Communiqué
Session of 18 janvier 2011

Complications cardiovasculaires du diabète

MOTS-CLÉS : cardiomyopathie diabètique. complications du diabète. diabète de type 2. ischémie myocardique. maladies cardiovasculaires. prévention primaire

André VACHERON *

Communiquécardiomyopathie diabètique, complications du diabète, diabète de type 2, ischémie myocardique, maladies cardiovasculaires, prévention primaireAndré Vacheron (au nom de la Commission IV — Maladies cardiovasculaires)

 

André VACHERON *

La prévalence du diabète de type 2 ne cesse d’augmenter avec l’obésité et le vieillissement de la population. Néanmoins, les diabétiques sont à l’heure actuelle plus jeunes qu’auparavant et on dépiste de plus en plus souvent un diabète chez des sujets de la quarantaine voire chez des jeunes obèses.

En France, le nombre de diabétiques est évalué à 2,5 millions soit une prévalence de l’ordre de 4 % de la population, avec environ 100 000 nouveaux cas dépistés chaque année, chiffres probablement sous estimés. Les populations défavorisées sont les plus touchées et c’est dans les DOM TOM que la prévalence est la plus élevée : 17 % à la Réunion, près de 20 % chez les adultes à Tahiti [1].

Le diabète est découvert le plus souvent lors d’un bilan de santé mais peut être découvert tardivement lors d’un syndrome coronaire aigu ou d’un infarctus myocardique ou d’une autre complication vasculaire : le diabète est une maladie panvasculaire qui atteint les gros vaisseaux (maladie coronaire, accident vasculaire cérébral, artérite des membres inférieurs) et les petits vaisseaux (rétinopathie, neuropathie et néphropathie).

Le risque cardiovasculaire du diabétique est multiplié par 2 à 2,5 et la mort est d’origine cardiovasculaire dans 50 % des cas dans l’étude ADVANCE [2]. Elle est due à l’insuffisance rénale dans 10 % des cas. Les diabétiques représentent plus du tiers des 6 500 nouveaux cas des patients dialysés chaque année en France, avec une survie moindre que celle des patients non diabétiques.

Le coût annuel de la prise en charge du diabète pour l’assurance maladie dépasse les dix milliards d’euros. Le diabète occupe actuellement la première place parmi les 30 affections de longue durée exonérante avec 1,5 million de patients, devant les maladies cardiovasculaires et cérébrovasculaires. Rappe- lons que près de neuf millions de français bénéficient actuellement du régime de l’ALD.

La pathologie cardiaque diabétique est dominée par la maladie coronaire athéromateuse caractérisée par des lésions diffuses, souvent multitronculaires, distales et calcifiées avec une progression accélérée.

Cette maladie coronaire reste longtemps silencieuse et souvent détectée tardivement, à un stade déjà évolué : 75 % des diabétiques décédés sans manifestation angineuse ont des sténoses coronaires latentes.

Le risque d’accidents coronariens majeurs est multiplié par plus de trois chez les diabétiques avec ischémie myocardique silencieuse . Cette ischémie ne saurait évidemment pas être recherchée chez tous les diabétiques : le coût de cette recherche serait trop élevé et la rentabilité trop faible. Sa recherche est indiquée :

— chez les patients de plus de 60 ans ou atteints d’un diabète évoluant depuis plus de dix ans ayant au moins deux autres facteurs de risque :

• hypercholestérolémie > 2,50 g/l avec hyperLDL cholestérolémie > 1,6 g/l ou traitement hypocholestérolémiant, • HTA > 140/80 mm Hg ou un traitement antihypertenseur, • tabagisme actif ou interrompu depuis moins de trois ans, • accident cardiovasculaire majeur dans les antécédents familiaux, — chez les diabétiques avec albuminurie et deux autres facteurs de risque, — chez les diabétiques avec une autre atteinte artérielle périphérique ou carotidienne, — chez les diabétiques sédentaires de plus de 45 ans souhaitant reprendre une activité sportive.

Pour détecter l’ischémie silencieuse

L’ECG d’effort est largement utilisé mais chez le diabétique le test est souvent sous maximal, sa sensibilité est faible (60 %) mais sa spécificité peut atteindre 75 % : un test d’effort maximal négatif a une bonne valeur prédictive négative.

La scintigraphie myocardique de perfusion au thallium ou au MIBI (méthoxy isobutyl isonitrile) , couplée à un test d’effort ou à un test pharmacologique de provocation (dipyridamole, adénosine) a une bien meilleure sensibilité (80 à 90 %) que l’électrocardiogramme d’effort mais sa spécificité (75 %) est plus faible chez le diabétique que chez le non diabétique. Sa valeur prédictive négative atteint 95 %.

L’échographie de stress a une bonne sensibilité (81 %) et une bonne spécificité (85 %) mais l’examen et l’interprétation des images peuvent être rendus difficiles par l’obésité.

Le scanner coronaire multi-barrettes donne de bonnes informations sur l’état de la lumière artérielle, sur la présence de plaques et de calcifications mais ne renseigne pas sur le degré de l’ischémie myocardique.

L’IRM après injection de gadolinium et test de provocation pharmacologique permet l’étude de la perfusion et la mise en évidence de l’ischémie mais reste peu utilisée dans la pratique.

La mise en évidence de l’ischémie myocardique commande la coronarographie en tenant compte de l’état de la fonction rénale après réhydratation du patient.

Le traitement comporte toujours un contrôle aussi complet que possible des facteurs de risque :

— arrêt impératif du tabac, réduction de la surcharge pondérale, lutte contre la sédentarité, — contrôle strict de la glycémie évitant les fluctuations glycémiques en raison de l’effet délétère des hypoglycémies sur le cœur et l’effet nocif à long terme des hyperglycémies post-prandiales pour les complications vasculaires, — statine systématique pour obtenir un taux de LDL cholestérol I 1 g/l, — contrôle de la pression artérielle qui doit être aussi proche que possible de 130/80 mm Hg et de l’albuminurie, — inhibiteur de l’enzyme de conversion ou ARA II ou inhibiteur de la rénine, — aspirine ou plavix en cas d’atteinte artérielle patente, — bêtabloquant en cas d’ischémie démontrée.

La revascularisation est indiquée chez les diabétiques ayant une ischémie clinique ou silencieuse avec sténoses coronaires sévères de l’interventriculaire antérieure ou de plusieurs artères coronaires ou une sténose du tronc commun de la coronaire gauche, surtout quand la fonction ventriculaire gauche est altérée.

En cas d’atteinte monotronculaire, l’angioplastie complétée par la pose d’un stent actif, qui fait l’objet de controverses, donne d’excellents résultats.

Cependant les diabétiques restent exposés aux thromboses de stent dont le risque létal est élevé, voisin de 50 % mais dont l’incidence est diminuée par le prasugrel dans l’étude TRITON TIMI 38 [3], passant de 3,6 à 2 % (contre 0,9 % chez les non diabétiques).

Chez les patients multitronculaires, les pontages artériels avec les artères mammaires internes donnent des résultats proches de ceux observés chez les non diabétiques.

La cardiomyopathie diabètique bien décrite par Regan en 1977 [4] est une entité distincte qui survient chez des patients à coronaires saines et pression artérielle normale. Due à une fibrose interstitielle associée à une hyalinisation artériolaire avec hypertrophie myocardique, elle est caractérisée par un dys- fonctionnement diastolique gauche prédominant, longtemps asymptomatique, corrélé à l’intolérance au glucose (Etude STRONG HEART STUDY [5]). Elle est souvent précoce, entrainant des anomalies de la relaxation chez 25 % des diabétiques jeunes et normotendus.

CONCLUSION

Le diabétique meurt le plus souvent du cœur mais la prise en charge actuelle des syndromes coronariens aigus et de l’infarctus myocardique avec les anti-agrégants, les antithrombotiques, les stents actifs, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, les statines ont amélioré le pronostic de la maladie coronaire. L’insuffisance cardiaque systolo-diastolique évoluée de causes multiples (hypertension, maladie coronaire, cardiomyopathie diabé- tique) est sévère avec une mortalité trois fois supérieure à deux ans à l’insuffisance cardiaque des non diabétiques.

BIBLIOGRAPHIE [1] JAFFIOL C. — Actualité de la prise en charge du diabète de type 2 en France.

Bull. Acad.

 

Natle Méd ., 2009, 193 , 1645-1661.

[2] ADVANCE Collaborative Group — Effects of a fixed combination of perindopril and indapamide on macrovascular and microvascular outcomes in patients with type 2 diabetes mellitus (the ADVANCE trial) : a randomised controllel trial. Lancet , 2007, 370 :

829-40.

[3] WIVIOTT S.D., BRAUNWALD E., ANDIOLLILLO D.J. et al. TRITON-TIMI 38 Investigators — Greater clinical benefit of more intensive oral antiplatelet therapy with prasugrel in patients with diabetes mellitus in the trial to assess improvement in therapeutic outcomes by optimizing platelet inhibition with prasugrel-Thrombolysis in Myocardial Infarction 38. Circulation , 2008, 118 : 1626-36.

[4] REGAN T.J., LYONS M.M., AHMED S. et al. — Evidence for cardiomyopathy in familial diabetes mellitus.

J. Clin. Invest ., 1977, 60 , 885-899.

[5] DEVEREUX R.B., ROMAN M.J., PARANICAS M. et al. Impact of diabetes on cardiac structure and function : the Strong Heart Study.

Circulation , 2000, 101 , 2271-2276.

 

RECOMMANDATIONS

La prévalence du diabète de type II s’élève régulièrement en France comme dans les autres pays industrialisés en raison de l’augmentation de l’obésité et du vieillissement de la population. On estime à 2,5 millions le nombre de diabétiques de type 2 avec environ cent mille nouveaux cas détectés chaque années, de sexe masculin pour 52 % d’entre eux, avec un âge moyen de 65 ans. La prévalence est particulièrement élevée dans les DOM TOM, notamment à la Réunion où elle atteint 17 % et à Tahiti où elle atteint près de 20 % chez les adultes [1].

Le diabétique meurt du cœur ; dans l’étude ADVANCE [2], la mortalité cardiovasculaire est voisine de 50 %. Le risque de premier infarctus myocardique est triplé, le risque de récidive presque doublé [3], la mortalité hospitalière liée aux syndromes coronariens aigus est augmentée [4]. Les diabétiques traités par angioplastie ont davantage de thromboses que les non diabétiques.

Enfin, le diabète se complique fréquemment d’insuffisance cardiaque d’origine ischémique ou par fibrose interstitielle et d’insuffisance rénale. Les diabétiques représentent plus du tiers des 6500 nouveaux cas annuels de patients dialysés.

A la lumière des résultats des grandes études UKPDS, ACCORD, VADT, ADVANCE [5 à 8], l’Académie nationale de médecine émet les recommandations suivantes :

en prévention primaire, l’éducation du patient, l’observance du régime, la réduction de la surcharge pondérale, le sevrage tabagique et l’activité physique sont essentiels. La metformine, en l’absence d’insuffisance rénale, reste le traitement de base complété si besoin par un sulfamide hypoglycémiant, une gliptine, un analogue du GLP1, un inhibiteur des alphaglucosidases pour obtenir un taux de Hb A1c I 6,5 %. Le contrôle de chaque facteur de risque est indispensable avec obtention par une statine d’un taux de LDL cholestérol I 1 g/l et maintien de la pression artérielle systolique au-dessous de 140 mm Hg par un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ou un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine 2 (sartan) ou un inhibiteur de la rénine, pour contrôler l’albuminurie, complété si besoin par un inhibiteur calcique ou un thiazidique.

Une ischémie myocardique silencieuse doit être recherchée chez les patients de plus de 60 ans ou atteints d’un diabète évoluant depuis plus de dix ans, ayant au moins deux autres facteurs de risque (une hyperLDL cholestérolémie et une hypertension artérielle en particulier) ou une autre atteinte artérielle périphérique ou carotidienne et chez les diabétiques sédentaires de plus de 45 ans souhaitant reprendre une activité sportive.

Pour détecter l’ischémie myocardique silencieuse, l’électrocardiogramme d’effort est largement utilisé, mais la scintigraphie myocardique au Thallium ou au MIBI couplée à un test d’effort ou à un test pharmacologique de provocation (dipyridamole, adénosine) a une meilleure sensibilité (80 à 90 % vs 60 %) et sa valeur prédictive négative atteint 95 %. L’échocardiographie de stress a une bonne sensibilité et une bonne spécificité mais peut être rendue difficile par l’obésité, le scanner coronaire multi-barrettes donne de bonnes informations sur l’état de la lumière artérielle, la présence de plaques et de calcifications mais ne renseigne pas sur le degré de l’ischémie myocardique.

La revascularisation myocardique est indiquée chez les diabétiques ayant une ischémie clinique ou silencieuse avec sténoses coronaires sévères de l’interventriculaire antérieure ou de plusieurs artères coronaires ou une sténose du tronc commun de la coronaire gauche, surtout quand la fonction ventriculaire gauche est altérée.

En cas d’atteinte monotronculaire, l’angioplastie complétée par la pose d’un stent actif, qui fait l’objet de controverses, donne habituellement d’excellents résultats mais les diabétiques restent exposés aux thromboses de stent.

Chez les patients multitronculaires ou avec atteinte du tronc commun de la coronaire gauche, les pontages artériels avec les artères mammaires internes donnent des résultats proches de ceux observés chez les non diabétiques.

En prévention secondaire et chez les sujets de plus de 65 ans à très haut risque cardiovasculaire dont le diabète remonte à plus de dix ans, le contrôle rigoureux et régulier de tous les facteurs de risque est indispensable avec toujours les statines, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, les sartans, les inhibiteurs calciques auxquels on associera l’aspirine. L’éducation thérapeutique est indispensable. Le contrôle glycémique doit viser un taux de Hb A1c < 7 % et éviter les hypoglycémies iatrogènes. L’insulinothérapie doit être conduite avec prudence chez les sujets âgés. L’auto-surveillance glycémique s’impose dès le recours à l’insuline. L’auto-surveillance tensionnelle est recommandée chez les patients hypertendus.

La rétinopathie et la néphropathie exigent un contrôle optimisé de la glycémie, de la pression artérielle et de la protéinurie.

Dans tous les cas, la coopération entre médecin traitant, cardiologue et diabétologue est indispensable pour prévenir et traiter les multiples complications cardiaques et vasculaires du diabète.

BIBLIOGRAPHIE [1] JAFFIOL C. — Actualité de la prise en charge du diabète de type 2 en France.

Bull. Acad.

 

Natle Méd ., 2009, 193 , 1645-1661.

[2] ADVANCE Collaborative Group — Effects of a fixed combination of perindopril and indapamide on macrovascular and microvascular outcomes in patients with type 2 diabetes mellitus (the ADVANCE trial) : a randomised controlled trial.

Lancet , 2007, 370 :

829-40.

[3] SCHRAMM T.K., GISLASON G.H., KOBER L. et al. — Diabetes patients requiring glucoselowering therapy and nondiabetics with a prior myocardial infarction carry the same cardiovascular risk : a population study of 3.3 million people. Circulation , 2008, 117 :

1945-54.

[4] FRANKLIN K., GOLDBERG R.J., SPENCER F. et al. — Implications of diabetes in patients with acute coronary syndromes. The Global Registry of Acute Coronary Events.

Arch. Intern Med ., 2004, 164 : 1457-63.

[5] UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group — Intensive blood glucose control with sulphonylureas or insulin compared with conventional treatment and risk of complications in patients with type 2 diabetes (UKPDS 33). Lancet , 1998, 352 , 837-53.

[6] The Action to Control Cardio vascular Risk in Diabetes study group (ACCORD). Effect of intensive glucose lowering in type 2 diabetes. N. Engl. J. Med ., 2008, 358 , 2545-59.

[7] DUCKWORTH W. ABRAIRA C. MORTIZ T. et al. — Glucose control and vascular complications in veterans with type 2 diabetes.

N. Engl. J. Med ., 2009, 360 , 129-39.

[8] The ADVANCE collaborative Group — Intensive blood glucose control and vascular outcomes in patients with type 2 diabetes. N. Eng. J. Med ., 2008, 358 , 2560-72.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 18 janvier 2011, a adopté le texte de ce communiqué par 58 voix pour, 3 voix contre et 8 abstentions.

 

* Membre de l’Académie nationale de médecine

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 1, 205-211, séance du 18 janvier 2011