Communication scientifique
Séance du 27 octobre 2009

De la génétique des adénomes hypophysaires familiaux

MOTS-CLÉS : neoplasie endocrinienne multiple de type 1.aryl hydrocarbon receptor-interacting protein [substance name]. tumeurs de l’hypophyse/genetique
Genetics of familial pituitary adenomas
KEY-WORDS : aryl hydrocarbon receptor-interacting protein [substance name). multiple endocrine neoplasia type 1. pituitary neoplasms/genetics

Alain Beckers, Marie-Lise Jaffrain-Réa, Adrian F. Daly

Résumé

Les adénomes hypophysaires étaient autrefois considérés comme rares. Une étude liégeoise récente a cependant montré une prévalence des adénomes hypophysaires cliniquement actifs d’environ un sur mille habitants soit quatre à cinq fois supérieure aux données antérieures. Les adénomes hypophysaires familiaux représentent probablement 5 à 8 % des adénomes hypophysaires. Les principales formes sont la néoplasie endocrinienne de type I et le complexe de Carney. La caractérisation clinique et génétique des adénomes familiaux a été récemment enrichie par la description de la nouvelle entité FIPA (Familial Isolated Pituitary Adenomas) et des mutations du gène AIP (Aryl Hydrocarbon Receptor Interacting Protein). D’évolution habituellement bénigne, les adénomes hypophysaires sont caractérisés par une grande diversité clinique et génétique qui réclame des moyens diagnostiques et thérapeutiques spécifiques.

Summary

Pituitary adenomas were previously thought to be rare. However, a recent cross-sectional study conducted in Liège, Belgium, showed that clinically apparent pituitary adenomas were present in about 1 in 1000 inhabitants, which is 4 to 5 times the previously reported prevalence. Pituitary adenomas are generally sporadic, but some are associated with familial-isolated tumoral syndromes (mainly MEN1 and Carney complex). With the recent characterization of FIPA (Familial Isolated Pituitary Adenomas), familial pituitary adenomas are now thought to account for 5 % to 8 % of all pituitary tumors. New genetic mechanisms are being identified, improving our understanding of the complex manifestations and sometimes unpredictable outcome of pituitary adenomas.

INTRODUCTION

Les rares études épidémiologiques réalisées dans le passé [1, 2] présentaient les adénomes hypophysaires comme une pathologie rare, avec une prévalence de 190- 280 cas/million d’habitants, soit 0,02-0,03 %. Cependant, plusieurs études portant sur des autopsies ou des examens IRM dans des populations non sélectionnées ont suggéré qu’ils sont plus fréquents qu’on ne le pensait (respectivement ∼15 % et ∼20 % de la population) [3]. Il y avait donc un hiatus important entre les données cliniques montrant que l’adénome hypophysaire était rare et les données radiologiques et autopsiques montrant qu’il est très commun. Ces discordances ont stimulé la réalisation d’une étude épidémiologique précise, rapportant, dans une région déterminée et une population exactement estimée, le pourcentage de patients présentant des adénomes hypophysaires, à la population normale [4]. Cette étude publiée en 2006, la première de ce type dans la pathologie hypophysaire, a permis de montrer une prévalence d’adénomes hypophysaires bien plus élevée que dans les études antérieures. Ces données ont ensuite été confirmées par une étude multicentrique [5]. Avec une prévalence d’ ∼1/1000, soit plus de quatre à cinq fois ce qui était décrit précédemment, les adénomes hypophysaires sont actuellement reconnus comme une pathologie assez commune, susceptible de remettre en question les moyens nécessaires à son diagnostic, son traitement et son suivi.

Les mécanismes physio-pathologiques impliqués dans l’apparition des adénomes hypophysaires sont multiples [6], et certains ont un support génétique qui commence à être élucidé et qui modifie notre compréhension de leur présentation clinique. A présent, nous pouvons identifier des adénomes sporadiques, familiaux, ou appartenant aux syndromes tumoraux, et les associer à des anomalies génétiques distinctes (Tableau I). Après une brève description des formes familiales et syndromiques déjà connues depuis quelques années, nous nous attarderons à la description des caractéristiques cliniques et génétiques d’une nouvelle forme familiale d’adé- nomes hypophysaires, isolés, les FIPA ( Familial Isolated Pituitary Adenomas ) [7-10].

 

LES ADÉNOMES HYPOPHYSAIRES FAMILIAUX SYNDROMIQUES

La Neoplasie Endocrinienne Multiple de type 1 (NEM1) et syndromes apparentés

Le premier exemple d’adénomes hypophysaires familiaux a été décrit dans le cadre de la Néoplasie Endocrinienne Multiple de Type 1 (NEM1), caractérisée par l’association, chez un même sujet et/ou chez des sujets de la même famille, de lésions hyperplasiques et/ou néoplasiques intéressant les parathyroïdes (∼90 %), les cellules endocrines gastro-entéro-pancréatiques -GEP- (30-80 %) et/ou l’hypophyse antérieure (∼40 %) [11-14]. D’autres lésions, endocrines ou non, sont fréquemment présentes. Maladie héréditaire à transmission autosomique dominante, elle est liée dans la plupart des cas à la présence de mutations germinales du gène NEM1 . Elle atteint environ 1/30 000 individus, et si les formes familiales dominent, les atteintes sporadiques de novo ne sont pas rares.

 

Pathologie hypophysaire associée à la NEM1

La fréquence des adénomes hypophysaires observés dans le cadre de la NEM1 a été très variablement appréciée dans la littérature (15-80 %). Ceci peut s’expliquer par des biais de recrutement des patients en fonction de leur pathologie dominante, la recherche plus ou moins systématique d’atteinte hypophysaire, ou la plus grande prévalence des atteintes hypophysaires dans certaines familles — comme dans la variante MEN1Burin, à forte prévalence de prolactinomes. En moyenne, ∼40 % des patients présentent un adénome hypophysaire, avec une prédominance féminine et dans les formes familiales. Les prolactinomes dominent (∼60 %) et tous les types d’adénomes hypophysaires ont été rapportés avec une distribution comparable à celle des adénomes sporadiques. Les macroadénomes invasifs et les adénomes multihormonaux (∼40 %) sont plus fréquents que dans les cas sporadiques, l’hyperplasie est exceptionnelle, les adénomes multiples rares [15]. Quelques carcinomes hypophysaires ont été rapportés, dont une observation récente de carcinome à TSH [16]. Dans l’ensemble, les prolactinomes sont les plus précoces, décrits dès l’enfance [17] ; ils sont plus agressifs que les prolactinomes sporadiques, avec un taux de résistance au traitement médical plus important. Dans ∼15 % des cas, l’atteinte hypophysaire est la première à se manifester [13].

Les mutations germinales du gène NEM1

A dix ans du séquençage du gène NEM1, plus de cinq cents mutations germinales ont été identifiées, dont > 70 % sont supposées conduire à la traduction d’une protéine tronquée ou à la transcription d’un ARN messager instable [18]. Les mutations sont réparties sur l’ensemble de la séquence codante, sans véritable hot spot . Les plus fréquentes sont les insertions/délétions avec décalage du cadre de lecture (« frameshift », 40 %), suivies des mutations non-sense (« stop » > 20 %) et missense (< 20 %). Les grandes délétions semblent rares (1 %). Il n’y a pas d’évidente corrélation génotype-phénotype. Par exemple, différentes mutations ont été observées chez les familles atteintes de la variante MEN1Burin. Le role des mutations germinales ou somatiques du gène NEM1 dans les tumeurs hypophysaires sporadiques apparait par contre minime (<1 %) [19, 20].

Pathologie moléculaire du gène NEM1

Le gène NEM1 codifie pour une protéine de 610 acides aminés, la ménine, de structure initialement inconnue. La perte d’hétérozygotie ( loss of heterozygozity LOH) observée dans les tumeurs y indiquait la perte de l’allèle normal dans un deuxième évènement (« second hit » selon le modèle de Knudson qui s’applique aux gènes suppresseurs de tumeurs « onco-suppresseurs »), tandis que la prédiction de signaux de localisation nucléaire était en accord avec la localisation immunohistochimique de la protéine (essentiellement nucléaire). Depuis, de nombreux travaux ont été réalisés in vitro et des modèles animaux ont été développés pour mieux en définir les fonctions [21]. La ménine a ainsi été impliquée, à travers de multiples interactions protéine-protéine, dans la régulation de la transcription génique, du cycle cellulaire et le contrôle de la stabilité du génome. L’expression en est ubiquitaire, et son rôle essentiel dans le développement est souligné par la létalité intrautérine du phénotype homozygote de souris knockout Men1-/- . Plusieurs modèles de souris hétérozygotes

Men1+/- ont développé un syndrome proche de la NEM1 humaine, et un modèle homozygote conditionnel hypophysaire a récemment confirmé l’apparition de prolactinomes. Le gène MEN1 est par contre généralement exprimé dans les tumeurs hypophysaires sporadiques [22].

Une nouvelle forme de NEM: la MEN 4 et le gène CDKN1B/p27Kip1

Une forme de NEM apparentée à la NEM1 (adénomes parathyroidiens, hyperplasie du pancreas endocrine, tumeurs hypophysaires) et à la NEM2 (phéocromocytomeshyperplasie/tumeurs médullaires de la thyroide) a été rapportée chez le rat [23]. Une mutation germinale inactivatrice du gène CDKN1B codifiant pour l’anti-oncogène p27Kip1 a ensuite été impliquée dans ce syndrome, décrit également chez l’homme sous le nom de NEM4 [24]. Dans ce travail, une mutation « non-sense » du gène

CDKN1B était rapportée à l’association familiale acromégalie-hyperparathyroidieangiomyolipome-cancer testiculaire. Quelques autres mutations ont ensuite été décrites, l’atteinte hypophysaire y est inconstante [25].

Implications cliniques et perspectives futures

La pénétrance de la NEM1 chez les porteurs de mutation germinale est très élevée (> 90 %), ce qui souligne l’importance du dépistage familial et la nécessité de suivre un protocole de surveillance visant à limiter la morbidité liée aux syndromes d’hypersécrétion hormonale et la mortalité liée aux tumeurs malignes (principalement GEP et carcinoides) [12]. L’application de ces mesures permet d’anticiper le diagnostic des lésions de nombreuses années [26]. Jusqu’à présent par contre, le diagnostic génétique de NEM1 n’a pas eu d’implication thérapeutique directe, et les différentes lésions sont traitées comme les tumeurs sporadiques correspondantes de sévérité équivalente [12, 27]. .La progression des travaux expérimentaux devrait permettre la mise au point de stratégies plus spécifiques Les patients présentant un syndrome de NEM1 sans mutation identifiable (∼20 %) posent un véritable problème au clinicien. Il est possible que certaines mutations échappent au séquençage direct classique (localisation au niveau du promoteur, des introns, délétions). L’application de techniques complémentaires comme la caractérisation d’haplotypes à proximité du gène NEM1 peut alors être intéressante pour le screening familial [12]. Les mutations germinales de

CDKN1B restent rares [25], et il est probable que d’autres gènes soient impliqués.

Le complexe de Carney

Condition génétique autosomique dominante, le complexe de Carney (CNC) est une maladie rare caractérisée par l’association de myxomes (en particulier cardiaques), lentiginose cutanée, schwanomes et différentes conditions d’hypersecretion hormonale, en particulier hypercortisolisme surrénalien (PPNAD) et acromégalie [28].

Pathologie hypophysaire

Les altérations de la secrétion de GH (absence de freinage sous hyperglycémie provoquée par voie orale) sont fréquentes chez ces patients, en rapport avec une hyperplasie (mammo)somatotrope. Certains patients développent une acromégalie (âge moyen ∼35 ans). On peut alors observer, inconstamment, la présence de micro-ou macro-adénomes hypophysaires, parfois multiples, dont l’examen immunohistochimique démontre typiquement la secrétion de GH et PRL, parfois également d’autres tropines hypophysaires [29].

Aspects génétiques et pathologie moléculaire

Des mutations hétérozygotes du gène

PKRAR1A , qui codifie pour la subunité régulatrice R1α de la protéine kinase A AMPc-dépendente, ont été identifiées dans ∼60 % des cas. De nombreuses mutations conduisent à une dégradation rapide de l’ARN messager. Une perte d’hétérozygotie au niveau du locus correspondant en 17q22-24 est également observée dans les tumeurs hypophysaires de ces patients, ce qui suggère une fonction onco-suppressive.à ce niveau. Cependant les mécanismes moléculaires responsables de la tumorigénèse restent mal connus, et les modèles animaux obtenus jusqu’à présent par « knock-out » du gène PKRAR1A donnent lieu à un phénotype variable [28].

PKRAR1A ne semble pas impliqué dans la tumorigenèse hypohysaire sporadique.

Dans ∼40 % des cas de CNC l’étiologie reste inconnue, bien que des études de « linkage » aient suggéré la présence d’un second locus en 2p16, controversé, puis en 17p2 [30].

Le syndrome de McCune-Albright

Les atteintes hypophysaires observées dans le syndrome de McCune-Albright (MAS) offrent certaines similarités avec le CNC [31]. En effet, l’hyperplasie mammosommatotrope, au sein de laquelle peuvent occasionnellement se développer des foyers adénomateux, est responsable d’une acromégalie dans près de 20 % des cas. Il s’agit d’une maladie génétique particulière, liée à l’apparition post-zygotique de mutations du gène

GNAS (guanine nucleotide-activating α -subunit) responsable de mosaicisme. Cette mutation induit une hyperstimulation de la voie de l’AMPc. Les manifestations les plus fréquentes sont la dysplasie osseuse, l’hyperpigmentation cutanée (taches café-au-lait) et différents syndromes d’hypersecrétion hormonale (pseudo-puberté précoce ovarienne, hyperthyroidie, acromégalie…). Bien que potentiellement familiale, cette maladie s’avère sporadique et ne permet pas de rendre compte d’éventuelles tumeurs hypophysaires familiales. Les mutations somatiques activatrices de GNAS — aussi désignées gsp — sont par contre très fréquentes dans les somatotropinomes sporadiques non syndromiques [6].

LES ADÉNOMES HYPOPHYSAIRES FAMILIAUX ISOLÉS (FIPA)

Caractérisation clinique

A la fin des années 90, la pathologie tumorale hypophysaire familiale autre que les syndrome de NEM1 et CNC comptait quelques rapports (< 5 au total) de prolactinomes, adénomes corticotropes et non sécrétants familiaux, non étudiés géné- tiquement. Seule l’acromégalie familiale isolée avait obtenu une identité clinique. En 1999, vingt-trois familles d’acromégales avaient été décrites, mais leur étude géné- tique demeurait rudimentaire [32]. A cette époque, nous nous sommes intéressés aux familles qui présentaient au moins deux adénomes hypophysaires. Sur les mille cinq-cents cas d’adénomes hypophysaires que comptait notre registre, nous avons identifié une quinzaine de familles comportant ∼30 patients avec adénome [33].

Dans certains cas, les deux parents portaient le même type d’adénome (groupe homogène), dans d’autres, des adénomes phénotypiquement différents (groupe hétérogène). Nous avons appelé cette nouvelle entité clinique FIPA (Familial Isolated Pituitary Adenomas). Au départ confinée à notre centre, l’étude de caractérisation de la population FIPA a pris, à partir de 2002, une dimension multicentrique, la participation de vingt-deux centres européens permettant d’identifier, jusqu’à 2004, 138 patients dans soixante-quatre familles FIPA [34] Les critères d’inclusion ont été cliniques, biologiques et génétiques, permettant d’exclure les syndromes NEM1 et CNC. L’étude, rétrospective, a utilisé un groupe témoin de 288 adénomes sporadiques non syndromiques à titre de comparaison. Dans la cohorte FIPA, ∼75 % des adénomes étaient des prolactinomes et des somatotropinomes (respectivement 40 % et 34 %). Les femmes étaient plus souvent atteintes, surtout par des prolactinomes ; ∼75 % des patients étaient parents au premier degré. Dans le groupe hétérogène, au moins un prolactinome ou un somatotropinome étaient présents par famille. Les adénomes non sécrétants occupaient la troisième place (13 %) et appartenaient majoritairement au groupe hétérogène, tous étaient des macro-adénomes.

Les autres types fonctionnels étaient plus rares: adénomes gonadotropes 4 %, corticotropes 4 %, thyreotropes 1 % (Fig. 1c). Les patients FIPA étaient diagnostiqués plus jeunes que les sporadiques, et ceux du groupe homogène plus tôt que ceux du groupe hétérogène. Avec la succession des générations dans la même famille, l’âge

TABLEAU 1. —

Les modifications génétiques rapportées dans les adénomes hypophysaires [adapté selon

Beckers A. et Daly A. (47)].

FIG. 1. — La distribution des phénotypes tumoraux hypophysaires parmi les adénomes sporadiques (Daly, 4), le syndrome NEM1 (b) (41) et le FIPA (c) (35).

au diagnostic diminuait, suggérant un effet d’anticipation. Les macroadénomes prédominaient dans le groupe hétérogène, et les microprolactinomes dans le groupe homogène. Les somatotropinomes étaient également distribués entre homogènes et hétérogènes, mais le groupe homogène était diagnostiqué plus tôt du fait d’une présentation plus agressive. Au total, la population FIPA compte presque quatre fois plus d’adénomes à GH que la population NEM1 (Fig. 1).

Caractérisation génétique

Rôle du gène AIP

En 2006, une étude finlandaise a montré que trois mutations inactivatrices du gène AIP (Aryl hydrocarbon receptor Interacting Protein), situé en 11q13.3, étaient associées à des adénomes hypophysaires dans un contexte familial [35]. Les familles étudiées présentaient des adénomes à GH, à PRL ou mixtes PRL-GH. Dès la parution de cette nouvelle, nous avons étudié une cohorte FIPA élargie (156 patients dans soixante-treize familles) et identifié neuf mutations nouvelles dans onze familles FIPA mutées [36]. Les patients porteurs d’une mutation AIP étaient plus jeunes au diagnostic (25 vs 38 ans) et présentaient des tumeurs plus grandes et plus agressives (24 vs 14 mm de diamètre) que les patients FIPA non-mutés. Ceci suggérait une agressivité plus grande pour les adénomes avec mutation

AIP . Ces mutations étaient présentes dans le groupe homogène et dans le groupe hétérogène ;

la majorité d‘entre elles associées à des adénomes à GH ou GH/PRL, mais tous les phénotypes étaient présents. L’étude immuno-histochimique des tumeurs a confirmé que la même mutation pouvait donner des phénotypes tumoraux diffé- rents. En bref, cette étude a permis de montrer que 15 % de l’ensemble des familles FIPA, dont 50 % des familles homogènes pour somatotropinomes, s’expliquent par des mutations au niveau du gène AIP.

Nous nous sommes ensuite attachés à mieux caractériser les adénomes hypophysaires associés à une mutation du gène

AIP . Dans une étude internationale [37], nous avons ainsi identifié 92 patients présentant au total 42 mutations différentes.

Les mutations AIP entraînent effectivement un phénotype souvent agressif. Les patients sont en majorité des hommes (64 %) et présentent souvent leurs premiers symptômes avant la fin de l’adolescence (50 %). Au moment du diagnostic, plus de 90 % sont déjà des macro-adénomes. Les adénomes à GH sont les plus fréquents et 24 patients présentaient un gigantisme (Fig. 2). Ces grandes tumeurs apparaissent plus difficiles à contrôler et nécessitent en général plus de moyens thérapeutiques distincts (medico-chirurgicaux) si on les compare à des adénomes sporadiques.

Pathologie moléculaire du gène AIP

Comme dans le cas de la MEN1, la perte d’hétérozygotie (LOH) observée en 11q13 dans les échantillons tumoraux avec perte de l’allèle normal est compatible avec le modèle de Knudson des gènes « onco-suppresseurs » [35, 38]. AIP est une protéine

FIG. 2. — Don Fermin Arrudi Urrieta dit « le géant Aragonais », 2m29 (1870-1913) de 330 acides aminés, qui par sa région N-terminale appartient à la classe des immunophilines, et présente dans sa région C-terminale une répétition (3x) de 34 acides aminés ( tétratricopeptide repeat ou TPR domain). Cette région, ainsi que l’extrémité C-terminale, est importante pour la liaison avec l’AhR (Aryl Hydrocarbon Receptor), récepteur cytoplasmique en mesure, lorsqu’il est lié par une substance type dioxine de migrer vers le noyau et de se comporter comme un facteur de transcription qui permet l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme des substances polluantes de la famille des dioxines, mais aussi d’autres gènes qui interviennent par exemple dans le contrôle du cycle cellulaire [39]. AIP interagit aussi, principalement à travers ses domaines TPR, avec d’autres protéines comme la survivine,certainesphosphodiestérases(PDE4A5,PDE2A),lePPARα (PeroxysomeProliferator Activated Receptor, type α ) et RET. Le mécanisme par lequel les mutations

AIP permettent la formation d’adénomes hypophysaires n’est pas connu. Toutefois, nombreuses sont les mutations qui affectent directement ou

FIG. 3. — Les mutations du gène

AIP indirectement (protéine tronquée) la région C-terminale (Fig. 3). Les tumeurs hypophysaires dues à une mutation AIP présentent une déstabilisation cytoplasmique de AhR et une perte de la localisation nucléaire de celui-ci [40]. Une activation anormale de la voie de l’AMPc est également possible [41]. Des études fonctionnelles seront nécessaires pour éclaircir le(s) mécanisme(s) perturbé(s) dans le processus adénomateux.

Implications cliniques et perspectives

Les mutations de

AIP représentent donc actuellement la première cause de FIPA.

Cependant, 85 % d’entre elles, dont 50 % des familles homogènes pour somatotropinomes, ne sont pas encore expliquée génétiquement. Le gène CDKN1B n’apparaît pas plus que le gène

MEN1 responsable du FIPA [42, 43]. En collaboration avec le laboratoire de génétique du Pr M. George, nous réalisons actuellement des études complémentaires afin de découvrir le(s) autre(s) gène(s) impliqué(s).

Compte-tenu des manifestations souvent précoces des tumeurs associées aux mutations AIP et de leur agressivité, et des travaux récents rapportant que les mutations germinales de

AIP ne semblent pas responsables d’adénomes sporadiques en dehors de quelques observations chez de jeunes acromégales [44-46], il nous a paru intéressant d’étudier des populations de patients jeunes. Deux études ont ainsi été réalisées.

L’une en collaboration avec le Pr CA Stratakis [47] où nous avons recherché des mutations du gène AIP chez 76 enfants avec maladie de Cushing (une mutation) et 11 enfants avec des formes sporadiques ou familiales d’acromégalie/gigantisme (trois mutations). Ceci démontre que la maladie de Cushing, même dans une population pédiatrique, est rarement associée à des mutations du gène AIP. Par contre les somatotropinomes de l’enfant y sont associés dans près d’un tiers des cas.

Nous avons également évalué la prévalence des mutations du gène AIP chez des patients jeunes (<30 ans) atteints de macroadénomes de tous phénotypes. Sur 125 patients, vingt mutations ou variantes du gène AIP on été observées. Dans tous les cas il s’agissait d’adénomes à GH et/ou à PRL — qui étaient aussi les plus représentés dans cette série, comme il est habituel à cet âge —, avec une prédominance de somatotropinomes purs (13/20) [48]. Les résultats de cette dernière étude nous conduisent à proposer une recherche systématique des mutations du gène AIP, non seulement dans tous les cas d’adénomes familiaux, mais aussi en présence d’adénomes agressifs et/ou somatotropes diagnostiqués chez des personnes jeunes [49].

REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient le Fonds d’Investissement de la Recherche Scientifique (FIRS) (CHU de Liège) pour leur soutien des recherches menées sur le FIPA.

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DISCUSSION

M. René MORNEX

Dans les formes familiales, je n’ai pas entendu de référence aux phéochromocytomes. N’y a-t-il pas des cas reconnus ?

Les formes familiales d’adénomes hypophysaires comprennent la NEM1, le FIPA et le

Complexe de Carney. Dans ces trois formes, il n’y a pas de phéochromocytome. Cependant, il existe une quatrième forme familiale appelée MENX ou NEM4 qui fut décrite récemment chez le rat et ensuite chez l’homme. Le phénotype chez le rat inclut le phéochromocytome, le cancer médullaire de la thyroïde, les adénomes parathyroïdiens, les paragangliomes, les hyperplasies pancréatiques et les adénomes hypophysaires. Ce syndrome comporte donc des points communs avec la NEM1 et la NEM2. Cette maladie est due à une mutation du gène

CDKN1B (p27Kip1) situé sur le chromosome 12. En 2006, l’équipe de Pellegata décrit une famille chez l’homme et un deuxième cas sera rapporté par l’équipe de Aaltonen un peu plus tard mais il n’y avait pas de phéochromocytome chez l’homme.

Monsieur Jacques BATTIN

Qu’en est-il aujourd’hui de la relation entre les adénomes somatotropes et l’induction de tumeurs digestives et de la mise en garde auprès des pédiatres endocrinologues qui useraient de doses élevées d’hormone de croissance biosynthétique, à titre thérapeutique ? Quelle est la réalité de ce risque ?

Les patients acromégales ont plus de polypes coliques adénomateux. Or, ceux-ci sont considérés comme lésions précancéreuses. Dans une étude que nous avons publiée en 1995, le risque était trois fois plus élevé que dans la population appariée. Si on se base sur trois grandes études épidémiologiques publiées assez récemment, le risque de cancer colorectal semble plus élevé chez les acromégales que dans la population normale. Entre 1985 et 2006, le National Coopérative Growth Study (NCGS) a monitorisé l’efficacité et les effets secondaires de l’hormone de croissance recombinante (rhGH) chez plus de 50 000 enfants. Le risque augmenté de présenter une leucémie, évoqué au début du travail, n’a pas été confirmé par la suite. Il n’y a pas eu plus de tumeur maligne intra ou extra-crânienne chez les patients qui n’avaient pas de facteur de risque. Par contre, la survenue d’une deuxième tumeur a été observée dans 49 cas parmi lesquels 37 avaient eu une irradiation de la tumeur initiale. Il est donc possible que le traitement par hormone de croissance puisse dans certaines conditions favoriser le développement d’autres tumeurs.

M. Edwin MILGROM

Comment explique-t-on la pathogénie des tumeurs hypophysaires provoquée par les muta- tions du gène de la ménine et de AIP ? En effet, la ménine, le récepteur de la dioxine ont une distribution quasi-ubiquitaire. Pourquoi les mutations de leurs gènes n’ont de conséquences que dans certaines cellules endocrines ? Y-a-t-il des comparaisons de transcription entre les adénomes et les cellules hypophysaires normales ? A-t-on pu ainsi définir les voies de signalisation métabolique activées ou réprimées ?

Actuellement, on ne sait toujours pas comment des mutations des gènes AIP ou MEN1 conduisent à la formation de tumeurs. Dans les deux cas, il s’agit de gènes suppresseurs.

S’agissant de AIP, on sait que cette protéine interagit avec AhR (pour Aryl Hydrocarbon Receptor) et des « Heat shock Protein » de 90 kiloDaltons (HSP 90). AhR est impliqué dans les interactions que la cellule peut avoir avec les substances toxiques comme la dioxine. La liaison dioxine AhR conduit un transfert du complexe vers le noyau ou AhR se comporte en facteur de transcription favorisant l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme des xénobiotiques (comme la dioxine) mais aussi dans la croissance cellulaire, des interactions cellules cellules, le contrôle du cycle cellulaire. Mais on ne sait pas si AhR a quelque chose à voir avec la formation des tumeurs. AIP interagit par ailleurs avec d’autres facteurs tels PPARα, survivin, RET et les phosphodiestérases PDE4A5 et PDE2A. Il y a donc interaction avec la voie de l’AMP cyclique mais on ne sait pas par lequel de ces mécanismes d’interaction déjà connu ou par quel autre mécanisme les mutations de AIP produisent des tumeurs. Il faut rappeler que la responsabilité de AIP dans le

FIPA est connue seulement depuis 2006 et dès lors il y a eu peu de temps pour trouver la ou les clés. S’agissant de la ménine, le gène est connu depuis 1997 (publications du groupe de Steven Marx du NIH). Depuis lors, on lui connaît au moins vingt-cinq partenaires sérieux mais aucun n’apparaît définitivement important en physiopathologie. MLL et junD ont reçu la plus grande attention et des mécanismes de tumorogénèses ont été proposés mais non démontrés. Notamment, grâce à des comparaisons de transcriptions entre adénome et hypophyse normale, on a pu approcher des voies de signalisation. Cependant, à ce jour, les preuves définitives de la responsabilité dans la genèse des adénomes manquent.

 

<p>* Endocrinologie, CHU de Liège, Université de Liège, Domaine universitaire du Sart-Tilman, 4000 Liège — Belgique, e-mail : albert.beckers@chu.ulg.ac.be ** Médecine expérimentale, Université de l’Aquila, Via Vetoio, Coppito 2 — 67100 L’Aquila et Institut Neuromed, IRCCS, Via Atinense 18, 86077 Pozzoli — Italie Tirés à part : Professeur Albert BECKERS, même adresse Article reçu et accepté le 26 octobre 2009</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 7, 1557-1571, séance du 27 octobre 2009