % ont un bagage universitaire. Cela s’explique probablement par l’aggravation du chômage qui concerne de plus en plus des adultes jeunes diplômés et une population immigrée avec ou sans papier dont le parcours universitaire s’est effectué dans leur pays d’origine, voire en France. Le lieu de résidence souvent choisi comme critère de précarité dans plusieurs publications anglo-saxonnes peut être un indicateur lorsque existe dans une cité une ségrégation géographique marquée entre les classes sociales mais cela n’est pas valable pour toutes les villes, en particulier celles qui ont établi un plan de mixité sociale. Les entrées financières chiffrées sont sujettes à caution dans la mesure où leur réalité n’est pas garantie, a fortiori dans les enquêtes téléphoniques. L’avantage du score EPICES est de diversifier les questions qui recouvrent la majorité des conditions de vie, matérielles, psychologiques et sociales. Dans notre étude, il existe une bonne concordance entre les valeurs du score EPICES et l’orientation des lieux de recrutement à accueillir des sujets en plus ou moins grande précarité ce qui confirme la fiabilité du score.
Recherche des anomalies glycémiques
Elle a eu recours à deux types de mesures, la glycémie capillaire et le taux d’HbA1c.
La glycémie capillaire a été évaluée dans la très grande majorité des cas chez des sujets qui n’étaient pas à jeun, toujours avec le même appareil. Nous avons retenu comme pathologiques les valeurs proposées par l’ANES [3], soit 1,5 g/l moins de deux heures après un repas et 1,20 g/l plus de deux heures après. Ont été considérés comme diabétiques les sujets présentant une glycémie égale ou supérieure à 1,26 g/l, s’ils se déclaraient à jeun et supérieur ou égale à 2g/l quelle que soit l’heure du contrôle. Une hyperglycémie intermédiaire était retenue chez ceux avec une glycémie répondant aux valeurs préconisées par l’ANES.
La mesure de la glycémie veineuse à jeun est la méthode la plus couramment utilisée pour dépister les diabètes méconnus et les hyperglycémies intermédiaires mais cette technique était inutilisable dans la population que nous avons ciblée car la très grande majorité des personnes aurait refusé de se rendre à un laboratoire même gratuitement. La technique de référence pour dépister les états prédiabé- tiques ou diabétiques est l’épreuve d’hyperglycémie provoquée orale (HGPO) avec mesure de la glycémie avant et deux heures après une charge orale de 75 grammes de glucose [4, 5]. Plusieurs publications, entre autres, l’étude DECODE, ont confirmé que, par rapport à l’HGPO, la mesure de la glycémie à jeun méconnaissait un nombre non négligeable de diabètes ou de prédiabétes. La même critique peut être faite lorsque la mesure de la glycémie capillaire est utilisée chez un sujet qui a absorbé un repas dont l’apport glucidique est méconnu. Nous considérons toutefois que la découverte d’une glycémie égale ou supérieure à 2g/l est pathologique et signe un diabète avéré.
Les réserves précédentes nous ont conduits à doubler la mesure de la glycémie capillaire par le dosage de l’HbA1c au moyen d’un appareil DCA 2000 identique à ceux utilisés par les laboratoires d’analyse médicale. Ce dosage a été limité aux glycémies supérieures à 1,6 g/l avant un repas ou 1,8 g/l après, cette limitation nous étant imposée par le coût des consommables. La mesure de l’HbA1c a été récemment proposée comme critère diagnostique du diabète [6]. Selon l’American Diabetes Association (A.D.A), un état diabétique authentique est défini par un seuil de 6,5 %, tandis que des valeurs comprises entre 5,7 % et 6,5 % caractérisent un état prédiabétique [ 5 ]. Nous avons retenu le seuil de 6,5 % pour éviter un trop grand nombre de faux positifs. Des avis contradictoires concernent la supériorité du dosage de l’HbA1c en termes de sensibilité pour le dépistage des états diabétiques par rapport à la glycémie à jeun ou l’HGPO. La combinaison des deux mesures, glycémie capillaire et HbA1c, nous a, toutefois, paru susceptible d’améliorer la sensibilité et la spécificité diagnostiques pour le dépistage des diabètes et prédiabétes méconnus.
Analyse de la population recrutée à Montpellier
Les sujets les plus précaires sont plus jeunes, plus souvent de sexe masculin, présentant un tabagisme plus important. Une liaison entre consommation tabagique et précarité est confirmée par d’autres auteurs [7-9] mais n’est pas retrouvée dans l’étude de Larranaga [10]. Les sujets les plus précaires ont un IMC plus élevé. La TA systolique des non précaires est supérieure à celle des grands précaires mais cette différence s’explique, très certainement, par l’écart des âges.
Le taux de diabètes connus est de 8,1 % sur l’ensemble des sujets recrutés, supérieur à celui rapporté dans la population française par l’étude ENTRED [11, 12], soit 3.9 % pour les diabètes de type 2. Dans notre enquête, le pourcentage de diabètes déclarés est paradoxalement plus élevé chez les non ou peu précaires mais ce résultat s’inverse après élimination des sujets de plus de 65 ans, confirmant l’effet bien connu de l’âge sur la prévalence de la maladie. De nombreux travaux rapportent une prévalence accrue du diabète chez les sujets les plus précaires avec d’importantes variations dans les chiffres qu’il s’agisse d’études françaises [2, 13, 14] ou étrangères [15-19]. Dans une enquête conduite dans la région francilienne avec Louis. Guize, portant sur 48 813 sujets, nous avions observé une corrélation significative entre le degré de précarité évalué par le score EPICES et la prévalence du diabète dans les deux sexes [1]. Les résultats de l’étude actuelle sont moins significatifs mais cela est probablement du à la différence des effectifs entre nos deux enquêtes et à la proportion relativement faible de sujets non ou peu précaires par rapport au nombre élevé de très précaires (Q1-Q3 : 14,4 % vs Q5 : 71,7 %). Par ailleurs, les différences de prévalence rapportées dans la littérature sont difficiles à interpréter en raison des critères de précarité variables d’une étude à l’autre.
Le pourcentage de diabètes méconnus chez les sujets de moins de 65 ans n’est pas différent, quel que soit le degré de précarité. Les valeurs trouvées (2,8 %, Q1/Q3 et 1,9 %, Q5) sont toutefois supérieures à celles rapportées dans une étude française [20].
Le pourcentage de glycémies capillaires anormales dites encore hyperglycémies intermédiaires est supérieur chez les grands précaires comparé à celui observé chez les non ou peu précaires (22,8 % vs 19,5 %) lorsque sont exclus les sujets de plus de 65 ans .Cette différence s’inverse si l’on inclut la totalité des sujets (23 % vs 28,4 %), en raison de l’effet défavorable du vieillissement sur la tolérance glycémique. Le pourcentage de glycémies capillaires anormales dans notre étude est beaucoup plus élevé que celui rapporté dans l’étude Nutrition Santé, (5,6 %), mais la méthode de recherche était différente [20].
Les antécédents de diabète gestationnel sont plus importants chez les femmes en grande précarité que chez les moins ou non précaires (14,3 % vs 8,9 %). Ces taux sont supérieurs aux chiffres retenus dans la littérature variant de 3,8 à 6,1 % en France avec de larges variations dans le monde, pouvant atteindre des valeurs jusqu’à 22 % en Inde, Sardaigne, moyen Orient, 7,6 % dans l’île de la Réunion, 15,7 % à Bondy. Toutefois, ces différences doivent être interprétées avec prudence en raison de l’évolution des critères diagnostiques du diabète gestationnel [21].
Mode de vie socio économique et alimentaire en fonction du degré de précarité évalué par le score EPICES.
Cette partie de l’étude concerne un échantillon de sujets représentatifs de l’ensemble de la population recrutée, comportant trois groupes : les diabétiques déclarés ou découverts lors de l’enquête, les sujets présentant une hyperglycémie intermédiaire que l’on peut considérer comme pré-diabétiques et une population témoin normoglycémique soit un total de 568 personnes. Nous avons poursuivi deux objectifs : — Comparer les particularités de la vie socio économique et alimentaire entre ces trois sous groupes pour vérifier leur homogénéité tout en précisant leur niveau respectif de précarité. — Analyser les conditions de vie socio économiques et alimentaires en fonction du degré de précarité de l’ensemble des sujets constituant les sous groupes précédents.
La comparaison intergroupe des diabétiques (déclarés et découverts), des sujets avec une hyperglycémie intermédiaire et des témoins normoglycémiques confirme la similitude de la population diabétique et prédiabétique en termes de précarité par rapport aux témoins non diabétiques ; la fréquence plus élevée de certaines complications dentaires et podologiques dans la population diabétique et chez les sujets présentant une hyperglycémie intermédiaire parait liée à la dysrégulation glycémique.
L’analyse des conditions de vie socio économiques et alimentaires s’est attachée à préciser la relation entre, d’une part, le degré de précarité évalué par le score
EPICES et d’autre part le niveau de vie et les modes alimentaires de l’ensemble des sujets constituant l’échantillon de 564 sujets, 4 ayant été exclus de l’analyse en raison de l’insuffisance des données.
La population la plus précaire (Q5) est plus jeune, avec une prépondérance masculine, isolée, accusant un fort taux de tabagisme (43,3 %) par rapport aux sujets les moins ou non précaires (Q1,Q3) (7,8 %). L‘excès de consommation de tabac par les sujets précaires est retrouvé par plusieurs études [7-9).
Cette population connaît des difficultés de logement, de transport, avec peu de revenus pour se nourrir.
L’alimentation est pauvre en protéines animales, légumes frais, fruits, laitages et fromages mais riche en pâtes, riz, boissons sucrées, thé ou café. La réduction de la consommation de légumes et fruits frais est retrouvée par plusieurs enquêtes [22, 23]. Dans notre étude, les quantités consommées de légumes sont inférieures aux recommandations du Plan National Nutrition Santé (PNNS) quelque soit le degré de précarité (Q1-Q3 : 8,3 fi 4,7 vs Q5 : 4,2 fi 3,7) Il en est de même pour les fruits (Q1-Q3 : 11,9 fi6,3 vs Q5 : 6,3 fi 6,3). Plusieurs études ont souligné le rôle des facteurs alimentaires dans les décès prématurés et la place importante des légumes frais pour garantir une excellente santé. Les facteurs déterminant leur niveau de consommation serait l’âge et le statut socio économique [24,25]. Il croît jusqu’à 65 ans puis diminue. Les possibilités financières sont un élément important comme le montre notre enquête et ce, d’autant plus, que le prix des légumes frais a considérablement augmenté. Par ailleurs, la consommation des légumes se heurte à d’autres facteurs tenant au temps nécessaire pour leur préparation, à la possibilité de les cuisiner et à leur périssabilité, facteurs qui prennent tous une dimension encore plus grande chez les sujets en état de précarité. C’est aussi un facteur limitant pour les épiceries sociales.
Il est intéressant de remarquer que la consommation de boissons sucrées est plus importante dans les populations très précaires présentant une hyperglycémie intermédiaire avec un risque de devenir ultérieurement diabétiques. A l’opposé, les diabétiques déclarés prennent moins de boissons sucrées et plus de sodas allégés, probablement parce qu’ils sont mieux informés des inconvénients que font courir ces produits sur l’équilibre de leur diabète.
Les achats se font majoritairement dans des centres commerciaux économiques (78,8 %) et les repas sont pris dans des restaurants sociaux, midi (65,8 %) et soir (46,9 %) ou dans la rue (13,9 %) pour les plus précaires. Il est intéressant de comparer nos résultats à ceux de l’étude ABENA [23] qui a analysé les consommations alimentaires dans une population précaire tout-venant. Cette enquête met en évidence, comme la notre, le rôle capital de l’aide alimentaire qui constitue la principale sinon l’unique source d’approvisionnement.
Nos résultats confirment que les sujets les plus précaires (Q5) ont des rythmes alimentaires irréguliers, grignotent plus fréquemment en fonction des occasions offertes et que 30 % se plaignent de difficultés pour mastiquer. Plusieurs travaux ont souligné l’importance de la barrière économique lorsqu’il s’agit d’acquérir une alimentation diversifiée et de qualité [24-27]. 82,1 % des sujets les plus précaires (Q5) ont des problèmes dentaires contre 57,3 % chez les non ou moins précaires (Q1, Q3) ce qui aggrave les difficultés nutritionnelles.
47,6 % présentent des ennuis podologiques ce qui retentit sur leurs possibilités de déambulation et de déplacement vers les centres où ils pourraient se procurer de la nourriture.
Le TT et l’IMC ajustés sur l’âge et le sexe sont supérieurs chez les grands précaires, notion retrouvée dans d’autres études avec toutefois une prépondérance féminine [1-10].
Très peu de travaux ont analysé les conditions de vie socio économiques et alimentaires en fonction du degré de précarité comme le permet le score EPICES. La plupart retiennent pour définir un état de précarité des critères administratifs ou se réfèrent au niveau d’études, aux entrées financières, aux taux d’imposition ou au lieu de vie. Le degré d’instruction n’est pas forcément un bon repère. Dans notre enquête, 60,2 % des grands précaires ont fait des études au delà du primaire et 15,7 % ont fréquenté l’université. L’étude ABENA [22] retrouve des chiffres comparables, 19,6 % des sujets en état de précarité avaient un niveau bac ou plus.
Toutefois, ces résultats concernent une population vivant dans une ville universitaire avec un taux de chômage important chez les diplômés. Cette remarque est aussi valable pour de jeunes étrangers attirés par la ville et par son climat. Nous avons effectivement constaté une évolution importante de la grande précarité qui affecte actuellement des sujets jeunes, souvent instruits, célibataires en grande détresse financière et psychologique. Il est regrettable que cette étude ait exclu les moins de 25 ans en raison de l’impossibilité d’obtenir des informations auprès des autorités en charge de cette population.
Influence de la précarité sur le diabète
Cette partie de l’enquête constitue un des objectifs principaux de notre étude.
Nous avons recensé, pour ce faire, 163 diabétiques connus, 135 à Montpellier et 28 au CCAS de Narbonne suivis hors réseau. 97 étaient de grands précaires (Q5), 45 des non ou peu précaires (Q1, Q3) tandis que 19 faisaient partie du quintile Q4, jouant le rôle de frontière entre les extrêmes.
Les diabétiques les plus précaires (Q5) sont plus jeunes, de sexe masculin, plus souvent fumeurs, avec un IMC et un TT plus importants, ont plus de problèmes dentaires et podologiques. L’attention qu’ils portent à leur santé est moindre : ils consultent moins souvent leur généraliste (88,5 %), l’ophtalmologiste (59,8 %), le cardiologue (38,1 %), le dentiste (51,5 %) et subissent plus rarement une prise de sang biannuelle (76,8 %). Il est intéressant de comparer ces chiffres aux moyennes rapportées dans l’étude ENTRED 2009 [11, 12] : en France, 93 % des DT2 sont suivis par leur médecin généraliste, l’examen ophtalmologique avec fond d’œil est réalisé chez 71 %, un bilan cardiologique chez 57 % et des soins dentaires chez 38 %.
Les chiffres correspondants chez les non ou peu précaires de notre étude sont respectivement 97,8 % pour le médecin généraliste, 77,8 % pour l’ophtalmologiste, 68,9 % pour le cardiologue et 77, 8 % pour le dentiste. Toujours selon ENTRED 2009 [11, 12], 50 % des diabétiques ont eu trois dosages d’HbA1c dans l’année et 96 % au moins un dosage. Chez nos sujets les moins ou non précaires le pourcentage de contrôles biannuels est de 84,4 %. Moins d’un tiers des diabétiques de notre enquête consultent un diabétologue retrouvant les données d’ENTRED (20 %) [11, 12]. Toutefois, il convient de nuancer ces comparaisons, la méthodologie des deux enquêtes étant différente, celle d’ENTRED reposant sur un questionnaire téléphonique et postal adressé aux patients et un questionnaire destiné aux médecins avec un taux de réponse de 28 % seulement de l’échantillon total de sujets où ne sont pas différenciés les précaires et les non précaires, alors que nos données reposent sur un contact direct et prolongé entre l’enquêteur et le diabétique.
Dans notre étude , les diabétiques les plus précaires ont été découverts à un âge plus jeune que les non ou moins précaires (46,3 fi 13,7 vs 58,4 fi17 ans)(Q5 vs Q1,Q3), plus rarement par dépistage systématique (54,2 % vs 79,5 %), plus souvent à l’occasion d’une pathologie intercurrente, de complications ou de symptômes évocateurs.
Ils sont moins nombreux à être bien équilibrés (29,9 % vs 75,16 %), avec plus d’hypoglycémies (51,5 % vs 26,7 %), de comas diabétiques (10,3 % vs 4,4 %) et des taux d’HbA1c plus élevés (7,74 2,02 vs 6,990,79).
Dans l’étude ENTRED, le diabète a été découvert par dépistage systématique chez 67 % des diabètes de type 2. L’HbA1c médiane se situait à 6,9, au même niveau que nos diabétiques peu ou non précaires mais 41 % ont des valeurs supérieures à 7.
Les diabétiques précaires suivent moins souvent un régime ou un traitement (17,7 % vs 4,4 %) et sont moins souvent traités par insuline (19,8 % vs 31,1 %) . Dans l’étude
ENTRED [11, 12], 90 % de la population étudiée reçoit un traitement antidiabétique, en majorité mono ou bithérapie et 17 % des DT2 sont insulinés.
Nous n’avons pas observé de différence significative dans la prévalence des hospitalisations, pourtant plus fréquentes chez les grands précaires, (34 % vs 24,4 %), de la sédentarité (42,3 % vs 31,3 %), de la qualité du sommeil moins bonne chez les précaires (50 % vs 44,5 %) ; 31 % des Q5 ronflent contre 17, 1 % des Q1Q3. Nous avons été surpris de ne pas trouver de différence dans la fréquence des complications entre diabétiques très précaires (Q5) et non ou peu précaires (Q1, Q3), en opposition avec les conclusions d’un travail de H. Bihan et al. qui ont observé une prévalence significativement accrue de la neuropathie et de la rétinopathie chez les sujets les plus précaires qui avaient par ailleurs un taux d’HbA1c plus élevé [28]. Cette différence peut s’expliquer par les conditions de mise en œuvre de notre étude. Notre enquête concernait des sujets vus en ambulatoire qui n’ont pu, pour des raisons matérielles, faire l’objet d’un examen neurologique, ophtalmologique ou biologique complet et qui, dans la majorité des cas, ignoraient s’ils avaient des complications ; tout au contraire, les patients d’H. Bihan avaient été hospitalisés pour subir ces explorations complémentaires.
Par contre, nous avons constaté, comme H. Bihan, une corrélation entre le score EPICES, l’équilibre glycémique et le taux d’HbA1c.
Une liaison a été établie entre précarité et taux de mortalité par plusieurs études [29-32] expliquée par de multiples facteurs qui fragilisent la vie des diabétiques.
Parmi eux la sédentarité, facilitée par les séances de télévision et les difficultés de déplacement causées, entre autres, par les lésions des pieds. Rappelons ici nos constatations : les sujets précaires regardent plus souvent la TV que les non ou peu précaires (34,4 % vs 11,1 %).
Le vécu de leur maladie est nettement moins bon . Les plus précaires soulignent des difficultés pour suivre leur régime, leur traitement, dans leur vie affective et sexuelle, pour réaliser les démarches administratives. 55,4 % insistent sur l’impact défavorable du diabète sur leurs revenus. Les relations avec leur médecin sont bonnes pour 67,7 %, supérieures à celles des moins ou non précaires (40 %). Cela est probablement du au fait de la possibilité qu’ils rencontrent de dialoguer avec un tiers et de la prise en considération de ces gens en grande précarité par des médecins qui acceptent de recevoir des patients de la C.M.U., voire sans ressources. Un nombre important se plaint d’anxiété, de dépression, d’irritabilité, d’agressivité. Une liaison entre diabète et dépression est bien établie dans la littérature [33-35) ; certains travaux mettent en évidence une prévalence accrue de ces symptômes chez les sujets dont l’équilibre glycémique est le moins satisfaisant [35]. Toutefois, rares sont les publications qui analysent dans le détail le rôle des facteurs socio économiques et alimentaires chez les diabétiques les plus précaires comme agents impliqués dans le mauvais équilibre, les difficultés de suivi et de prise en charge de la maladie . Les conditions de vie plus difficiles et certaines carences alimentaires sont susceptibles d’expliquer la plus grande fréquence des états dépressifs chez les précaires. Nous avons analysé l’incidence respective des hypoglycémies et de la précarité pour expliquer la plus grande fréquence des troubles psychologiques observés chez les sujets les plus précaires. L’analyse multivariée confirme le rôle majeur de la précarité dans la survenue de ces troubles . Il n’est cependant pas exclu que les hypoglycémies, beaucoup plus fréquente chez les grands précaires, ne puissent majorer l’effet délétère des conditions de vie défavorables sur l’état psychologique. Dans un sens opposé, il convient de souligner la fâcheuse incidence des états anxio-dépressifs sur le cours du diabète : ces sujets auront moins tendance à suivre correctement leur régime, leur traitement et à se plier à des règles contraignantes d’hygiène de vie. Les résultats très significatifs de notre enquête relayés par les données de la littérature doivent inciter à ne pas négliger les troubles psychologiques des diabétiques avec un regard particulièrement attentif sur ceux en grande précarité.
Notre enquête confirme que 49 % des grands précaires désirent pratiquer l’auto contrôle glycémique contre 27,8 % des moins ou non précaires qui, majoritairement, en bénéficient déjà. 62,8 % souhaitent bénéficier de séances d’éducation.
Nous n’avons pu pour des raisons réglementaires individualiser la population d’origine étrangère. Plusieurs études ont souligné la prévalence accrue du diabète dans certains groupes ethniques : hispaniques, maghrébins, noirs américains. Un travail récent apporte des arguments en faveur du rôle de l’environnement socio économique plutôt que celui d’un facteur ethnique pour expliquer cette prévalence accrue du DT2 [36].
Nous avons tenté de préciser, par une analyse multivariée, l’incidence respective de divers marqueurs de précarité sur l’équilibre glycémique à travers le dosage de l’HbA1c seul critère réellement objectif. Si l’on prend comme référence la valeur moyenne d’HbA1c, une liaison significative est établie avec le degré de précarité établi par le score EPICES, l’absence d’un logement stable, la faiblesse des possibilités financières pour acheter de la nourriture, la faible consommation de légumes, l’irrégularité des horaires de repas et le grignotage . Si l’on prend comme références trois valeurs seuil d’HbA1c (<6,5 %, <7 %, >8 %), on retrouve une liaison entre ces mêmes paramètres et le seuil >8 % traduisant un mauvais équilibre glycémique.
L’effet minorant des hypoglycémies sur le chiffre de l’HbA1c est significatif à précarité égale et indépendant du degré de précarité.
Les données précédentes confirment la complexité des mécanismes par lesquels la précarité affecte l’équilibre et la qualité de vie des diabétiques bien analysée dans une revue de Brown et al [37]. Notre étude met en relief l’importance des facteurs socio économiques, tels l’absence de logement stable et des carences alimentaires. Ces observations seront le support des recommandations que nous formulerons à l’issue de cette étude.
Intérêt du suivi en réseau pour le contrôle du diabète quelque soit le degré de précarité
Les réseaux de soins pour diabétiques connaissent un large développement et une reconnaissance officielle fondée sur une prise en charge multi-partenariale et dont le centre d’intérêt est le patient.
Leur objectif est d’assurer une coordination entre les divers partenaires de soins en privilégiant l’éducation et la motivation des patients. Ce type de structure prend en compte non seulement le versant médical du diabète mais aussi ses multiples dimensions, psychologiques, familiales et socio économiques qui font la complexité de cette maladie.
Longtemps confidentiel, le phénomène réseau s’est développé lorsque les responsables politiques ont pris conscience de son intérêt économique à travers la recherche d’une meilleure prise en charge, condition indispensable pour limiter les complications, principales sources de l’accroissement des dépenses de santé.
Le bénéfice apporté par les réseaux de soins est, cependant, difficile à évaluer en raison de l’hétérogénéité de ces structures rendant complexes les comparaisons inter réseaux et par la multitude des biais dans le recueil des données et dans les programmes d’analyse statistique avec des groupes témoin [38].
Cependant, des données récentes semblent confirmer leur intérêt à travers quelques modèles tels le réseau DIABAIX d’Aix en Provence (2007), les programmes ANCRED, REVERSIAB. A notre connaissance, aucune étude ne s’est attachée à analyser le bénéfice de l’effet réseau en fonction du degré de précarité.
Dans un premier temps, nous avons comparé un groupe de diabétiques suivis dans le réseau AUDIAB de l’Aude à un groupe de patients suivis hors réseau à Montpellier et Narbonne.
Les diabétiques suivis en réseau sont plus âgés, ont un niveau socio économique supérieur, une alimentation plus diversifiée, fument moins, ont un TT et un IMC inférieurs et ont moins de problèmes podologiques et dentaires. Leur diabète est mieux équilibré avec une HbA1c moins élevée, moins de malaises hypoglycémiques, un meilleur suivi et une qualité de vie supérieure. Ces résultats paraissent confirmer l’intérêt des réseaux de soins mais pourraient être remis en cause par un facteur confondant lié aux différences de niveau socio économique entre les patients AUDIAB peu ou non précaires et les sujets suivis hors réseau majoritairement précaires. On peut, en effet, s’interroger sur un éventuel effet de sélection, si l’on fait l’hypothèse que seuls les malades les plus motivés recourent à ces réseaux, ce qui pourrait être la source d’un biais statistique faussant l’évaluation du bénéfice thérapeutique. En fait, les patients sont admis dans le réseau dont ils ignorent, en général, l’existence, par leur médecin traitant qui, de par la charte établie régissant le fonctionnement de la structure, ne tient pas compte du niveau socio économique ni de la motivation mais seulement du besoin d’éducation et de soins. On peut également s’interroger sur le degré de motivation de la population diabétique suivie hors réseau à être prise en charge le mieux possible. Il est intéressant de noter que 62,8 % des plus précaires souhaitent bénéficier de séances d’éducation, ce qui va dans le sens d’un bon degré de motivation.
Pour éluder toute incertitude, nous avons procédé à une comparaison de deux sous groupes AUDIAB et non AUDIAB présentant le même degré de précarité.
Si l’on prend en compte les sujets les plus précaires (Q4-Q5), la prise en charge en réseau se révèle également bénéfique par rapport aux sujets suivis hors réseau. La même observation est faite pour les diabétiques les moins précaires.
Les données précédentes semblent donc démontrer l’intérêt d’une prise en charge par un réseau de soins pour tous les diabétiques et plus encore pour les plus précaires ORIGINALITÉ ET LIMITES DE L’ENQUETE
Originalité de l’enquête
Méthodologie — Rapport direct enquêteur/enquêté permettant de suivre au plus près la fiabilité des réponses.
— Couplage glycémies/mesure de l’hémoglobine glyquée affinant le diagnostic de diabète méconnu ou d’état prédiabétique.
— Recueil simultané de données classiques (âge, sexe, glycémie, TA…), de données socio économiques et alimentaires.
— Comparaison deux populations de diabétiques suivis en réseau de soins et hors réseau.
Résultats — Mise en évidence dans la population précaire d’un nombre élevé de sujets jeunes, de sexe masculin, célibataires, possédant un niveau d’études important.
— Fréquence, chez les diabétiques précaires, des états anxio-dépressifs et des hypoglycémies avec leur conséquence sur la dépression et, probablement, sur l’agressivité.
— Excès de consommation de boissons sucrées chez les sujets atteints d’un diabète ou d’un prédiabète méconnus.
— Confirmation du rôle de certains facteurs socio économiques et alimentaires sur l’équilibre glycémique et le taux d’hémoglobine glyquée.
— Influence favorable d’un réseau de soins sur le cours et la prise en charge du diabète quel que soit le degré de précarité.
Limites de l’enquête — Difficultés de langue, surtout avec les populations d’Europe de l’Est. Manque d’interprètes.
— Une question du score EPICES relative aux départs en vacances n’est pas adaptée aux populations maghrébines : leur retour au pays est souvent utilitaire ou lié à des deuils indépendamment des facteurs économiques ; Cette circonstance diminue artificiellement le niveau du score réduisant le degré de précarité calculé.
— Réponses sujettes à caution : consommation de boissons alcoolisées, de certains aliments, mauvaise compréhension de la notion de grignotage.
— Impossibilité pratique de recruter les jeunes précaires (moins de 25 ans) pour les raisons évoquées dans le présent rapport.
— Sous estimation probable de la fréquence des hypoglycémies dont les symptômes sont souvent ignorés et des complications diabétiques qui n’ont pu être recherchées dans une enquête en ambulatoire, leur existence étant seulement évoquée à l’occasion des réponses.
— Le pouvoir d’achat pour se nourrir ne tenait compte que du nombre d’adultes excluant le nombre d’enfant.
CONCLUSION
La population la plus précaire présente d’importantes différences avec les moins précaires. Elle est plus jeune, masculine, plutôt célibataire, fumant plus, d’un niveau éducatif souvent élevé, avec un taux de surpoids, de diabète et de prédiabète supérieur à celui des non précaires. Ses conditions de vie socio-économiques sont difficiles, avec une alimentation carencée en protéines animales, laitages, fruits, légumes verts et une surconsommation de féculents et sodas sucrés. Les affections dentaires sont fréquentes et mal prises en charge.
La précarité influence défavorablement l’équilibre glycémique, le dépistage , les complications, le suivi et la prise en charge du diabète . La maladie est mal vécue avec un fort pourcentage d’états anxio-dépressifs. L’analyse statistique confirme le rôle délétère de la précarité et de ses composantes sur l’équilibre glycémique au long cours évalué par le taux d’hémoglobine glyquée. Un pourcentage important de diabétiques précaires (62,8 %) est demandeur d’éducation thérapeutique.
Le bénéfice apporté par un réseau de soins est probant quel que soit le degré de précarité de la population diabétique.
REMERCIEMENTS
Pour leur participation financière : l’Académie nationale de médecine, le Haut Commissariat aux solidarités actives, le Conseil Régional Languedoc Roussillon, le Ministère du Travail (DGSA), les laboratoires SANOFI, la Société Générale.
Pour la mise à disposition des locaux et leur accueil : le Conseil Général de l’Hérault, la Mairie de Montpellier, la Croix Rouge, Médecins du Monde, le Secours Catholique, la Pastorale Santé, le SAMU social, Regain, Corus, les CHRS.
Pour le don et le prêt de matériel : les laboratoires MENATINI et SIEMENS.
Pour leur étroite collaboration : Languedoc Mutualité, l’association PRESPODIA.
Pour leur collaboration et leur aide technique : mesdames A Lacroux, M. Delmaere, M.D. Hugot, M.L. Peters, le docteur A. Benouargha-Jaffiol, les médecins, infirmières, assistantes sociales et secrétaires.
Au groupe de travail académique (Commission XI) : Jacques Bringer, ClaudePierre Giudecelli, Maurice Guéniot, Louis Guize, Claude Jaffiol, Jean-Paul Laplace, M. Tramoni.
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DISCUSSION
M. Claude DREUX
Les réseaux de soins sont importants, mais ne faudrait-il pas créer des réseaux de prévention, pour rendre plus efficace le dépistage du diabète (et d’autres pathologies) ?
Compte tenu des contraintes économiques, il paraît difficile de créer de nouveaux réseaux. Il serait judicieux d’élargir la compétence des réseaux déjà existants en leur confiant le dépistage et la prise en charge des états prédiabétiques.
M. André VACHERON
Quelle a été la consommation moyenne et la nature de l’alcool utilisé dans cette population précaire ?
Nous n’avons pas pu chiffrer avec exactitude la consommation d’alcool inavouée ou minimisée par ces populations.
M. Jacques-Louis BINET
Pourriez-vous commenter la relation que vous avez observée entre le niveau d’éducation et cette population en état de précarité ? Quelle est la signification de ce chiffre de 33 % avec lequel vous définissez le niveau d’éducation ? Comment expliquer que cette même population souhaite obtenir un niveau supérieur d’éducation ?
Nous avons été surpris par le bon niveau d’éducation rencontré dans une partie de la population précaire. Cela s’explique par l’aggravation du chomage qui frappe préférentiellement des sujets jeunes qui ont fait des études avancées, malheureusement sans débouché ni qualification professionnelle.
M. Pierre GODEAU
Quel est le rôle éventuel des perturbations du sommeil et par suite de la secrétion de mélatonine chez ces populations défavorisées ?
L’abondance et le rythme des prises alimentaires sont corrélés avec des variations de concentrations plasmatiques des hormones contrôlant l’appétit, la ghréline, la leptine. Je ne connais d’études sur la mélatonine et prise alimentaire.
M. Henri ROCHEFORT
Dans votre questionnaire, avez-vous considéré la libération éventuelle de bisphénol A ?
D’une part, à partir des emballages alimentaires (par exemple fréquence d’utilisation de boîtes de conserves, de plats prérparés chauffés au micro onde, outre les boissons sucrées dans les bouteilles en plastique que vous signalez ? D’autre part à partir des amalgames dentaires, car vous avez trouvé que le mauvais état dentaire est un facteur de risque ?
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Cette communication, dans son intégralité, peut être consultée sur le site www.academie-medecine.fr
Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, nos 4-5, 953-976, séance du 22 mai 2012