Publié le 28 février 2022

Covid-19 et maladies cardiovasculaires : des liaisons dangereuses

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Covid-19 et maladies cardiovasculaires : des liaisons dangereuses

Communiqué de l’Académie nationale de médecine

28 février 2022

 

La prise en charge des maladies cardiovasculaires, première cause de mortalité dans le monde, a été retardée ou négligée pendant la pandémie de Covid-19. Pourtant, ces deux affections ont de multiples interactions qui font l’objet de nombreuses études. L’entrée du SARS-CoV2 dans la cellule utilise le récepteur membranaire ACE2 (enzyme de conversion de l’angiotensine 2).

Ce récepteur est une enzyme dont la structure et les substrats sont différents de ceux de ACE1 (enzyme de conversion de l’angiotensine 1), ce qui explique que les inhibiteurs de ce dernier (IEC) et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA-II ou sartans), très employés en cardiologie notamment pour traiter l’hypertension artérielle ou les suites d’infarctus du myocarde, n’ont aucun effet sur ACE2.

Il est rapidement apparu que les patients souffrant de maladie cardiovasculaire, ainsi que les patients à haut risque cardiovasculaire, avaient un risque accru de développer une forme grave de Covid-19. Les complications survenant au cours de la phase immuno-inflammatoire de la Covid 19, dominées par les atteintes pulmonaires, touchent souvent le système cardiovasculaire sous la forme d’accidents thromboemboliques, mais aussi d’insuffisance cardiaque (liée à une myocardite ou d’autre cause), d’arythmies… [1].

En revanche, l’emploi des IEC et des ARA-II chez des patients atteints de Covid-19 ne semble pas associé à une surmortalité, ni à un risque accru d’hospitalisation ou de recours à la ventilation assistée, suggérant qu’il ne faut pas interrompre ces traitements en cas d’infection par le SARS-CoV-2 [2].

La vaccination contre le SARS-CoV-2 peut aussi être la cause d’atteinte inflammatoire du péricarde ou du myocarde, en particulier chez l’adolescent ou l’adulte jeune de sexe masculin [3], mais beaucoup plus rarement qu’après la Covid-19 [4].

Chez l’enfant, une myocardite peut s’observer au cours du « syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique » (PIMS), évènement très rare mais potentiellement grave survenant quelques semaines après l’infection par le SARS-CoV-2.

Jusqu’à présent les séquelles cardiovasculaires survenues au décours de la phase aiguë de la Covid-19 (Covids longs) étaient rapportées uniquement chez des patients hospitalisés, dans de petites séries et avec une durée de suivi brève [5].

Pourtant, une étude américaine a montré des signes d’atteinte péricardique chez 39,5% d’étudiants sportifs universitaires convalescents de Covid-19 [6]. Plus récemment, une vaste étude effectuée chez des vétérans américains rapporte que des complications cardiovasculaires tardives après Covid-19 peuvent survenir chez tous les patients, avec ou sans antécédents ou facteurs de risque cardiovasculaires, ayant été hospitalisés ou non. Cette étude contrôlée comparait 153 700 sujets (89% d’hommes, âge moyen 61.4 ans) un mois après infection Covid-19, à deux cohortes de 5 millions de sujets témoins. L’augmentation du risque de maladies cardiovasculaires (cardiopathies ischémiques et non ischémiques, dysrythmies et autres) persistait pendant l’année de suivi chez tous les patients, même chez ceux qui n’avaient pas été hospitalisés [6]. Ces résultats sont à confirmer sur des cohortes de sujets plus jeunes, avec un sexe ratio équilibré, prenant en compte les variants Delta et Omicron, avec des périodes de suivi plus prolongées. Ils font présager une augmentation significative des maladies cardiovasculaires dans le monde.

 

Si les mécanismes pathogéniques liant les maladies cardiovasculaires à la Covid-19 restent encore à préciser, l’Académie Nationale de Médecine rappelle :

  1. qu’une vaccination complète est le moyen le plus efficace pour éviter la survenue de complications cardiovasculaires après Covid-19 ;
  2. que les patients traités par IEC ou ARA-II ne doivent pas interrompre leur traitement ;
  3. que, dans l’attente de résultats d’études complémentaires (fondamentales, épidémiologiques et cliniques), une surveillance cardiovasculaire clinique s’impose chez tous les sujets ayant une infection Covid-19, même bénigne, notamment chez les patients à fort risque cardiovasculaire, avec renforcement des mesures de prévention contre une réinfection par le SARS-CoV2.

 

Références :

  1. Filippetti L et al. Myocardite et covid-19, mythe ou réalité ?Arch Mal Coeur Vaiss Pratique. 2020 ; (291) : 5-10.
  2. Georges JL et al. Association entre l’hypertension artérielle, les traitements inhibiteurs du système rénine angiotensine et les formes graves de COVID-19. Étude prospective monocentrique française. Ann Cardiol Angeiol (Paris). 2020 ; 69(5) : 247-54.
  3. Rapport EPI-PHARE. Association entre les vaccins COVID-19 à ARN messager et la survenue de myocardite et péricardite chez les personnes de 12 à 50 ans en France. Étude à partir des données du Système National des Données de Santé (SNDS), 8 novembre 2021.
  4. Patone et al. Risks of myocarditis, pericarditis, and cardiac arrhythmias associated with COVID-19 vaccination or SARS-CoV-2 infection. Nat Med, 2021 ; 28 : 410-22.
  5. Di Toro A et al. Long COVID: long-term effects?European Heart Journal Supplements 2021, 23 (Supp E) : E1–E5.
  6. Brito D et al. High Prevalence of Pericardial Involvement in College Student Athletes Recovering From COVID-19. J Am Coll Cardiol Img. 2021, 14 (3) : 541–5.
  7. Xie Y. et al. Long Term Cardiovascular Outcomes of Covid 19. Nature Medicine – 07 février 2022