Thérapie cellulaire en ophtalmologie par Muriel PERRON (Directrice de Recherche CNRS. CERTO: Centre d’Etude et de Recherche Thérapeutique en Ophtalmologie. SCaNR : Stem Cells and Neurogenesis in the Retina. Institut des Neurosciences Paris-Saclay (Neuro-PSI). Université Paris-Sud, Orsay)
Les dystrophies rétiniennes, comme la rétinite pigmentaire ou la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), conduisent à une dégénérescence des photorécepteurs et à une perte consécutive de la vision. En France, près de 1,3 million de personnes sont atteintes de DMLA et les rétinopathies pigmentaires affectent 40000 personnes environ. Aucune thérapie curative n’existeà ce jour et seuls sont disponibles des traitements visant à ralentir l’évolution de la maladie. Dans ce contexte, l’essor actuel de la biologie des cellules souches et de la médecine régénérative fait naître l’espoir de développer de nouvelles approches de thérapies cellulaires pour combattre ces dégénérescences rétiniennes.
La stratégie la plus largement explorée repose sur l’utilisation de cellules souches exogènes cultivées in vitro, induites à différencier vers un lignage d’intérêt, puis greffées. Des transplantations de précurseurs de photorécepteurs issus de cellules souches ont permis de restaurer la vision de souris aveugles, offrant des perspectives thérapeutiques prometteuses. L’intégration des cellules dans la rétine est cependant actuellement remise en question après la découverte de phénomènes de fusion cellulaire. D’autres équipes s’intéressent à la transplantation de cellules de l’épithélium pigmentaire rétinien à partir de cellules souches embryonnaire ou de cellules souches reprogrammées provenant du patient lui-même.Des essais cliniques de phase I et II sont d’ores et déjà en cours aux Etats-Unis, en Angleterre ou encore au Japon, pour évaluer la sécurité de cette approche et évaluer les effets thérapeutiques attendus.
Une alternative à de telles procédures consisterait à stimuler in vivo le potentiel régénératif du tissu rétinien par la mobilisation de cellules souches endogènes. Cette approche a l’avantage d’éviter certaines difficultés liées à l’utilisation d’un greffon (notamment les risques associés à une intervention chirurgicale délicate ou celui d’un rejet immunitaire) ainsi que les coût financiers très importants liés à la culture in vitro. La rétine des mammifères est dépourvue de capacité régénérative efficace mais contient diverses populations de cellules à potentiel souche, c’est à dire quiescentes et différenciées à l’état normal mais susceptibles de se reprogrammer et de se diviser en cas de lésion. L’exploitation de ce potentiel pour traiter les maladies dégénératives de la rétine est donc l’objet d’un nombre croissant d’études. Mobiliser ces cellules souches quiescentes en stimulant leur prolifération et leur potentiel neurogénique représente donc une stratégie potentielle pour compenser les pertes neuronales chez les patients atteints de neurodégénérescences rétiniennes. Cependant, l’étude des mécanismes moléculaires sous-tendant ces processus n’en est qu’à ses débuts et nécessite une bien meilleure connaissance des gènes et voies de signalisation impliqués.
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Thérapie cellulaire en chirurgie cardiaque par Philippe MENASCHÉ (Département de Chirurgie cardio-vasculaire, Université Paris Descartes & INSERM U-970, Hôpital Européen Georges Pompidou 20, rue Leblanc 75015 Paris, France)
La thérapie cellulaire cardiaque est pratiquée aujourd’hui dans le cadre de multiples essais cliniques chirurgicaux menés dans des indications diverses: insuffisance cardiaque ischémique, cardiomyopathie dilatée, cardiopathies congénitales, complément à la mise en place d’un dispositif d’assistance ventriculaire gauche. La question est de savoir si ce traitement est désormais susceptible de faire l’objet d’une pratique plus courante. Pour cela, trois conditions principales doivent être réunies. La première est de mieux préciser le type cellulaire idéal, qui peut d’ailleurs varier avec l’indication (myogenèse ou angiogenèse). Même si ce sujet reste controversé, il existe un faisceau convergent de données suggérant que les cellules les plus fonctionnellement efficaces sont celles dont le phénotype est aussi proche que possible du tissu à réparer, d’où notre choix de greffer des cellules cardiaques progénitrices dérivées de cellules souches embryonnaires humaines dans le cadre de l’essai clinique ESCORT actuellement en cours. La seconde condition est d’optimiser la rétention des cellules. La reconnaissance des limites et inconvénients des injections intra-myocardiques en de multiples sites explique l’intérêt croissant porté au dépôt épicardique d’un patch cellularisé. L’inclusion des cellules dans un patch a en effet pour avantage, non seulement d’optimiser leur rétention, mais aussi de fournir une trame tridimensionnelle favorisant leur survie, prolifération et différentiation. Ainsi se trouve souligné le rôle croissant et fondamental de l’ingéniérie des matériaux comme complément de la stricte thérapie cellulaire. La troisième condition est de valider le mécanisme d’action prédominant des cellules: création d’un nouveau tissu myocardique par les cellules greffées ou, beaucoup plus vraisemblablement, sécrétion de facteurs activant des voies endogènes de réparation tissulaire par différents mécanismes (augmentation de l’angiogenèse, diminution de la fibrose, peut-être recrutement de cellules souches cardiaques). Cette hypothèse paracrine a de fortes implications pratiques : elle renforce l’intérêt des patchs pour optimiser la rétention des cellules et leur donner ainsi le temps nécessaire pour libérer les facteurs sous-tendant leurs effets protecteurs; elle incite au recours à des cellules allogéniques dont les avantages sont connus (reproductibilité, disponibilité immédiate), dès lors que l’objectif devient seulement de retarder (et non plus d’éviter indéfiniment) leur rejet, d’où une simplification des protocoles d’immunosuppression (limités à 1 mois dans notre protocole clinique) et une balance risques/bénéfices cliniquement acceptable; enfin, la confirmation que les effets cardio-protecteurs des cellules pourraient être récapitulés par les facteurs qu’elles sécrètent laisse même entrevoir une thérapie a-cellulaire, seulement fondée sur l’administration de ces facteurs, avec comme corollaire vraisemblable une simplification de la chaîne de production, des contrôles-qualité, et une diminution des coûts pouvant contribuer à une plus grande diffusion clinique de la technique.
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La Thérapie cellulaire en chirurgie plastique par Guy MAGALON (Service de Chirurgie Plastique et Réparatrice, Hôpital de la Conception, Marseille)
La Réinjection de graisse autologue selon la méthode de Sydney Coleman est maintenant bien connue, la technique et les indications sont bien codifiées et les résultats satisfaisants.
Depuis l’idée originale, les évolutions ont été multiples :
– La Micro réinjection, grâce à du matériel de prélèvement et d’injection beaucoup plus petit, permet d’obtenir des micro lobules de 0,5 mm. Le tissu graisseux devient un véritable filler sous dermique.
– La préparation des « nanofat » utilise de nouveaux dispositifs qui éliminent de façon mécanique les cellules graisseuses et gardent les cellules régénératives. On obtient un produit très fluide à usage intra dermique.
– La Fraction Vasculaire Stromale (FVS) du tissu adipeux a été découverte en 2001. Il est possible avec 120 gr de graisse et une préparation enzymatique, d’extraire plusieurs dizaines de millions de cellules contenant entre 3 et 5% de Cellules souches multipotentes. La Fraction Vasculaire Stromale sera préparée dans un laboratoire de Thérapies Cellulaires avec un dispositif médical marqué CE et sera utilisée dans le même temps opératoire.
Ce produit peut être aussi cryocongelé, stocké et utilisé plus tard.
Le Plasma Riche en Plaquettes (PRP)
Il est possible d’isoler les plaquettes sanguines, de les séparer des globules rouges et des globules blancs par une simple centrifugation. Les plaquettes, cellules sans noyau, sont un réservoir de facteurs de croissance qui interviennent dans la cicatrisation, en favorisant la production de collagène, ou encore, en recrutant des cellules souches impliquées dans la régénération tissulaire.
L’utilisation de plaquettes est extrêmement populaire en médecine du sport et du fait de leurs propriétés trophiques, dans le rajeunissement des tissus et la repousse des cheveux.
L’avenir immédiat est dans la réalisation de mélanges tels que : Plasma Riche en Plaquettes (PRP) ou Fraction Vasculaire Stromale (FVS) avec Graisse ou Micro graisse, car il a été prouvé scientifiquement que les produits autologues lorsqu’ils sont mélangés, se potentialisent.
En Conclusion, vos cellules utilisées de façon autologues vont permettre de vous soigner. Il sera nécessaire d’avoir une collaboration entre les cliniciens, les scientifiques et les industriels, de réaliser des protocoles multi centriques, si possible randomisés en double aveugle pour valider ces nouvelles thérapeutiques.
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Thérapie cellulaire en chirurgie digestive par Valérie BRIDOUX, Francis MICHOT (Service de chirurgie digestive, CHU de Rouen)
La thérapie cellulaire a été proposée en chirurgie digestive dans le cadre du traitement de l’incontinence anale par incompétence sphinctérienne. Les travaux réalisés chez l’animal ont en effet mis en évidence, la possibilité d’une régénération sphinctérienne avec restauration des pressions. Les premières études chez l’homme ont ensuite rapporté son efficacité à court et moyen terme, mais il s’agissait d’études ouvertes et portant sur de faibles effectifs.
En collaboration avec l’unité́ INSERM U905 et le laboratoire de biothérapies, un essai randomisé de phase 2 comparant les injections intra-sphinctériennes de myoblastes autologues à l’injection d’un placebo dans le traitement de l’incontinence anale a été mené au sein du service de chirurgie digestive du CHU de Rouen.
Le critère d’évaluation principal était la variation du score symptomatique de Wexner à 6 mois. Tous les patients bénéficiaient d’un bilan pré-opératoire complet (score de qualité de vie, manométrie ano-rectale, échographie endo-anale, test électro-physiologiques) renouvelé à 6 et 12 mois.
De Février 2012, à Juillet 2014, 24 patients avec incontinence anale sévère ont été inclus dans cette étude. Aucun patient n’a présenté d’événement indésirable grave.
À 6 mois, il existait une diminution significative du score de Wexner dans le bras « myoblastes » (9 vs 15, p <0,05) et dans le bras « placebo » (10 vs 15, p <0,05), mais sans différence significative entre les deux groupes (p = 0,68, critère principal).
À 12 mois, le score de Wexner continuait à s’améliorer de manière significative dans le groupe myoblastes (6,5 vs 15, p <0,01), alors que l’effet placebo s’estompait dans l’autre groupe (14 vs 15, p = 0,35). Ainsi le nombre de répondeurs à 12 mois, était plus élevé dans le bras traité que dans le bras placebo (58% vs 8%, p <0,05).
Dans le groupe traité, il existait également, une amélioration à 12 mois, de 2 domaines du score de qualité de vie FIQL (domaines mode de vie et comportement, p <0,05) ; en revanche, aucune modification significative des données paracliniques n’a été mise en évidence.
Cette étude confirme que l’injection intra-sphinctérienne de myoblastes autologues est bien tolérée par les patients, avec un bénéfice clinique à 12 mois chez près de 60% des patients et ce, en dépit d’un effet placebo transitoire à 6 mois.
Ce traitement représente l’espoir d’un traitement curatif de l’incontinence anale par incompétence sphinctérienne et justifie la mise en place d’essais multi-centriques de phase 3.
Bull. Acad. Natle Méd., 2016, 200, no 7, 1507-1511