Communication scientifique
Session of 30 octobre 2007

Conclusion

Pierre Ambroise-Thomas *

Conclusion

Un siècle d’espoirs, de succès et d’échecs dans la lutte contre le paludisme : 1907-2007

Pierre AMBROISE-THOMAS *

Qu’en est-il un siècle après Laveran ? De superbes découvertes ont été réalisées. Elles nous ont été rappelées ce matin à l’Académie nationale de médecine et cet aprèsmidi, ici, au Val-de-Grâce, par plusieurs des meilleurs spécialistes de l’Organisation Mondiale de la Santé, de l’Institut Pasteur et du Service de Santé des Armées.

Malgré ces découvertes, malgré les moyens considérables mis en œuvre, le paludisme demeure la principale maladie : cinq à six-cent millions de malades, plusieurs millions de morts annuelles, plus du tiers de l’humanité menacé.

En un siècle, nous avons pourtant appris à connaître l’agent causal. A en analyser la structure par les techniques les plus fines. À le cultiver in vitro , à l’inoculer à des animaux d’expérience, à en séquencer le génome. Nous avons aussi découvert des insecticides puissants, de nouveaux antipaludiques de synthèse, des séries entières de « candidats vaccins », des adjuvants de l’immunité de plus en plus efficaces. Chacune de ces découvertes, ou presque, a été accompagnée de triomphalisme institutionnel ou d’auto publicité narcissique, au nom desquels la disparition prochaine du paludisme, son éradication, était régulièrement annoncée.

Nous en sommes malheureusement loin et du siècle qui vient de s’écouler, la paludologie doit tirer trois leçons essentielles : la volonté de continuer ou plutôt d’intensifier les recherches, la modestie, le réalisme.

À la recherche de nous apporter de nouveaux moyens plus efficaces et surtout mieux adaptés.

À la modestie de nous rappeler que, jusqu’ici, bien des découvertes essentielles, notamment en thérapeutique, ont souvent reposé sur des bases empiriques ou même sur le hasard.

Au réalisme enfin de souligner que face à une maladie protéiforme, à la transmission vectorielle et à l’épidémiologie complexe il n’existe pas de solution miracle. Seule la conjonction de techniques complémentaires : lutte et protection anti vectorielles — et je regrette vivement que nous n’ayons pas pu faire ici à l’entomologie la place qui aurait dû lui revenir — thérapeutique, vaccins, seule cette conjonction pourra
permettre de contrôler, sinon d’éradiquer le paludisme. Encore y faut-il des moyens et surtout une volonté politique.

Grâce à une très large mobilisation de plusieurs fondations et des agences internationales, les moyens ont considérablement augmenté. Ils doivent continuer à le faire et pour cela l’engagement des états du nord est indispensable. Mais cette volonté politique doit être tout aussi vivace dans les pays du sud. Les pays d’endémie doivent mieux prendre effectivement en charge la part qui leur revient dans les programmes de lutte. Ils doivent surtout veiller à une juste et rapide répartition des moyens mis à disposition par la solidarité internationale.

* Président de l’Académie nationale de médecine.

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, no 7, 1317-1318, séance du 30 octobre 2007