Le tabac est la première cause évitable de décès dans le monde. Or, tous les experts s’accordent pour conclure que de vraies mesures de taxation bien mises en œuvre suffiraient pour réduire considérablement la mortalité et la morbidité dues au tabagisme1.
C’est pourquoi l’Académie de médecine regrette que les récentes mesures en la matière aillent à l’encontre des objectifs préconisés depuis des années dans notre pays pour lutter contre ce véritable fléau de santé publique.
Réduire encore l’augmentation de la TVA, en renonçant à passer de 19,6 % à 20 % comme prévu, au 1er janvier 2014, reviendrait à ne plus augmenter le prix du paquet que de 20 centimes d’euros, alors que les 40 centimes d’euros de hausse initialement prévus étaient déjà largement insuffisants en terme de dissuasion.
Surtout, cette décision, si elle est appliquée, remet en cause les engagements internationaux pris par la France en ratifiant la Convention Cadre de Lutte anti Tabac (CCLAT) de l’OMS. L’article 6 de ce traité de santé publique précise, en effet, que “les Parties reconnaissent que les mesures financières et fiscales sont un moyen efficace et important de réduire la consommation de tabac pour diverses catégories de la population, en particulier les jeunes”. De plus, l’article 5.3 stipule que « en définissant et en appliquant leurs politiques de santé publique en matière de lutte antitabac, les Parties doivent veiller à ce que ces politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac ».
C’est pourquoi, l’Académie de médecine, reprenant son avis du 27 mars 2012, tient à rappeler que les hausses dissuasives et répétées des taxes sur le tabac2 restent le seul moyen efficace pour endiguer le tabagisme mais aussi pour contrecarrer le lobby du tabac.
À ce propos, l’Académie trouve regrettable que la France doive se soumettre à une injonction de la Cour européenne de justice lui imposant d’augmenter les quotas d’importation de paquets de cigarettes en franchise de droits. Cette décision, qui fait passer un poison mortel pour un produit de consommation banal devant de ce fait bénéficier du principe de libre circulation dans l’Union européenne, est un aveu de faiblesse incompréhensible devant l’industrie du tabac, qu’on laisse ainsi battre en brèche toute politique fiscale et sanitaire de lutte contre le tabagisme.
L’Académie nationale de médecine déplore ces nouvelles mesures visant à garantir au tabac une protection fiscale et à en faciliter l’importation à moindre coût parce qu’elles sont non seulement incohérentes mais dangereuses.
L’Académie nationale de médecine recommande de nouveau que, conformément aux engagements internationaux de la France, le tabac et tous ses dérivés soient taxés à des taux suffisamment dissuasifs et sur la base d’augmentations systématiquement renouvelées.
1- The Lancet Commission. Global Health 2035: a world converging within a generation. Published on December 3rd 2013. www.thelancet.com/commissions/global-health-2035
2- Dubois G. Pour un renforcement du contrôle du tabac en France : place des hausses dissuasives et répétées des taxes sur le tabac. Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 3, 755-757, séance du 27 mars 2012. www.academie-medecine.fr/publication100036482/