Résumé
Sens archaïque, l’odorat nous a été transmis presque inchangé, au cours de l’évolution pendant des centaines de millions d’années. Chez l’homme, cette conservation se traduit par l’intervention directe des messages olfactifs dans notre vie mentale, reliant de façon intime les informations parvenant de notre environnement à notre affect. Ainsi, le contenu émotionnel des odeurs, qu’il soit plaisant ou déplaisant, constitue l’un des fondements majeurs de notre rapport avec le monde. Nous voyons que le message olfactif ne peut être réduit à un simple influx de données liées à la nature des molécules qui parviennent à nos narines. En réglant les rapports entre nos connaissances sur l’environnement, nos émotions et nos actions, cette sensibilité chimique primitive a évolué progressivement pour assurer aujourd’hui, à travers l’olfaction, les fonctions biologiques les plus vitales : communication, alimentation et reproduction. Nous présentons dans cet article quelques résultats expérimentaux permettant de montrer comment s’effectuent les réorganisations liées à la production de neurones dans le bulbe en relation avec l’environnement olfactif. Ces modifications morphologiques sont mises en relation avec les performances olfactives du sujet . MOTS-CLÉS : OLFACTION. BULBE OLFACTIF. MÉMOIRE. NEURONE AFFÉRENT. GABA. GLUTAMATES.
Summary
In this review, we discuss some of the neural processes involved in the perception of odors which, together with audition and vision, provide essentiel information for analyzing our surroundings. We shall see how odor detection and learning induce substantial structural and functional changes at the first relay of the olfactory system, i.e., the main olfactory bulb. Among the mechanisms which participate in these modifications are changes in the cell’s responses to a transmitter and the persistence of a high level of interneuron neurogenesis within the adult olfactory bulb. Our goal is to present some observations related to these two phenomena that may aid in understanding the neural mechanisms of sensory perception and shed light on the cellular basis of olfactory learning. To this purpose, we summarize the current ideas concerning the molecular mechanisms and organizational strategies used by the olfactory system to transduce, encode, and process information at various levels in the olfactory sensory pathway. Due to space constraints, this review focuses exclusively on the olfactory systems of vertebrates and primarily those of mammals.
INTRODUCTION
L’olfaction forme l’avant-garde de la sensorialité du sujet — odoror ergo sum. Sentir se manifeste avec les premiers mouvements respiratoires du nouveau-né. Les voies de l’odorat dans le cerveau sont en effet les plus précocement ouvertes lors de l’ontogenèse et offrent au nourrisson l’occasion de sa confrontation inaugurale avec le monde. Tous les comportements fondamentaux de l’espèce qui s’établiront par la suite au cours du développement demeurent profondément associés à des signaux olfactifs. Au plan anatomique enfin, les nerfs olfactifs constituent la paire crânienne numéro un, c’est-à-dire la plus antérieure.
L’organe olfactif, loin de jouer un rôle accessoire parmi les appareils sensoriels, apparaît donc comme essentiel dans l’adaptation du sujet à son environnement. La discrimination et la sélection des aliments, la détection des substances toxiques et des nourritures avariées, la reconnaissance et l’attraction des partenaires sexuels, l’établissement de liens parentaux et sociaux, manifestes chez l’animal, et encore très présents chez l’humain, reposent sur une organisation neuronale complexe qui relie les cellules sensorielles de la muqueuse olfactive à des aires corticales spécialisées.
Ces fonctions font intervenir des structures cérébrales qui sont également concernées dans les processus émotionnels et la mémoire [1, 2].
Une meilleure connaissance des connexions synaptiques et des neuromédiateurs impliqués aux différents niveaux devrait faciliter la compréhension des mécanismes de l’odorat, ce sens mal aimé, plus important chez l’homme que ne le veut sa réputation, et ouvrir une porte sur les phénomènes inconscients qui régissent nos instincts et nos souvenirs. Dans cette communication, nous rapporterons quelquesunes des données histologiques et électrophysiologiques obtenues sur le modèle du rongeur (rat, souris) par notre équipe de recherche. En premier lieu, un rappel anatomique nous paraît indispensable pour une plus grande clarté de l’exposé.
RAPPEL ANATOMIQUE ET FONCTIONNEL
Chez les mammifères, l’organe récepteur de l’odorat est la muqueuse olfactive située dans la région dorsale postérieure des fosses nasales. Les molécules odorantes
traversent une couche de mucus de quelques dizaines de micromètres avant de rencontrer la surface apicale des neurones sensoriels où elles se lient à des récepteurs spécifiques.
L’étude des récepteurs des odeurs a connu un développement considérable depuis que plusieurs équipes ont contribué à la description, dans l’épithélium olfactif du rat, d’une superfamille de gènes codant pour des récepteurs à sept domaines transmembranaires et associés à des protéines G. Après cette découverte due au groupe de Richard Axel [3], une situation paradoxale s’est installée. On dispose en effet chez le rat d’un millier de récepteurs différents sans pratiquement connaître aucune des molécules odorantes respectives qui s’y fixent. La situation est comparable chez l’homme, même si le nombre des gènes est moindre (inférieur à cinq cents), et si beaucoup d’entre eux ne sont pas exprimés fonctionnellement.
Le nombre relativement important (3 % des gènes exprimés dans le cerveau) des types de récepteurs correspond à une stratégie différente de celle suivie par les autres systèmes sensoriels. Pour analyser les informations visuelles, auditives ou tactiles, les systèmes correspondants utilisent un nombre très limité de récepteurs qui sont répartis sur la surface sensible de façon à ce qu’une partie du codage de l’information afférente repose sur la localisation des récepteurs activés par le stimulus (codage spatial). Le système olfactif opère différemment, car non seulement le stimulus olfactif n’a pas de dimension spatiale, mais ses paramètres sont trop nombreux pour être correctement transposés, ou codés, dans les deux dimensions d’une surface sensorielle. La grande diversité moléculaire des récepteurs conduit à l’hypothèse selon laquelle un odorant serait reconnu par un type particulier ou prédominant de récepteurs. On peut, par extension et par comparaison avec les autres systèmes sensoriels, appeler « champs récepteurs » l’ensemble des molécules apparentées reconnues par un même récepteur. L’hypothèse actuelle d’un type unique de récepteur par neurone sensoriel implique que les champs récepteurs soient identiques ou très semblables pour les récepteurs et la cellule qui les exprime. Un faisceau de preuves reposant sur la caractérisation de gènes des récepteurs olfactifs et sur l’identification de leur produit d’expression confirme que chaque neurone sensoriel n’exprime qu’un seul de ces gènes [4].
La diversité des récepteurs et la remarquable sélectivité de chacun d’entre eux pour un nombre restreint de molécules odorantes sont à mettre en parallèle avec le caractère univoque de leur système de transduction. On a d’abord pensé que différentes molécules odorantes activaient deux voies de transduction distinctes. Il semble assuré aujourd’hui qu’il n’en existe qu’une majoritaire : le récepteur olfactif active une protéine G hétérotrimérique, G qui stimule une adénylate cyclase et olf provoque ainsi l’élévation du taux d’AMPc ; celui-ci stimule l’ouverture d’un canal responsable d’un courant dépolarisant local qui permet la transformation du signal chimique en signal électrique.
Chez le rat, un million de neurones sensoriels sont dispersés dans la muqueuse olfactive et équipés chacun d’un seul des mille types de récepteurs odorants. Nous
ne sommes dès lors guère avancés pour comprendre le traitement subi par l’information olfactive avant de devenir une odeur perçue par l’animal. C’est au niveau de la structure de l’organe olfactif qu’il convient de chercher les clés de la mise en forme spatio-temporelle des données chimiques contenues dans la molécule odorante.
Le premier étage de cet organe est constitué par une seule catégorie de cellules sensorielles qui cumulent les fonctions de réception du stimulus, de transduction et de transmission du message sensoriel périphérique. Ce sont des neurones dont le corps cellulaire est contenu dans l’épithélium olfactif. Ces neurones possèdent des dispositions anatomiques très particulières. Leur unique dendrite encastrée dans les cellules de soutien se termine par un renflement qui porte des cils d’une longueur de 150 à 200 millièmes de millimètre baignant dans le mucus et augmentant ainsi la surface utile de la cellule. C’est au niveau de leur membrane plasmique que se trouvent les récepteurs. La concentration locale du complexe électrosensoriel, récepteurs et canaux, permet d’importantes variations de courant pour une faible concentration moléculaire du ligand. Mais ce qui fait l’originalité majeure de ces neurones est leur durée de vie limitée à quelques semaines et l’existence d’une neurogenèse permanente à partir de cellules souches qui permet le remplacement de neurones dégénérés.
Ce renouvellement continu pose le problème de la manière dont l’information sensorielle est maintenue ainsi que sa mémorisation. Pour essayer de comprendre le fonctionnement complexe et encore assez mystérieux du système olfactif, il est utile de distinguer deux niveaux d’organisation. Le premier se situe à la périphérie du système olfactif dans l’épithélium et comprend l’arrivée de la molécule odorante au voisinage du mucus jusqu’à l’émission du signal correspondant par le neurone récepteur. Le second se déroule au niveau du bulbe olfactif, petite extension anté- roventrale du cerveau, puis dans les aires corticales. Il comprend le traitement du signal qui conduit à la perception et à la reconnaissance des odeurs.
Tout d’abord, dans l’épithélium, la question reste ouverte de savoir s’il existe une disposition spatiale particulière des différents types de récepteurs qui dessineraient une « carte odotopique ». Ce n’est pas tout à fait le cas, car les récepteurs pour une même molécule odorante sont dispersés de manière aléatoire sur la surface de la muqueuse. Certaines données tendent cependant à montrer qu’il existe un certain regroupement des récepteurs selon leur nature dans de larges zones de la cavité nasale.
Les projections épithélio-bulbaires semblent en revanche se faire selon une organisation précise (Fig. 1A). Le bulbe olfactif, qui contient les neurones de deuxième ordre, est une structure organisée en couches concentriques, remarquablement conservée d’une espèce à l’autre. Lieu du premier relais de l’information olfactive, il se présente chez les mammifères sous la forme d’une structure ovoïde placée au-dessus de la lame criblée de l’ethmoïde. La couche la plus externe est formée par les prolongements (axones) des cellules réceptrices. Ceux-ci se terminent dans des
sphérules d’un diamètre de 100 µm, les glomérules, qui forment la deuxième couche du bulbe olfactif. La convergence des informations olfactives, au niveau des glomé- rules, est importante (environ 25 000 neurones sensoriels pour 1 glomérule). La troisième couche est la couche plexiforme externe, dans laquelle s’étendent les dendrites secondaires des cellules mitrales et celles d’une catégorie d’interneurones, les cellules granulaires, dont les corps sont situés plus en profondeur. La quatrième couche est principalement formée par les corps cellulaires des cellules mitrales qui sont les cellules de sortie du bulbe olfactif (Fig. 1A).
À cette organisation synaptique, à la fois ordonnée et complexe, répond le jeu encore imparfaitement déchiffré des différents neurotransmetteurs libérés par les interneurones qui sont responsables des processus d’inhibition latérale et réciproque.
Ceux-ci semblent jouer un rôle important dans les processus de discrimination des odeurs. L’activité des interneurones est modulée par de nombreuses projections centrifuges provenant de grands systèmes centraux, noradrénergique, sérotoninergique et cholinergique.
Il est possible de voir dans chaque glomérule l’existence d’un micromodule, sorte de colonne primitive ou protocolonne, comme il en existe dans le cortex cérébral, constitué par l’ensemble des neurones innervant ce glomérule ainsi que par les interneurones qui réalisent des contacts avec les neurones principaux. L’hypothèse de cette organisation en module est renforcée par l’observation, à l’aide de marqueurs radioactifs, de véritables motifs (comme les motifs d’une image) dont les caractéristiques (position, forme et dimension) dépendent de la nature du stimulus, sensiblement symétriques dans les bulbes olfactifs droit et gauche, et reproductibles d’un animal à l’autre pour une même odeur.
Cette organisation se retrouve au niveau des projections bulbaires sur le cortex cérébral, dans la région appelée « cortex piriforme ». Ainsi se forme une carte de distribution des neurones du bulbe activé par une odeur : une sorte de patron représentatif de l’odeur.
MÉTHODES
Elles concernent trois types d’approches techniques faisant respectivement appel à l’électrophysiologie, à la morphologie et à l’analyse comportementale.
Electrophysiologie
Des sections horizontales (plan de section qui permet de préserver les connexions dendrodendritiques entre cellules granulaires et cellules mitrales) d’une épaisseur de 400 µm sont effectuées chez des rats Wistar âgés de 4-6 semaines (n = 15) ou des souris mâles de 7 à 8 semaines (lignée C57/BL6 ; n = 14). Les enregistrements électrophysiologiques sont réalisés sur un poste équipé d’un microscope à fluorescence qui permet de visualiser directement la cellule enregistrée. Nous avons iden-
FIG. 1. — (
A ) Schéma représentant l’organisation synaptique du bulbe olfactif.
(
B ) Schéma d’une coupe sagittale de cerveau de souris montrant le courant de migration rostral des neuroblastes vers le bulbe olfactif. CMR : courant de migration rostral ;
CTX : cortex ; V : ventricule ; ZSV : zone sous-ventriculaire.
tifié puis enregistré la population de cellules nouvellement produites par un traceur fluorescent qui est injecté in vivo dans la zone sous-ventriculaire homo- et contrôlatérale (15 jours avant l’expérimentation).
Les potentiels de champs et les enregistrements « patch-clamp » ont fait l’objet d’une précédente description [5]. Les réponses évoquées sont obtenues après stimulation du nerf olfactif grâce à une électrode bipolaire en acier implantée dans la tranche.
Analyse morphologique
Les études ont été effectuées sur des souris mâles de la lignée C57/BL6 normale ou après suppression du gène NCAM. Du fait de la nécessité d’inactivation d’un gène afin de réduire la production de neurone parvenant au bulbe olfactif, cette analyse morphologique a été réalisée chez la souris.
Prolifération cellulaire dans la zone sous-ventriculaire
Dans chaque groupe expérimental et standard, trois animaux reçoivent une injection intra-péritonéale de 5′-bromo-2’-deoxyuridine (BrdU) [6] après 20 jours d’élevage, puis sont sacrifiés 4 h après.
Renouvellement des interneurones du bulbe olfactif
Dans chacun des groupes standard et expérimental, cinq animaux reçoivent quatre injections intrapéritonéales de BrdU, espacées de 24 heures chacune, et ceci après 20 jours d’élevage dans leur environnement respectif. Les animaux sont sacrifiés au terme des 40 jours. La solution de BrdU utilisée est diluée dans une solution contenant du sérum physiologique (NaCl 0,9 %) et de la soude (NaOH à une concentration de 15 mg/ml). La dose utilisée est de 50 µg/g de souris par injection, chaque injection représente un volume de 100 µl de solution.
Fixation et prélèvement du cerveau
Les souris sont anesthésiées par injection intrapéritonéale sub-létale de pentobarbital sodique (Sanofi Synthélabo). Après fixation par injection intra-artérielle de paraformaldéhyde à 4 %, le cerveau est prélevé et post-fixé pendant 48 heures dans du paraformaldéhyde à 4 %, puis conservé dans du PBS à 4° C. Le cerveau est enrobé dans de l’albumine gélatinée, puis coupé au microtome à vibration (Leica) en sections de 40 µm. Les coupes sont recueillies dans une solution de PBS additionnée de NaCl à 0,9 % et conservées à 4° C.
Immunohistochimie
Le protocole utilisé permet de révéler les cellules en division ayant incorporé le BrdU. Les coupes sont incubées 10 min dans une solution de PBS contenant 0,2 % de triton pour perméabiliser les membranes, puis 30 min dans un tampon PBS + HCl 2N à température ambiante pour dénaturer l’ADN. Les coupes sont ensuite incubées la nuit à 4° C avec un anticorps primaire de rat dirigé contre le BrdU (1/200 ; Harlan) dans une solution de PBS contenant du triton (0,2 %), de l’albumine bovine sérique (0,4 %) et de la gélatine (0,05 %) pour saturer les sites de liaison non spécifiques. Enfin, les coupes sont incubées à température ambiante avec un anticorps secondaire biotinylé anti-rat (1/200 ; Valbiotech) sur lequel se fixe le complexe-biotine (kit ABC, Vector). La révélation est obtenue grâce à l’oxydation par la peroxydase du chromogène diaminobenzidine (DAB 0,05 % dans du TRIS 0,05 M, pH 7,6) en présence d’eau oxygénée (0,05 %), ce qui donne un produit de couleur marron.
Analyse quantitative
Les coupes sont observées sous microscope Leica, au grossissement x200, en Nomarsky. Une section sur trois est utilisée pour quantifier le nombre de cellules « BrdU positives ». Le comptage cellulaire est effectué à l’aide d’une mire intégrée dans l’objectif. La répartition moyenne par coupe, ainsi que la distribution selon l’axe antéropostérieur des cellules ayant incorporé le BrdU sont analysées dans la zone sous-ventriculaire et dans le bulbe olfactif.
Analyse statistique
Le nombre moyen de cellules par section ayant incorporé le BrdU est comparé entre les différents groupes au moyen du test de Student pour échantillons non appariés en adoptant un seuil de significativité de 0,05.
Analyse comportementale
Les tests utilisés reposent sur un type d’apprentissage non associatif : l’apprentissage par habituation. Celui-ci peut être facilement révélé à travers les variations de la durée de l’activité exploratoire exprimée spontanément par un animal à l’égard de différents stimuli . Le principe de ce test repose sur la présentation d’une même odeur successivement toutes les 15 minutes. De manière générale, cette activité exploratoire varie en fonction du degré de familiarité que présente un stimulus pour le sujet.
L’intérêt porté par un animal à un stimulus donné s’avère d’autant plus important que le stimulus en question est rencontré pour la première fois. Inversement, un stimulus familier, c’est-à-dire reconnu comme objet préalablement rencontré, suscite chez l’animal une faible activité exploratoire. Ainsi, il est possible d’inférer chez
un sujet des facultés de reconnaissance d’un stimulus, simplement sur la base des variations de durée d’exploration que ce même sujet exprime vis-à-vis d’un stimulus présenté de manière répétée et à différents intervalles de temps. Ces tests ont déjà fait l’objet d’une description plus détaillée [6].
RÉSULTATS
Transmission entre le neurone sensoriel et la cellule mitrale
Le système olfactif détecte des signaux extrêmement faibles et on peut s’attendre à ce que le premier relais synaptique soit particulièrement fiable et solide. Cette hypothèse est vérifiée par l’étude des réponses synaptiques à la stimulation du nerf olfactif grâce à l’enregistrement des potentiels de champs et des courants synaptiques dans la cellule mitrale analysée en configuration « cellule-entière » (Fig. 2A).
Toutes les expériences sont réalisées en présence de picrotoxine afin d’isoler les réponses excitatrices glutamatergiques des inhibitions d’origine gabaergique et glycinergique.
Dans un premier temps, nous avons confirmé que les événements postsynaptiques excitateurs au niveau de la jonction entre le neurone sensoriel et le dendrite primaire de la cellule mitrale étaient glutamatergiques avec deux composantes, l’une faisant appel à des récepteurs de type AMPA/kaïnate, l’autre à des récepteurs NMDA.
Cette dernière réponse est particulièrement prolongée et pourrait jouer un rôle majeur dans la sortie du bulbe olfactif en entretenant une décharge soutenue des cellules mitrales. La seule modulation présente au niveau de cette synapse excitatrice consiste en une inhibition. Nous n’avons pas observé en effet, contrairement à la règle, de potentialisation à la suite d’une élévation du calcium extracellulaire ou d’une activation de l’adénylate-cyclase.
L’application d’une paire de chocs électriques sur le nerf olfactif conduit à une réduction significative de la deuxième réponse (Fig. 2A). On n’observe pas non plus la potentialisation post-tétanique qui est la règle dans les synapses excitatrices, ni de potentialisation à long terme. On note, en revanche, une dépression immédiate après un train de stimulation à 1 Hz, non suivie d’une dépression à long terme.
Ces différentes données montrent que la probabilité de libération du glutamate au niveau de la première synapse, relais du système olfactif, se situe à son niveau « plafond » et n’est plus susceptible d’être amplifiée. Cette propriété rend la transmission entre neurones sensoriels et bulbe olfactif hautement fiable. Il existe au niveau présynaptique des contrôles qui s’exercent exclusivement par freinage par l’intermédiaire de récepteurs dopaminergiques de type D et gabaergiques de type 2 GABA , comme le montrent les expériences pharmacologiques résumées dans la B Figure 2B. Ces inhibitions sont indépendantes d’une voie mettant en jeu l’AMPc et paraissent impliquer l’ouverture d’un canal potassique sensible à la 4-aminopyridine.
Traitement de l’information sensorielle dans le bulbe olfactif
Le signal odorant après le franchissement du premier relais synaptique subit une véritable mise en forme par l’intermédiaire de circuits locaux. Ceux-ci mettent en jeu deux classes d’interneurones : les cellules périglomérulaires et les cellules granulaires. De plus, des influx centrifuges en provenance d’autres régions du cerveau se projettent sur ces réseaux intracellulaires et en modulent les sorties [7-8].
FIG. 2. — (A) Réponses synaptiques excitatrices (glutamatergiques) enregistrées dans une cellule mitrale. Ces réponses sont induites par la stimulation du nerf olfactif. Noter que la stimulation répétée du nerf olfactif entraîne une diminution de la seconde réponse synaptique par rapport à la première. Ce protocole indique que la probabilité de libération du glutamate est élevée. (B) Les agonistes des récepteurs D (Quinpirole, 10 µM) et GABA (Baclofen, 10 µM) réduisent 2 B cette probabilité de libération.
Les cellules périglomérulaires
Celles-ci reçoivent des influx excitateurs glutamatergiques provenant des terminaisons axonales des neurones sensoriels. Nous avons montré également qu’il existait une innervation excitatrice cholinergique de type nicotinique. Ce sont les neurones situés dans la bande diagonale de Broca qui produisent l’acétylcholine [9].
Les cellules périglomérulaires inhibent la cellule mitrale au niveau glomérulaire par l’intermédiaire de synapses dendro-dendritiques qui mettent en jeu des récepteurs post-synaptiques de type GABA . Rappelons qu’elles exercent également une A inhibition présynaptique liée à des récepteurs GABA . La dopamine présente dans B un certain nombre de cellules périglomérulaires est responsable de l’activation des récepteurs D situés sur la terminaison axonale sensorielle et de l’inhibition qui en 2 résulte.
Les cellules granulaires
En plus de leur dendrite primaire contactant un seul glomérule, les cellules mitrales envoient de longs dendrites basaux qui s’étendent latéralement de part et d’autre de la cellule mitrale dans la couche plexiforme externe. Ces prolongements forment des synapses dendro-dendritiques avec les dendrites des cellules granulaires.
La dépolarisation de la cellule mitrale induite au niveau glomérulaire par l’activité sensorielle se propage dans les dendrites secondaires et entraîne la libération de glutamate dans les synapses réciproques suivie d’une dépolarisation des dendrites des cellules granulaires ; ceux-ci, en retour, libèrent du GABA qui inhibe la cellule mitrale. L’interaction entre les cellules mitrales et les cellules granulaires au niveau des synapses réciproques régulent donc grâce à une boucle de rétroaction négative l’activité des cellules mitrales, c’est-à-dire les neurones de sortie du bulbe olfactif.
Les cellules granulaires exercent une forte inhibition. Celle-ci peut être surmontée par un haut niveau d’activité afférente pendant l’inhalation. L’inhibition qui perdure lors de la phase d’expiration contribue à ralentir, voire à interrompre totalement, l’activité des cellules mitrales. Lors de la stimulation, l’activité de nombreuses cellules mitrales apparaît donc synchronisée sur le rythme respiratoire.
Oscillations subliminaires intrinsèques dans le bulbe olfactif
L’enregistrement intracellulaire de 85 cellules mitrales nous a permis d’observer une activité oscillatoire de leur potentiel de membrane à une fréquence variable de 10 à 50 Hz en fonction du potentiel de repos (Fig. 3). Les oscillations engendrent des potentiels d’action. Les potentiels synaptiques générés par les interneurones granulaires sont par ailleurs capables de mettre en phase les oscillations et donc de synchroniser l’activité d’une subpopulation (ou réseau) de cellules mitrales en réponse à une stimulation olfactive [10].
Les propriétés intrinsèques des neurones du bulbe olfactif et leur connectivité fournissent des bases fonctionnelles et structurelles pour comprendre l’organisation du message olfactif et sa transmission à des niveaux supérieurs d’intégration. À cette grande variabilité, il faut ajouter un élément supplémentaire de complexité qui tient à la neurogenèse permanente des cellules granulaires.
Neurogenèse des interneurones
Données morphologiques
Le bulbe olfactif est une des rares structures dans le système nerveux central (SNC) qui présente un renouvellement d’une partie de sa population neuronale [11]. Les cellules progénitrices proviennent de la zone subventriculaire des ventricules laté- raux qui produit des cellules souches pendant toute la durée de vie de l’animal (Fig. 1B). Celles-ci peuvent soit mourir, soit entreprendre une migration selon un courant dit rostral qui occupe le cœur du bulbe olfactif. Ces cellules prennent ensuite
FIG. 3. — Mécanismes possibles de synchronisation des cellules mitrales voisines. Les oscillations sous-liminaires sont synchronisées par les événements synaptiques inhibiteurs ( A ). Ces oscillations intègrent les événements synaptiques excitateurs (
B ) ou génèrent des potentiels d’actions induits après la cessation d’un événement inhibiteur de type GABAergique (
C ).
une orientation radiale pour envahir les couches granulaires et périglomérulaires où elles se différencient en interneurones locaux. La migration tangentielle est associée avec l’expression de la molécule de NCAM (Neural Cell Adhesion Molecule).
L’invalidation du gène de NCAM chez la souris, qui s’accompagne également d’une disparition de la forme polysialysée de la molécule d’adhésion, entraîne un déficit spectaculaire de la migration des cellules souches. Le bulbe olfactif diminue de 40 % de son volume normal en raison d’une atrophie qui porte exclusivement sur les interneurones gabaergiques.
Données fonctionnelles
La diminution de la population des interneurones gabaergiques s’accompagne d’une réduction significative de la discrimination entre différentes odeurs. Le seuil
de détection olfactive et la mémoire olfactive à court terme sont, en revanche, inchangés. Ces résultats semblent prouver qu’un niveau critique du nombre d’interneurones bulbaires, et donc de l’inhibition gabaergique, est nécessaire à la discrimination mais n’intervient pas dans les fonctions olfactives générales.
DISCUSSION
Nos observations confirment que le relais synaptique entre le neurone sensoriel et le second neurone (deutoneurone), la cellule mitrale, fonctionne à son niveau le plus élevé d’amplification du signal donnant à la transmission de signaux olfactifs souvent très faibles un maximum d’efficacité et de poids synaptique. Celui-ci, contrairement à ce qui est observé dans les autres synapses du SNC, ne peut être potentialisé [12]. Dans le protocole de la paire de chocs électriques, le second stimulus ne s’accompagne pas, comme le veut la règle, d’une facilitation de la réponse, mais d’une dépression. Le fonctionnement de cette synapse est donc exclusivement modulé par inhibition, ce qui lui confère un haut niveau de fiabilité.
Elle se rapproche par ailleurs des caractéristiques des synapses « immatures » observées lors du développement du SNC.
Les données anatomiques et fonctionnelles permettent de faire l’hypothèse de mécanismes d’inhibition latérale, grâce auxquels l’activité d’une cellule mitrale venant d’un glomérule supprimerait celle des cellules originaires des glomérules voisins. Rappelons, à ce propos, d’une part que le dendrite primaire d’une cellule mitrale n’appartient qu’à un seul glomérule, d’autre part qu’un glomérule ne reçoit d’axone qu’en provenance de neurones sensoriels qui possèdent un même type de récepteur.
Un tel dispositif pourrait expliquer la finesse des informations sensorielles transmises au SNC. L’analyse des réponses électrophysiologiques de cellules mitrales individuelles à l’inhalation d’aldéhydes aliphatiques révèle que certaines unités sont excitées par un groupe de substances, d’autres sont inhibées ou ne répondent pas. Le blocage pharmacologique des synapses réciproques entre cellules mitrales et cellules granulaires supprime les réponses inhibitrices. Les substances odorantes qui excitent la même cellule mitrale ont des longueurs de chaîne carbonée numériquement consécutives alors que celles qui l’inhibent, diffèrent par un ou plusieurs carbones.
Sur la base de ces observations, on peut penser que chaque unité glomérulaire répond à une gamme de substances voisines tout en inhibant les unités voisines.
L’inhibition latérale permet également de comprendre comment une réponse faible dans une unité peut être supprimée par de fortes réponses dans une unité voisine. On peut en déduire que le contraste ainsi accentué augmentera la valeur discriminative de la perception transmise au cortex par le module glomérule-cellule mitrale.
Étant donné le rôle déterminant des interneurones gabaergiques dans l’inhibition latérale, on peut également comprendre que le renouvellement d’une partie de leur population facilite la variabilité et l’adaptabilité du système olfactif à un environnement odorant en perpétuel changement.
CONCLUSIONS
Nos observations conduisent à une vision synthétique provisoire du fonctionnement du bulbe olfactif. À chaque entrée d’air, une « carte d’activité olfactive » s’inscrit à l’entrée du bulbe et vient interagir avec l’activité spontanée des neurones bulbaires. Cette carte, d’abord glomérulaire, est traitée par les interneurones périglomérulaires qui en déterminent les contours grâce à une action inhibitrice de voisinage. Elle est ensuite transférée vers les couches plus profondes par l’intermé- diaire des dendrites primaires des cellules mitrales. L’excitation des cellules granulaires induit une inhibition en retour des cellules mitrales annonçant ainsi une oscillation de l’ensemble du bulbe. Par ailleurs, une activité oscillante intrinsèque à chaque cellule mitrale permet, grâce au rephasage dû à l’action des interneurones, la synchronisation des potentiels d’action d’un ensemble déterminé de ces unités. La carte d’activité imposée à la couche glomérulaire d’entrée donne donc naissance à un motif plurineuronal de sortie, dirigé vers les aires paléocorticales. Les variations de la population des cellules granulaires par l’intermédiaire d’une neurogenèse accompagnée d’une migration continue, pourraient moduler ces cartes de sortie. Les recherches actuelles s’efforcent d’évaluer le degré de plasticité de ces circuits et de déterminer les facteurs qui influent sur leur fonctionnement. Le bulbe pourrait être le siège d’un premier traitement du message olfactif, qui serait ensuite transféré vers d’autres régions cérébrales.
Une meilleure compréhension de la dynamique neuronale du système olfactif devrait permettre d’élargir les champs d’investigation centrés sur la neurobiologie de la mémoire et de l’apprentissage qui, jusqu’alors, restaient limités au cadre de la synapse. Le paradigme actuel place une modification de l’efficacité synaptique à l’origine des phénomènes de mémoire. Selon cette hypothèse, la mise en place de véritables engrammes, dans un réseau neuronal donné, suppose une réorganisation anatomique et fonctionnelle des connexions entre neurones. Ce remaniement s’effectuerait selon un processus de sélection qui exclurait toute participation de phénomènes instructifs. L’étude du système olfactif devrait permettre de replacer les remaniements morpho-fonctionnels observés chez l’adulte dans le domaine plus vaste de celui de l’épigenèse qui régit le développement d’un SNC en construction permanente.
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[8] HALÁSZ N., SHEPHERD G.M. — Neurochemistry of the vertebrate olfactory bulb.
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[9] MACRIDES F., DAVIS B.J., YOUNGS W.M., NADIS N.S., MARGOLIS F.L. — Cholinergic and catecholaminergic afferents to the olfactory bulb in the hamster : a neuroanatomical, biochemical and histochemical investigation. J. Comp. Neurol., 1981 , 203 , 497-516.
[10] DESMAISON D., VINCENT J.-D., LLEDO P.M. — Control of action potential timing by intrinsic subthreshold oscillations in olfactory bulb output neurons. J. Neurosci., 1999, 19, 10727-10737.
[11] LOIS C., ALVAREZ-BUYLLA A. – Long-distance neuronal migration in the adult mammalian brain. Science, 1994, 264 , 1145-8.
[12] BLISS T.V.P, COLLINGRIDGE G.L. – A synaptic model of memory : long-term potentiation in hippocampus. Nature (Lond.) , 1993, 361 , 31-39.
DISCUSSION
M. Georges SERRATRICE
Les explorations d’imagerie fonctionnelle cérébrale auraient montré, lors de détection des odeurs, une activation orbito-frontale latérale. A ce propos, la mémoire olfactive d’identification est susceptible de se développer à l’infini chez certains sujets et surtout dans le règne animal, tandis que la mémoire d’évocation est exceptionnellement (en dehors d’épisodes critiques) en mesure de reproduire une sensation olfactive.
Il s’agit en effet du cortex orbito-frontal droit. La difficulté de la mémoire d’évocation tient probablement à un moindre développement des aires associatives en ce qui concerne l’olfaction. Toutefois, dans des conditions d’apprentissage exceptionnellement développées et dans un champ relativement limité, cette mémoire d’évocation est capable d’atteindre des développements surprenants (dégustateurs ou sujets appelés « nez » dans l’industrie du parfum).
M. Émile ARON
Votre propos sur la physiologie de l’odorat méritaient nos chaleureux applaudissements.
Mais le sens olfactif des hommes par rapport à celui des animaux est pitoyable : Buffon a écrit « les animaux sentent de plus loin qu’ils ne voient ». Espérant que cet état de l’être humain n’est pas irrémédiable, je me permets de vous poser trois questions d’intérêt pratique. L’odorat se développerait chez le fœtus dès la 7ème semaine. Peut-on envisager des tactiques pour le stimuler avant la naissance ? Les résultats obtenus par l’Institut du goût de Tours plaident pour cette seconde question : peut-on augmenter, par l’éducation ou par des thérapeutiques spécifiques, les performances olfactives ? Les sensations olfactives, d’après mon expérience, diminuent avec l’âge et leurs conséquences sur la nutrition ne sont pas négligeables. Vos travaux sont-ils prometteurs pour les seniors ?
Il est clair que l’on peut probablement commencer à éduquer le goût bien avant la naissance. Il y a quelques expériences dans ce sens, notamment celles menées par Boris Cyrulnik à Toulon, qui montrent que l’attirance pour l’ail se développe chez les fœtus des mères marseillaises ou toulonnaises. Il y a également les odeurs présentes dans le lait maternel qui conditionnent le choix préférentiel des nouveau-nés. Sur la question des performances olfactives et l’éducation, des expériences que nous avons menées sur des jeunes souris élevées dans une atmosphère enrichie en odeurs indiquent que la mémoire à moyen terme est augmentée. Des expériences semblables chez l’humain mériteraient d’être développées sur le long terme. Ce travail reste à faire. En ce qui concerne les données chez les sujets âgés, il existe des expériences de psychophysique qui montrent que le glutamate est un « exhausteur » du goût dans le troisième âge. Il faut retenir que la neurogenèse du bulbe olfactif, dont nous avons montré qu’elle était liée aux performances olfactives, était conservée quel que soit l’âge du sujet.
M. Paul LECHAT
Ce que vous avez dit de la neurogenèse « olfactive », vaut-il pour le système auditif ? Si oui, comment expliquer la diminution de l’acuité auditive avec l’âge ?
C’est une excellente question. La différence s’explique peut-être par le fait que les cellules de l’organe de Corti ne possèdent pas la capacité de se renouveler.
M. Roger NORDMANN
Dispose t-on de données comparatives entre neuroblastes olfactifs ayant conservé leur capacité de division et neuroblastes d’autres régions du système nerveux central ? Existe-t-il des différences dans le métabolisme énergétique, les mécanismes d’apoptose, etc… qui permettraient de rendre compte de ces capacités de division particulières des cellules du bulbe olfactif ? D’autre part, existe-t-il (comme pour le goût) des classifications des diverses odeurs (en fonction éventuellement de récepteurs relativement spécifiques) ? Peut-on classer les odeurs en agréables et désagréables, selon les données établies chez l’homme comme chez l’animal ?
Il existe des cellules multipotentes tout au long des ventricules et ceci même jusqu’au niveau de la moelle épinière. Les cellules granulaires de bulbe expriment des gènes comme bcl2 et sont programmées pour la mort. Un travail sur l’apoptose dans ces cellules fait
partie de notre projet de recherche. Il existe des grandes familles d’odeurs qui comprennent des molécules extrêmement différentes sur le plan biochimique. Une classification possible est donnée dans l’article de Médecine et Science *. Une même odeur peut être considérée successivement comme agréable, puis désagréable en fonction de la concentration de la substance. Par ailleurs, l’état interne du sujet peut modifier la valence hédoniste d’une odeur, c’est le phénomène d’alliestésie.
M. Georges DAVID
Avant de poser ma question, je ferai une remarque à propos de votre entrée en matière : vous avez attribué à la fonction olfactive la primauté chronologique de toutes les fonctions sensorielles après la naissance. En fait, n’est-elle pas la seconde puisque sa mise en jeu implique une inspiration ? Or la première inspiration est déclenchée par le sens tactile : c’est le refroidissement cutané qui entraîne cette première inspiration. Ma question concerne la mise en évidence, par notre collègue belge Parmentier, de récepteurs « olfactifs » sur le spermatozoïde. Quelle fonction peut-on leur imaginer ?
Cette question nous ramène à la théorie de l’évolution où l’on retrouve les mêmes molécules associées à des fonctions similaires dans la phylogenèse et dans l’ontogenèse (loi de la récapitulation). L’existence de récepteurs olfactifs sur le spermatozoïde en est une bonne illustration. Comme chez les êtres unicellulaires, les récepteurs olfactifs sont alors responsables de la reconnaissance interindividuelle.
M. Gabriel BLANCHER
Observe-t-on également des phénomènes de neurogenèse dans le domaine du message gustatif, si étroitement associé au message olfactif ?
Il existe en effet, au niveau des cellules gustatives qui forment les bourgeons du goût au sein des papilles, une neurogenèse comparable à celle que l’on observe pour la transmission du message olfactif. Celle-ci est beaucoup moins connue et reste à étudier.
* LLEDO P.M., VINCENT J.D. — Odeurs , 1999, 15 , 1211-1218.
* IFR — 2118, Institut de Neurobiologie Alfred Fessard, CNRS — 91198 Gif/Yvette cedex, France. Tirés-à-part : Professeur Jean-Didier VINCENT, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 24 janvier 2001, accepté le 5 mars 2001.
Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 4, 689-705, séance du 3 avril 2001