Communication scientifique
Session of 2 décembre 2009

Conclusion : futurs probables et possibles. L’IRM à ultra haut champ magnétique

MOTS-CLÉS : champ électromagnétique. diagnostic par imagerie. encéphale. neuroanatomie. neurochirurgie. neurologie. système nerveux central
Conclusion : probable and possible futures. MRI with ultra high magnetic field
KEY-WORDS : brain.. diagnostic imaging. electromagnetic fields

Denis Le Bihan *

Résumé

La neuroimagerie IRM n’interfére pas avec la fonction cérébrale. Par son innocuité, elle permet l’étude du cerveau humain des patients comme des volontaires sains. Ainsi en est elle devenue l’approche instrumentale et conceptuelle fondamentale. Or, la nature des tâches effectuées par les neurones est très différente selon leur localisation. L’augmentantation du champ magnétique des aimants fait espérer le gain d’un facteur 5 à 10 dans dans la précision spatiale ou temporelle des images. Cela doit mener à l’étude du fonctionnement cérébral à l’échelle, non plus, de millions, mais de quelques milliers de neurones. À cette échelle intermédiaire se cache peut-être un « code neural ». D’où la vocation de NeuroSpin, nouvel espace de recherche du CEA, unique en Europe, dédié à la neuro-imagerie IRM à très haut champ magnétique. Lieu de dialogue permanent entre ceux qui développent et ceux qui utilisent ces instruments, il réunit chercheurs et ingénieurs, techniciens et médecins. NeuroSpin est une des rares institutions en Europe, sinon dans le monde, à réunir ces experts en un même lieu pour concevoir, construire et utiliser des aimants d’une puissance jusque là inégalée. Au-delà de 3 teslas (60 000 fois le champ magnétique terrestre), ‘‘ routine ’’ la plus élevée aujourd’hui, un premier système français opérant à 7 teslas (140 000 fois le champ terrestre) pour les études cliniques et les examens chez l’homme, un autre système opérant à 11.7 teslas (record du monde) en cours de réalisation (livraison 2011), études précliniques sur aimants opérant à 7 teslas et bientôt à 17,6 teslas sont construits pour relever les défis actuels de l’imagerie cérébrale.

Summary

MR neuroimaging does not interfere with brain function. Because it is safe, it can be used to study the brains of both patients and healthy volunteers. The tasks performed by neurons depend largely on their precise location, and high-field magnets have the potential to provide a 5- to 10-fold increase in spatiotemporal resolution. This should allow brain function to be studied on a scale of only a few thousand neurons, possibly at the intermediate scale of the ‘‘ neural code ’’. NeuroSpin, a new CEA research center, is dedicated to neuro-MRI at high magnetic field stengths. As a forum for dialogue between those developing and those using these instruments, it brings together researchers and engineers, technicians and medical doctors. NeuroSpin is one of the few institutions in Europe, if not the world, where these experts can come together in one place to design, construct and use machines equipped with ultrastrong magnets. The strongest ‘‘ routine ’’ MR device currently operates at 3 Tesla (60 000 times the earth’s magnetic field), whereas a first French system operating at 7 Tesla (140 000 times the earth’s field) is now available for human studies, and another system operating at 11.7 Tesla (world record) should be delivered in 2011. Preclinical studies are also being conducted with magnets operating at 7 Tesla and, soon, 17.6 Tesla.

INTRODUCTION

La compréhension du fonctionnement de notre cerveau a, bien sûr, un vaste potentiel pour notre santé afin de traiter, rééduquer ou réinsérer les patients atteints de maladies du système nerveux (maladies neurologiques, neurodégénératives, psychiatriques, …. sans oublier les troubles du développement chez l’enfant ou encore le vieillissement cérébral, la rééducation), mais aussi pour améliorer nos performances cognitives : éducation, communications, art, comportements culturels et sociaux.

Pour cette raison, la neuroimagerie est devenue une approche instrumentale et conceptuelle fondamentale. La nature des tâches effectuées par les neurones est en effet très différente selon leur localisation. Les méthodes de neuroimagerie, non traumatiques comme l’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique), n’interfèrent pas avec la fonction cérébrale et permettent d’étudier le cerveau humain, non seulement chez des patients, mais aussi des volontaires sains.

Pourtant l’IRM est loin d’avoir atteint ses limites : en augmentant le champ magnétique des aimants on peut espérer gagner un facteur 5 à 10 dans la précision spatiale ou temporelle des images. On pourrait ainsi étudier le fonctionnement du cerveau à l’échelle de quelques milliers de neurones (et non plus de millions), une échelle intermédiaire où se cache peut-être un « code neural » comme il existe un code génétique.

Pour relever les défis actuels de l’imagerie cérébrale un dialogue permanent entre ceux qui développent et ceux qui utilisent ces instruments est indispensable.

Neurospin, une réponse

C’est précisément sur cette conjugaison de savoir-faire et de cultures différentes, de chercheurs, d’ingénieurs, de techniciens publics et privés, de compétences complé- mentaires que reposent le fondement et l’originalité de NeuroSpin, un nouvel espace de recherche du CEA dédié à la neuro-imagerie avec IRM à très haut champ magnétique. NeuroSpin est une des rares institutions en Europe, sinon dans le monde, a pouvoir réunir ces experts en un même lieu pour concevoir, construire et utiliser des aimants d’une puissance jusque là inégalée afin de repousser à l’extrême les limites actuelles de la neuro-imagerie pour comprendre le fonctionnement du cerveau normal et pathologique.

Les équipes de NeuroSpin assurent la continuité des travaux en développant et mettant sans cesse à disposition de nouvelles modalités méthodologiques, et en utilisant au maximum les possibilités des instruments pour répondre à des questions neurobiologiques et cliniques du plus grand intérêt.

Le concept de NeuroSpin s’articule sur trois approches complémentaires et indissociables : L’instrumentation, la modélisation, la validation et les applications.

L’instrumentation. NeuroSpin dispose d’un système IRM 3 teslas (60 000 fois le champ magnétique terrestre) et du premier système français opérant à 7 teslas (140 000 fois le champ terrestre) pour les études cliniques et les examens chez l’homme.

Un autre système opérant à 11.7 teslas (record du monde) est en cours de réalisation (livraison prévue en 2011). Pour les études précliniques, NeuroSpin est équipé d’aimants opérant à 7 teslas et bientôt à 17,6 teslas (autre record mondial). En parallèle NeuroSpin est aussi équipé d’un appareil de Magnétoencéphalographie pour enregistrer les champs magnétiques infinitésimaux produits naturellement par le cerveau.

La modélisation : la modélisation (mathématique, physique, physiologique,…) du fonctionnement cérébral requiert la coopération de multiples compétences ainsi que des moyens de calculs considérables pour manipuler, traiter, modéliser et archiver de très grands volumes de données.

La validation et les applications. L a plate-forme NeuroSpin se structure en deux secteurs, clinique et pré-clinique. Un espace médicalisé avec des lits permet d’accueillir des patients hospitalisés. L’espace préclinique permet des études sur des lignées de souris transgéniques pour établir comment les assemblées de neurones se développent et s’organisent en fonction de l’environnement et de l’expression des gènes. Cette étape est indispensable avant l’utilisation de ces modèles pour leur objectif ultime, c’est-à-dire la compréhension des processus cognitifs humains, leurs pathologies et leurs thérapeutiques, assurés dans le secteur clinique.

Ainsi c’est le continuum, de la souris à l’homme , qui doit pouvoir être étudié en parallèle et avec la même modalité d’imagerie.

Un des objectifs de NeuroSpin est de mieux comprendre l’effet des rôles respectifs de nos gènes et de l’environnement dans le développement anatomique et fonctionnel des assemblées de neurones. Le « code neural » doit donc intégrer cette double faculté de répondre à un patrimoine génétique ( code génétique ) et d’être modulable par l’environnement . Comment ces ensembles de neurones sont-ils organisés dans l’ensemble du cortex cérébral ? Quel est leur rôle ? Comment échangent-ils de l’information ? Comment sont-ils formés pendant la phase de développement du cerveau ou après ? Comment son-ils modifiés par l’environnement,…? Telles sont les questions qui sont abordées à NeuroSpin.

Les retombées prévisibles de ce grand instrument Elles sont tout à la fois scientifiques, cliniques, industrielles et économiques.

 

Les verrous technologiques qui seront franchis avec ces nouveaux aimants pourraient modifier les concepts en vigueur pour le développement des scanners IRM cliniques.

Le développement de nouveaux agents de contraste adaptés à de telles puissances de champs est d’ores et déjà envisagé. Ceux-ci permettront de mettre en évidence des pathologies à un stade très précoce (Alzheimer, accidents vasculaires cérébraux, tumeurs cérébrales) et de cibler plus précisément les traitements (imagerie moléculaire ).

 

Les modèles et outils développés bénéficieront en premier lieu aux hôpitaux, soit par un accès direct à la plate-forme clinique prévue à NeuroSpin, soit par le biais de formations, soit à travers les retombées que de tels développements auront sur les protocoles et systèmes IRM des milieux hospitaliers.

Rappelons qu’il faut souvent plus d’une dizaine d’années entre la première publication scientifique d’une idée innovante ou un brevet industriel et son utilisation en routine clinique. Un des enjeux de NeuroSpin est justement d’accélérer cette recherche translationnelle pour faire bénéficier les patients au plus vite de l’innovation.

 

ICONOGRAPHIE

Le CD contenant l’iconographie de cette présentation peut être consulté à la Bibliothè- que de l’Académie nationale de médecine et à la Bibliothèque de l’Académie des sciences.

Chaque renvoi est noté de « Pl.8-1 » à « Pl.8-15 ».

The iconography of this presentation can be consult on CD-ROM at the library of the National Academy of Medicine and the library of the Académie of Sciences. Each referral is noted « Pl.1-8 » to « Pl. 15-8 ».

 

<p>* Membre de l’Académie des Sciences Tirés-à-part : Professeur Denis Le Bihan, 1, rue du Vieux-Puits 78860 Saint-Nom-la-Bretèche.</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 4, 891-894, séance du 2 décembre 2008