Communication scientifique
Séance du 5 décembre 2006

Développement du cerveau antérieur : existe-t-il un stade phylotypique

Philippe Vernier *, Mario Wullimann *, Joana Osotio *, Sylvie Rétaux *

Développement du cerveau antérieur :

existe-t-il un stade phylotypique ?

Philippe VERNIER *, Mario WULLIMANN *, Joana OSOTIO *, Sylvie RÉTAUX *

Le stade phylotypique du développement embryonnaire, initialement proposé par K. Von Baer, marque l’existence d’un plan du corps (Bauplan) commun à un groupe d’organismes. La recherche des mécanismes et des facteurs qui contraignent la morphologie des embryons d’espèces différentes à se ressembler plus que leurs formes adultes a beaucoup progressé ces dernières années. L’analyse comparative des patrons d’expression de gènes dont les produits jouent un rôle clé dans l’orientation ou la détermination du destin des cellules embryonnaires suggère l’existence de mécanismes communs pour établir le plan de l’organisation du cerveau des vertébrés. Après l’établissement des axes embryonnaires (antéropostérieur, dorsoventral, gauche-droite), les deux grands domaines du système nerveux, le futur cerveau antérieur et l’ensemble mésencéphalo-rhombencéphalo-spinal, se divisent en unités plus petites, les neuromères. Cette organisation neuromérique correspond au plan phylotypique du système nerveux. Simultanément, la mise en place, dans le cerveau antérieur, de nouvelles régions organisatrices , comme la jonction métencéphalo-mésencéphalique, le bourrelet neural antérieur ou les plaques du toit et du plancher neuraux, forment des systèmes de coordonnées orientées qui émettent des signaux moléculaires capables d’influencer le destin des cellules neurales.

Ainsi, chaque domaine neuromérique du tube nerveux reçoit une combinaison spécifique de signaux émis par les centres organisateurs. Chaque cellule neurale acquiert donc une identité, c’est-à-dire qu’elle est spécifiée, déterminée à se différencier, en fonction du neuromère où elle est localisée (identité de position). La différenciation des principaux systèmes de neurotransmetteurs cérébraux (glutamatergiques, GABAergiques, dopaminergiques, sérotoninergiques) dans des neuromè- res précis illustre bien ce principe d’identité de position, qui traduit en termes fonctionnels le plan phylotypique du système nerveux. L’hypothèse que nous formulons est que la contrainte qui tend à limiter la variabilité des structures embryonnaires (l’état phylotypique de l’embryon) est la nécessité de déterminer le destin des cellules neurales en fonction de leur position dans le tube neural, sous l’effet des
signaux émis par les organisateurs du tube neural. Une fois acquise cette spécification dépendante de la position, les neurones en formation peuvent se déplacer, migrer, pousser leurs axones, en accord avec le plan du système nerveux, pour former les réseaux dont la variété et la complexité varient beaucoup chez l’adulte, d’une espèce à l’autre.


* Laboratoire Développement, Evolution, Plasticité du Système Nerveux, UPR2197, Institut de Neurobiologie A. Fessard, CNRS, Gif-sur-Yvette Tirés à part : Professeur Philippe VERNIER, même adresse

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 9, 1921-1922, séance du 5 décembre 2006