Résumé
L’introduction des techniques de génétique moléculaire a bouleversé le champ des affections neuromusculaires héréditaires. Ceci est illustré par l’exemple des dystrophies musculaires non myotoniques. De cinq entités classiquement décrites sur des bases clinicopathologiques, on est passé aujourd’hui à une quarantaine d’affections identifiées dans leur grande majorité aux niveaux génique et moléculaire. Les conséquences de cette complexité croissante sont majeures et doivent être analysées aux plans clinique et nosographique.
Summary
The introduction of molecular genetics has deeply transformed the field of hereditary neuro-muscular disorders. This is illustrated by the example of non-myotonic muscular dystrophies. From five classically described entities on a clinico-pathological basis, the number of disorders identified on a genic and molecular basis is to-day about fourty. The consequences of this growing complexity should be carefully analyzed on clinical and nosographical grounds.
* Membre correspondant de l’Académie des Sciences
Directeur Médical et Scientifique de l’Institut de Myologie — Hôpital de La Salpêtrière — Bâtiment Babinski — 83, Bd de l’Hôpital — 75651 Paris cedex 13.
Tirés-à-part : Professeur Michel Fardeau, à l’adresse ci-dessus.
Article demandé le 18 mars 2002, accepté le 10 juin 2002
INTRODUCTION
L’année 1987 a marqué l’entrée de la pathologie musculaire humaine dans une ère nouvelle, dominée par la génétique moléculaire. Cette année vit en effet le clonage du gène dont les altérations étaient responsables de la myopathie décrite 120 ans plus tôt par Duchenne de Boulogne et l’identification de la protéine dont la déficience provoquait les lésions des fibres musculaires squelettiques, la dystrophine [2, 3].
Pour la première fois en médecine, une technique d’analyse directe du génome, grâce à une localisation définie en cytogénétique, a permis d’identifier un gène dont le produit n’était pas connu. Depuis cette date, dans leur grande majorité, les gènes impliqués dans les affections musculaires héréditaires ont été localisés sur le génome, et pour nombre d’entre eux, leur expression, c’est-à-dire la protéine déficiente, a été identifiée. Ceci a donné une définition moléculaire à des affections dont l’identification était jusque-là clinique et histopathologique. Le panorama de la pathologie neuromusculaire en a été bouleversé.
LA NOSOGRAPHIE DES DYSTROPHIES MUSCULAIRES NON MYOTONIQUES AVANT 1987
La période précédente, qui s’étend de 1954 à 1987, avait permis, essentiellement grâce à l’application des techniques de biologie cellulaire appliquées aux prélèvements biopsiques musculaires, de reconnaître la grande diversité des affections musculaires héréditaires et de les classer schématiquement sous cinq grandes rubriques : les dystrophies musculaires, caractérisées par une formule histopathologique de nécrose-régénération des fibres musculaires ; les myopathies dites « congénitales » définies par des anomalies de structure des fibres musculaires ; les myopathies dites « métaboliques », dues à des altérations des différentes voies métaboliques intracellulaires ; les atrophies musculaires d’origine neuropathique, et les désordres affectant la jonction neuromusculaire.
Pour les dystrophies musculaires, terme créé en 1891 par Erb pour rassembler les descriptions faites avant lui par Duchenne, par Landouzy et Dejerine, par Moebius, Leyden et par lui-même, la classification retenue en 1987 était celle, classique, proposée par Walton et Natrass en 1954 [5] ; cette classification comportait trois entités principales pour les dystrophies non myotoniques : la dystrophie de Duchenne, récessive liée au sexe, la dystrophie facio-scapulo-humérale, de transmission autosomique dominante, et une « dystrophie des ceintures », incluant majoritairement les dystrophies juvéniles décrites par Erb [6], en règle autosomiques récessives. D’autres cadres étaient plus sommairement évoqués, comme celui des myopathies distales et des dystrophies musculaires congénitales.
Entre 1954 et 1987, cependant, un certain nombre de nouvelles entités étaient identifiées et certaines questions revenaient de façon régulière :
— la question des formes « bénignes » de dystrophies de type Duchenne (Becker et Kiener, 1955 [7]) et la situation nosographique des dystrophies musculaires de type Duchenne, de transmission autosomique récessive, fréquentes dans des pays comme la Tunisie [8] ;
— le problème des dystrophies musculaires congénitales, qui était relancé par la description de formes sévères associées à de graves anomalies du développement cérébral et fréquentes au Japon [9] ;
— l’existence d’une forme particulière, huméro-péronéale, avec des rétractions précoces et marquées, associée à l’existence d’une atteinte myocardique sévère, transmise selon un mode récessif lié au sexe [10].
— enfin, le concept même de dystrophie des ceintures proposé par Walton et Natrass était discuté dans sa réalité même par certains experts [11].
Telles étaient les principales questions qui se posaient dans le champ des dystrophies musculaires en 1987. Leur élucidation a contribué fortement au renouveau de cette pathologie dystrophique.
LES AVANCÉES DANS LA CONNAISSANCE DES DYSTROPHIES MUSCULAIRES NON MYOTONIQUES
Les dystrophies musculaires sévères de l’enfance, de transmission autosomique récessive
Cet intitulé a été proposé dès 1983 pour décrire des dystrophies musculaires très fréquentes en Tunisie, dont l’aspect clinique, la sévérité évolutive étaient très proches de celle de la myopathie de Duchenne, mais qui touchaient également filles et garçons, et dont l’analyse génétique était compatible avec une transmission autosomique récessive (Ben Hamida, Fardeau, Attia, 1983 [8]). Lorsque des anticorps furent disponibles, la dystrophine y fut trouvée normalement présente. Or, dès cette date, K. Campbell et son groupe avait mis en évidence par des techniques de fractionnement biochimique des membranes musculaires, une série de protéines liées à la dystrophine [12]. De la collaboration entre ce groupe et le nôtre devait venir la découverte dans ces dystrophies, dites alors maghrébines, d’une nouvelle déficience protéique en une glycoprotéine de 50 kD de poids moléculaire [13]. Celle-ci fut d’abord dénommée adhaline (de l’arabe « adhal » : muscle).
Les progrès en biologie moléculaire devaient rapidement montrer que ces protéines liées à la dystrophine formaient un complexe membranaire [14, 15] (Fig. 1). L’adhaline faisait partie en fait d’un sous-complexe de « sarcoglycanes » dont les quatre composantes : α, β, γ, δ, se révélèrent être chacune à l’origine, par leur déficience, de dystrophies musculaires. L’α-sarcoglycane fut impliquée initialement dans une famille d’origine française [16, 17] et les myopathies « tunisiennes » se révélèrent être liées à une déficience en une gamma-sarcoglycane [18], les mutations furent également identifiées dans les gènes correspondants aux β [19, 20] et δ sarcoglycane [21] [Tableau I].
Fig. 1. — Complexe des protéines associées à la dystrophine. D’après Allamand et coll.
Hum. Mol.
Genet. , 2000, 9 , 2459.
Ces sarcoglycanopathies ont une sévérité clinique très variable, mais leur phénotype clinique est proche de celui des dystrophies de type Duchenne/Becker.
Les dystrophies musculaires congénitales
Il était difficilement imaginable, à la fin des années 80, que le champ si confus, aux limites si floues, des dystrophies musculaires congénitales se révélerait aussi fécond en nouvelles entités grâce à la génétique moléculaire.
Les premiers travaux histopathologiques effectués avaient attiré l’attention sur les désordres de la matrice extracellulaire dans ces dystrophies. Les travaux portant sur certaines composantes de cette matrice, les laminines, avaient montré leurs liens avec l’un des éléments du complexe membranaire « lié à la dystrophine », l’α-dystro-
Tableau 1.
Localisation génique et mécanisme moléculaire des principales dystrophies musculaires.
glycane. L’utilisation d’anticorps contre ces laminines, spécifiques du tissu musculaire, devait révéler une absence complète de marquage membranaire avec l’anticorps révélant la chaîne α de la mérosine (Tomé et al , 1994 [22]), dans environ 50 % 2 des dystrophies musculaires congénitales observées dans notre pays [23]. Des mutations furent rapidement identifiées dans le gène codant pour cette protéine (Helbling-Leclerc et al , 1994 [24]).
Parallèlement, le gène impliqué dans les dystrophies musculaires congénitales avec atteinte du système nerveux central de type Fukuyama était localisé sur le chromosome 9, puis identifié [25], codant pour une protéine nommée fukutine [26], dont la fonction reste encore aujourd’hui imprécise. Tout récemment, l’implication d’un gène codant pour une protéine présentant une grande homologie avec la fukutine a été démontrée dans une forme particulière de dystrophie musculaire congénitale avec retard mental et hypertrophie musculaire (Brockington et al , 2000 [27]).
D’autres formes particulières de dystrophie musculaire congénitale ont été également identifiées au niveau génique, en particulier l’affection dénommée « Muscle Eye Brain Disease », décrite initialement en Finlande [28].
Le nombre de formes différentes par leur sémiologie, leur contexte clinique, l’existence ou non d’un retard mental ou d’anomalies du système nerveux central associées ne cesse de s’allonger, ainsi que l’identification de nouveaux gènes impliqués dans les « dystrophies musculaires congénitales ». C’est ainsi qu’une forme particulière, associée à un « syndrome de la colonne raide » a permis l’identification d’un nouveau gène [29] et que des formes également singulières sur le plan clinique par l’existence d’une hyperextensibilité remarquable des extrémités, décrite dès 1930 par Ullrich [30], ont été assignées à des anomalies portant sur le collagène VI (Tableau 2).
Les dystrophies des ceintures
Le concept de « Dystrophie des Ceintures » était en 1987 discuté dans sa réalité même, tant ce diagnostic était devenu un diagnostic de facilité devant toute forme de déficit musculaire proximal de l’adulte. La découverte, en cette même année 1987, à l’Ile de La Réunion, d’une série de patients présentant de façon homogène toutes les caractéristiques de la dystrophie décrite par Erb en 1884 et répondant aux critères proposés par Walton et Natrass en 1954 [5], devait permettre de répondre à cette question. Ces patients, apparentés entre eux pour la plupart, appartenaient tous à un isolat génétique situé dans les Hauts de Saint-Pierre au sud de l’île (Fardeau et al , 1996) [32]. La génétique moléculaire devait permettre dans un premier temps de localiser le gène responsable sur le chromosome 15 (Beckmann et al , 1991)[33], puis après addition de familles d’origine Amish et Brésiliennes, et plusieurs années de travail de clonage positionnel, d’identifier des mutations dans un gène codant pour une protéase calcium-dépendante, spécifique du tissu musculaire, la calpaïne 3 (Richard et al , 1996)[34]. Dès lors, il était possible d’établir avec précision ce diagnostic pour les patients en France métropolitaine, puis dans différents pays
Tableau 2.
Localisation génique des principales dystrophies musculaires congénitales.
européens, au Japon, et de retrouver d’autres foyers comportant un effet fondateur probable, comme celui existant dans la population basque [35]. La dystrophie musculaire avec déficience en calpaïne 3 est en fait aujourd’hui considérée comme l’une des plus fréquentes dystrophies de l’adolescent et de l’adulte.
Les dystrophies musculaires de type Emery-Dreifuss
Les dystrophies musculaires identifiées par Emery et Dreifuss étaient remarquables non seulement par la topographie huméro-péronéale de l’atteinte musculaire, mais également par la précocité des rétractions et l’association à une atteinte cardiaque sévère aboutissant à une paralysie atriale. Sans doute, peut-on noter qu’une atteinte
myopathique de ce type avait été antérieurement décrite par Cestan et Lejonne dans la Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière dès 1902 [36]. Dans la famille identifiée par Emery et Dreifuss, l’affection était transmise selon un mode récessif lié au sexe.
Une localisation sur le chromosome X en q28 fut établie, puis l’analyse en génétique moléculaire permit d’identifier des mutations dans un gène codant pour une protéine de l’enveloppe nucléaire, l’emerine (Bione et al. , 1994) [37].
La découverte d’une grande famille française, présentant la même sémiologie clinique, avec une atteinte cardiaque ayant conduit à la greffe chez deux des personnes atteintes [39], mais avec une transmission autosomique dominante, devait permettre à notre groupe d’identifier des mutations dans un gène codant pour une autre protéine de l’enveloppe nucléaire existant sous deux isoformes, les lamines A et C (Bonne et al ., 2000, [38])
Voici pour l’élucidation de quatre questions qui se posaient de façon récurrente avant l’arrivée de la génétique moléculaire. Mais celle-ci a permis d’avancer dans d’autres domaines de la pathologie dystrophique. Par exemple, dans les myopathies distales, dont une forme particulière avait été identifiée au Japon (Miyoshi, 1986 [40]), de transmission autosomique récessive. Celle-ci fut d’abord localisée sur le bras court du chromosome 2 avant que son gène ne soit identifié, codant pour une nouvelle protéine nommée dysferline [41]. Celle-ci a été depuis localisée sur la membrane des fibres musculaires. Le même gène, la même protéine étaient impliqués au même moment dans une dystrophie musculaire où dominait une atteinte proximale de la musculature des membres [42].
Dans des myopathies plus rares, considérées comme dystrophiques, de transmission dominante autosomique, d’autres gènes ont été identifiés : par exemple, des gènes codant pour des protéines sarcomériques, comme la myotiline (« LGDMD 1A ») [43], ou la téléthonine (« LGMD 1G) [44], soit pour des protéines membranaires comme la cavéoline 3 (« LGMD 1C ») [45].
Des dystrophies musculaires majeures ou classiques, seule la myopathie facioscapulo-humérale n’est toujours pas complètement connue au niveau génique et moléculaire. L’anomalie génique en a été bien caractérisée (délétion de segments répétitifs à la partie télomérique du chromosome 4) [46], mais aucun gène n’a été identifié dans cette région, et d’autres mécanismes lésionnels sont donc envisagés.
LES RAISONS DE L’ACTUELLE COMPLEXITÉ
Ainsi, depuis l’introduction des techniques de génétique moléculaire, le champ des dystrophies musculaires héréditaires s’est singulièrement étoffé. De cinq entités principales au début des années cinquante, nous sommes aujourd’hui passés à environ une quarantaine d’affections identifiées dans ce groupe.
Mais ce champ est en même temps devenu beaucoup plus complexe, et ce pour plusieurs raisons. La première raison est l’hétérogénéité clinique des manifestations
entraînées par les anomalies de chacun des gènes identifiés. Cette variabilité d’expression peut porter sur l’intensité de l’expression clinique, allant pour un même gène de formes sévèrement atrophiques et déficitaires à de simples intolérances à l’effort ou à une simple élévation isolée des créatine-kinases sériques. Ceci vaut pour les déficiences en dystrophine, en sarcoglycanes, en calpaïne 3… Une déficience en « fukutine II » a été reconnue à la fois dans une dystrophie musculaire congénitale sévère [27] et dans des dystrophies de l’enfant ou de l’adulte jeune considérées comme dystrophie des ceintures (« LGMD 2I ») [47].
L’hétérogénéité peut porter non seulement sur la sévérité, mais aussi sur le patron d’expression même de l’affection : les dysferlinopathies, tantôt à prédominance distale, tantôt à prédominance proximale, y compris dans une même famille, en sont un exemple. Dans les déficiences en lamine A/C, l’expression est tantôt musculaire et cardiaque, tantôt uniquement cardiaque, tantôt sous forme de lipodystrophie [48].
A cette hétérogénéité clinique se superpose une hétérogénéité génétique , c’est-à-dire qu’un même tableau clinique peut être réalisé par des mutations affectant des gènes différents. On sait aujourd’hui que le tableau clinique si évocateur de la myopathie de Duchenne, avec l’augmentation très importante des créatine-kinases sériques, sa formule histopathologique de nécrose-régénération, avec augmentation du tissu conjonctif endomysial, peut être dû par exemple à une anomalie des sarcoglycanes, ou à une atteinte liée à une déficience en « fukutine II ». D’où l’importance des techniques immunocytochimiques pour la reconnaissance de ces affections et de la génétique moléculaire.
Le diagnostic d’une dystrophie des ceintures par déficience en calpaïne est très délicat dans les premiers stades, ou dans les stades les plus avancés de l’affection.
Une intolérance à l’exercice « pseudo-métabolique » avec élévation permanente et marquée des créatine-kinases, peut être réalisée par une déficience en dystrophine, en sarcoglycanes, en calpaïne 3, en cavéoline 3…. Enfin, nous avons vu la multiplicité des gènes qui peuvent intervenir dans la production d’une dystrophie musculaire congénitale, avec une atteinte musculaire diffuse, axiale et périphérique, les rétractions, l’hypotonie et le retard des acquisitions motrices qui la caractérisent.
Cette complexité croissante a obscurci les frontières entre les dystrophies musculaires et les autres groupes d’affections musculaires. Parmi les affections considérées comme dystrophiques, certaines affectent en effet les protéines sarcomériques, comme le font nombre de cardiomyopathies hypertrophiques et certaines myopathies dites congénitales. D’autres affections, également dénommées dystrophiques, comme la dystrophie musculaire oculo-pharyngée, comportent des inclusions intranucléaires particulières (Tomé et Fardeau, 1980)[50], et sont caractérisées aujourd’hui par des anomalies géniques de type triplet répétitif, dans un gène codant pour un facteur nucléaire de polyadénylation, PABP2 [49], ce qui les rapproche au plan physiopathologique d’autres maladies nerveuses dégénératives caracté- risées par de telles anomalies géniques et par des inclusions intranucléaires. La situation nosographique par rapport aux dystrophies d’affections caractérisées par
des inclusions filamentaires de taille différente (myopathies à inclusion héréditaires) et dont les gènes commencent à être identifiés est encore en discussion.
CONCLUSIONS
Devant cette complexité croissante, deux exigences s’imposent aujourd’hui :
— celle d’une nosographie revue et clarifiée, — celle d’une analyse clinique renouvelée.
La nosographie actuelle n’est pas satisfaisante. Pour des raisons d’apparente simplicité, une énumération fondée sur la chronologie de découverte des loci géniques, placées sous le sigle « LGMD » (limb-girdle muscle dystrophies) a été proposée, séparant seulement formes de transmission dominante et récessive. Cette nosographie, toujours utilisée, n’a aucune base clinique — si l’on se réfère en particulier aux critères proposés par Walton et Natrass pour reconnaître « les dystrophies des ceintures », d’autant que ces dernières ont aujourd’hui retrouvé une définition clinique [32] et moléculaire [34] précise. Une nosographie plus explicite, incluant la déficience moléculaire et, sinon, la localisation génique, doit aujourd’hui être proposée.
Quant à l’analyse clinique, elle reste première, non seulement pour la reconnaissance de l’affection en cause, quelles qu’en soient les difficultés, mais aussi pour l’approche physiopathologique de ces affections. Etayée par l’imagerie musculaire — scanner X ou IRM —, elle permet en effet de caractériser de la façon la plus précise possible la sélectivité d’atteinte des différents territoires musculaires. Cette analyse est fondamentale pour l’orientation diagnostique initiale ; elle sera déterminante pour la connaissance des mécanismes qui sous-tendent la détérioration progressive du tissu musculaire.
REMERCIEMENTS
Nombre des résultats présentés dans cette revue ont été obtenus grâce à la collaboration étroite avec les membres de l’Unité INSERM 523, en particulier F.M.S. Tomé, N.B.
Romero, P. Guicheney, A. Helbling-Leclerc, G. Bonne, K. Schwartz, et grâce à l’excellence du travail effectué par M. Chevallay, H. Collin, A. Rouche, V. Ortega.
La collaboration des chercheurs du Généthon, (en particulier J.S. Beckman, I. Richard), du laboratoire de Biochimie Génétique de l’Hôpital Cochin, (en particulier J.C Kaplan, F. Leturcq, D. Recan), des médecins de l’Hôpital de Saint-Pierre Ile de la Réunion (en particulier C. et D. Mignard), avec les groupes dirigés par K.P Campbell (Iowa City University), V. Dubowitz, F. Muntoni (Hammersmith Hospital London), T. Voit (Neuropédiatrie, Essen), Y. Fukuyama, M. Osawa (Women’s Medical University, Tokyo) a été déterminante pour l’obtention de ces résultats. Les travaux figurant dans cette revue ont été financés essentiellement par l’INSERM et l’Association Française contre les Myopathies (A.F.M).
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[43] Hauser M.A., Horrigan S.K., Salmikangas P., et al .— Myotilin is mutated in limb-girdle muscular dystrophy 1A.
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DISCUSSION
M. Philippe MONOD-BROCA
Pourquoi faites-vous partir de 1861 votre historique des myopathies alors que Paul Broca a décrit le premier cette maladie en 1847, lui a attribué son origine musculaire alors que, prenant l’effet pour la cause, Cruveilhier et Duchenne lui-même en faisaient une maladie d’origine médullaire en raison de l’atrophie des cornes antérieures ?
Le bref rappel historique fait au début de cette présentation ne concernait que les formes majeures de dystrophies musculaires non myotoniques et donc mentionnait en premier la
paralysie pseudo-hypertrophique et myosclérosique décrite par Duchenne à partir de 1861, et qui porte aujourd’hui son nom. Comme Duchenne l’avait mentionné lui-même, d’autres cas avaient été décrits avant lui, en particulier en Angleterre par Edward Meryon, ainsi que l’ont rappelé dans un livre récent Alan et Marcia Emery. A ma connaissance, l’apport de Paul Broca concerne l’Atrophie Musculaire Progressive et non la myopathie de Duchenne. Effectivement Cruveilhier et Duchenne ont admis l’origine neuropathique de cette Atrophie Musculaire Progressive, à la suite de l’autopsie du saltimbanque Lecomte. Les travaux ultérieurs, en particulier ceux de Charcot et ceux de Landouzy et Déjerine ont par la suite montré que sous ce terme étaient en fait rassemblés des éléments hétérogènes, dont certains avaient une origine nerveuse et d’autres une origine proprement musculaire.
M. Pierre JUILLET
Quel est l’état actuel de nos connaissances sur les relations entre les dystrophies musculaires héréditaires et l’hyperthermie maligne ? L’origine de celle-ci est classiquement liée à une anomalie du calcium dans la fibre musculaire.
La susceptibilité à l’hyperthermie maligne est associée dans de nombreux cas à une myopathie congénitale, nommée ‘Central Core Disease’. Cette association, démontrée initialement sur des données cliniques et génétiques par Denborough (1973) a aujourd’hui une base génique et moléculaire définie, au niveau du récepteur de la Ryanodine (RYR1). De nombreux travaux ont cependant montré que cette susceptibilité à l’hyperthermie maligne était génétiquement hétérogène, et pouvait impliquer plusieurs autres gènes. Les mutations du récepteur de la ryanodine interfèrent avec les flux calciques intracellulaires.
M. André-Laurent PARODI
Peut-on entrevoir, à partir de ce que commencent à livrer les modèles transgéniques en matière de déterminisme génique de la myogenèse, des raisons à la multiplicité de ces avatars du développement musculaire que sont les dystrophies musculaires héréditaires ?
Parmi les pistes explorées actuellement pour comprendre le mécanisme de la sélectivité d’atteinte des différents territoires musculaires dans une dystrophie, l’analyse des phénomènes cellulaires impliqués dans la genèse, la détermination myogénique et la migration des différentes populations de myoblastes au cours du développement embryonnaire est l’une des plus intéressantes. L’obtention d’animaux transgéniques pour un grand nombre des gènes impliqués dans les dystrophies musculaires, ou intéressant le développement musculaire, est évidemment très précieuse pour explorer ce type d’hypothèse.
M. Claude-Henri CHOUARD
Où en sont les espoirs thérapeutiques ?
Mon exposé n’a pu aborder la mise au point de thérapeutiques nouvelles, puisque, aujourd’hui encore, la prise en charge médicale des patients atteints de dystrophie repose sur des traitements certes majeurs (orthopédiques, respiratoires ou chirurgicaux), mais purement symptomatiques. Les travaux sur les mécanismes cellulaires impliqués dans le
développement musculaire ont conduit à proposer des greffes de cellules myogéniques pour réparer les lésions dystrophiques ; les résultats obtenus à ce jour sont encore très insuffisants sur le plan fonctionnel pour la musculature squelettique ; en revanche, des résultats intéressants ont été obtenus récemment par des greffes de myoblastes squelettiques dans les zones myocardiques infarcies après lésion coronarienne. Quant aux travaux visant à transférer les gènes dans les cellules musculaires ou à réparer ceux-ci, ils en sont pour l’essentiel au stade expérimental, avec des résultats souvent très encourageants, dans plusieurs laboratoires au monde et en particulier dans les laboratoires français.
Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 6, 1035-1049, séance du 18 juin 2002