Résumé
Les laboratoires d’analyse identifient et quantifient un nombre impressionnant de nouveaux polluants présents, en faible teneur, dans les eaux. Le développement des nanostructures ajoute une nouvelle source d’inquiétude sanitaire. Ces polluants sont appelés ‘‘ émergents ’’ car ils n’étaient pas recherchés ou détectés par le passé ; ils sont identifiés dans de très nombreuses ressources en eau continentale sur la planète (plastifiants, médicaments, sousproduits de chloration, polluants organiques persistants…). Les effets biologiques liés à ces molécules et leurs mélanges avec les polluants jugés plus ‘‘ classiques ’’ sont également nouveaux comme le sont les effets perturbateurs endocriniens. Les contaminations sont présentes dans les ressources superficielles et souterraines, ou peuvent être générées au cours des traitements et peuvent apparaître dans les réseaux de distribution et lors du stockage de l’eau potable. Dans les pays développés, l’eau n’est pas le seul ni le principal apport en polluants émergents pour l’Homme (alimentation, cosmétiques, pollution de l’air). Pour protéger la biodiversité et la santé humaine, des actions doivent être développées : évaluation quantitative des risques, progrès dans la connaissance de la toxicologie des mélanges et de leurs effets chroniques, stratégie de prévention de la contamination des ressources, sauts technologiques dans les filières d’assainissement des eaux usées, fiabilisation de la production d’eau de consommation humaine et développement de nouveaux matériaux de transport et de stockage inertes. Un assainissement de qualité et une eau de consommation sans risques sanitaires sont les éléments de base du bien être et de la santé. Compte tenu de la situation, des actions majeures doivent être engagés pour réduire les risques et les investissements lourds qui en découlent doivent être guidés par une évaluation objective et rigoureuse des risques pour l’environnement et la Santé Publique.
Summary
Analytical laboratories can now identify and quantify an impressive number of ‘‘ new ’’ pollutants present at very low concentrations in water. Nanotechnology products are a new cause for concern. ‘‘ Emerging ’’ pollutants are defined as substances that were not previously sought or detected (plasticizers, drugs, chlorination byproducts, persistant organic pollutants, …) and that are now being identified in many continental water resources. The biological actions of these substances, alone and in combination with other more ‘‘ classical ’’ pollutants, include such effects as endocrine disruption. Contaminants may be present in surface and groundwater resources, may be generated during treatment, and are found in drinking water distribution networks. In industrialized countries, the main source of emerging pollutants for humans is not water, but rather food, cosmetics and air. Urgent measures are needed to protect biodiversity and human health, including quantitative risk assessment, toxicologic studies of xenobiotic mixtures and chronic effects, strategies to protect water resources, technological advances in wastewater treatment, reliable potable water production, and new inert materials for transport and storage. Good sanitation and safe tap water are major contributors to human health and well-being. Major efforts and investments are needed, based on rigorous, objective assessments of risks for the environment and public health.
INTRODUCTION
La progression spectaculaire du nombre de molécules issues des activités humaines détectées dans notre environnement induit une situation critique que doivent affronter les gestionnaires du cycle de l’usage des eaux (eaux de consommation, agroalimentaire, hygiène industrielle et établissements de soins, loisirs aquatiques, irrigation …). 11 300 lecteurs du British Medical Journal ont voté, en 2007, pour élire la plus importante révolution sanitaire depuis 1840. Le vote a placé en tête, légèrement devant la découverte des antibiotiques et le développement de l’anesthésie, ce que les anglo-saxons appellent ‘‘ sanitation ’’ et qui regroupe la collecte et l’assainissement des eaux usées et le traitement et la distribution des eaux de consommation humaine [1]. Ces éléments majeurs de l’hygiène collective sont ainsi clairement classés comme des bienfaits majeurs que l’homme ait pu concevoir et développer pour protéger la santé publique. Ainsi, il n’est nul investissement important accompli dans le domaine de la gestion des usages de l’eau qui ne soit guidé par des contraintes sanitaires et ce, depuis l’antiquité.
Les civilisations antiques de la Méditerranée avaient déjà compris, développé et intégré dans la conception des villes, la nécessité de capter et protéger les eaux les plus saines en amont des communautés humaines pour un usage de propreté et d’alimentation et de collecter et évacuer les eaux usées et contaminées au plus loin en aval [2].
La pollution a, fort logiquement, évolué avec le développement de l’innovation et de la production industrielle en passant de la période du métal (ex: contamination par le plomb) à celui de la chimie fine [3]. Les impacts sanitaires ont suivi la même évolution en faisant apparaître les intoxications par les métaux et le terrible épisode de la contamination de la baie de Minamata (Japon) par le mercure [4] jusqu’à atteindre de nos jours une multi-exposition complexe des populations à de faibles doses de molécules organiques ou minérales. Ce problème représente un défi extrê- mement complexe auquel sont confrontés les scientifiques et les autorités sanitaires de tous les pays préoccupés par le développement de l’espérance de vie.
Produire 24 heures sur 24, à chaque point d’usage du réseau de distribution et toute l’année une eau de consommation humaine conforme aux normes en vigueur est un défi technologique constant pour les gestionnaires. L’objectif est encore plus exceptionnel lorsque la ressource utilisée est fortement contaminée et que sa qualité subit une variabilité très importante des niveaux de pollution, associée aux conditions climatiques et aux rejets aléatoires accidentels ou volontaires.
En parallèle et en continu, les très grandes masses d’eaux usées évacuées doivent être collectées et traitées pour réduire ou éliminer les contaminants représentant tout ce qu’une communauté peut rejeter comme composés biologiques ou chimiques. Cet assainissement est indispensable pour protéger les ressources en eau et les zones littorales notamment en amont des zones conchylicoles ou de pêche à pied.
Les risques chimiques, sont pour leur part, probablement d’une moindre incidence sanitaire que les risques microbiologiques, agissant à plus long terme et inégalement répartis sur le globe, mais ils imposent un nouveau mode de réflexion et représentent des enjeux majeurs pour le développement global et durable de notre société.
La problématique doit donc être abordée selon les étapes classiques de l’évaluation des risques en décrivant la nature et l’origine des dangers, les facteurs d’exposition, la notion de risques sanitaires émergents souvent confondues avec celle de dangers, et finalement aborder les difficultés de l’évaluation des risques et les procédures de gestion à élaborer pour protéger la santé des populations.
Origine des dangers
L’eau étant un excellent solvant et, servant à tous les usages de lavage et d’hygiène, elle se retrouve logiquement souillée par tout ce que l’homme peut produire. Les caractéristiques physico-chimiques, la photosensibilité et la biodégradabilité vont conditionner le devenir de chaque molécule et sa persistance dans l’environnement.
Tous les locaux industriels, agricoles, recevant du public, ou d’habitation éliminent des eaux usées contaminées par des molécules organiques ou minérales anthropiques. L’usine sans rejets n’existe pas même si de gros efforts sont accomplis par les industries notamment dans le cadre de la certification environnementale ISO 14000.
Les espaces urbains ou industriels imperméabilisés (aéroports, routes, voies ferrées, parkings, toitures…) favorisent la diffusion rapide de masses de contaminants parmi lesquels se retrouvent des pesticides, des hydrocarbures ou des métaux. À chaque épisode pluvieux, les flux rejoignent les ressources en eau par lessivage, percolation ou rejets des réseaux de collecte.
L’exemple des médicaments et produits de diagnostic est exemplaire dans sa diversité puisque du statut de molécules nobles du fait de leur finalité thérapeutique, ces molécules et leurs métabolites sont maintenant identifiés comme polluants prioritaires. Un plan national de lutte contre ce type de contamination est en cours d’élaboration par les ministères chargés de la santé et de l’environnement. Les résidus de médicaments sont largement dévoilés comme contaminants des eaux induisant potentiellement des effets, encore mal évalués, sur la faune exposée [5]. La contamination des ressources est soit diffuse via les déjections des animaux traités et les épandages agricoles de lisiers ou de fumier, soit ponctuelle dans les rejets de stations d’assainissement des industriels concernés ou les stations urbaines, de fosses septiques ou les traitements de piscicultures. Au sein d’un réseau de collecte des eaux usées urbaines les médicaments proviennent des rejets des patients se traitant à domicile ou se débarrassant de médicaments non utilisés dans leurs toilettes et par les effluents des établissements de soin. Faute de réglementation les hôpitaux et autres établissements de soins, ne traitent pas leurs effluents excepté les composés radioactifs et les résidus des automates du laboratoire de biochimie qui suivent un circuit d’élimination particulier.
Il apparaît donc immédiatement que les actions préventives doivent être menées à tous les niveaux du cycle des usages de l’eau notamment en limitant les déversements directs, en interdisant l’usage des molécules les plus dangereuses (programme REACH [6]) et en évaluant les sources de contamination prioritaires.
Facteurs d’expositions
En l’absence d’exposition d’un organisme animal ou végétal considéré au(x) danger(s) considéré(s), le risque est nul. Pour la faune et la flore vivant dans les milieux aquatiques pollués l’exposition est chronique et constante aux mélanges de molé- cules. Il s’ensuit inévitablement une contamination de la chaîne alimentaire conduisant à des imprégnations d’animaux même lorsqu’ils vivent dans des zones éloignées des sources de contamination comme dans le cas des ours polaires [7].
L’homme en tant que prédateur majeur est contaminé par son alimentation mais également par ses boissons. Concernant l’eau potable, les pays développés ont largement investi dans des réseaux de distribution et des usines de potabilisation de hautes technologies pour réduire les expositions. Toutefois, la situation est loin d’être parfaite et très variable d’un site à l’autre. Par exemple, certains de nos concitoyens de Guyane ou de Polynésie boivent une eau de surface ou de pluie non traitée, parfois stockées dans des réservoirs pouvant relarguer des composés indésirables ce qui produit une contamination directe. Les procédés de traitement et les matériaux en contact avec l’eau ne peuvent être commercialisés et appliqués qu’après avoir obtenu une autorisation de conformité sanitaire. Néanmoins, la qualité du produit distribué est liée à de nombreux facteurs comme la fiabilité de la gestion des installations, la qualité des réactifs, les conditions de mise en œuvre des traitements, le vieillissement des matériaux ou encore la structure des réseaux intérieurs. Réduire l’exposition des populations nécessite le maintien de la qualité en tout temps et en tous lieux.
Les risques chimiques émergents
Les risques qualifiés d’émergents seraient ceux dont la nature et l’intensité sont mis en évidence depuis une vingtaine d’années et qui n’avaient pas été imaginés auparavant. Dans la plupart des situations, ce terme désigne plutôt un danger émergent qu’un risque puisque les auteurs décrivent de nouveaux polluants que les moyens analytiques ne pouvaient révéler ou, tout du moins, pas aux très faibles concentrations généralement retrouvées dans les ressources en eau. Le vieux principe selon lequel ‘‘ n’est découvert que ce que l’on cherche ’’ permet d’envisager encore de très nombreuses découvertes à venir. A priori tous les produits non (bio)dégradables issus de la chimie sont susceptibles d’être identifiés dans le milieu naturel. Ces polluants nouvellement révélés représentent des dangers dont la nature des effets peut correspondre à des risques déjà connus.
Par exemple, il est établi depuis les travaux de Rook en 1974 [8], que la désinfection des eaux par des agents chlorés conduit, par interaction avec les matières organiques dissoutes ou particulaires, à la production de nombreuses molécules halogénées à des gammes de teneurs entre le microgramme et la centaine de microgrammes par litre d’eau distribuée (Trihalométhanes [10-100 μg/L], acides haloacétiques [5-100 μg/L], halocétones [1-10 μg/L], chloropicrine [1-10 μg/L] …) [9]. Certains de ces composés récemment détectés présentent des effets mutagènes ce qui ne constitue pas une nouveauté dans la mesure où ces effets biologiques indésirables étaient déjà connus depuis de nombreuses années. Les molécules émergentes viennent ainsi enrichir la base de données des composés responsables sans pour autant révéler un nouveau type d’effet toxique donc de risque [10].
Ce caractère d’ ‘‘ émergence ’’ est donc particulièrement associé au fait que les techniques analytiques récentes présentent des limites de détection de plus en plus faibles et permettent l’analyse de molécules dans une plus large gamme de polarité.
Les molécules les plus apolaires sont souvent bioaccumulables et se retrouvent largement dans la chaîne alimentaire ce qui a conduit à l’élaboration de la liste de surveillance mondiale des polluants organiques persistants (POP) de la convention de Stockholm (http://chm.pops.int) (polychlorobiphényles, certains pesticides organochlorés, dioxines). Une liste de polluants prioritaires figure dans la directive cadre sur l’eau (Hydrocarbures aromatiques polycycliques, diuron, atrazine, DDT…) [11].
Les molécules polaires étaient très peu accessibles du fait des difficultés d’extraction de la matrice aqueuse. Le couplage de la chromatographie en phase liquide avec la spectrométrie de masse permet d’analyser des composés jusqu’alors non détectés comme certains métabolites de médicaments ou de drogues illicites présents dans les eaux de surface.
Les familles de molécules classées comme émergentes sont notamment : des plastifiants (phtalates, bisphenol A…), des solvants (tri et térachloréthylène…), des médi- caments (sulfamethoxazole, ciprofloxacine …), des hormones (17β estradiol, ethinyl-estradiol…), des composants de cosmétiques (conservateurs, muscs…), des retardateurs de flamme, des biocides [12].
Il importe de ne pas pour autant oublier, ou faire passer au second plan, les polluants malheureusement considérés comme classiques parmi lesquels figurent des pesticides dont la liste ne cesse d’évoluer, des sous-produits de la désinfection (chloroforme, bromates…), des hydrocarbures ou les POP. La France a ainsi redé- couvert, durant l’été 2007, l’existence des polychlorobiphenyles (PCB) dans nos rivières et leurs sédiments alors que les données étaient pourtant largement documentée depuis des années. La décision préfectorale d’interdiction de la pêche a suscité des campagnes médiatiques immédiates qui ont permis l’émergence du financement d’un plan d’action national de lutte contre la contamination des rivières par les PCB alors que les publications scientifiques nationales et internationales donnaient les éléments depuis de nombreuses années sans alerter l’opinion [13, 14].
La situation est telle que des eaux que l’on croyait naturellement protégées et vendues en bouteille sous la dénomination ‘‘ eau minérale naturelle ’’ ou employées en thermalisme se sont révélées contaminées par de très faibles traces de contaminants organiques (tri et tétrachloréthylène, pesticides) [15]. Même si les doses ne sont, a priori, pas de nature à induire d’effets toxiques, cette situation traduit le fait que les progrès analytiques révèlent que la pollution atteint même les ressources souterraines réputées jusqu’alors géologiquement protégées.
La pollution par des quantités massives d’azote et de phosphore (engrais, lessives…) conduit à des proliférations de cyanobactéries dont certaines produisent des neurotoxines et des hépatotoxines pour la plupart non recherchées dans les programmes de contrôle de la qualité des eaux potables. La France se distingue en Europe pour avoir ajouté dans sa réglementation le contrôle des microcystines dans les eaux de consommation humaine. Il n’existe pas de système prédictif de l’apparition de proliférations de cyanobactéries ni de leur compétence à produire des toxines ce qui rend la gestion du risque très délicate et nécessite des traitements de précaution [16].
La situation est donc bien claire : les ressources en eaux superficielles et, à moindre degré, les ressources souterraines sont contaminées par une gamme extraordinairement diversifiée de molécules issues de tous les secteurs de la chimie et de leurs produits de dégradation et métabolites. Les doses rencontrées sont la plupart du temps heureusement très faibles, se situant entre le nanogramme par litre (ng/L), qualifiés alors de nanopolluants, et la dizaine de microgramme par litre (μg/L), qualifiés de micropolluants. En 2006, en France, concernant les pesticides, le service de l’Observation et des Statistiques (SOeS) du Commissariat général au développement durable a établi que 90 % des points de mesure de la qualité des eaux superficielles mettent en évidence au moins un pesticide, et 37 % une qualité moyenne à mauvaise : 235 substances actives ont été détectées. Pour les eaux souterraines, 47 % des points de mesures sont contaminés par au moins un pesticide et 25 % des points sont notés de qualité moyenne à mauvaise : 116 substances actives ont été détectées. Malgré cela l’absence de respect des limites réglementaires pré- sente un risque limité car les teneurs en pesticides mesurées sont inférieures à la valeur sanitaire maximale et/ou ont été observées pendant moins de trente jours au cours de l’année 2006. Il n’a donc pas été nécessaire de limiter les usages alimentaires de l’eau [17].
Évaluation des effets
Les effets biologiques observés sur les sujets exposés sont la résultante des effets des diverses molécules présentes dans les eaux contaminées. C’est avec le mélange réel, tel qu’il se présente au moment des expositions, qu’il faut calculer les risques pour un individu consommant deux litres d’eau contaminée pendant 70 ans.
Il est donc indispensable que les composantes de la toxicologie moderne et ses nouvelles méthodes (toxicologie, écotoxicologie, ‘‘ -omiques ’’, signalisation, génotoxicité…) soient non seulement soutenues et amplifiées comme le préconise le rapport du groupe 3 (Instaurer un environnement respectueux de la santé) du grenelle de l’Environnement [18]. Il faut également que les méthodologies d’évaluation soient adaptées à l’étude de ces mélanges complexes de faibles doses pour favoriser le développement des modélisations des effets.
De très nombreux biomarqueurs et bioindicateurs sont utilisés par les équipes de recherche permettant de mettre en évidence une perturbation très significative de l’écologie des milieux aquatiques. Il est toutefois impossible actuellement de prédire de manière simple et fiable les effets environnementaux ou sanitaires liés à l’exposition à des mélanges de molécules de classes chimiques et d’effets biologiques variés.
Au sein de certaines familles chimiques il a été montré des effets additifs ce qui représente le schéma le plus simple à extrapoler [19] mais il existe également des effets antagonistes ou synergiques restant à explorer. Les essais biologiques les plus utilisés pour la surveillance de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine portent sur la toxicité aiguë (DL sur daphnies, inhibition de lumines50 cence sur la bactérie marine Vibrio fischeri en 30 minutes) et sont inadaptés à la situation des très faibles doses avec exposition chronique sur une vie entière. Les essais in vivo ne donnent pas de réponses significatives avec des eaux potables ce qui peut être interprété comme un résultat favorable par certains ou être considéré comme résultant d’un manque de sensibilité par d’autres. Les essais in vitro sont souvent précédés d’une sélection plus ou moins large des polluants par extraction liquide/liquide ou solide/liquide et d’une concentration.
Nos travaux ont porté sur la mise en évidence des effets perturbateurs endocriniens dans des eaux en région parisienne et leur évolution au sein des unités d’assainissement et de potabilisation principalement sur le bassin de la Seine en amont et aval de Paris. Les extraits sont placés en contact avec le modèle cellulaire MELN exprimant les récepteurs ERα aux estrogènes et produit par l’INSERM U540 à Montpellier [20] et le modèle PC-DR-LUC pour les récepteurs TRα aux hormones thyroïdiennes que nous avons développé en collaboration avec J.P. Blondeau (INSERM) [21]. Ces modèles cellulaires permettent d’évaluer les perturbations de la transcription des récepteurs à l’aide d’un gène rapporteur luciférase et une détection par luminescence. Nos résultats montrent des réponses estrogénomimétiques et thyromimétiques très significatives des mélanges de contaminants des eaux usées non traitées avec des valeurs variant de 30 à 95 ng/L équivalent 17β estradiol et de 1 à 6ng/L équivalent triiodothyronine. Les grandes filières d’assainissement étudiées basées sur des technologies de boues activées ou de biofiltres présentent des efficacités d’élimination/rétention similaires proches de 95 % pour les effets estrogènes et les rejets ne montrent pratiquement plus d’effets perturbateurs thyroïdiens. L’impact sur l’eau de la Seine est significatif pour les effets thyromimétiques à des teneurs de 1 à 4 ng/L équivalent 17β estradiol. Nous montrons que les principaux estrogènes (estradiol, estrone, ethinyl-estradiol, estriol) justifient une grande part des effets estrogénomimétiques observés ce qui implique toutefois la responsabilité d’autres molécules présentes dans les extraits et non identifiées. Aucune réponse positive n’a été obtenue en analysant les eaux potables issues des filières de traitement prélevant dans la Seine en amont ou aval de Paris [22, 23]. Nos résultats ont été confirmés par des données obtenues dans d’autres pays montrant le caractère relativement universel des effets induits par les mélanges de polluants des eaux usées. Cet exemple pourrait être repris pour l’évaluation des effets génotoxiques, avec les mêmes difficultés liées à l’échantillonnage, la préparation des extraits, la représentativité et l’extrapolation des résultats des batteries d’essais biologiques.
Il apparaît donc, dans le domaine de l’eau comme dans celui de l’alimentation, un défi majeur lié au besoin de mesurer et quantifier de manière simple, fiable, rapide et à un coût acceptable les divers effets toxiques liés aux mélanges de polluants en très faibles concentrations.
L’épidémiologie est difficile à mettre en œuvre en ce domaine car la diversité des situations d’alimentation en eau et des ressources multiplie les variables et le nombre de cas attribuables est, fort heureusement, faible. L’évaluation est très complexe pour les risques liés aux traces de perturbateurs endocriniens ou de résidus de médicaments dans les eaux. Récemment, des études ont montré les relations entre les sous-produits de la chloration et le cancer de la vessie [24].
Évaluation des risques
L’évaluation objective des risques pour l’environnement et la santé humaine est indispensable pour permettre aux décideurs d’agir afin de contribuer à redonner une nouvelle dynamique de santé publique en France. Alors que son évolution était constante depuis plusieurs années dans notre pays, en 2008 l’INSEE annonce que l’espérance de vie des français ne progresse plus et régresse même un peu chez les femmes. Cette situation, à surveiller attentivement pour vérifier si elle se confirme, est liée à une grande diversité de causes et la pollution de l’environnement est un des facteurs d’influence. Ce sont, non seulement les effets des mélanges de polluants qu’il faut évaluer mais aussi les changements dans nos pratiques de consommation d’eau. Par exemple, la pression du marketing qui incite les consommateurs à la boisson d’eaux très minéralisées autrefois réservées à des malades, nécessiterait d’effectuer un suivi des éventuels effets à long terme sur les populations.
Les éléments brièvement présentés dans les paragraphes précédents montrent les difficultés qu’il importe absolument de surmonter pour arriver à construire une évaluation précise des risques sanitaires liés à la présence de polluants qualifiés d’émergents dans les eaux de consommation humaine. Pour chaque effet biologique suspecté, il est absolument nécessaire de chiffrer la part attribuable à l’eau par rapport aux autres sources d’exposition. Ce type d’étude est mené pour certains polluants au sein du comité d’experts ‘‘ eau ’’ de l’Afssa [25]. Le travail ne pourra se développer qu’à la condition de disposer de données toxicologiques d’une part sur les faibles doses et les effets des mélanges et, d’autre part, de mesures des expositions des populations à ces toxiques. C’est donc à un véritable développement de l’écopharmaco-toxicologie qu’il faut appeler sous peine de retarder encore la mise en évidence de données permettant l’aide à la décision.
CONCLUSION
Le bilan global concernant la contamination des eaux par les polluants émergents dresse le constat d’un état fortement dégradé du cycle de l’eau douce sur l’ensemble de la planète. L’assainissement et l’alimentation en eau potable sont, plus que jamais, les éléments essentiels contribuant à la protection de la santé des populations.
Face aux dangers que constituent les nano et micropolluants émergents, les développements des outils de traitement des eaux doivent subir un véritable saut technologique et le coût attendu est évidemment immense. La directive européenne (21 mai 1991, transposée par décret du 3 juin 1994), relative au traitement des eaux résiduaires urbaines, impose aux états membres la collecte et le traitement des eaux usées pour toutes les agglomérations. La France a accusé un retard important à l’échéance du 31 décembre 2005 sur la mise en conformité de ses stations d’épuration et a été condamnée deux fois par la Cour européenne de justice pour ses manquements. La fiabilité des installations existantes doit être améliorée et de très nombreux pays ne disposent pratiquement d’aucune station d’assainissement.
La prévention est la seule politique gagnante à moyen et long terme. Réduire les émissions diffuses revient, notamment, à ne plus tolérer la dispersion directe de centaines de tonnes de pesticides indésirables (agriculture, tissus urbains, voies ferrées…) ou de déchets animaux chargés en résidus de médicaments. Il faut développer les aides et les incitations à la réduction des rejets ponctuels : lixiviats de décharges, stations d’assainissement non-conformes, épandages de boues contaminées, décharges sauvages, médicaments dans les piscicultures, déversoirs d’orage sans traitement…Les unités de production d’eau destinée à la consommation humaine doivent, conformément aux directives européennes, mettre en œuvre un plan de mise en sécurité (Water Safety Plan) afin de renforcer leur fiabilité.
Les contaminations par des traces de polluants de natures et d’origines très variées induisent des effets biologiques encore mal appréciés sur l’homme mais significatifs sur la faune vivant dans les milieux aquatiques dégradés. La contribution des apports hydriques par rapport à l’alimentation ne sont pas encore assez établis. Il est donc indispensable d’améliorer considérablement l’évaluation des risques environnementaux et sanitaires. Pour cela, il faut intensifier l’acquisition de données sur les expositions, développer l’éco-pharmaco-toxicologie et le contrôle de la qualité des eaux par des essais biologiques. La complexité des phénomènes en jeu (grand nombre de molécules différentes, effets biologiques à faibles doses, diversité des cibles d’action, bioconcentration, multiexposition…) implique de favoriser la recherche interdisciplinaire, du fondamental à l’appliqué, au service de la protection et de la réhabilitation de l’environnement et de la promotion de la Santé Publique.
REMERCIEMENTS
Toute l’équipe du laboratoire santé publique-environnement de l’Université Paris Sud 11, J.P. Blondeau (DR INSERM-Responsable de la plateforme CIBLOT IFR 141), les partenaires financiers de nos études sur les effets perturbateurs endocriniens : Agence de l’eau Seine Normandie, Eau de Paris, SEDIF, SIAAP, Suez-Environnement, Veolia Environnement.
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DISCUSSION
M. André-Laurent PARODI
L’eau de consommation ne représenterait qu’une fraction mineure de l’eau potable. Compte tenu des coûts croissants de l’assainissement de l’eau dite potable, serait-il raisonnable d’envisager un double circuit de distribution de l’eau à usage humain : l’un destiné à la consommation et ayant bénéficié d’un assainissement très poussé, l’autre destiné aux autres usages (lavage, arrosage…) ayant subi un assainissement moins poussé ?
L’eau de qualité sanitaire irréprochable n’est pas réservée à l’usage de boisson mais doit également être employée pour la préparation des repas ainsi que pour les bains et douches ce qui représente un volume non négligeable. Les réseaux de distribution contribuent largement au coût de l’eau de consommation humaine en raison des travaux et de l’entretien (environ 48 % de la part du prix liée à l’eau potable en région parisienne).
Un double réseau augmenterait encore les frais. Par ailleurs, sur le plan sanitaire, un réseau dédié uniquement aux usages de boisson présenterait un débit trop faible et devrait être construit dans des canalisations de très faible diamètre pour ne pas risquer une stagnation de l’eau avec des développements bactériens. Enfin, si des doubles réseaux étaient installés, des erreurs de branchement seraient inévitables pouvant ainsi contribuer à une morbidité mal détectée. Il est donc plus fiable et moins onéreux de distribuer à l’aide d’un seul réseau.
M. Jean-Daniel SRAER
Ne faudrait-il pas garder quelques-uns des éléments minéraux plutôt que d’avoir une eau ultra-pure à n’importe quel prix ?
Seuls les traitements membranaires par nanofiltration ou osmose inverse ainsi que la distillation réduisent fortement la charge minérale des eaux produites. Les filières aux technologies traditionnelles ne modifient pas la composition minérale de l’eau sauf lorsqu’il est nécessaire de réminéraliser les eaux trop douces. Les systèmes de traitement industriels de dessalement de l’eau de mer par osmose ou distillation produisent une eau ultra-pure débarrassée du chlorure de sodium mais qui est ensuite obligatoirement supplémentée en sels minéraux. Ceci est indispensable pour éviter la corrosion des canalisations et des ouvrages de stockage de l’eau au cours de sa distribution mais également pour que l’eau contribue à l’apport journalier en éléments minéraux.
M. Claude JAFFIOL
La prévention n’est-elle pas aussi importante que le traitement de l’eau, en réduisant la pollution des sols pour les activités agricoles, la pollution des rivières en limitant les polluants civils, industriels et hospitaliers ?
Effectivement, la prévention est la stratégie la plus pertinente pour la protection de l’environnement et la promotion de la santé publique. Depuis soixante ans, l’humanité a produit une diversité considérable et des masses fantastiques de molécules nouvelles dispersées dans l’environnement. L’eau est le réceptacle final des déchets et la planète n’avait jamais eu à gérer une telle situation dans son histoire. Les ressources en eau superficielles sont gravement contaminées et l’épuration naturelle montre ses limites.
Eliminer les micropolluants indésirables dans les eaux usées et les eaux potables repré- sente un coût majeur. Certains effets toxiques à long terme liés aux mélanges de polluants sont difficilement mesurables. Nous devons donc investir dans la prévention et la réduction des apports pour minimiser l’impact sur les écosystèmes et sur la santé publique et pour limiter les dépenses liées aux traitements des eaux.
M. Jacques BATTIN
Sur quelles bases chimiques et expérimentales sont définis les seuils de toxicité des polluants ? Comment est défini le caractère d’eau potable ? C’est beaucoup plus difficile que pour l’eau de mer qui répond à un critère bactériologique.
Des comités internationaux d’experts examinent régulièrement au sein des instances internationales ou nationales (Organisation Mondiale de la Santé, Commission européenne…) les données bibliographiques liées aux contaminants des milieux aquatiques et corrigent au besoin les valeurs réglementaires. C’est pourquoi il est indispensable de promouvoir l’éco-pharmaco-toxicologie afin de développer la connaissance et améliorer les analyses de risques. Les seuils de toxicité sont définis à partir des valeurs toxicologiques de référence issues des travaux in vivo et in vitro . Elles sont ensuite calculées selon les expositions pour les âges de la vie. Une eau potable est une eau qui n’induit pas de risques sanitaires. Le terme réglementaire est celui de : « eau destinée à la consommation humaine ’’. Les valeurs réglementaires définissant une eau de consommation humaine font l’objet, en Europe, d’une directive régulièrement mise à jour, sur des critères chimiques, radiologiques, organoleptiques et microbiologiques. La transcription en droit national est réalisée dans le code de la santé publique. Le suivi de la qualité est effectué par les services déconcentrés du ministère chargé de la santé et l’autosurveillance des producteurs. Les agences sanitaires sont en charge de l’évaluation des risques (Institut de veille sanitaire, Agence française de sécurité sanitaire des aliments pour l’eau potable et Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail notamment pour les eaux de baignade).
M. Yves CHAPUIS
Il a été fait allusion à l’utilisation d’eau de pluie pour le jardin ou autres destinations. A-t-on cherché à évaluer les volumes d’eau de pluie tombant sur une cité qui s’organiserait pour récupérer cette eau et la distraire ainsi des procédés coûteux d’épuration ?
La tendance est à la réduction du nombre des réseaux urbains d’assainissement unitaires qui collectent et mélangent les eaux usées et les eaux de pluie. Par ailleurs, sauf dans les cas particuliers de quelques aéroports, les eaux de pluie ne sont pas traitées avant rejet dans l’environnement. Il existe de vastes programmes d’investissement pour la gestion de l’eau dans les villes. Il se développe des programmes de promotion de la réutilisation des eaux de pluies pour des usages d’arrosage ou de lavage des espaces publics mais il importe de rappeler au public que ces eaux ne sont pas des eaux potables et que seul l’usage à l’extérieur de l’habitat est à privilégier. Si l’eau de pluie est utilisée pour les chasses d’eau des toilettes, elle entrera dans le cycle d’épuration au même coût que l’eau de réseau. Les usages pour l’arrosage ou le lavage des véhicules peut constituer une économie pour le particulier.
M. Jean-Pierre NICOLAS
Quelques usines de traitement des eaux utilisent des membranes nano-filtrantes. Cette technique est-elle efficace à l’égard des micro-polluants émergents : les nanoparticules qui vont être utilisées par exemple en thérapeutique, en cosmétique, etc. ? Présente-t-elle des inconvénients par rapport aux techniques plus anciennes ?
L’implantation des traitements membranaires se développe rapidement dans le monde y compris pour de grandes installations. La gamme de porosité évolue depuis la microfiltration capable de retenir les particules de la taille des bactéries, l’ultrafiltration retenant également les virus, la nanofiltration éliminant même une partie des matières organiques et minérales dissoutes et enfin l’osmose inverse employée pour dessaler l’eau de mer.
L’ultrafiltration combinée avec du charbon actif en poudre circulant dans les fibres de filtres permet d’assurer la rétention des particules et des matières organiques dissoutes sans modifier la minéralisation. Ces procédés sont compacts et la qualité de l’eau produite présente une grande fiabilité mais le coût est un peu plus élevé que les systèmes traditionnels de filtration sur sable et nécessitent des traitements réguliers pour éviter le colmatage. Les nanoparticules sont donc bien retenues par ces types de procédés qui restent encore réservés aux zones économiquement développées. Les concentrats qui contiennent toute la pollution retenue par les membranes doivent ensuite être traités, à leur tour, généralement dans les stations d’assainissement des eaux usées.
M. Jean-Luc de GENNES
Quelles sont les malformations observées chez les poissons dans les eaux fluviales ?
Les poissons mâles vivant en zones contaminées par des micropolluants à effets perturbateurs endocriniens présentent des caractères de féminisation avec des traces d’ovocytes dans les testicules. Il se produit donc des troubles de la reproduction et des modifications du sex-ratio avec prépondérance de poissons femelles. D’autres effets liés à l’exposition aux mélanges de contaminants restent encore à évaluer notamment concernant les développements de cancers et la modulation de l’immunité.
* Membre de l’Académie nationale de pharmacie Laboratoire Santé Publique-environnement — Faculté de pharmacie, Université Paris Sud 11 5, rue Jean-Baptiste Clément — 92296 Chatenay Malabry cedex, e-mail : yves.levi@u-psudo.fr Tirés à part : Professeur Yves Levi, même adresse Article reçu le 25 mai 2009, accepté le 15 juin 2009
Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 6, 1331-1344, séance du 30 juin 2009