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Séance du 13 mars 2007

Commentaires

Denys Pellerin *

 

Je pense être l’interprète de mes confrères en remerciant Laurent Lantiéri d’avoir réservé à l’Académie nationale de médecine la priorité de la présentation publique de sa remarquable allotransplantation de tissus composites au niveau de la face.

Chacun de nous a mesuré les difficultés et la complexité de cette intervention et la qualité du résultat obtenu à ce jour.

Nous sommes, je pense, unanimes pour nous réjouir avec le patient du résultat de cette intervention et formuler à son endroit nos vœux très chaleureux de complète guérison et de succès durable.

Vous comprendrez aisément les raisons qui m’ont fait demander à notre Président une dérogation à nos habitudes qui sont, de ne pas intervenir ni poser de question après l’audition d’une Information.

Nul n’ignore que dans des fonctions antérieures j’ai été conduit à suggérer puis à présenter les réserves du Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) sur les « greffes du visage ». Je n’oublie pas que Laurent Lantièri avait eu, le premier, l’initiative d’interroger le CCNE. C’était en 2002.

Le Comité avait alors formulé les plus expresses réserves sur l’éventuel objectif, ou mieux le phantasme, de « greffer à une personne un nouveau visage ».

L’approche philosophique et éthique de la question posée, fut initialement et durablement obscurcie par le fait qu’en langue anglaise le même mot « face » signifie à la fois « le visage » — expression de la singularité de la personne, de sa personnalité et de ses émotions — et « la face, territoire anatomique » au même titre que le cou, le thorax ou l’abdomen.

Madame M. Canto-Sperber, philosophe, co-rapporteur avec moi, n’avait pas manqué de souligner que la discussion n’était pas seulement sémantique.

Clarifié au fil du temps l’avis no 82 du 6 février 2004 ne faisait pas obstacle à l’utilisation d’une allogreffe composite pour remplacer un segment anatomique de la face dès lors que les techniques conventionnelles de chirurgie réparatrice ne pouvait y parvenir .

Le CCNE formulait diverses recommandations que Laurent Lantièri nous a rappelées. Il les a scrupuleusement respectées. L’avis insistait particulièrement sur l’exigence de respecter l’anonymat du donneur et sur la prévention de toute ampliation médiatique inconsidérée (conformément à son avis antérieur no 45).

Laurent Lantièri s’est soumis sans réserve à ces remarques et aux recommandations qu’elles sous entendaient. Ce qui n’a pas été le cas dans ce qui, dès lors, fût reconnu comme une « première » dont l’équipe de l’Hôpital Henri Mondor s’est trouvée injustement écartée.

Il n’en demeure pas moins que l’intervention qui vient de nous être rapportée est une « première » puisqu’il s’agit de la première utilisation de la technique aujourd’hui codifiée d’une allotransplantation au niveau de la face dans une indication — moins rare qu’il n’y paraît — de malformation congénitale au-dessus de toute possibilité de réparation par des techniques conventionnelles. Cette indication avait été envisagée dans le rapport du C.C.N.E.

Par ma voix, l’Académie nationale de médecine prie Laurent Lantièri de partager avec toute son équipe nos félicitations et nos remerciements.

* Membre de l’Académie nationale de médecine

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, no 2, 631-632, séance du 13 mars 2007