Rapport
Session of 5 février 2002

Comment développer et améliorer les actions de prévention dans le système de santé français ?

MOTS-CLÉS : accident circulation. accident domestique. alcoolisme. aliénation.. éducation enfant. médecine sociale. santé mentale. tabac. troubles liés substances toxiques
Prevention with in the framework of the French National health service
KEY-WORDS : accidents, home. accidents, traffics. alcoholism. child rearing. mental health. social alienation.. social medicine. substance-related disorders. tobacco

M. Tubiana et Marcel Legrain

Résumé

La santé en France est dans l’ensemble satisfaisante comme le montre l’allongement régulier (environ 3,5 mois par an) de l’espérance de vie, celle des Françaises étant avec celle des Japonaises la plus longue au monde. Cependant les Français demeurent préoccupés et la protection de leur santé est leur principale aspiration ; ils souhaitent que plus d’efforts soient faits pour la prévention afin non seulement de prolonger la vie mais d’améliorer sa qualité . Dans ce rapport, seule la prévention primaire est considérée, à l’exclusion des handicaps liés au vieillissement. • La possibilité de progrès est illustrée par la brièveté relative de la durée de vie des hommes, d’environ 7,5 ans plus courte que celle des femmes, différence qui est la plus importante dans l’ensemble des pays industrialisés ; de même les inégalités en fonction du niveau socio-économique sont considérables (8 ans d’écart entre les manœuvres et les cadres supérieurs). Or ces disparités n’étant pas, pour l’essentiel, liées à la qualité de soins, la prévention semble la meilleure voie pour les diminuer. Elle pourrait réduire de plus de moitié la fréquence des cancers avant 65 ans et éviter les deux tiers des décès avant cet âge. (*) Constitué de MM. M. LEGRAIN président, M. TUBIANA vice-président et rapporteur, M. ARTHUIS, J. BAZEX, J.L. BINET, G. BLANCHER, C.H. CHOUARD, C. DREUX, G. DUBOIS, C.P. GIUDICELLI, B. HILLEMAND, C. LAVERDANT, R. MASSE, G. NICOLAS, R. NORDMANN, H. ROCHEFORT, J. SÉNÉCAL, C. VOISIN. • Tant d’actions pourraient être utiles en prévention primaire qu’aucun pays, si riche fut-il, ne peut les entreprendre toutes. Il faut donc hiérarchiser les risques qui menacent la santé et pour chacune des actions possibles évaluer son efficacité en regard de son coût économique et de ses répercussions sociales. Il faut aussi introduire dans la société et le corps médical une culture de la santé , en faisant comprendre que celle-ci se bâtit progressivement tout au long de la vie et que l’équilibre psychique de l’adolescent ou la santé de l’homme âgé sont le fruit de leur histoire physique et mentale depuis la naissance. On doit allier les actions médicales à celles portant sur les facteurs psychologiques et sociaux. • La prévention a deux aspects. D’une part l’hygiène publique : la sécurité sanitaire, les vaccinations, la qualité bactériologique et toxicologique de l’eau, de l’air, des aliments. La longévité exceptionnelle des femmes françaises, le fait qu’à 65 ans, donc au moment où l’organisme devient le plus vulnérable, les Français des deux sexes soient ceux dont l’espérance de vie est la plus longue en Europe montrent que la qualité des soins, de l’alimentation et de l’environnement est aussi bonne, ou meilleure, que dans les autres pays. D’ailleurs des analyses épidémiologiques ne détectent pas de facteur de risque particulier en France dans ces domaines. Certes il faut rester vigilant et poursuivre les efforts effectués pour accroître la sécurité alimentaire et la qualité sanitaire de l’environnement, par exemple dans la lutte contre le plomb (notamment en supprimant les peintures au plomb dans les immeubles vétustes). Cependant les comparaisons avec les autres pays indiquent que la situation est bonne, dans l’ensemble, grâce aux mesures qui ont été prises au cours des dernières décennies et que ce n’est pas dans ces domaines que l’on peut espérer des gains notables. • L’autre volet, celui de la lutte contre les comportements à risques apparaît donc prioritaire. Les études font apparaître que la quasi-totalité de l’excès de mortalité prématurée (avant 65 ans) chez les hommes ou dans les milieux défavorisés est liée à cinq causes : — le tabac, l’alcool, les déséquilibres alimentaires qui sont à l’origine d’une mortalité excessive par cancer, maladies cardiovasculaire, hépatique ou pulmonaire ; — les accidents et suicides , environ trois fois plus nombreux chez les hommes que chez les femmes et plus fréquents dans les milieux défavorisés. Malgré les efforts qui ont été effectués, la situation reste préoccupante. Les jeunes Français des deux sexes (15 à 30 ans) sont ceux, ou parmi ceux, qui, dans l’Union Européenne, fument le plus, meurent le plus d’accidents de la circulation, se suicident le plus, consomment le plus de somnifères et de tranquillisants, boivent le plus d’alcool, consomment le plus de cannabis, et sont le plus fréquemment contaminés par le virus HIV. Des stratégies spécifiques ont été mises en œuvre pour lutter contre chacun de ces fléaux. Il y a eu des demi-succès (baisse de 12 % de la consommation du tabac de 1992 à 1997, baisse de la mortalité sur les routes grâce au contrôle de l’alcoolémie au volant et à la ceinture de sécurité, etc.) mais ces résultats restent insuffisants par rapport à ceux obtenus dans les autres pays. Ceci s’explique par plusieurs raisons : — des lois ou des mesures excellentes ont été votées (loi Evin, circula-

tion routière , etc.) mais sont appliquées sans vigueur et rien n’a été fait pour surmonter les réticences des Français, sanctionner les contrevenants qui continuent donc à donner le mauvais exemple ou blâmer les responsables qui ne font pas respecter la loi ;

— dans d’autres cas, sous la pression d’intérêts corporatistes ou économiques, les décrets d’application ont ôté une grande partie de sa signification à la loi (respect des non-fumeurs sur les lieux de travail) ou des amendements successifs l’ont vidé de sa substance (volet alcool de la loi Evin, circulation routière) ;

— tantôt encore, les moyens nécessaires, financiers et humains, n’ont pas été engagés (éducation à la santé à l’école élémentaire : voir expertise collective de l’INSERM) et on en est resté à des déclarations d’intention ;

— enfin d’autres cas, par exemple pour l’alimentation, on a laissé l’opinion se focaliser sur des risques minimes, voire hypothétiques, (maladie de la vache folle, excès de dioxine ou de nitrates) sans mettre ceux-ci en perspective et sans mettre en exergue les risques majeurs (déséquilibres alimentaires, excès de poids et obésité), tandis que les mesures les plus efficaces ( étiquetage ) n’étaient pas prises.

De façon générale l’efficacité des mesures a été limitée par l’absence d’une stratégie cohérente et persévérante alliant l’information du public et des populations cibles avec l’éducation dès le plus jeune âge et la recherche . L’invocation du principe de précaution, mal interprété, a fait croire à la possibilité d’un risque zéro, donc a rendu difficile la nécessaire hiérarchisation des risques et contrarié la distinction entre l’essentiel et l’accessoire.

• L’absence d’une stratégie globale est particulièrement regrettable en ce qui concerne les jeunes. Les comportements à risque les plus pénalisants (drogues licites et illicites, vitesse et imprudences, violences, tendances suicidaires) apparaissent pendant l’adolescence et sont fortement corrélés, ce qui suggère qu’il ne s’agit pas de dérives individuelles mais d’un malaise profond qui frappe une partie notable de la jeunesse. Ces troubles se sont particulièrement accentués à la fin des années 1960 et au début des
années 1970, donc avant la crise économique et le chômage, on ne peut donc pas escompter qu’il s’agisse d’un trouble conjoncturel pouvant disparaître avec la reprise économique.

Or bien qu’on ait accordé beaucoup d’attention à certains de ces troubles (la violence, l’attrait des comportements à risque, les drogues illicites, la contamination par le virus HIV), peu a été fait pour rechercher leurs causes :

enquêtes psychosociologiques, études de cohortes.. . Alors que le comportement d’un adulte jeune est le fruit de toute son histoire psychique depuis sa naissance, on s’est focalisé sur les problèmes de l’adolescence, en n’accordant pas son importance primordiale à la petite enfance et en ne faisant pas suffisamment de recherches pour analyser les impacts respectifs de l’éducation, de la famille, de l’école et de l’image que la société donne d’elle-même à travers la télévision, les films et la vie du quartier. Il faut tenter de répondre à deux interrogations fondamentales. Pourquoi cette crise a-t-elle débuté à la fin des années 1960 au moment où entrait dans l’adolescence la génération du « baby-boom » d’après guerre ? Pourquoi est-elle plus grave en France, et de façon plus générale dans les pays latins, que dans les autres pays de l’Union européenne ?

De plus ces difficultés de la jeunesse soulignent la nécessité, comme le demande l’OMS, d’examiner simultanément santé physique, santé mentale et santé sociale qui sont fortement liées au cours de l’enfance et de l’adolescence. Il faut ainsi réfléchir à une approche médico-sociale comportant un soutien aux familles, l’éducation des parents , l’éducation civique afin de faire prendre conscience des risques que certains de ces comportements font courir aux autres, une éducation à la santé dès le plus jeune âge à l’école élémentaire et au collège, et la détection des jeunes à risque avant qu’ils ne basculent dans la dépression, la drogue ou la délinquance.

• Une politique de prévention requiert une vision globale allant de la prévention des maladies infectieuses grâce au respect des règles d’hygiène à la détection des troubles physiques ou mentaux pendant la croissance, au renforcement du respect que l’on doit avoir pour son propre organisme (éviter l’usage des drogues et l’abus des médicaments), et pour celui des autres (violence). Il faut aussi veiller au développement des exercices physiques (puisque la sédentarité est une source notable de morbidité), à la promotion d’une alimentation équilibrée grâce à l’éducation mais grâce à la qualité diététique des repas servis dans les cantines. On n’y parviendra qu’en renforçant l’instruction et l’éducation, dans les familles et à l’école, et en évitant le désœuvrement des jours sans école par l’organisation d’activités physiques, sportives ou culturelles. Il faut que les jeunes donnent un sens à leur existence afin qu’ils aient envie de vivre.

Une telle stratégie nécessite des moyens notables mais néanmoins relativement faibles par rapport à ceux consacrés aux soins.

Il faut enfin sortir la prévention de l’amateurisme et du bénévolat, et professionnaliser la protection de la santé et l’éducation à la santé. Le corps médical et plus généralement les professionnels de santé et les enseignants doivent être formés à cette fin (formation initiale et formation continue) . Il faut parallèlement développer la recherche épidémiologique et physiopathologique pour adapter les programmes de prévention et d’éducation pour la santé aux spécificités régionales, rapprocher sciences médicales et sciences humaines, par exemple pour comprendre l’origine du désarroi de la jeunesse et rendre plus efficace la lutte contre le mal-être. Enfin, il est nécessaire de codifier les actes de prévention afin qu’ils soient justement rémunérés , et donner les moyens nécessaires aux structures de vigilance et d’observation de la santé physique et mentale, cette dernière étant présentement mal connue, afin de guider efficacement l’intervention des acteurs de prévention.

• Une politique aussi ambitieuse doit s’appuyer sur divers types de structures administratives :

— la collecte des données épidémiologiques et physiopathologiques sur lesquelles sont fondées la prévention et l’évaluation du coût et de l’efficacité des actions envisagées : aux côtés de l’INSERM on a créé au cours des dernières décennies l’Institut de veille sanitaire et une vingtaine d’agences spécialisées, des registres sur le cancer, des observatoires régionaux de santé, des réseaux professionnels de l’alerte et de surveillance. Il faut compiler et intégrer les données provenant de toutes ces structures, analyser leurs propositions mais aussi coordonner leurs actions et préciser leurs missions afin d’éviter les rivalités stériles et les conflits de compétence. Or si certaines structures dépendent uniquement du ministère de la Santé, d’autres relèvent de plusieurs ministères (Santé, Travail, Industrie, Environnement) ou même sont interministérielles (MILDT). Par ailleurs certains des domaines les plus importants dépendent d’autres ministères (Education nationale, Agriculture, Transport).

Cette dispersion est inévitable mais exige un gros effort de liaison pour éviter la balkanisation et les incohérences, ainsi que les oppositions entre les politiques des gouvernements successifs qui peuvent enlever toute crédibilité aux actions de prévention. Il serait logique de conférer cette fonction de coordination à un Ministère de la Santé dont dépendrait une Assurance Maladie devenue une Assurance Santé.

— La préparation technique des actions possibles ayant été faite, le pro- cessus de décision est politique puisqu’il faut, pour chaque action, peser ses avantages et ses inconvénients, et examiner son acceptation par la société française. Or celle-ci dépend notamment de la perception du risque. Toute décision doit donc être précédée d’une information objective du public en général mais aussi de ceux dont la responsabilité est particulièrement engagée (professions de santé, enseignants).

Quand plusieurs ministères sont concernés, ce qui est souvent le cas, le mécanisme de décision doit être interministériel afin que la politique adoptée puisse être durable et disposer de budgets pluriannuels.

— La décision ayant été prise et les éventuelles lois de programmation votées, la mise en œuvre doit être la tâche de structures administratives appropriées , disposant des moyens et de l’autorité nécessaires pour être protégées contre les pressions qui s’exerceront à tous les niveaux, car la prévention met en jeu d’énormes intérêts économiques (industries du tabac, de l’alcool, de l’automobile, de l’agroalimentaire, etc.) et est obligatoirement confrontée à des enjeux idéologiques ou politiques.

Des structures de contrôle de qualité et d’évaluation des résultats , des contre-pouvoirs indépendants de l’administration, sont donc nécessaires.

La recherche en prévention doit être développée dans ses divers aspects psycho-sociologiques (avec l’aide des sciences humaines), épidé- miologiques et physiopathologiques, toxicologiques (relation dose-effet), cliniques (chimioprévention) et enfin la recherche opérationnelle. Il serait logique que l’INSERM soit chargé de centraliser et coordonner cette recherche.

Derrière les échecs et les insuffisances de la prévention, à travers les conflits qui traversent le système de soins, on découvre ainsi les archaïsmes, les pesanteurs et les contradictions internes de la politique de santé et même de notre société. Construire et mettre en œuvre une stratégie à la hauteur des besoins sera donc difficile mais l’enjeu est si important qu’il est indispensable de surmonter les obstacles. Ceci devrait être possible car la France a la chance de disposer d’infrastructures excellentes, d’administrations ayant le sens du bien public et capables de résister aux pressions des intérêts particuliers. Mais il faut les mobiliser car elles ne pourront donner leur pleine mesure que si elles se sentent soutenues par une ferme volonté politique.

L’Académie nationale de médecine, qui a toujours préconisé une politique active de prévention, est prête à participer à cet effort.

RAPPORT

Tout le monde s’accorde à penser qu’une politique de prévention pourrait considérablement améliorer la santé en France, il est donc indispensable de la développer et il faut se réjouir de l’attention qu’après l’avoir longtemps ignorée on lui porte depuis peu [27, 31]. Elle se heurte, en pratique, à de nombreux obstacles :

— le nombre d’actions médicales et sociales que l’on peut entreprendre pour prolonger la vie et améliorer sa qualité est quasi infini ; en regard les moyens
que peut lui consacrer toute nation, si riche fut-elle, sont limités. Il faut donc hiérarchiser les objectifs, adapter les moyens et évaluer régulièrement les résultats ;

— les actions de prévention peuvent être mal comprises et mal acceptées (par exemple la limitation de la vitesse sur les routes). Il faut donc informer le public et le convaincre du bien-fondé des décisions prises car l’attitude de la population joue un rôle crucial. Une campagne de prévention ne peut pas être fondée uniquement sur des considérations médicales et des objectifs sanitaires, elle doit tenir compte des représentations du public et des facteurs extra médicaux ;

— les résultats sont souvent longs et difficiles à obtenir. L’unité de temps est au moins la décennie, la stratégie est complexe et nécessite une organisation puissante.

Le but de ce rapport est de rappeler les objectifs, de discuter la stratégie et d’examiner les réformes du système de santé susceptibles de donner une efficacité maximale à la prévention.

LES OBJECTIFS ET LA SITUATION ACTUELLE

Qu’est-ce que la prévention ?

La prévention est l’ensemble des mesures visant à éviter, ou réduire, le nombre et la gravité des maladies et des traumatismes. Cependant, aucune définition n’apparaît dans le droit et le code de sécurité sociale ne prévoit pas clairement son financement [31]. D’immenses progrès ont été faits au cours du XXe siècle dans le traitement de la plupart des maladies. Néanmoins, certaines affections restent difficilement curables ou laissent des séquelles graves. De plus il est toujours préférable de prévenir une maladie que de la guérir. La prévention, rendue possible par l’identification des causes de nombreuses maladies, ouvre donc d’immenses perspectives.

Alors que la médecine du XXe siècle a été marquée par les succès des soins, il est vraisemblable que celle du XXIe siècle sera caractérisée par l’expansion de la prévention. En effet, les progrès de la médecine et de l’hygiène, en faisant disparaître de nombreuses maladies, ont donné une importance grandissante à celles qui sont provoquées par les comportements ou l’environnement, donc à la prévention.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) distingue trois modalités de prévention : la primaire a pour but d’éviter l’apparition de la maladie en agissant sur les causes, la secondaire vise à détecter la maladie, ou la lésion qui la précède à un stade où l’on peut intervenir utilement. La prévention tertiaire a
pour objectif de diminuer les récidives, les incapacités et de favoriser la réinsertion sociale.

L’OMS distingue aussi santé physique, santé mentale et santé sociale et souligne les étroites relations existant entre les trois. Par exemple une mauvaise santé mentale (les tendances dépressives) peut entraîner l’usage de drogues qui causent à leur tour une altération de la santé physique et une dislocation de la cellule familiale, donc une atteinte de la santé sociale. Soigner la santé mentale peut donc être un acte de prévention pour la santé physique et vice-versa. La santé est un tout et les frontières entre prévention et soins sont parfois floues, puisque soigner correctement une maladie en prévient souvent d’autres, par exemple soigner un diabète permet d’éviter d’autres maladies plus graves (maladies cardiovasculaires).

En fait, la santé d’un individu est le résultat de son histoire sanitaire depuis sa naissance ou même sa conception [6] ; la santé mentale d’un adolescent et la santé physique d’un homme âgé se ressentent d’événements survenus pendant l’enfance et plus la détection et la correction des troubles sont précoces, plus l’intervention est efficace. Soins et actes de prévention contribuent à la robustesse physique et mentale d’un individu. Une des tares du système de soins français a été le poids insuffisant accordé à la prévention par rapport aux soins dans l’enseignement de la médecine et sa pratique.

Nous analyserons dans ce rapport ce qui est fait actuellement et ce qu’il serait souhaitable de faire en ce qui concerne la prévention primaire, c’est-à-dire les risques sanitaires évitables auxquels la population française est exposée. Le vieillissement, qui est un processus physiologique, ainsi que le dépistage et les soins ne seront pas examinés. Nous tenterons dans la première partie, en faisant le bilan de la santé en France, d’identifier et de hiérarchiser les principaux objectifs de la prévention, puis nous examinerons, secteur par secteur, les résultats obtenus, les sources d’inefficacité et les progrès possibles, ce qui implique notamment le passage, comme l’avait déjà préconisé l’Académie [2], d’un système de soins à un système de santé dont la prévention serait une pièce maîtresse.

Les objectifs et les moyens de la prévention

La prévention en diminuant la mortalité et la morbidité évitables vise à accroître la qualité de vie et sa durée. La prévention comporte donc des aspects multiples : rendre l’environnement plus sain sur le plan à la fois bactériologique et toxicologique, promouvoir des règles de vie propices à la santé (alimentation, sommeil, etc.) et lutter contre les comportements nocifs. Pour atteindre ces résultats, il faut d’abord informer à tous les âges de la vie et surtout éduquer, puisque c’est pendant l’enfance et l’adolescence que se construisent les habitudes. Il faut protéger les individus contre les imprudences des autres et aussi contre les leurs. La prévention introduit la préoccupation de santé dans
tous les domaines de la vie quotidienne, de l’école aux transports et elle a sa place dans toute consultation médicale. Un de ses buts est d’éviter l’incitation donnée par le comportement des autres, par exemple pour le tabac ou la vitesse sur les routes. Comme le disent les Canadiens, il faut « dénormaliser » certaines habitudes.

La politique de prévention

La prévention n’est efficace que si ses actions s’inscrivent dans un cadre cohérent. Les efforts demandés ne sont acceptables que si la démarche est crédible. Quand l’Etat vendait les cigarettes en en tirant profit, son crédit moral était faible, la privatisation de la SEITA était indispensable. Quand on enseigne à l’école les règles de la diététique mais que les repas servis à la cantine sont en contradiction avec celles-ci, on se condamne à l’inefficacité. La contradiction entre ce qui est dit à l’école et dans les médias provoque désarroi et scepticisme.

Les fondements scientifiques et médicaux d’une politique de prévention doivent être solides, car si des doutes sont émis sur leur validité on ne peut pas espérer convaincre le public d’aller à l’encontre de ses pulsions. La prévention doit donc s’appuyer en amont sur des recherches associant la physiopathologie et l’épidémiologie et être accompagnée d’études psychosociologiques pour comprendre le retentissement dans l’opinion de craintes non fondées et inversement la fréquence des comportements contraires à la santé (le tabac, les rapports sexuels non protégés, les bains de soleil, etc.). La publicité, depuis un siècle, a introduit dans l’inconscient collectif des images valorisantes de la vitesse (associée au sport, au courage), du tabac (agent de séduction, symbole de vie agréable ou de rébellion) etc. Il faut lutter contre ces représentations qui induisent des comportements néfastes en utilisant des mécanismes émotionnels et subconscients. Il faut comprendre pourquoi rouler à 200 km/h en bravant les gendarmes suscite l’admiration mais respecter le code de la route est dévalorisant. On ne peut pas y parvenir sans l’aide d’études psychologiques et sociologiques ni changer ensuite l’image sans l’aide de la communication et de l’éducation.

Une seconde exigence est la persévérance. Des programmes éphémères peuvent avoir des succès médiatiques, ils ont peu de chance d’agir sur les attitudes.

Pour faire accepter des décisions impopulaires, ou s’opposer à la force des habitudes (par exemple répandre l’usage du préservatif), il faut d’abord agir sur la mentalité collective. La communication et l’éducation à tous les âges sont indispensables, encore faut-il une pédagogie appropriée sans laquelle les messages restent inopérants. La prévention nécessite donc une stratégie globale avec une infrastructure et des moyens suffisants.

Limites et avantages

La prévention primaire a deux aspects : l’un individuel (les conseils donnés par les médecins et autres professionnels de la santé), l’autre collectif (les mesures prises par la société pour améliorer la santé).

Il faut éviter un double écueil [7] :

Médicaliser l’existence

La prévention agit à la fois sur l’environnement physique, mental et social par des mesures législatives et réglementaires et sur les comportements par l’information et l’éducation. Or la santé n’est pas le seul déterminant de la qualité de vie et la prévention, à côté de ses bénéfices, a un coût social et économique. En focalisant de façon excessive l’attention sur la santé et les facteurs de risques, elle peut angoisser la population. Il revient à l’Etat et au corps médical de hiérarchiser les risques et de les relativiser, donc d’informer et de peser le coût et l’efficacité de chaque action. La prévention ne peut pas se ramener à l’usage de médicaments (par exemple donner des hypolipé- miants pour prévenir l’athérome) ou d’un instrument (préservatif). Il faut changer les habitudes et créer un état d’esprit.

Judiciariser ou normaliser la société

La santé ne se construit pas par des normes et des règlements ; ceux-ci ne sont respectés que s’ils sont compris et acceptés par la population, donc s’il existe un consensus. Celui-ci est parfois difficile à obtenir.

Les interventions tendent souvent à ramener sous un seuil les personnes qui le dépassent (hypercholestérolémie, alcoolisation, …). Cependant ces normes doivent évoluer en fonction des connaissances scientifiques, des résultats des campagnes et de l’acceptabilité sociale. C’est ainsi qu’a pu être progressivement obtenu l’abaissement du taux légal d’alcoolémie tolérable au volant.

Les médecins s’expriment en tant qu’experts, mais ils ne peuvent, ni ne doivent se substituer aux pouvoirs publics. Ils doivent résister à la tentation d’imposer des normes rigides (par exemple sur le poids, le taux de cholestérol, ….) et d’édicter des interdits [26], au lieu de définir des objectifs et les expliquer.

Prévention et promotion de la santé sont deux activités complémentaires mais distinctes [32]. La prévention définit un certain nombre de règles face à des risques connus (l’alcool, l’amiante). La promotion d’une culture de santé a pour but de favoriser un état d’esprit propice à l’introduction de la dimension santé dans tous les aspects de la vie quotidienne (en famille, à l’atelier, à l’école, pendant les loisirs), à côté des dimensions économiques ou culturelles. Elle doit y parvenir sans culpabiliser la population. Sinon, la pression sociale
exercée pour améliorer la santé pourrait devenir insupportable. Il ne s’agit donc pas d’imposer des règles strictes à toute la population mais d’inciter chacun à faire ce dont il est psychologiquement capable pour préserver sa santé, en l’informant, en agissant sur ses attitudes, ses croyances. Un équilibre doit être trouvé entre le souhaitable et l’acceptable ; ce juste milieu évolue en fonction de l’état d’esprit de la population et des connaissances scientifiques.

Prévention et société

La prévention demande une collaboration des sciences médicales et des sciences humaines ainsi que des sphères médicale et politique ; celle-ci est parfois délicate. Les décideurs sont soumis à la pression du public et donc influencés par la perception des risques. Ils sont tentés de médicaliser les difficultés car ce qui est médical n’est plus social et politique ; mais l’affaire du sang contaminé a montré les limites de cette attitude. Les médecins ont, inversement, tendance à négliger la perception sociale des risques pour ne considérer que les données objectives et ils luttent contre les sur- ou sousestimations [156, 157, 159, 160, 163]. La prévention relève donc de conciliations entre les aspects techniques et politiques.

Depuis que la prévention vise à modifier les comportements humains, on suspecte le corps médical et l’administration de vouloir empiéter sur la liberté individuelle et de restreindre le plaisir de vivre au nom de la santé. Inversement, la liberté, la recherche du plaisir, sont exploitées par des intérêts économiques et des publicités font la promotion d’habitudes nocives pour la santé (cigarettes, alcool, vitesse, etc.). Les comportements individuels sont le fruit des influences contradictoires auxquelles les individus ont été exposés. La prévention demande à la fois un effort de l’individu pour qu’il renonce à des habitudes nuisibles à la santé et une action de la puissance publique. Celle-ci a pour but d’informer et motiver les individus mais aussi de les protéger contre les manipulations de ceux qui tentent de les influencer pour vendre des produits, ou pour utiliser les peurs concernant leur santé à des fins politiques. Les pressions de coalitions d’intérêts particuliers s’exercent également sur les structures étatiques et peuvent conduire à des renoncements progressifs (« buvettes sportives »). La mise en place d’organismes techniques (les agences, le Haut Comité de la Santé Publique) peut limiter la portée de ces pressions, à condition qu’ils n’apparaissent pas comme une émanation du pouvoir politique ; il faut donc veiller à ce que la nomination des membres de ces organismes soit fondée uniquement sur la compétence. De toute façon, il faut insister sur la nécessité de contre-pouvoirs libres de toute attache avec les décideurs, capables à la fois de proposer des solutions et de juger les résultats des actions entreprises.

Les maladies et les décès évitables

La situation en France est très contrastée [6, 13, 19, 20, 30]

Nous occupons une place d’excellence en ce qui concerne l’espérance de vie à la naissance chez les femmes et l’espérance de vie dans les deux sexes après 65 ans est la meilleure en Europe ; 14 ans pour les hommes, 20 ans pour les femmes. Mais ces bons résultats résultent du mode de vie d’il y a plusieurs décennies. De plus, ils ne doivent pas cacher des inégalités importantes :

l’écart moyen de vie entre les hommes et les femmes est de 7,5 ans au profit de celles-ci, il est de 8 années entre les ouvriers non qualifiés et les cadres supérieurs , de 5 ans entre les hommes des régions Nord-Pas-de-

Calais et Midi-Pyrénées [13, 30].

La surmortalité masculine prématurée (avant 65 ans) est importante [13, 19, 20] ; cinq facteurs sont à son origine : tabac, alcool, accidents, suicides et affections liées à l’obésité et la sédentarité . Ces faits, dénoncés depuis longtemps, n’ont pas suscité de réactions efficaces. L’analyse des données épidémiologiques, par tranche d’âge, et les comparaisons internationales aident à hiérarchiser les actions possibles.

La mortalité au cours de la première année

Elle a considérablement baissé (de 180 p. mille en 1900 à 4,8 p. mille naissances vivantes en 2000), grâce à l’élévation du niveau de vie et aux progrès médicaux. Cependant la mortalité périnatale (morts-nés + décès dès la 1er semaine de vie) pourrait être abaissée en améliorant l’infrastructure humaine et matérielle des maternités, ce qui, en pratique, revient à fermer les maternités où le nombre d’accouchements annuels est trop faible. Cette mesure qui se heurte à des réticences de la population réduirait également la mortalité maternelle qui est actuellement la plus élevée de l’Union européenne [6]. Il faut au minimum éviter que les femmes ayant des grossesses à risque n’accouchent pas dans ces petites maternités.

Le dépistage néonatal de certaines affections est actuellement systématique. Il apporte un bénéfice direct à des enfants qui ne sont pas encore malades et prévient l’apparition de plusieurs affections (phénylcétonurie, hypothyroïdie congénitale, etc.). Chaque année, environ 250 nouveau-nés sont ainsi dépistés et traités. Malgré les questions d’éthique soulevées, certaines maladies candidates ne sont pas retenues car trop peu fréquentes (leucinose (1/200 000), galactosémie (1/60 000), peu graves (histidinémie), non traitables (myopathie), de détection difficile (nombreux faux-positifs) et très coûteuses (homocystinurie, hyperammoniémie) [73].

La surveillance de la croissance et du développement de l’enfant entre 0 et 5 ans est organisée depuis l’ordonnance de 1975, créant la Protection Maternelle
et Infantile (PMI) et la médecine scolaire, et prévoyant de nombreux examens systématiques entre 0 et 6 ans [72]. Depuis 1970 trois de ces examens à la naissance, à 9 et 24 mois, donnent lieu à un certificat médical obligatoire [82].

Ces bilans se poursuivent par celui réalisé à 3 ou 4 ans en maternelle par la PMI, puis à 5 ou 6 ans par la médecine scolaire (théoriquement obligatoire mais dont l’exhaustivité laisse à désirer). D’autres examens devraient poursuivre cette surveillance. L’efficacité de ces examens pourrait être améliorée par des recherches opérationnelles (fiabilité des techniques) et le rôle des Centres d’Action Médico-Sociale Précoce (CAMSP) devrait être précisé.

Mais ces examens dépistent peu les troubles mentaux ou comportementaux qui conduiront aux échecs scolaires, à la violence, aux conduites addictives [89, 90]. Or ce devrait être un objectif primordial.

Entre 1 et 14 ans on a enregistré 1 900 décès en 1997, bon résultat par rapport à 1990 où les chiffres étaient supérieurs de 25 % ; cette baisse est notamment la conséquence d’un progrès dans le traitement des tumeurs chez l’enfant.

Malgré leur décroissance, les accidents sont actuellement la principale cause de décès [195-197].

La tranche d’âge 15-40 ans

C’est la période de la vie où les comportements individuels et collectifs font le lit de la pathologie à venir. Les morts violentes : accidents et suicides [67] causent une surmortalité masculine (d’environ + 50 %) par rapport aux autres pays industrialisés [13]. La position de la France en Europe sur ce point est mauvaise depuis les années 1970.

Entre 40 et 64 ans

C’est la période de la vie où se développent les conséquences des comportements. La mortalité masculine, en France, est alors de 50 % supérieure à la moyenne de celle des autres pays industrialisés [6, 13]. Les tumeurs occupent la première place dans les 2 sexes, elles causent environ la moitié des décès.

Or chez l’homme, plus de 60 % de celles-ci seraient évitables : 90 % des cancers du poumon (tabac), 90 % des cancers des voies aérodigestives supérieures (tabac + alcool), un tiers des cancers de la vessie, des cancers du côlon-rectum (surpoids et obésité, sédentarité, excès de graisses d’origine animale), environ 40 % des cancers de l’estomac (excès de sel, d’alcool, de charcuterie, insuffisance de fruits et légumes, tabac).

Chez les femmes, bien qu’ aujourd’hui seulement 5 % des cancers soient dus au tabac et à l’alcool, la progression rapide de l’incidence du cancer du poumon est inquiétante pour l’avenir. Le cancer du sein est de loin le plus fréquent [13], environ 10 % d’entre eux pourraient être évités (une consommation d’alcool supérieure à 20 g/j favorise le cancer du sein ; le surpoids et l’obésité seraient
à l’origine d’environ 15 % des cancers survenant après la ménopause). Le cancer colorectal est fréquent dans les deux sexes avec les mêmes facteurs de risques, la fréquence des cancers de l’estomac a fortement baissé dans les deux sexes mais il ne faut pas relâcher les efforts. Le cancer du col utérin est dû au virus papilloma, mais tant qu’il n’existera pas de vaccin, la prophylaxie sera difficile car ce virus est très répandu. Pour ce cancer, la méthode la plus efficace pour réduire la mortalité est le dépistage systématique. Environ 20 % des cancers du corps utérin (endomètre) pourraient être évités en réduisant le surpoids et la sédentarité [102, 103]. Chez la femme, comme chez l’homme, une nourriture insuffisamment riche en fruits et en légumes favorise la fréquence des cancers épithéliaux [13, 102-104].

Les morts violentes causent, dans cette tranche d’âge, environ 10 % de la mortalité. La fréquence des suicides est particulièrement élevée en France [51] ; 70 % d’entre eux surviennent chez les hommes et leur fréquence varie notablement selon les régions. L’alcoolisme et la santé mentale semblent jouer un rôle majeur. L’abus de certains médicaments psychotropes peut y contribuer (la France est le pays du monde où leur consommation est la plus élevée).

Les maladies cardiovasculaires (conséquences de la maladie athéromateuse) sont une autre grande cause de mortalité. Au cours des 20 dernières années, la France a, comme les autres pays, enregistré une baisse notable de l’incidence de cette pathologie (moins 20 % chez les hommes, moins 30 % chez les femmes). Il en est de même pour les accidents vasculaires cérébraux.

Ces bons résultats sont imputables à une meilleure prise en charge médicale de l’hypertension artérielle, des désordres lipidiques et des accidents coronariens aigus [26]. La mortalité par cardiopathie ischémique est, en France, nettement inférieure à celle des autres pays de l’Union européenne. Pour autant on pourrait encore progresser. Prévenir, en matière de maladie athéromateuse, c’est agir sans attendre les accidents qui surviennent après 40 ans.

Les facteurs de risques sont connus : prédispositions génétiques et dyslipé- mies, qui devraient être recherchées dès l’âge de 20 ans [1, 16], mauvais équilibres alimentaires, tabagisme, sédentarité, obésité [18]… La prévention doit commencer dès l’enfance et l’adolescence de façon à éviter les mauvaises habitudes. Un phénomène inquiétant est l’augmentation du nombre des obèses et la tendance au surpoids chez les adolescents et les jeunes adultes [101, 105].

La fréquence des accidents du travail et des maladies professionnelles est mal connue. La surveillance systématique s’arrête généralement à la fin de l’activité professionnelle, soit entre 55 et 60 ans, ce qui handicape l’estimation des risques.

Après 65 ans

Age où l’organisme est de plus en plus fragile, la France se caractérise par des taux de mortalité et de morbidité remarquablement bas, inférieurs à ceux des
pays voisins, malgré les conséquences de l’alcoolisme et du tabagisme qui continuent à se faire sentir. Ceci témoigne en faveur de la qualité des soins médicaux, de l’alimentation et de l’environnement, mais pourrait aussi être dû, en partie, à la sélection provoquée par la forte mortalité prématurée.

Dans cette tranche d’âge, les cancers deviennent de plus en plus fréquents mais les maladies cardiovasculaires sont la cause majeure de mortalité (utilité d’une surveillance régulière de la pression artérielle). Chez les femmes, le dépistage des cancers du sein et du col doit se poursuivre jusqu’à environ 70 ans. Chez l’homme, la fréquence des cancers de la prostate croît avec l’âge et ceux-ci deviennent, chez l’homme âgé, le cancer le plus fréquent. Bien que l’incidence de ce cancer paraisse influencée par des facteurs alimentaires et le surpoids, on ne peut pas encore faire de recommandations spécifiques. En raison de leur évolutivité fréquemment très lente, la mise en œuvre d’un dépistage systématique reste discutée car, en faisant traiter des cancers peu évolutifs, le dépistage par dosage du PSA pourrait être plus nuisible qu’utile. Il faut attendre les résultats des grandes études en cours pour définir une politique ; en attendant, il faut informer la population masculine pour que celle-ci consulte devant tout symptôme suspect.

L’inégalité devant la santé liée au niveau socio-économique

Elle nécessite des mesures spécifiques [34, 36, 37]. Elle est observée dans tous les pays industrialisés [33]. Les comparaisons entre les pays montrent que la santé est meilleure dans ceux où le revenu est le plus élevé ; cependant, à revenu égal par habitant, il existe des variations considérables (les petits pays sont favorisés car l’obtention d’un consensus est plus aisée). La France est, en moyenne, relativement bien placée, ce qui ne justifie en rien une autosatisfaction et, au contraire, doit inviter à agir car il y existe de fortes inégalités d’espérance de vie [19, 20, 30].

Dans tous les pays, le niveau d’éducation et le niveau socioprofessionnel sont très corrélés, il est donc difficile de distinguer leurs rôles respectifs. Plusieurs hypothèses ont été faites pour expliquer ces inégalités :

— le tabagisme, l’alcoolisme, l’obésité, ainsi que les accidents et les suicides sont d’autant plus fréquents et graves que le revenu (et le niveau d’éducation) est moins élevé. Les campagnes d’information accentuent ces inégalités car les personnes ayant le niveau d’instruction le plus élevé réagissent mieux et changent plus fréquemment de comportement ;

— une vie plus confortable réduit les agressions (physiques ou psychiques) auxquelles toute personne est soumise. Les personnes ayant le plus haut niveau d’instruction sont moins exposées aux maladies professionnelles ou aux accidents du travail. Cependant on a fait remarquer que certaines des professions où la longévité est la plus grande (enseignants par exemple) n’ont pas un revenu élevé. De plus, la pénibilité du travail n’explique pas le
moins bon état sanitaire de l’épouse et des enfants, qui est cependant fortement corrélé avec celui de l’époux [13] ;

— une des origines de la moindre longévité des hommes que des femmes réside dans une moins bonne utilisation du système de soins, une moindre attention accordée à la santé, des consultations plus tardives. Les femmes, plus vigilantes, consultent plus tôt. De même, les personnes les plus instruites consultent également plus précocement et à meilleur escient ;

— diverses enquêtes épidémiologiques montrent une liaison entre l’intérêt qu’on porte à son travail et celui porté à son existence et à sa santé. L’envie de vivre, l’épanouissement, qui résultent d’un métier intéressant favorisent ainsi la santé et inversement, la précarité et la sous-éducation la pénalisent.

Plusieurs données suggèrent que la souffrance psychique, souvent liée à des facteurs sociaux [35], a une forte incidence sur plusieurs affections. Ceci mériterait davantage de recherches.

Quelle que soit l’interprétation retenue, une conclusion s’impose : la meilleure façon de réduire les inégalités est de développer non seulement l’instruction (acquisition des connaissances) mais aussi l’éducation (capacité à mettre en œuvre ses connaissances) [86].

Réactualisation des objectifs généraux

En France, ni misérabilisme, ni triomphalisme ne sont justifiés. La situation pour les maladies cardiovasculaires dans les deux sexes [26] et pour presque toutes les affections chez les femmes, est excellente ce qui montre que le système de soin et les conseils individuels donnés par les médecins sont efficaces, sans sous-estimer les facteurs en rapport avec le développement social. En revanche, chez les hommes, la fréquence des accidents et des maladies provoqués par le mode de vie montre qu’un effort pour modifier les comportements est impératif.

L’influence, sur la santé, du niveau socioprofessionnel et des facteurs sociaux suggère le rôle primordial de l’éducation sans laquelle il n’y a pas de prévention efficace [13]. La qualité de la santé varie selon les régions et, dans l’ensemble, est meilleure dans le Sud de la France que dans le Nord [30] ce qui confirme l’influence de facteurs socioculturels et du niveau d’instruction. Les données suggèrent que les régions les plus dynamiques sur le plan économique sont celles où la santé est la meilleure [30]. Ce même phénomène s’observe d’ailleurs lors des comparaisons internationales : ainsi des pays comme la Finlande ou la Suède où le niveau de santé est très performant sont aussi des pays innovants et dynamiques. Education, santé physique, santé mentale et innovation économique vont de pair. Le rôle des facteurs sociaux dans les comportements à risque ne doit pas être sous-estimé.

Les plus grands facteurs de risque sont liés aux habitudes qui se manifestent pendant l’adolescence qui sont elles-mêmes le fruit du vécu de la petite enfance . L’enfance a donc un poids essentiel sur l’histoire sanitaire d’un individu et doit faire l’objet d’une attention particulière.

Il faut rapprocher le sanitaire et le médico-social. L’absence d’une coopération suffisante entre ces deux approches diminue l’efficacité globale ; on le voit bien, par exemple, pour la politique de santé dans les villes ou la crise de la jeunesse.

Aspects économiques

La prévention accroît la durée et la qualité de vie, mais celle-ci aura toujours un terme. En évitant certaines maladies, elle permet l’émergence d’autres affections survenant à un âge plus avancé, par exemple la victoire sur les maladies infectieuses a augmenté le nombre des cancers. Ainsi la prévention ne permet pas toujours de faire des économies, ce n’est d’ailleurs pas son but.

En revanche, en prévention, comme dans tous les domaines de la santé, on ne peut pas faire abstraction du coût financier et il est justifié de comparer les coûts d’une année de vie gagnée avec les différents types de soins ou de prévention. La loi du rendement décroissant enseigne que l’intervention sera d’autant plus efficace qu’elle s’adresse à un toxique plus répandu ou dont la concentration est plus élevée (nous y reviendrons à propos du plomb). On dit parfois que la dépense ne compte pas pour épargner des vies humaines, cela serait souhaitable mais c’est impossible et la fréquentation des hôpitaux montre la nécessité de faire des choix tenant compte des aspects économiques. Ceci s’applique aussi à la prévention puisque les moyens disponibles seront toujours inférieurs à ceux qui seraient nécessaires pour entreprendre toutes les actions souhaitables. Cependant le souci d’optimiser les dépenses en fonction du rapport coût/efficacité peut entrer en opposition avec d’autres considérations telles que, chez les décideurs, la peur de sanctions judiciaires et de procès ou l’incompréhension, par l’opinion publique, de la non mise en œuvre d’une technique susceptible d’épargner quelques vies, même si le prix en est extrêmement élevé. Un exemple est celui de la décision prise en 2000, pour augmenter la sécurité transfusionnelle, de faire outre le test Elisa, des examens P.C.R. du virus de l’hépatite C [38, 178]. En raison de la cherté de ces tests et du petit nombre de vies épargnées, le coût par année potentielle de vie gagnée sera d’environ 100 millions k (il est supérieur encore pour la prévention de l’encéphalite spongiforme transmissible (EST) pour un bénéfice aléatoire ou dans la prévention de certains risques industriels, alors qu’en médecine de soins il varie entre 3 000 et 30 000 k et que, dans la lutte contre le tabagisme, il est inférieur à 1 500 k) [190]. Cette décision, prise contre l’avis des experts, montre la priorité qui peut être donnée à la sécurité sanitaire (dans un contexte politique à vrai dire particulier, au moment de la comparution de trois ministres
devant la Cour de justice et en raison du prestige des nouvelles techniques) et souligne la nécessité de critères de décision [38]. Il serait hautement souhaitable, afin d’optimiser les dépenses, que les études coût/efficacité comparant l’investissement nécessaire pour obtenir un résultat favorable (décès ou infirmité évité) soient discutées avant toute décision [156, 177], par exemple dans les expertises de santé publique [38] et dans le cadre d’une rationalisation des choix budgétaires.

Les études coût/bénéfices sont plus difficiles à réaliser car sujettes à des évaluations contestables comme celui du prix de la vie humaine. Les études coût/utilité ajoutent à la complexité des études coûts/bénéfices une pondération en fonction des choix des malades ou des personnes concernés ainsi que des perceptions du public.

Les études économiques peuvent cependant faire l’objet d’utilisations perverses car l’optimum économique est, à l’évidence, la mort la veille de la retraite, résultat que l’industrie du tabac porte au crédit du tabagisme. En fait l’objectif est de maintenir le plus longtemps possible le meilleur état de santé individuel et collectif. Obtenir la meilleure prévention avec les moyens financiers disponibles est un objectif important et ce sont les études coût/efficacité qui permettent d’y parvenir.

ANALYSE SECTORIELLE DES OBJECTIFS

Maladies infectieuses

Depuis un siècle les maladies infectieuses ont fortement régressé dans les pays industrialisés grâce à l’hygiène, aux vaccins et enfin aux antibiotiques.

Mais de nouveaux agents essentiellement viraux, apparaissent constamment.

La moindre fréquence des maladies infectieuses a entraîné un moindre respect des règles d’hygiène ; les résistances des bactéries aux antibiotiques se sont développées, en particulier en France où leur usage a souvent été excessif.

Enfin, le nombre de sujets immunodéficients, donc moins résistants aux infections, a augmenté en raison même des succès de la médecine : personnes âgées ou atteintes d’affections causant une immunodépression (greffe d’organe, sida, chimiothérapies, etc.) ou en état de moindre résistance (immigrés récents, sujets en état de précarité). De nouvelles menaces sont ainsi apparues dont les unes posent de graves problèmes de santé publique (hépatites virales et sida) et les autres suscitent des angoisses bien que leur incidence soit relativement faible et ait plutôt tendance à diminuer (mortalité due aux infections d’origine alimentaire, telles que les listérioses, aux légionelloses, aux fièvres hémorragiques). La réémergence de la tuberculose constitue une menace sérieuse (8 à 10 000 nouveaux cas/an et un millier de décès). Elle atteint préférentiellement les immunodéprimés (sida, etc.) et les immigrés
récents. Les voyages dans les pays en développement expliquent l’apparition en France d’un petit nombre de maladies exotiques comme le paludisme et certaines fièvres. Nous examinerons en 2.4.3. les infections d’origine alimentaire. Enfin les maladies nosocomiales constituent un risque très grave [41] et on leur attribue environ 12 000 décès/an. Il faudrait à l’aide de comparaisons tenant compte de l’âge du sujet et des facteurs d’immunodépression, entre les établissements en France et lors d’études internationales, préciser les actions qui pourraient être entreprises pour en limiter le nombre (formation initiale et continue du personnel de santé, comités d’hygiène intra-hospitaliers, …), tout en évitant que la peur de sanctions financières et disciplinaires ne conduisent certains établissements hospitaliers à dissimuler des cas.

Surveillance épidémiologique

Elle a pour objet d’apprécier l’incidence des différentes affections, d’évaluer les actions prophylactiques et d’activer un système d’alarme. Cette surveillance repose actuellement sur un trépied : déclaration obligatoire, centres nationaux de référence, réseaux d’alerte professionnels. Ce système est coordonné par l’Institut de Veille Sanitaire. D’importants progrès ont été obtenus mais le système présente des faiblesses. Ainsi, la déclaration obligatoire tend à devenir un vœu pieux et le suivi de l’infection au VIH a, pendant quelques années, laissé à désirer.

La prophylaxie par vaccination

Elle est dans l’ensemble satisfaisante, mais pose néanmoins plusieurs questions [42]. Par exemple la couverture encore insuffisante de la vaccination antirougeoleuse (80 %) est à l’origine d’un recul de l’âge moyen de la maladie et d’une augmentation notable de la morbidité (et de la gravité) parmi les adolescents et les adultes jeunes. Il en va de même pour la rubéole (ce qui est grave pour les femmes enceintes) tandis que la coqueluche connaît une résurgence notable. On peut redouter avec la fin du service national une chute de l’immunisation antitétanique, donc une augmentation du nombre de cas. Les rappels de vaccination sont insuffisants, en particulier chez les personnes âgées.

Le sida et les maladies sexuellement transmissibles (MST) représentent un problème grave

Du début de l’épidémie jusqu’en 1997 environ 50 000 cas de sida ont été déclarés en France avec environ 60 % de décès. La prévalence de la séropositivité au VIH après avoir baissé jusqu’en 1998 tend à augmenter de nouveau [43, 49]. Il semblerait qu’environ 110 000 personnes soient atteintes dont au moins 30 000 ne seraient pas prises en charge. Les groupes homosexuels et bisexuels représentent 40 à 60 % des séropositifs, les hété-
rosexuels 20 à 40 %, les toxicomanes 8 à 15 %. La France semble être l’un des quatre pays européens (avec l’Espagne, le Portugal et l’Italie) où la positivité au VIH est la plus élevée [6], notamment en Ile-de-France et PACA. Depuis 1996, les nouvelles thérapeutiques ont entraîné une prolongation importante de la vie et une baisse de la mortalité (actuellement environ 500 décès par an), mais ce progrès a conduit à un relâchement de la prophylaxie (rapports sexuels non protégés). Parmi les cas les plus récents (2001), plus de trois malades sur quatre n’avaient pas bénéficié d’un traitement anti-rétroviral précurseur, car ils avaient découvert leur séropositivité en même temps que le sida [49]. On peut craindre un relâchement des comportements de prévention parmi les homosexuels et les populations d’origine étrangère [49]. Certains groupes marginaux observent mal les mesures prophylactiques. Ceci montre qu’il est insuffisant de fonder la prévention sur des instruments (le préservatif ou l’échange de seringues) ; il faut s’interroger sur les obstacles sociaux, culturels et psychologiques qui s’opposent à leur usage et promouvoir le désir de préserver sa santé.

La contamination hétérosexuelle est favorisée par certaines pratiques sexuelles (rapports par voie anale) et l’existence de MST. Elle frappe particulièrement des populations défavorisées et il faudrait effectuer des recherches pour analyser l’origine de ces cas et déterminer le nombre de ceux contractés en France et hors de France afin d’adapter la prophylaxie [40].

La recrudescence des MST, notamment la syphilis [44], suggère que de nombreuses personnes ne se protègent pas [44, 46-48, 50]. Or ces maladies ont leur gravité propre en raison de leurs séquelles : stérilité féminine et accroissement de la fréquence des grossesses extra-utérines. De plus l’absence de protection favorise, chez les sujets non vaccinés, la transmission de l’hépatite B dont la fréquence devrait augmenter considérablement pour représenter à terme, selon l’OMS, une des premières causes de mortalité dans le monde. Il faudrait donc réactiver les consignes concernant les MST (information, dépistage selon les habitudes suivies pour les maladies vénériennes, prises en charge par les dispensaires antivénériens, recherche des contaminateurs, etc.) et abaisser le prix des préservatifs grâce à une limitation des taxes. Parallèlement, les professionnels de santé doivent être re-motivés et intervenir en diffusant à tous les niveaux les messages élémentaires de prophylaxie [45]. Enfin, il serait souhaitable de coordonner l’action contre les MST, qui dépend des départements, et celle contre le sida qui relève de l’Etat.

Les drogues licites et illicites

Tabac

Le tabac est, en France, comme dans le monde, la cause la plus importante de maladies et de décès évitables ; lutter contre lui est donc l’action susceptible
d’avoir le plus grand impact sur la santé [155]. Le tabac est une cause majeure d’affections pulmonaires et cardiovasculaires ainsi que de cancers ; il entraîne en France, chaque année, plus de 60 000 décès dont 55 000 chez les hommes et 5 000 chez les femmes.

Le risque tabagique est influencé par la quantité de tabac consommée et surtout par la durée du tabagisme, donc par l’âge de début. Tous les produits dérivés du tabac ont des effets néfastes pour la santé, c’est pourquoi les mentions light ou ultra light qui rassuraient indûment les consommateurs ont été interdites dans l’Union européenne.

De 18 ans à 24 ans, les Français des deux sexes sont ceux qui fument le plus dans l’Union européenne (environ 50 % contre 18 % en Finlande et en Suède).

Pour l’ensemble des sujets de plus de 15 ans, la France se situe en deuxième position, derrière la Grèce et devant l’Espagne. On observe, de plus, l’influence des facteurs sociaux (état matrimonial : les célibataires et les divorcés fument plus que ceux vivant en couple) et du niveau d’éducation.

De 1994 à 1998 les cancers liés à la consommation de tabac (35 000 cas) ont légèrement diminué chez les hommes et progressé chez les femmes : + 20 % pour les cancers du poumon (+ 43 % entre 25 et 44 ans) et + 8 % pour ceux de la sphère ORL [19, 20, 109]. Si le taux actuel du tabagisme féminin subsistait, on assisterait à une augmentation massive des effets néfastes du tabac qui deviendraient aussi fréquents que chez les hommes. L’association tabac et pilule contraceptive accroît considérablement le risque vasculaire . Parmi les femmes enceintes de 25 à 35 ans, on compte 29 % de fumeuses malgré les risques encourus par le futur bébé , or ce pourcentage était de 10 % en 1970 [129] . A peine un tiers des femmes fumeuses parviennent à s’abstenir de fumer pendant leur grossesse et ce pourcentage est plus faible dans les catégories socio-économiques défavorisées [119]. Le tabagisme de la femme enceinte est un problème majeur car il a des conséquences graves : petit poids à la naissance, prématurité, etc. [108, 139]. Après la naissance, le tabagisme passif (la fumée des autres) entraîne comme conséquences : syndrome de mort subite du nourrisson, asthme, bronchiolites, rhinopharyngites, otites, retard staturo-pondéral [108]. Ces affections causent quelques centaines de décès et peuvent contribuer au retard scolaire. Le tabagisme passif cause chez les adultes (conjoints des fumeurs et personnes travaillant avec des fumeurs dans des milieux clos) des insuffisances respiratoires et des maladies cardiovasculaires (environ 2 500 à 3 000 décès annuels, dont plus d’une centaine par cancer du poumon) [108, 139].

La découverte des effets nocifs du tabac en 1950 n’a ralenti que temporairement la croissance de sa consommation, qui a doublé de 1950 à 1975 [155]. A cette date, un petit groupe de cancérologues a demandé à Mme S. Veil, ministre de la Santé, une action de l’Etat. La loi votée en 1976 était excellente, elle a sensibilisé l’opinion et stabilisé la consommation mais elle ne l’a pas fait baisser
car les principales dispositions de la loi ont été tournées : ainsi la publicité ayant été interdite, on lui avait substitué une publicité pour des allumettes portant le nom et le logo des marques de cigarettes. La lutte contre le tabac est repartie sous la pression de quelques médecins et a abouti à la loi Evin qui, en 1991, a exclu le tabac de l’indice des prix (permettant l’augmentation rapide du prix), interdit toute publicité et prescrit une protection des non-fumeurs. La consommation du tabac a baissé de 12 % de 1991 à 1997, mais elle s’est stabilisée ensuite (la proportion de fumeurs réguliers à l’âge adulte ayant diminué chez les hommes mais augmenté chez les femmes) ; chez les jeunes, on note depuis 1998, une légère tendance à l’augmentation, surtout chez les filles malgré une bonne information sur les effets sanitaires du tabac, ce qui montre que la peur du risque ne contrebalance pas l’image restée valorisante du tabac chez les jeunes (association avec l’âge adulte, le défi, la rébellion). Les causes de la stagnation actuelle sont multiples :

le prix n’a augmenté que de façon minime depuis 1997 (environ 3 %/an en francs constants) ce qui est trop peu pour dissuader les fumeurs. Cette défaillance de la volonté politique illustre l’absence de stratégie globale à long terme ;

une promotion extrêmement active et à laquelle l’industrie du tabac consacre en France 150 millions k/an a remplacé la publicité directe et indirecte. Il est difficile de lutter contre elle en l’état actuel du dispositif juridique et de l’absence pratique de sanction. Il faudrait rechercher comment faciliter les procès contre les sociétés qui organisent cette promotion théoriquement illégale mais en fait impunie, et alerter les parquets sur la nécessité d’accélérer les procédures contre ces atteintes à la santé publique ;

le tabac reste omniprésent dans la vie quotidienne ce qui banalise et justifie, aux yeux des jeunes, la cigarette. Cette omniprésence est due à la non-observation des règlements protégeant les non-fumeurs et interdisant le tabac dans les lieux publics et dans les entreprises. Or ceux-ci ne sont pas respectés en raison de l’absence de sanctions pour les contrevenants .

Par exemple une étude récente suggère que l’on fume ouvertement dans 2/3 des lycées publics et un tiers des lycées privés. L’absence de coordination entre ministère de la santé et ministère de la justice explique que les parquets ne se soient pas intéressés aux contraventions tandis que les ambiguïtés de la loi ont eu comme conséquences que les inspecteurs du travail n’aient pas agi pour faire respecter la loi. Le vote d’une loi excellente, dont l’un des objectifs était d’éviter l’exemplarité, a eu peu d’effets car on n’y a pas associé de dispositifs assurant son respect. La volonté politique a manqué [32]. Les données montrent que de nombreux responsables (directeurs d’établissements scolaires ou hôpitaux, chefs d’entreprises, restaurateurs) ont délibérément choisi de ne rien faire afin de préserver leur tranquillité, sachant que cette carence ne leur vaudrait aucun reproche. De
plus, les modèles dont le comportement influence l’esprit des jeunes (les vedettes des films [154] et la télévision, les médecins, les enseignants et les parents eux-mêmes) n’ont pas pris conscience de leurs responsabilités et continuent, par leur attitude, à inciter les jeunes à fumer.

Alors que d’autres pays obtenaient de meilleurs résultats, le demi-échec actuel de la lutte anti-tabac est donc le résultat d’un manque de continuité et de globalité dans la politique [116, 122, 129]. Il faut définir une stratégie à long terme aidant les fumeurs à s’arrêter de fumer et dissuadant les jeunes de commencer. Ceci ne sera obtenu que si la société française prend conscience de la gravité du tabagisme et se mobilise [129]. Il faut montrer que fumer est un geste anormal, voire asocial et donner des adolescents non-fumeurs l’image qui ressort des statistiques : celle de jeunes responsables, capables de maîtriser leurs pulsions, refusant l’esclavage et ne se laissant pas manipuler.

Le succès viendra d’une politique associant promotion de la santé, dévaluation de l’image du fumeur et respect des lois grâce à des sanctions dissuasives. On doit jouer sur les prix et l’éducation à la santé à l’école et surtout lutter contre l’omniprésence du tabac dans la vie quotidienne, la télévision, les films. Le nécessaire changement de mentalité vis-à-vis du tabac ne sera obtenu qu’au prix d’interventions adaptées à l’âge et aux caractéristiques psychosociales et culturelles de ceux que l’on cherche à libérer ou à protéger du tabagisme. On ne parle pas de la même façon à une femme enceinte chez qui l’abstinence est impérative et urgente et à une personne de 60 ans qui a fumé toute sa vie. Une politique au long cours exige la mobilisation et la coordination de l’ensemble des structures institutionnelles et associatives impliquées sur le terrain dans la lutte contre le tabagisme, depuis l’élaboration des stratégies jusqu’à leur application pratique, dans une démarche cohérente et dynamique fondée sur des études pilotes [111, 124]. Cette entreprise requiert un changement de la représentation du tabagisme et une « dénormalisation » du tabac.

Alcool

Il y a en France environ cinq millions de personnes dont la consommation d’alcool est à risque et deux millions d’alcoolo-dépendants. Avec 40 000 décès par an, dont 23 000 de maladies qui lui sont directement attribuables, la mortalité liée à la consommation d’alcool reste en France l’une des plus élevées au monde et représente la deuxième cause de mortalité prématurée, après le tabac, malgré une diminution régulière de la consommation depuis cinquante ans [130, 140]. Il faut ajouter que si une consommation de deux verres par jour (20g/j) est acceptable, elle ne peut être conseillée car dans les enquêtes épidémiologiques la mortalité totale augmente au-delà de cette limite chez l’homme et chez la femme, tandis qu’un risque , certes minime, subsiste au-dessous chez des sujets particulièrement vulnérables. En effet, on ne peut ignorer les susceptibilités individuelles. En France, « moins c’est mieux » reste
une maxime d’actualité. La décroissance de consommation s’est malheureusement accompagnée en France du remplacement de la consommation journalière, au cours des repas, par un mode aigu, toxicomaniaque, de fin de semaine, notamment chez les jeunes et les adolescents [123, 125]. Produit de plaisir et festif, l’alcool est accepté et même intégré dans notre mode de vie ; la levée d’inhibition et la perte de contrôle qu’il provoque induisent ainsi des violences en milieu familial, professionnel et public qui conduisent fréquemment au suicide, au crime et aux accidents ainsi qu’à la désocialisation par le divorce, le chômage ou l’emprisonnement.

La prévention de l’alcoolisation en France se heurte à de puissants intérêts économiques et aux pesanteurs socioculturelles d’un vieux pays viticole où le pouvoir a toujours balancé entre laxisme et répression, faisant de ce thème de prévention celui qui a toujours ligué contre lui le plus grand nombre d’intérêts particuliers [133, 138, 152]. Les intérêts économiques liés à la production viticole tendent aujourd’hui à être remplacés par de puissants lobbies industriels qui, liés aux milieux publicitaires, se sont opposés avec efficacité aux tentatives, souvent modestes, de prévention. C’est ainsi que le versant alcool de la loi Evin du 10 janvier 1991 a été réduit à néant au travers de retouches successives qui font que l’alcool continue à être promu à la radio et par affichage.

Ce laxisme grandissant accompagne une évolution du système d’accueil de l’alcoolique et des personnes ayant des difficultés avec l’alcool. En effet, sous la pression des faits [127], la mission curative l’emporte désormais sur la mission de prévention. Les Centres de Cure Ambulatoire en Alcoologie, pris en charge par l’assurance maladie, ont succédé depuis 1998 aux Centres d’Hygiène Alimentaire et d’Alcoologie qui étaient financés par l’Etat depuis 1983. La mission préventive, et son financement, sont réduits aujourd’hui au minimum [128]. Le problème de la prévention secondaire doit donc être complètement repensé.

Dans le même temps, le Haut Comité d’Etudes et d’Information sur l’Alcoolisme créé en 1954 auprès du Premier ministre a été rattaché auprès du Ministre en charge de la santé en 1986, pour disparaître avec la création du Haut Comité de la Santé Publique en 1992. La mission interministérielle n’est réapparue qu’en 1999, au sein de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT) qui n’est chargée, qu’entre autres, de l’alcool.

Les industriels de l’alcool ont poussé leur avantage en finançant un organisme de recherche (l’IREB) et une association (Entreprise et Prévention) destinée à prévenir les effets néfastes de l’alcoolisation. Ces initiatives laissent croire qu’une action est menée alors que les moyens mis en œuvre sont modestes ;

elles accréditent l’idée que les intérêts industriels peuvent se confondre avec ceux de la santé publique. Ainsi les années 1990 ont été une décennie de régression en ce qui concerne la prévention des conséquences sur la santé de
l’alcoolisation. Une volonté politique prolongée est donc nécessaire pour changer l’attitude de la population. Il est proposé :

— de réduire l’offre d’alcool :

• par une réduction de la production avec orientation vers les produits de haut de gamme dont le prix élevé, bien que dissuasif, permettra le maintien du niveau de vie du producteur ;

• par la limitation par voie législative (taxation des boissons alcooliques au-dessus de la moyenne européenne, interdiction de vente aux mineurs appliquée dans les grandes surfaces, harmonisation de l’heure de fermeture des boîtes de nuit, interdiction de vente dans les stations services) ;

• par la promotion de boissons sans alcool .

— de réglementer la publicité en rétablissant dans sa rationalité d’origine du 10 janvier 1991 le versant alcool de la loi Evin en n’autorisant que l’information dans les médias écrits à l’exclusion de tout autre support ;

— de prendre en compte la crise de la jeunesse ainsi que les problèmes sociaux tels la précarité, le chômage, l’habitat, l’architecture des grands ensembles, le désarroi des jeunes et les pesanteurs socioculturelles ;

— d’informer le public avec un message objectif et une pédagogie dépassant une vision purement quantitative de la consommation pour aboutir à la notion de risque alcool [128]. Il conviendra donc :

• pour le public scolaire, d’intégrer les notions sur l’alcool et le risque alcool précocement dans l’enseignement primaire et secondaire en l’incluant dans un programme répétitif alimentation/nutrition et de donner aux jeunes des repères et des règles, non comme des interdits mais comme des moyens d’épanouissement ;

• pour le public adulte, de renforcer les moyens d’intervention associatif, le rôle des médias et les actions en milieu de travail et de souligner les risques pour le futur bébé de la consommation d’alcool lors de la grossesse [118].

— de détruire les grands mythes socioculturels alcoolophiles tels « l’alcool réchauffe » ou « l’alcool donne des forces » ;

— de repenser la prévention secondaire vu l’évolution des Centres d’Hygiène

Alimentaire (CHA). L’orientation pourrait se faire vers un dispositif en réseau où se coordonneraient médecins généralistes, travailleurs sociaux, associations, formations spécialisées de proximité à renforcer et à soutenir.

Il est capital que les médecins de famille identifient précocement le mésusage de l’alcool, coordonnent les actions et les évaluent ;

— de promouvoir et renforcer les formations initiales et continues des professionnels de santé (enseignement synthétique obligatoire depuis 1981, nouveau programme 2001 des études médicales), et de veiller à la formation de formateurs ;

— de multiplier les contrôles routiers de l’alcoolémie afin que leur probabilité devienne dissuasive, notamment pendant les week-ends et à la sortie des lieux de réunion ; d’ élargir la législation aux autres modes de locomotion ;

— de remettre en cohérence certains aspects législatifs et réglementaires désuets, voire ridicules, comme l’article L. 232-2 du code du travail qui interdit l’alcool sur les lieux de travail sauf le vin, la bière, le cidre, le poiré et l’hydromel ;

— de promouvoir et renforcer les moyens d’étude et de recherche des organismes publics (INSERM, OFDT) car malgré l’omniprésence de l’alcool dans la société française, il persiste bien des domaines où les connaissances sont parcellaires.

Ces mesures, outre leur bénéfice pour la santé publique, auraient aussi pour intérêt de réduire les coûts sanitaires considérables induits en France par les effets néfastes de l’alcool Drogues illicites

L’usage des drogues illicites s’est beaucoup accentué au cours de la dernière décennie, notamment en raison de l’accroissement considérable de la consommation de cannabis qui constitue le fait marquant. Actuellement, il y a en France dix millions de consommateurs occasionnels et 300 000 consommateurs quotidiens. Son usage à titre expérimental est devenu un comportement majoritaire chez les jeunes hommes arrivant à l’âge adulte [107, 120, 121, 142-145]. Plus inquiétante encore est l’augmentation du pourcentage de jeunes faisant un usage répété ou même intensif de cannabis : 12 % des garçons en consomment régulièrement et chez les filles la proportion d’utilisateurs a quadruplé. Ainsi la proportion de jeunes de 18 ans scolarisés consommant de façon répétée du cannabis a presque triplé chez les garçons de 1993 à 1999, pour atteindre 35 %, contre 16 % en moyenne chez les jeunes Européens. La France se place ainsi parmi les pays, où à 16 ans, les jeunes sont le plus à la recherche de sensations fortes alors qu’il y a cinq ans à peine les jeunes Français étaient dans la moyenne [114, 115]. Cet accroissement semble lié, pour partie, à la banalisation de l’usage du cannabis dans l’opinion publique ce qui souligne le rôle de l’attitude de l’opinion (elle-même influencée par l’attitude de certains milieux scientifiques [151], économiques et médiatiques) ; il suscite d’autant plus d’inquiétudes que cette consommation concerne des sujets de plus en plus jeunes, qu’elle est de plus en plus fréquemment associée à l’usage de tabac et/ou d’alcool (et parfois à d’autres
drogues illicites), et que certaines des préparations de cannabis actuellement utilisées sont beaucoup plus chargées en principe actif que celles en circulation autrefois [142]. Les recherches neuropharmacologiques et cliniques récentes ont fait progresser nos connaissances sur les conséquences de la consommation de cannabis et confirmé ses effets délétères, en particulier sur les comportements [131, 135]. Le rôle des drogues dans les accidents de la circulation a été mis en exergue [137, 141].

Quant aux autres drogues illicites 5 % des jeunes Français en ont essayé, (3 % en ce qui concerne l’ecstasy). De nouvelles drogues de synthèse sont apparues et l’usage de médicaments psychoactifs détournés de leur finalité thérapeutique s’est développé ainsi que l’utilisation simultanée de plusieurs drogues.

L’amélioration de la prévention devrait comporter les mesures suivantes :

— Développer l’information concernant les conséquences de la consommation de drogues sur la santé [153] en mettant l’accent sur les risques liés au cannabis et à l’extension des polyconsommations (entre drogues illicites et licites ou entre drogues illicites). Les cibles particulières de cette information devraient être :

• les adolescents et adultes jeunes, en soulignant la perte de liberté que représente pour eux la consommation de drogues ;

• les parents et les enseignants qui devraient disposer des informations nécessaires pour prendre une part active dans la prévention ;

• le personnel de santé, ce qui implique d’inclure (ou développer s’il existe déjà) un enseignement spécifique sur les addictions au cours des études médicales, paramédicales et pharmaceutiques.

— Améliorer la détection et la prise en charge précoce de la consommation de drogues :

• inclure la recherche de la consommation de drogues illicites (au même titre que celle de tabac et d’alcool) lors de la consultation du généraliste (en donnant au praticien les moyens matériels lui permettant de disposer du temps indispensable pour cet acte de prévention) ;

• donner aux parents les conseils aptes à favoriser une recherche non culpabilisante d’une consommation de drogues devant toute modification du comportement ou du cursus scolaire d’un adolescent ;

• développer et faire connaître des structures d’accueil médico-social susceptibles, grâce à des interventions brèves, pluridisciplinaires, de conduire à l’abandon de cette consommation au stade de l’expérimentation ;

• favoriser la collaboration entre généraliste, structures d’accueil et associations de bénévoles impliquées dans la lutte contre les toxicomanies.

— Rechercher les drogues illicites lors des accidents corporels (même bénins) de la circulation de même que lors des accidents du travail, donc développer les tests adéquats. Préconiser une recherche aléatoire de drogues illicites (au même titre que celle de l’alcoolémie) dès que celle-ci sera possible sur un échantillon biologique d’accès facile.

— Encourager les recherches biomédicales sur les effets sur l’organisme des diverses drogues, et de leurs associations [110, 132, 135, 136, 149, 151].

Il convient encore de favoriser les recherches concernant les mécanismes neurobiologiques d’action des drogues, avec pour objectif la mise au point de méthodes pharmacologiques susceptibles de s’opposer à la dépendance envers les drogues illicites. Des essais cliniques contrôlés sont indispensables à cet effet.

Quant aux indications thérapeutiques éventuelles de certaines drogues ou de leurs dérivés, elles doivent être soumises aux même études et essais que ceux mis en œuvre pour tout autre médicament [137, 150].

— Utiliser tous moyens susceptibles de réduire l’offre de drogues illicites, notamment dans les établissements scolaires et lors des événements festifs collectifs (« rave parties »).

— Développer la recherche sur les facteurs psycho-sociaux conduisant à la consommation de drogues, très insuffisamment développée en France.

Devant une utilisation des drogues illicites et licites, il faut s’interroger sur ses causes (familiales, sociales). Cette connaissance, même si elle ne suffit pas à modifier les comportements, est un préalable à une prévention efficace. L’ addictologie doit être développée en étroite relation avec les sciences humaines et sociales.

En conclusion

Tout en luttant contre l’exclusion des toxicomanes et en évitant de les stigmatiser, il faut, dans une approche pragmatique, évaluer les dangers des drogues, rechercher comment réduire ceux-ci et diminuer les addictions. Trop souvent on se focalise sur de faux problèmes pour esquiver les vrais. Ainsi, les discussions sur la dépénalisation du cannabis n’ont qu’une signification limitée puisqu’en fait la loi n’est qu’exceptionnellement mise en œuvre ; il faut craindre que les discussions autour d’un syllogisme simpliste (le cannabis n’est pas plus dangereux que le tabac, le tabac est licite donc le cannabis doit devenir licite) cache les vraies questions : quels sont les dangers du cannabis ? Que peut-on faire pour réduire sa consommation ou au moins l’empêcher de croître à un
rythme aussi rapide ? Comment la réglementer sans augmenter la criminalité 1 et qu’apporte dans ce domaine l’analyse des expériences faites dans différents pays européens ?

Accidents

Les accidents causent en France un aussi grand nombre d’années de vie perdues que le tabac, les décès étant en plus petit nombre mais survenant plus tôt. Ils ont entraîné 850 000 séjours hospitaliers (en 1991) et 18 000 décès (en 1996). Trois paramètres doivent être considérés pour la prévention :

— le lieu (accident domestique, accident de la voie publique, à l’école etc.) ;

— l’environnement matériel responsable de l’accident ;

— la nature du dommage : plaie, brûlure, fracture, intoxication….

Accidents domestiques et de la vie courante chez les jeunes (domicile, école)

Leur fréquence a diminué de moitié depuis 1965 mais ils restent à l’origine d’environ un tiers des décès entre 0 et 15 ans, et de la moitié entre 15 et 24 ans.

Ils sont plus fréquents dans les familles de faible niveau socio-économique (rôle du niveau d’instruction mais aussi coût élevé des dispositifs les plus performants, par exemple pour les sièges automobiles des jeunes enfants).

De 0 à 9 ans, les accidents de la circulation sont à l’origine de 60 % des décès accidentels. Ceux-ci ont notablement diminué mais leur incidence reste très élevée par rapport aux autres pays de l’Union européenne, malgré les progrès effectués.

La mortalité par accidents non liés à la circulation a nettement diminué. Ce sont dans l’ordre de fréquence, les noyades (15 % des décès accidentels), les chutes et les accidents provoqués par le feu. Les activités sportives et même scolaires provoquent un nombre considérable d’accident graves, parfois mortels.

Il serait indispensable de disposer d’une meilleure analyse épidémiologique des différents types d’accidents en fonction de la situation familiale et sociale, d’une meilleure déclaration des accidents non mortels, d’études sur les comportements des parents et des enfants.

Deux stratégies préventives doivent être associées [196, 197] :

— modifier les comportements (enfant, famille) pour réduire les imprudences et faire prendre conscience aux parents de leur rôle de modèle. Ceci relève de l’information et de l’éducation à la santé et à la sécurité. L’enfant jeune 1. Il faudrait analyser dans les pays où le cannabis a été mis en vente libre, l’impact de cette mesure sur la criminalité qui semble, dans certains cas, avoir augmenté.

ne perçoit pas le danger, il explore son environnement, passant rapidement à l’acte ce qui empêche souvent l’entourage d’intervenir à temps. Plus tard, s’ajoute la propension à défier, à faire ce qui est défendu ; cette situation s’aggrave chez les adolescents ;

— augmenter la sécurité de l’environnement par des normalisations et réglementations (jouets, jeux, installation électrique, emballage de sécurité, clôtures de piscine, casque pour le cycliste, etc.). Des recommandations excellentes sont faites mais leur suivi n’est généralement pas assuré.

Certaines normes devraient être réglementaires et il faut faire prendre conscience aux pouvoirs publics de leur responsabilité.

Il faudrait aussi diffuser les informations et les normes en langage compréhensible par tous, susciter des partenariats au niveau local, introduire chez les enfants et les parents une culture de prévention.

La famille devrait tenir une place essentielle dans l’aménagement de l’environnement et dans la surveillance et l’éducation de l’enfant. Les enfants des familles défavorisées, nombreuses ou monoparentales sont plus exposés. Les parents sont souvent mal informés sur les capacités psychomotrices des enfants et leur évolution en fonction de l’âge.

Dès 11 ans, les enfants français sont victimes d’un plus grand nombre de traumatismes que les enfants du même âge des autres pays industrialisés (enquête OCDE), ce qui témoigne d’une attirance pour le risque. Entre 15 et 19 ans, 25 % des sujets ont été victimes d’un accident au cours des douze derniers mois : traumatismes liés aux activités sportives (31 % des cas), accidents de la circulation (18 %), accidents domestiques (17,6 %), etc.

Chez les adultes et les personnes âgées

A partir de 65 ans, la fréquence des accidents augmente rapidement. 25 % des accidents domestiques sont dus à l’alcool chez les hommes et 12 % chez les femmes. On a enregistré, en 1998, 8 000 chutes mortelles et le coût de ces accidents est extrêmement élevé.

La prévention de ces accidents devrait être fondée sur des aménagements des locaux où vivent les personnes âgées : il faudrait placer des rampes dans les escaliers, proscrire les tapis et favoriser les moquettes, introduire des tapis adhésifs dans les douches et les baignoires, éviter que le sol des salles d’eau puisse être glissant, etc. Avec des sommes relativement faibles on pourrait réduire considérablement les risques de chute.

Les accidents de la circulation

Ils sont une cause majeure de mortalité et d’infirmité et occasionnent 10 % du total des années de vie perdues. Il est intolérable que leur fréquence soit en

France supérieure au double de celles du Royaume-Uni ou de la Suède et que si peu soit fait pour la réduire . Ils causent, chaque année, environ 8 000 décès et 150 000 blessés dont 4 000 handicapés graves à vie. Ces chiffres n’ont diminué que très faiblement au cours de ces dernières années et restent très supérieurs à la moyenne de l’Union européenne surtout chez les jeunes.

Par nombre d’habitant le nombre de décès est le 3e dans l’Union européenne (derrière la Grèce et le Portugal, légèrement devant l’Espagne). La mortalité routière cause 1,5 % des décès mais atteint 25 % (40 % pour les hommes) dans la tranche 15-25 ans.

On pourrait réduire cette hécatombe hebdomadaire par trois types de mesures :

— d’abord en modifiant le comportement des conducteurs qui constitue le principal problème. Au lieu de lutter sérieusement contre lui on se contente souvent d’incantations. Or la fréquence des accidents est inversement corrélée à la fréquence des contrôles sur les routes. Il serait impératif de prendre des mesures collectives ( faire respecter les limitations de vitesse , le port de la ceinture de sécurité, accentuer la lutte contre l’alcool et les drogues au volant , ces dernières représentant après l’alcool la deuxième cause d’accidents dans plusieurs pays de l’Union européenne 2. Un autre exemple de réglementation non respectée est celui du téléphone portable).

Les mesures individuelles chez les conducteurs imprudents sont nécessaires (éducation civique, stages comme brancardiers dans des services d’orthopédie pour les contrevenants, etc.). L’efficacité du système contrôlesécurité est faible en France, car la mentalité collective voit le gendarme comme un gêneur au lieu de le considérer comme un partenaire qui protège la population, tandis qu’elle admire l’amateur de vitesse qu’une publicité sans scrupule donne comme modèle. Les sources de cet état d’esprit mériteraient des investigations. Le respect des règles nécessite un consensus social donc une information préalable effectuée de façon appropriée, ce qui a été fait avec succès pour l’alcoolisme au volant ou la ceinture, mais peu pour la conduite sur la route. Faute de campagne à ce sujet, il existe une sous-estimation massive des risques de la vitesse dans la population française alors que celle-ci est à l’origine de 50 % des accidents et qu’une réduction de la vitesse moyenne de 5 km/h diminuerait de 24 % le nombre de décès et de 12 % le nombre de blessés. De même, les conducteurs sont 2. Les enquêtes à l’échelle de l’Union européenne montrent qu’on décèle des drogues illicites chez 15 à 20 % des conducteurs responsables d’un accident. La loi du 18 juin 1999 constitue la transposition dans la législation française de la directive européenne de juillet 1996. On peut faire deux remarques : le délai de trois ans avant la mise en application de la directive, la modestie des mesures prises par rapport à la Grande Bretagne, la Hollande et l’Allemagne puisque le dosage ne concerne que les auteurs d’accidents mortels. Il faudrait au minimum l’étendre à tous les auteurs d’accidents corporels et envisager, comme dans d’autres pays de l’U.E., des dosages systématiques combinés alcool-cannabis. Les résultats obtenus en Sarre méritent d’être pris en considération et devraient inspirer les mesures en France.

insuffisamment conscients des risques qu’ils font prendre à autrui. Or 55 % des victimes sont des passagers, 15 % des piétons, 6 % des cyclistes. Une attention insuffisante est accordée aux accidents dont sont victimes les piétons , à cause de leurs imprudences mais surtout de celles des automobilistes et motocyclistes. Les hommes politiques donnent souvent le mauvais exemple (amnistie). Le manque de pugnacité du personnel politique face aux groupes de pression se manifeste à la fois lors du vote des lois et lors de leur application.

— L’amélioration de l’infrastructure [194]

Elle nécessite un investissement important mais un entretien faible. Un équilibre doit être recherché entre les dispositifs destinés à ralentir la circulation pour accroître la sécurité et les risques que ces instruments de dissuasion peuvent entraîner pour les automobilistes. L’exemple des rondspoints montre que des progrès sont possibles ; mais des évaluations par des experts indépendants seraient utiles et on doit estimer le rapport coût/efficacité des différents types de travaux.

— En raison du peu d’efficacité en France de la menace, souvent théorique, de sanctions pour les infractions sur la route, on devrait recourir pour limiter les excès de vitesse et les imprudences des conducteurs, à des modifications de la structure des véhicules . La sécurité des véhicules a été considérablement accrue au cours des dernières décennies, mais beaucoup pourrait encore être fait (dispositif d’alerte en cas de tendance à l’endormissement et d’hypovigilance ou quand la distance avec les autres véhicules devient, compte tenu de la vitesse, inférieure à la distance de sécurité). De plus, alors que la vitesse est théoriquement limitée à 130 km/h sur les autoroutes, il est peu compréhensible qu’on laisse les industriels européens construire des voitures roulant à plus de 200 km/h et utiliser cette performance dans leur publicité. Même en cas d’accident, on ne tente pas de déterminer, pour chaque véhicule, sa vitesse moyenne lors d’un parcours sur autoroute, d’après les heures de passage aux péages (cet enregistrement pourrait être rendu systématique pour tout conducteur ayant été pris en excès de vitesse). D’autres mesures pourraient être encore plus dissuasives (enregistrement de la vitesse, comme on le fait pour les camions, ainsi que des distances entre les véhicules, etc.) [194]. De tels dispositifs seraient aisés à réaliser et les constructeurs français y seraient favorables, mais la décision doit venir de l’Union européenne, or elle se heurte aux réticences de constructeurs étrangers. Il est en tout cas impossible de continuer à assister sans réagir à ces massacres sur les routes alors que l’on sait comment les réduire. Il est impératif de proportionner la rigueur des sanctions à la gravité des faits.

Enfin, il ne faut pas ignorer le poids économique des accidents automobiles.

Une étude de l’OCDE l’estimait à 2 % du PIB en moyenne. Ce chiffre est
vraisemblablement plus élevé en France. Un étude en 1995 l’avait estimé à environ 20 milliards k/an.

En conclusion, l’exemple des accidents illustre la nécessité d’une politique claire et d’un suivi volontariste. Il faut mettre fin à une hypocrisie collective :

faire semblant d’agir et se contenter de faux-semblants. Il ne suffit pas d’édicter des règlements, il faut les faire appliquer. L’exemple de la Finlande qui en 30 ans a divisé par 4 (de 1 055 à 250) le nombre de décès sur route montre que c’est une question de volonté. Un courage politique est indispensable car il faut prendre des mesures qui, initialement au moins, peuvent être impopulaires.

Agents physiques et chimiques

Le rayonnement solaire

Les ultraviolets du soleil sont à la fois bénéfiques et nocifs : ils induisent la synthèse de vitamine D dans la peau, et une sensation de bien être, ils stimulent la sécrétion de nombreuses hormones. Mais à forte dose, ou intensité de dose, ils causent des lésions cutanées (coups de soleil, vieillissement de la peau) et sont à l’origine de cancers de la peau (environ 50 000 par an en France). La plupart de ceux-ci ont un pronostic favorable quand ils sont traités à temps mais d’autres, les mélanomes, sont beaucoup plus redoutables (5 000 nouveaux cas/an en France occasionnant 2 000 décès). La fréquence des mélanomes a plus que doublé depuis 20 ans, non pas, comme on le croit parfois, à cause de l’amincissement de la couche d’ozone (le flux des rayons UV à l’altitude de la mer n’a pas varié au cours de ces dernières décennies) mais à cause du mode de vie (vogue des bains de soleil et prestige du bronzage).

La susceptibilité individuelle varie grandement en fonction de la pigmentation de la peau et de la capacité de l’épiderme à bronzer et à s’épaissir sous l’influence des premières expositions au soleil, ce qui protège les couches profondes de la peau.

La prévention consiste à réduire la durée et l’intensité des expositions de la peau aux rayons UV (UVA et B du soleil ou émis par les lampes à bronzer). Le public se croit informé, mais en réalité, il sous-estime les effets du soleil aux périodes de forte luminosité comme le montre le mauvais emploi des crèmes solaires. Celles-ci sont généralement utilisées en quantités insuffisantes et plus pour éviter des coups de soleil que pour protéger la peau contre l’effet cancérigène. Aussi, bien qu’elles soient un écran protecteur efficace, elles ont eu un effet négatif en favorisant les longues expositions au soleil ; ceci souligne la tendance à donner le primat à une satisfaction immédiate sur la protection contre un danger grave mais lointain, et peut-être aussi l’insuffisance de l’information.

C’est surtout au cours de la petite enfance et de l’enfance que les expositions au soleil sont dangereuses surtout lorsque la peau est encore blanche (pendant l’hiver) ; or les parents prennent rarement les précautions nécessaires (faire porter aux enfants un vêtement protecteur, un chapeau, des lunettes efficaces contre le soleil). Le souhait d’avoir des enfants avec un joli hâle, prend le pas sur les règles de prévention, surtout dans les milieux défavorisés [6].

L’exemple des pays qui ont réussi à changer les comportements [9] montre que la prévention doit être axée sur une information intense et persévérante :

— des parents et des enfants en milieu scolaire [11] donc en mobilisant les enseignants et en les informant des risques des UVA souvent méconnus ;

— en soulignant l’inégalité du risque solaire, en fonction des caractéristiques de la peau, donc en mettant l’accent sur les groupes à risque ;

— la nécessité d’un strict respect des consignes de bon usage des crèmes solaires ;

— réglementer et décourager l’usage des lampes UV à bronzer. Ce dernier exemple illustre l’incohérence de la politique de prévention ; alors que l’on connaît, aujourd’hui, les dangers des UVA, on ne fait rien pour dissuader le public d’utiliser les lampes à bronzer et on donne même une formation spécialisée pour accomplir des actes nocifs.

La prévention de la surdité par traumatisme sonore

L’évolution de notre société (aéroports, autoroutes mais aussi loisirs bruyants) a considérablement élevé le niveau sonore auquel la population est soumise.

Ces nuisances sonores chroniques — qui entraînent une augmentation de la fréquence de l’hypertension artérielle et de l’infarctus myocardique — sont surtout responsables, pour près de la moitié des jeunes, d’une surdité progressive, socialement très handicapante, car elle est, et restera longtemps, mal compensée par l’appareillage prothétique. Déjà, il y a une quinzaine d’années, on avait observé que plus de 50 % des jeunes recrues présentaient une perte auditive moyenne sur les fréquences aiguës d’environ 10 décibels.

Depuis cette époque, les effets se sont aggravés ; il est courant que des sujets consultent pour une surdité soudaine apparue après quelques heures passées dans une discothèque.

Malgré de notables efforts de prévention, la surdité professionnelle frappe encore les personnes exposées à des bruits intenses, dits lésionnels, dans les industries des explosifs et des propulseurs, les industries métallurgiques, les industries du bois et des matières plastiques ; elles touchent aussi le BTP et le secteur agroalimentaire. Le diagnostic de ces surdités, souvent tardives, est difficile car il faut les distinguer de la détérioration de l’audition due à l’âge. Mais actuellement les risques les plus grands s’observent chez les adeptes des musiques hyper-bruyantes, disc-jockey, personnel des discothèques, mais
surtout l’énorme cohorte des jeunes qui fréquentent ces lieux en une communion d’intensité sonore, insupportable pour l’oreille, qui entraîne une véritable addiction au bruit musical.

La prévention est le seul moyen d’éviter cette perte auditive. Il faut enseigner les risques du traumatisme sonore, et inciter non seulement les professionnels mais également les utilisateurs domestiques de matériel de bricolage bruyant à protéger leurs oreilles. Dès l’âge scolaire, les enfants doivent être informés du risque car il est plus difficile d’agir sur les adolescents et les adultes jeunes. Il faudrait réglementer les intensités sonores dans les discothèques et y rendre obligatoire une information sur les risques encourus, comme on l’a fait pour les baladeurs. Sinon se développera, dans les décennies à venir, une génération victime de lésions de l’oreille interne qui deviendront perceptibles lorsque la baisse auditive normale liée à l’âge se sera ajoutée.

Sécurité alimentaire, malnutrition et obésité

Soixante-dix pour cent des Français considèrent que la sécurité alimentaire n’est pas assurée et plus de 50 % croient que l’alimentation de nos ancêtres était plus sûre. Or ayant voyagé dans les pays en développement, ils devraient savoir, par expérience, l’impact que peut avoir sur la santé la nourriture et l’eau de boisson dans les pays où l’on n’utilise pas les méthodes hygiéniques avec rigueur.

— En réalité, la mortalité due à la consommation d’aliments toxiques ou contaminés a diminué de 68 % entre 1987 et 1997 ; elle était en 1995 de 647 soit moins de 0,1 % des décès [96, 97]. Parmi ces décès 599 provenaient d’infections intestinales, 29 de listérioses et 9 décès pouvaient être attribués à des intoxications alimentaires (ingestion de substances nocives ou de plantes vénéneuses). En revanche la morbidité (salmonelloses, colibacilloses, etc.) est non négligeable et reste stable. Les progrès sont dus à une hygiène plus rigoureuse et à un meilleur respect de la chaîne du froid [93, 94]. A noter la très faible mortalité liée aux toxi-infections alimentaires collectives : 0,1 % (9 décès) en 1998, pour 9 200 cas de morbidité répartis en 662 foyers (nombre pratiquement identique à celui des dix dernières années). L’introduction d’une agriculture industrielle et d’une industrie alimentaire provoque des inquiétudes bien qu’elle ait permis une augmentation de la sécurité alimentaire, mais elle nécessite une surveillance systématique des produits dans le cadre d’une réglementation précise. Cette surveillance serait particulièrement utile pour les produits dits « bio » qui sont soumis à une obligation de moyens et non de résultats ; il serait intéressant d’y doser régulièrement les produits dont on soupçonne la toxicité (pesticides, mycotoxines, etc.) afin que le public soit informé. Il est regrettable que l’avis donné à ce propos par l’Académie de Médecine [92] n’ait pas été suivi d’effet.

Des progrès pourraient encore être faits, par exemple : meilleure conception et usage des réfrigérateurs chez les particuliers (température, dates de péremption) [92-94]. Les enfants en bas âge, les personnes immunodéprimées ou âgées et les femmes enceintes sont plus fragiles et devraient limiter la consommation d’aliments susceptibles de contenir des germes pathogènes (par exemple fromages au lait cru, certaines charcuteries). Or l’information à cet égard est insuffisante et personne n’ose alerter la population bien que certaines années les listérioses causent un nombre notable de décès dans ces groupes vulnérables [96, 97]. Néanmoins, l’évolution est favorable : si le nombre de patients s’est élevé en 1999 à 261 (avec une mortalité d’environ 30 %), l’incidence des cas de listériose a été divisée par trois au cours des quinze dernières années, passant de 14 par million au début des années 1980 à 4 par million pour les trois dernières années du siècle.

La stérilisation par rayonnements ionisants pourrait accroître la sécurité bactériologique des nutriments qui ne peuvent pas être stérilisés par la chaleur, mais les craintes non fondées de certains groupes s’opposent à l’utilisation de ces méthodes, cependant dénuées de tout risque et recommandées par l’OMS et l’Union européenne (U.E.).

— Le public craint les pesticides, les engrais, alors que grâce aux contrôles exercés les quantités de ces produits chimiques contenus dans les aliments ne présentent aucun risque sanitaire, sauf en cas de fraude ou d’accident [95, 103, 104]. On a argué que l’absence d’intoxication aiguë ne permettait pas d’exclure l’existence d’intoxications chroniques susceptibles de provoquer une augmentation des cancers ou d’autres maladies ; cette hypothèse ne s’accorde ni avec l’allongement graduel de la vie pendant tout le xxe siècle, malgré la forte augmentation du nombre de produits chimiques dans l’alimentation depuis 1945 ni avec l’évolution du nombre de cancers digestifs. Néanmoins, la population reste préoccupée comme en témoignent les alarmes disproportionnées à propos des traces de dioxine (ou de PCB) dans les poulets et des cas, heureusement très rares, de la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (depuis 1990, cinq cas avérés en France et environ 110 au Royaume-Uni avec moins de cas en 2001 qu’en 2000). Aucune augmentation de la fréquence des malformations congénitales ou des cancers attribuables à la dioxine n’a été détectée à Seveso bien que 500 g environ de la dioxine la plus toxique ait été libérée dans l’atmosphère) 3. Les normes de l’Union européenne sont parfois 3. Bertazzi P.A., Zocchetti C., Guercilena S., Consomi D., Tironi A., Landi MT., Pesatori A.C.

Epidemiology , 1997, 6, 646-52) ont signalé à la fois un nombre global de cancers inférieur à la normale et une augmentation de certains types de cancers ; mais cette dernière observation a fait l’objet de réserves méthodologiques. En effet, en l’absence d’une augmentation globale, une analyse distinguant de nombreux sous-groupes peut fournir des informations erronées, puisqu’en raison des fluctuations statistiques, on peut observer des augmentations et des diminutions statistiquement significatives dans certains sous-groupes, qui sont dénuées en réalité de signification.

exagérément sévères, par exemple pour les nitrates et les dioxines, et ce bas niveau des limites suscite des angoisses en cas de dépassement alors que dans ces cas, généralement, les taux sont loin d’atteindre un niveau dangereux pour la santé. Il faudrait démythifier les risques liés aux nitrates, une confusion fâcheuse a été introduite pour eux entre risque pour la santé et risque pour l’environnement. Inversement on n’accorde qu’une importance minime aux mycotoxines dont certaines sont cependant très cancé- rigènes (notamment l’aflatoxine, l’un des facteurs responsables des cancers du foie en Afrique subsaharienne).

Les déséquilibres alimentaires. L’obésité . Alors que la sécurité alimentaire préoccupe fortement le public et les autorités française et européenne [96, 97, 190], les déséquilibres nutritionnels suscitent peu de réactions bien qu’ils présentent des risques beaucoup plus graves pour la santé [101-104].

Les Français mangent trop : leur ration calorique moyenne a notablement augmenté au cours de ces dernières décennies et est trop élevée, surtout compte tenu de la régression des exercices physiques [101, 105]. Pendant le dernier demi-siècle, le déséquilibre entre les dépenses physiques, qui ont diminué (moins de travaux manuels, moins de marche), et l’accroissement de la ration calorique a entraîné une augmentation de la masse corporelle (surpoids) et dans une proportion croissante de la population, notamment des jeunes, une véritable obésité. Chez les jeunes conscrits (20 ans), la prévalence du surpoids est passée de 11,5 % à 16,5 % entre 1987 et 1996 tandis que celle de l’obésité passait de 1,5 % à 3,1 %. Depuis 1996, la situation a encore empiré. En 2000, il y avait 9,6 % d’obèses parmi les adultes contre 8,2 % en 1997 soit en trois ans, une augmentation de + 17 % (soit 600 000 obèses de plus). Le pourcentage des sujets en surpoids est de 29 %. Donc au total 40 % des Français ont un poids trop élevé 4. De plus, et c’est le plus inquiétant, on observe une proportion élevée d’enfants obèses [20] (en 2000, parmi les enfants de 6 ans, 10 % sont en surpoids et 4 % sont obèses soit au total 14 % contre 3 % en 1960) ; or l’obésité est une maladie chronique qui régresse rarement, les enfants obèses deviennent souvent des adultes obèses.

Paris, par exemple, est en Europe, avec Rome, une des villes où la proportion d’enfants avec un poids trop élevé est la plus forte : 11,6 % en surpoids et 5 % obèses (7 % en zone d’éducation prioritaire) [87] : c’est le résultat d’un manque d’exercice physique (télévision, ordinateurs…) et d’un 4. La mesure la plus communément acceptée du surpoids est donnée par l’indice de poids corporel (IPC), que l’on obtient en divisant le poids corporel (en kg) par le carré de la taille (m2). Ainsi, un adulte pesant 100 kg et mesurant 2 m à un IPC de 25. L’Organisation Mondiale de la Santé estime qu’un IPC inférieur à 18,5 est un indicateur d’insuffisance pondérale et qu’un IPC supérieur à 25 montre un surpoids ; un IPC supérieur à 30 est synonyme d’obésité. Un IPC normal, en tout cas souhaitable, se situe entre 18, 5 et 25. Pour un adulte mesurant 1,75 m ce poids souhaitable se situe donc entre 57 et 77 kg ; entre 77 et 90 kg on est en surpoids et obèse au-delà.

grignotage d’aliments et de boissons sucrées devant l’écran qui tend à remplacer les repas. Or beaucoup de ces mères veulent bien faire, elles se privent pour acheter ces nourritures vantées à la télévision et n’osent pas imposer des horaires pour le repas des enfants. Les mères souvent ne respectent pas les recommandations lors de la reconstitution du lait en poudre, il en résulte une augmentation de la ration calorique de 30 % en moyenne.

Les évolutions défavorables concernent aussi le nombre total de calories ingérées [101]. En 1957, en France, il était en moyenne de 3 000 calories ;

il est passé, aujourd’hui, à plus de 3 500 ce qui est dû à une trop grande consommation de boissons sucrées, de produits gras et de graisses cachées (viande). La consommation de viande a augmenté régulièrement en France, on en consomme plus en France que dans beaucoup de pays industrialisés alors qu’on y consomme moins de volailles et de poissons, moins riches en acides gras saturés. De plus, les déséquilibres alimentaires sont très répandus : excès de sel, déficit en fruits et légumes, rapport lipides/glucides trop élevé, excès d’acides gras saturés, essentiellement apportés par les laitages et la viande, apport insuffisant en acides gras oméga. Les études d’intervention ont confirmé le rôle bénéfique des fruits et légumes, du poisson (deux à trois fois par semaine), des acides gras insaturés (graisses d’origine végétale) ce que l’on a appelé le régime méditerranéen. Les Français mangent trop de viande et de produits animaux (beurre, fromage) riches en graisses, alors que la volaille et les poissons sont moins riches en graisses potentiellement nocives. Ils mangent aussi trop de sucreries, pas assez de fruits, de légumes et de céréales [105]. On estime, généralement, que la ration alimentaire calorique devrait provenir pour environ un tiers des graisses, pour 20 % des protéines végétales ou animales, pour 7 à 8 % de fruits et de légumes et pour le reste de glucides lents (céréales, pâtes, riz). En fait, actuellement les graisses apportent plus de 45 % des calories. Les déséquilibres alimentaires, l’excès de nourriture, l’obésité sont à l’origine de nombreuses affections (maladies cardiovasculaires, diabète, cancers, etc.) et il est remarquable que les mêmes recommandations diététiques soient valables pour la prévention de toutes ces maladies y compris les cancers . On a estimé que 15 % de ceux-ci pourraient être évités par un changement des habitudes alimentaires [102]. En particulier l’obésité et l’insuffisance d’exercice physique jouent un rôle important pour les cancers du sein (après la ménopause), du côlon, du rein et du corps de l’utérus ainsi que, dans une moindre mesure, pour les cancers de la prostate. Inversement, un régime riche en fruits (aux trois repas) et en légumes (aux deux principaux repas) diminue la fréquence des épithéliomas.

L’obésité est inégalement répartie sur le plan géographique (par exemple elle est particulièrement élevée dans le Nord de la France) et social (elle est
d’autant plus fréquente que le niveau d’éducation et le revenu sont moins élevés).

Le mode de vie urbain favorise les déséquilibres alimentaires car, en raison de la longueur des trajets, une proportion croissante de déjeuners sont pris hors du domicile, ce qui favorise une nourriture riche en corps gras et sucres rapides pour couper la faim à midi et la faible consommation de fruits et légumes. Cette évolution correspond à la double préoccupation de gagner du temps et d’économiser de l’argent (mode du sandwich et du « fast-food »), elle devient préoccupante, surtout chez les jeunes, depuis une décennie. En moyenne, chaque Français prend 100 repas par an hors de son domicile, mais ce nombre est plus élevé dans les grandes villes où il peut atteindre 200 repas par an. Le rapport HCSP [101] (2000) estime qu’en 1994 les déjeuners pris hors domicile apportent en moyenne 42,5 % de lipides et 37,5 % de glucides, donc favorisent les déséquilibres alimentaires. Ce déséquilibre s’est accentué depuis.

— Recommandations : l’étiquetage.

— Un meilleur étiquetage serait indispensable [92] : celui-ci devrait indiquer, pour tous les produits alimentaires y compris les aliments surgelés , l’apport calorique et la teneur en sodium et en graisses saturées et non saturées . L’avis de l’Académie de Médecine [92] à ce sujet n’a pas encore été entendu. La Fédération des Académies de Médecine de l’Union européenne a envoyé un vœu, de son côté, aux instances européennes en 2001. Il faut veiller à ce qu’il soit suivi d’effet car un bon étiquetage apporterait une contribution fondamentale à la lutte contre l’obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires.

— Il faut informer et aider les parents, leur rappeler sans cesse les règles de la nutrition et de l’équilibre alimentaire, la nécessité de quantités suffisantes de fruits et légumes dès le plus jeune âge, car si l’on n’apprend pas à en manger très jeune, on éprouvera des difficultés à cet égard pendant toute son existence.

— La clé d’une nutrition harmonieuse passe aussi par la surveillance de l’équilibre diététique des menus des cantines scolaires et une remise à jour des connaissances des diététiciens. Ces efforts sont d’autant plus nécessaires qu’ils se heurtent à la puissance des publicités omnipré- sentes sur les écrans de télévision, lesquelles font la promotion de produits qui ne sont pas malsains quand ils sont pris en petite quantité mais dont les effets sont nuisibles s’ils constituent une proportion notable de l’apport calorique quotidien. L’étiquetage, dans ce cas encore, devrait jouer un rôle bénéfique.

Pollution et agents toxiques

La dégradation de l’environnement est souvent perçue au travers d’indicateurs immédiatement apparents comme les fumées et odeurs industrielles, les alertes à la pollution photochimique, la saveur désagréable des eaux. Les taux de nitrates dans les eaux potables, l’appauvrissement du biotope dans les eaux libres, la présence de pesticides dans l’alimentation provoquent des préoccupations souvent disproportionnées [5, 190]. A l’impression de vulnérabilité de notre environnement s’associe la crainte d’un risque pour la santé induisant une demande sociale forte de réduction des nuisances. Cette perception d’un risque insidieux provoque une anxiété qui peut avoir des conséquences sanitaires graves [166], voire des crises, comme celles des sodas contaminés ou des poulets à la dioxine. Sous le coup de l’émotion du public, des décisions sont prises qui engagent parfois des dépenses considérables, handicapent le fonctionnement du système économique (interdictions de vente, moratoires), nourrissent le sentiment de menace environnementale et accroissent l’inquié- tude latente [5, 168, 187, 190].

En réalité un impact sanitaire des pollutions est difficile à mettre en évidence ou à quantifier, ce qui est rassurant. Dans leurs rapports, l’Académie des Sciences [161] et le Haut Comité de Santé Publique [173] indiquent que la pollution de l’air est notablement réduite par rapport aux situations qui prévalaient, il y a quelques décennies, avec son cortège de pics de mortalité associés aux épisodes de smog. Le rapport du HCSP [173] considère, néanmoins, qu’« elle est encore un problème de santé publique, par ses conséquences à long terme ainsi que, pour les personnes les plus fragiles, par ses effets à court terme ».

Ces risques d’aggravation des affections respiratoires et notamment des asthmes, l’induction de maladies cardio-vasculaires, ont fait l’objet de débats constructifs [161] qui soulignent notamment combien il est difficile de quantifier ces risques à cause de la complexité des analyses statistiques utilisées et de la nécessité de distinguer les rôles respectifs de la pollution de l’air intérieur et de l’air extérieur et ceux des différents agents incriminés. La pollution des eaux et de la chaîne alimentaire, par les métaux lourds et les pesticides, reste l’objet de discussions et nécessite des recherches complémentaires.

Par ailleurs, les mesures prises doivent être appréciées dans le contexte des dépenses induites pour préserver la vie. L’estimation du rapport coût-efficacité demeure une obligation même quand le risque est putatif et que l’estimation est de ce fait imprécise mais, même dans ces cas, on peut indiquer une fourchette de valeurs [190]. Plusieurs ordres de grandeur séparent le prix d’une année de vie préservée soit au titre de la prévention de la pollution environnementale qui est très élevé, soit par l’amélioration des soins médicaux ou la prévention du tabagisme. Ceci ne saurait être considéré comme une incitation à ne rien faire mais justifie que des priorités sanitaires soient définies en tenant compte à la fois de la perception des risques [5, 38, 156, 190] et du rapport coût-efficacité
[156, 190]. Il faut placer la problématique environnementale dans une perspective fondée sur des données objectives [176]. Quand celles-ci manquent, des efforts de recherches doivent être faits pour évaluer les risques et les coûts [156,176].

Un exemple de variation du rapport coût-efficacité en fonction de la concentration est celui du plomb. Dans les immeubles vétustes où la peinture au plomb est en mauvais état, on pourrait avec des sommes relativement modestes (quelques centaines de millions de francs pour l’ensemble des immeubles français) faire disparaître les risques réels de saturnisme pour les enfants qui y habitent (bon rapport coût-efficacité) ; inversement vouloir remplacer toutes les canalisations en plomb de l’eau potable coûterait plusieurs dizaines de milliards k pour des bénéfices incertains. En fonction du seuil de concentration fixé par les normes, la valeur du rapport coût-efficacité varie considérablement.

L’amiante en plus de sa gravité pour les travailleurs exposés professionnellement est, au voisinage direct des sites miniers et de certaines industries polluantes, à l’origine de cancers [174]. Il est plus difficile d’établir l’existence des effets liés à sa dispersion aux faibles concentrations dans l’air de la cité.

Dans ce cas, comme dans d’autres, il ne faut utiliser qu’avec beaucoup de prudence, les relations dose-effet pour estimer les risques quand ceux-ci ne sont pas détectés par des études épidémiologiques. Par exemple l’évaluation [169] d’un risque total sur la vie de 2 cas de mésothéliome par million est le résultat d’une extrapolation entachée d’une grande incertitude, et pose la question de la légitimité de cette pratique lorsque les ordres de grandeur de l’exposition sont plusieurs dizaines ou centaines de fois inférieurs à ceux ayant causé une augmentation détectable de la fréquence des cancers. Le radon est vraisemblablement impliqué dans la survenue de cancers imputables à l’environnement domestique, pour des niveaux d’exposition supérieurs à 1 000 Bq/m3. L’effet des cancérogènes environnementaux présents dans l’air est difficile à établir [161, 164], notamment en raison de l’imprécision physicochimique des indicateurs d’exposition retenus : fumées noires, PM10, …

En ce qui concerne les eaux [166] la majorité des corrélations établies entre exposition environnementale et cancer est de nature écologique et de ce fait peu fiable sur le plan épidémiologique, d’autant plus que les risques relatifs sont en général faibles. Parmi les polluants suspectés, l’arsenic à concentration élevée est un cancérogène avéré qui a incité l’OMS à recommander un abaissement des limites à 10 µg/l. L’opportunité de cette mesure fait actuellement l’objet de discussions. Parmi les autres polluants les radionucléides, les fibres, les fluorures et les contaminants volatils ne permettent pas de retenir une relation causale avec le cancer, il en est de même des nitrates. Parmi les pesticides, l’atrazine [191] a été impliquée dans la cancérogenèse gastrique, mais la corrélation est négative avec le cancer du côlon.

On admet qu’environ 1 % des cancers pourrait être dû à la pollution de l’air, de l’eau et des aliments [23, 167]. Ce chiffre n’inclue pas les cancers professionnels. Sur le plan de la recherche, la pathologie de la reproduction et du développement et les multiples désordres éventuellement imputables aux perturbateurs endocriniens nécessitent des investigations [175].

Derrière ces controverses apparaît un déficit de connaissance concernant les mécanismes plausibles, donc la nécessité de recherches [156, 162]. Or ces connaissances sont indispensables pour estimer l’effet des doses ou des concentrations pour lesquelles les enquêtes épidémiologiques ou les expérimentations animales ne décèlent pas d’effets significatifs, ce qu’on appelle les faibles doses (par exemple inférieures à 100 mSv dans le cas des rayonnements ionisants). Les risques de ces faibles doses sont d’autant plus difficiles à estimer qu’au cours de cette dernière décennie, on a mis en évidence l’existence de puissants mécanismes de sauvegarde (réparation de l’ADN, élimination des cellules lésées par apoptose ou autres mécanismes, mobilisation de mécanismes de défense dont témoignent les signalisations intra et intercellulaires déclenchées par une faible dose [157, 159, 171, 189]. Par exemple on s’intéresse actuellement en particulier aux troubles de la signalisation cellulaire que peuvent provoquer les perturbateurs endocriniens qui ont été incriminés dans des cas de déficits immuns, d’infertilité, de pathologie du développement [175, 182] et de maladies thyroïdiennes au voisinage d’inciné- rateurs [182]. Cette nouvelle classe de toxiques comporte certains pesticides et les dioxines mais également des métaux ayant des interactions avec l’acide rétinoïque et les kinases pour l’arsenic et les kinases et les protéines à doigt de zinc pour le plomb et dont l’impact est décelé même à très faible niveau sur la signalisation intracellulaire. Mais ces effets varient fortement en fonction de la concentration, ce qui souligne la difficulté de l’extrapolation des fortes aux faibles doses d’autant que l’activation des systèmes enzymatiques peut aboutir non seulement à l’existence d’un seuil mais aussi à un hormesis [177]. Cette difficulté dans l’estimation des risques éventuels des faibles doses n’est pas limitée au cancer, elle concerne également la neurotoxicité du plomb chez l’enfant chez qui une perte de 2 points de QI a été calculée lorsque la plombémie passe de 10 à 20 g/dl [183], calcul qui comporte une grande incertitude.

L’ensemble de ces observations montre la nécessité d’une recherche spécifique pour l’évaluation et la prévention des effets sanitaires de la pollution. Cet impératif de recherche est encore accru par la prise en compte du principe de précaution [176].

Accidents du travail et maladies professionnelles

Grâce aux effets conjugués de la prévention et du redéploiement des activités vers les emplois moins exposés du secteur tertiaire, les accidents du travail ont
diminué de 40 % depuis 1992 [198]. Leur nombre total reste élevé : 706 700, dont 24 400 accidents de la route, ayant justifié un arrêt de travail en 1999 parmi lesquels 627 étaient mortels dont 250 étaient des accidents de la circulation pendant les déplacements professionnels. Il faut y ajouter les accidents pendant les trajets domicile-entreprise (87 873 ayant causé 633 décès). La proportion d’accidents du travail liés à l’alcool a baissé chez les hommes de 15 % à 8 % (en 1985).

Le milieu du travail est exposé à diverses nuisances liées aux conditions de travail et à des toxiques présents à des concentrations plus élevées que dans l’environnement ; il justifie à ce titre un encadrement législatif et réglementaire spécifique dans deux buts : identifier les dangers et permettre la prévention des effets et l’indemnisation des victimes.

Il n’existe cependant pas de mesure réelle de l’ensemble des affections professionnelles en France, notamment en raison de l’arrêt de la surveillance par la médecine du travail à la fin de l’activité professionnelle. Le seul indicateur disponible concerne la réparation des maladies professionnelles reconnues comme telles par la branche concernée de la Sécurité sociale (branche AT/MP). Cette situation a plusieurs défauts. Le nombre de maladies nouvelles reconnues a augmenté régulièrement de 1995 à 1998 de 8 190 à 12 610 pour les travailleurs du régime général, ce qui aurait pu faire craindre un déficit de prévention, alors que c’est la modification des critères de reconnaissance, avec la création de nouveaux tableaux, qui est à l’origine de l’augmentation, notamment liée aux troubles musculo-squelettiques (DRT Conditions de travail bilan 2000).

Par ailleurs, le nombre de cas déclarés en France, 12 600 maladies professionnelles indemnisées et 93 décès en 1999, paraît faible par rapport à l’Allemagne [199]. La France, en revanche, indemnise une fraction importante des maladies déclarées de sorte que la comparaison au titre des indemnisations est moins défavorable [201]. Dans l’ensemble cependant l’opinion pré- vaut, que le dispositif en place sous-évalue largement l’importance des maladies professionnelles, à cause de l’inertie d’un dispositif centenaire et du manque d’information du milieu médical concernant les expositions réelles dans le milieu du travail et les désordres qui peuvent en résulter. L’obligation faite à chaque praticien au titre de l’article L 461-6, alinéas 1 et 2 du code de la sécurité sociale de déclarer « tout symptôme d’imprégnation toxique et toute maladie quand ils ont un caractère professionnel » n’est pas suivie d’effet [202].

Cette sous-évaluation des maladies professionnelles est un obstacle à l’amé- lioration de la prévention, et on a vu éclater le dispositif dans l’évaluation des maladies professionnelles imputables à l’amiante avec la création, en 2001, du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA). La situation du régime AT/MP est donc fragilisée et doit être modernisée [203]. Différentes mesures ont déjà été prises, notamment celle d’abaisser le seuil d’incapacité perma-
nente à 25 % pour pouvoir bénéficier du régime complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles ne figurant pas dans les tableaux spécifiques. Toutes ces mesures imposent une amélioration de la formation à l’expertise médicale en matière d’évaluation et d’imputabilité du risque professionnel et surtout un effort considérable dans le domaine de la recherche toxicologique et de l’épidémiologie.

Le rôle du médecin du travail à la fois en ce qui concerne la prévention en milieu de travail (ergonomie, etc.) et la prévention plus générale (vaccination, etc.) pourrait être très grand ; il mériterait d’être précisé quand ses missions seront redéfinies.

Le principe de précaution

Alors que la prévention à pour objet de lutter contre des dangers avérés, le principe de précaution prescrit de ne pas attendre que l’existence d’un risque important ait été démontrée pour prendre des mesures proportionnées .

Contrairement à l’interprétation qui en est quelquefois donnée, il ne s’agit donc pas d’agir systématiquement contre les risques putatifs, quel qu’en soit le coût, mais plutôt devant un risque plausible de tenter d’estimer sa grandeur ainsi que le rapport coût-efficacité des diverses actions envisageables, fondement indispensable à toute décision « proportionnée » [156, 157, 160, 176, 184].

Ce principe à donc trois conséquences :

— développer les recherches pour évaluer la plausibilité du risque, ses limites vraisemblables et l’efficacité des différentes mesures proposées (rapport coût-efficacité). En fonction des résultats des recherches toxicologiques et épidémiologiques réexaminer périodiquement toute norme et tenir compte de l’évolution des connaissances ;

— contraindre les décideurs à expliciter les fondements scientifiques, psychologiques et politiques de leurs décisions afin qu’ils puissent prouver une prise en compte correcte de ce principe ;

— informer régulièrement et objectivement le public afin d’éviter les campagnes de désinformation. En effet, la communication influence inéluctablement la perception des risques [190] et dans le cadre du principe de précaution, les décideurs sont conduits à prendre compte des risques perçus.

Le mauvais usage du Principe de Précaution peut conduire à des gaspillages de sommes considérables [168] pour obtenir des résultats limités [168, 186] ou discutables (par exemple au nom du principe de précaution en France on a, contrairement au Royaume-Uni et aux autres pays de l’Union européenne, prescrit l’abattage de toutes les bêtes d’un troupeau quand l’une d’elles était malade, or il n’existe aucune estimation du rapport coût-efficacité de cette
mesure et les recherches à ce sujet n’ont pas été poursuivies sous prétexte que cette décision les rendait inutiles). Dans certains cas, le principe de précaution peut même avoir des conséquences nocives. Ainsi la restriction de l’usage du DDT au nom des risques putatifs [188] a entraîné un accroissement de la fréquence du paludisme [185]. La suspicion de cas de sclérose en plaques induits par la vaccination contre l’hépatite B, a fait suspendre la pratique de cette vaccination par les médecins scolaires (ce qui supprime la responsabilité de l’Etat), décision qui a entraîné une baisse notable de la vaccination, même de celle des nourrissons bien qu’elle n’ait jamais été incriminée donc à terme un accroissement de la mortalité causée par l’hépatite B, très vraisemblablement sans aucune réduction du nombre de cas de sclérose en plaques [163].

Enfin, il existe un autre risque : l’exploitation de ce principe dans des rivalités économiques (entre nations ou entre filières de production) par des groupes n’hésitant pas à manipuler l’opinion à cette fin [156, 159, 180, 190].

Morbidité et qualité de vie

A côté de la prolongation de la vie, la prévention a pour objectif de réduire la morbidité et d’améliorer la qualité de la vie. On ne peut pas, dans ce rapport, envisager toutes les questions qui se posent, puisque ceci exigerait un examen de toutes les affections, et un historique des actions efficaces menées dans un passé récent (par exemple la prévention du rhumatisme articulaire aiguë grâce aux traitements par antibiotique ou des infirmités causées par les sub-luxations congénitales de la hanche grâce aux dispositifs de contention des nourrissons [8]). Cependant il nous a semblé intéressant d’illustrer par quelques exemples, la possibilité d’actions utiles, quand sont réunies les connaissances nécessaires.

La maltraitance des enfants

On considère comme maltraité, tout enfant de moins de 15 ans subissant des violences physiques, morales, psychologiques ou affectives qui retentissent de façon grave sur son état de santé, quel qu’en soit l’auteur : famille, institution ou autres [70, 81].

La gravité de la situation est soulignée par le nombre d’enfants maltraités par an en France : environ 50 000 enfants font l’objet d’actions judiciaires ou sont pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Le chiffre réel est vraisemblablement plus élevé encore car son estimation est difficile. Il pourrait en résulter 600 à 800 décès par an [53], mais l’estimation de ce nombre est délicate [70, 76].

Il faut insister sur la fréquence des violences sexuelles (inceste, pédophilie, attentats à la pudeur, pornographie infantile, prostitution infantile). On a estimé que, avant 18 ans, 10 à 25 % des filles et 10 à 12 % des garçons ont été victimes d’abus sexuels. Ceux-ci laissent des séquelles psychologiques très
graves ; ils sont à l’origine d’une proportion notable des suicides, d’autant que l’enfant violenté se sent souvent rejeté par sa famille, voire coupable [58, 59].

Dans l’enquête CFI — pâque, le pourcentage de tentatives de suicide passe pour les garçons de 8 % chez ceux n’ayant pas subi de violence à 40 % chez ceux en ayant été victimes et pour les filles de 9 % à 48 %. On trouve des accroissements comparables pour les fugues, les dépressions et l’usage des drogues.

La prévention primaire fait appel d’une part à des mesures médico-sociales visant la population entière avec l’espoir que l’amélioration de l’habitat, la lutte contre le chômage et l’alcoolisme, les aides financières ou matérielles, réduiront les tensions et les violences familiales. Il faut y associer les actions spécifiques dirigées vers les familles à risque et comportant des aides à domicile (assistance sociale, travailleuse familiale, aides ménagères).

Il faut donc former des professionnels et informer les enfants [56]. Mais pour parvenir à une prévention efficace il faudrait surtout comprendre les raisons qui sont à l’origine du comportement des parents car l’alcoolisme ne fait que lever des inhibitions et ne saurait tout expliquer. On a incriminé l’immaturité des parents [53] donc une éducation insuffisante, ainsi que les dysfonctionnements familiaux notamment les mésententes. Il est certain que ces situations nécessiteraient des enquêtes psychosociologiques approfondies, mais celles-ci sont rendues difficiles par les contraintes de la loi Informatique et Liberté. Or la maltraitance n’est que le cas extrême des dysfonctionnements de la cellule familiale qui sont vraisemblablement fréquents et qui requièrent des enquêtes spécifiques.

L’adaptation du mode de garde, la création de structures d’accueil (foyer d’hébergement), des campagnes médiatiques pourraient améliorer la situation.

Prévention bucco-dentaire

La zone orale justifie une attention particulière par son importance anatomique et physiologique. Une bonne hygiène bucco-dentaire est un facteur important de la santé de l’enfance jusqu’au grand âge, l’état de la dentition ayant une importance pour la nutrition et pouvant être une source d’infections. Les désordres de la cavité buccale les plus fréquemment rencontrées, surtout chez l’enfant, sont de nature infectieuse : caries précoces, pathologie des muqueuses et des tissus mous (para-odontopathies).

La carie dentaire, processus dynamique et réversible au stade initial, relève d’un mécanisme multifactoriel. Le streptococcus mutans et le lacto bacillus sont les micro-organismes les plus souvent incriminés. Ils sont retrouvés dans la plaque dentaire et la salive et les mères semblent jouer un rôle important dans la contamination bactérienne de leurs enfants. Classée au 7e rang des fléaux mondiaux par l’OMS, la carie est en régression en France et en Europe.

Les mesures préventives appliquées ces dernières années (apprentissage du
brossage des dents dès la maternelle, prise de fluor pour renforcer l’émail des dents, éviction entre les repas d’aliments sucrés : sirop, bonbons, etc.), ont considérablement diminué l’indice carieux.

La prévention individuelle passe d’abord par l’éducation et la responsabilisation des familles et de l’enfant. Des actions pilotes sont en cours pour : une éducation à l’hygiène dentaire dès la maternelle avec dépistage en cabinet pris en charge et bilan bucco-dentaire pour les jeunes de 15 à 18 ans sur invitation, pour un bilan avec éventuellement des soins gratuits ; mais la participation à cette opération est décevante (15 %). Des campagnes sont envisagées pour inciter les enfants à y participer. Il existe un projet de dépistage obligatoire entre 6 et 12 ans mais aucune mesure pour assurer la présence n’est prévue, ce qui risque de limiter son efficacité. Ses modalités pratiques ne sont pas encore établies (examen en milieu scolaire ou au cabinet, modalités de prise en charge des soins consécutifs).

Les bilans devraient notamment permettre le scellement des sillons, puits et fissures dentaires chez les enfants lorsque les infractuosités ne permettent pas un nettoyage efficace. Cette intervention a été reconnue par l’Assurance maladie en 2001.

D’autres affections bucco-dentaires peuvent se rencontrer et justifient d’autres méthodes de prévention individuelles : remise en normo-position des dents déplacées, ré-équilibration occlusale, prothèses…

Actuellement la situation est contrastée. L’efficacité de ces actions est démontrée et on a constaté un doublement des bouches bien soignées [62]. Entre 1987 et 1998, l’indice CAO (pour Carie, dent Absente, dent Obturée) à l’âge de 12 ans a été divisé par 2, passant de 4,2 à 1,9. Les progrès sont donc évidents, sans que l’on puisse les attribuer à l’une ou l’autre des modalités d’action qu’il faut de toute façon associer. Cependant une meilleure organisation s’impose car il subsiste parmi les enfants issus de milieux socioculturels défavorisés un groupe dont l’hygiène bucco-dentaire ne s’améliore pas. C’est pour atteindre ces enfants que sont envisagés des bilans pratiqués à l’école.

La prévention générale nécessite, après des enquêtes épidémiologiques, la mise en œuvre de plans à l’échelle des populations. C’est là une œuvre de longue haleine qui passe par la recherche.

Le traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause : évaluation des risques et bénéfices ( cf. annexe 1 )

En France, plus de 10 millions de femmes sont ménopausées. La diminution de la production d’hormones ovariennes entraîne l’apparition d’une ostéoporose responsable de fractures graves et s’accompagne d’accidents cardiovasculaires et de troubles cognitifs, d’où l’introduction d’un traitement Hormonal Substitutif (THS) par œstrogènes ou oestro-progestatifs dans le but non
seulement d’améliorer les symptômes de la ménopause (bouffées de chaleur, sécheresse cutanéo-muqueuse, etc.) mais de constituer une chimio-prévention quand le THS est prolongé (> 5 ans). L’effet bénéfique est net sur l’ostéoporose mais il est discuté pour les accidents cardio-vasculaires et pour les troubles cognitifs. En revanche le THS augmente le risque thromboembolique et l’incidence des cancers du sein, mais ceux-ci sont généralement moins invasifs et de meilleur pronostic.

Malheureusement l’évaluation des risques et bénéfices du THS prolongé est principalement fondée sur des études faites dans les pays anglo-saxons (surtout États-Unis) avec des molécules différentes de celles utilisées en France où de nombreuses préparations sont prescrites qui varient selon les voies d’administration de l’œstrogène et la structure des progestatifs. L’effet bénéfique ou maléfique des progestatifs sur le sein est très discuté sur les deux rives de l’Atlantique. Afin de disposer d’informations fiables sur les risques et bénéfices des THS pratiqués en France, il devient donc nécessaire d’initier des études cliniques épidémiologiques nationales et européennes (cohortes, études randomisées en double aveugle, etc.) avec les molécules utilisées sur notre continent. On ne peut pas se contenter d’attendre les résultats des essais effectués aux Etats-Unis qui ne seront pas applicables aux préparations pharmaceutiques utilisées en France.

De plus, des études biologiques de transfert à partir de banques de tissus humains sensibles aux hormones ovariennes devraient être encouragées.

C’est ainsi que des marqueurs tissulaires prédictifs de risque pourraient faciliter une prévention ciblée individuelle.

Prévention de l’ostéoporose et des fractures

La diminution de la production d’hormones (oestrogènes) chez les femmes ménopausées entraîne l’apparition d’une ostéoporose responsable de fractures graves (50 000 fractures du col du fémur chaque année), souvent invalidantes, voire mortelles [4].

L’ostéoporose étant un véritable problème de santé publique, non seulement chez les femmes mais aussi chez les hommes (20 % des cas), il paraît souhaitable de mettre en œuvre une politique de prévention commençant dès l’enfance par un régime équilibré en calcium, vitamine D, protéines permettant la constitution d’un « capital osseux » important (prévention primaire) et se poursuivant par l’instauration, à la ménopause, d’un THS adapté [4]. Chez les femmes avec facteurs de risque, et en attendant les résultats des études en cours, il serait souhaitable que l’existence d’une ostéoporose précoce soit établie à la ménopause par des méthodes non invasives et quantitatives :

ostéodensitométrie biphotonique aux rayons X (DXA) associée ou non aux marqueurs biochimiques du remodelage osseux ; chez elles l’ostéodensitomé- trie DXA devrait être prise en charge par les organismes sociaux à condition
que l’examen soit effectué dans de bonnes conditions (praticiens agréés, appareillages et protocole soumis à un contrôle de qualité). Les femmes et les hommes de plus de 65 ans présentant des risques particuliers d’ostéoporose devraient être explorés avec ces méthodes [4].

Des recherches fondamentales, cliniques et techniques (place des ultrasons) doivent être encouragées pour améliorer et rendre moins coûteux le diagnostic de l’ostéoporose et des risques de fractures ainsi que pour apprécier le rapport bénéfice/risque des thérapeutiques proposées en terme de mortalité et de morbidité.

Le suicide et les troubles psychologiques chez les jeunes

Il y a en France chaque année environ 150 000 tentatives de suicide et 11 000 décès [51]. Ces chiffres sont probablement sous-estimés car, pour des raisons diverses, certains suicides sont enregistrés comme des accidents.

Les suicides sont, après les accidents, la seconde cause de mortalité entre 15 et 24 ans (entre 700 et 900 décès/an) ainsi qu’entre 25 et 34 (au total 4 500 décès/an entre 15 et 44 ans) [13, 19, 20]. Les tentatives de suicide sont plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes, mais les décès par suicide sont trois fois plus fréquents chez ces derniers. La fréquence des suicides varie selon les régions, elle est double en Bretagne que dans la région Midi-Pyrénées [30]. L’alcoolisation et l’usage inconsidéré de certains antidé- presseurs favorisent le passage à l’acte. Les comparaisons avec les pays étrangers sont difficiles en raison de la fiabilité très variable des déclarations d’un pays à l’autre. C’est pourquoi on additionne souvent décès par suicide et par accident ; avec ce calcul la France se trouve parmi les pays les plus touchés de l’Union Européenne, avec des valeurs doubles de celles de la Suède ou du Royaume-Uni, mais voisines de celles de l’Italie, de l’Espagne ou du Portugal [86].

Outre le fait qu’ils sont une cause majeure d’années de vie perdues, les suicides méritent une analyse approfondie de leurs déterminants car leur étude et celle des suicidants devraient permettre d’appréhender les causes du malaise profond qu’ils révèlent, en particulier chez les jeunes. La fréquence des suicides en France a brutalement augmenté à la fin des années 1960.

L’analyse par tranche d’âge suggère que l’augmentation a coïncidé chez les hommes avec l’arrivée dans chaque tranche d’âge des sujets nés entre 1946 et 1950, au moment du « baby-boom » d’après-guerre [75]. L’accroissement n’a donc pas touché simultanément les Français de tous âges, ce qui aurait traduit un phénomène sociétal, et semble plutôt être un phénomène de génération.

C’est également en 1965 qu’a commencé l’accroissement de la mortalité des adolescents et adultes jeunes (15-24 ans) [67, 86] qui est devenue à partir de 1975-1980, la plus élevée, ou l’une des plus élevées, de l’Union Européenne.

Or cet excès de mortalité est dû aux morts violentes, c’est-à-dire aux compor-
tements à risque qui eux-mêmes sont dans une large mesure liés à des tendances dépressives et à la recherche de sensations fortes. Pendant cette même période (1965-1975) les comportements violents ont considérablement augmenté ainsi que la consommation de drogues licites (alcool — tabac) et illicites qui est passée par exemple pour les héroïnomanes de 3 000 à plus de 250 000 de 1965 à 1975. L’élévation du nombre de suicides s’inscrit donc parmi les manifestations d’un malaise sur lequel nous reviendrons . Remarquons que chez les 15-24 ans, la fréquence des suicides, après avoir augmenté jusqu’en 1993, diminue depuis.

Nous discuterons plus loin des origines possibles de ce malaise de la jeunesse.

Remarquons simplement que nous manquons d’enquêtes psychosociologiques permettant d’analyser ses racines. Alors que pour la santé physique on peut extrapoler d’un pays à l’autre, ceci est beaucoup plus difficile pour la santé mentale ou sociale en raison de l’influence de facteurs sociologiques (croyances religieuses, mode d’éducation, etc.).

Que peut-on faire en pratique pour lutter contre le suicide des adolescents et des adultes jeunes ? [51, 66, 67, 86] — D’abord lutter contre ce mal-être de la jeunesse puisque c’est dans son contexte que s’inscrivent les suicides des adolescents et des jeunes adultes.

Il faut aussi former des spécialistes, informer l’ensemble des professions de santé [77] et faire travailler ensemble toutes les personnes impliquées dans cette lutte (médecins, psychologues, travailleurs sociaux, spécialistes des sciences humaines et sociales) [51].

— La moitié des décès par suicides ont été précédés de tentatives auxquelles on n’a généralement pas prêté l’attention qu’elles méritaient. Trop souvent les parents et la famille ont honte et font le silence. Dans les hôpitaux on ne confie pas toujours les suicidants à des consultants spécialisés. Il faut améliorer les connaissances (relevé des Offices Régionaux de la Santé —ORS—, études longitudinales suivant le développement de cohortes de jeunes depuis la petite enfance) ; il faut aussi améliorer la formation des professionnels, y compris des généralistes, coordonner leurs activités et favoriser l’émergence de réseaux autour des suicidants et des sujets à risque ; assurer l’accompagnement des familles de suicidants, en particulier en mettant en place des structures d’écoute à la disposition des jeunes et des parents.

— Il faut aussi détecter les sujets à risque dans les établissements scolaires et chez les jeunes en insertion : difficultés familiales, échecs scolaires d’apparition rapide, fugues, syndromes dépressifs et souffrances psychiques, troubles psychosomatiques, troubles mentaux, etc. Ces sujets à risque représentent 7 % des élèves de 11 à 19 ans et plus de 15 % des jeunes à insertion. Les expériences qui ont été faites dans certains
départements ou régions 5 ou établissements pour les repérer et les résultats obtenus mériteraient d’être analysés.

En Angleterre où les suicides des jeunes sont deux fois moins fréquents qu’en France, ils sont néanmoins considérés comme un problème majeur [84, 85]. Ils mériteraient en France plus d’attention.

— Ce repérage des sujets à risque pourrait continuer en milieu du travail.

Hiérarchisation des risques • Les paragraphes précédents soulignent que le tabac, l’alcool, les accidents et suicides, les déséquilibres alimentaires et l’obésité rendent compte chez l’homme des deux tiers des décès prématurés (avant 65 ans) et de la majeure partie de l’écart entre la longévité des hommes et celle des femmes et des inégalités sociales devant la santé. Tous ces comportements nocifs apparaissent pendant l’adolescence qui est la période pendant laquelle se joue le destin sanitaire. Or l’attitude de l’adolescent est, elle-même, fonction de sa vie psychique depuis sa naissance.

L’analyse de l’état sanitaire de la France et des objectifs de la prévention conduit ainsi à la santé mentale des enfants qui est mal connue en France où elle a fait l’objet de peu d’études systématiques .

• En regard des risques liés aux facteurs comportementaux, ceux liés à l’hygiène collective et à l’environnement apparaissent restreints, ce qui ne signifie pas qu’ils soient négligeables. Considérons par exemple l’alimentation : la sécurité alimentaire en France est l’une des meilleures au monde ;

on peut certes l’améliorer mais le gain maximal escomptable, en termes de décès évités pendant un an, correspond à ceux induits par le tabac en 1 à 2 jours ou par les accidents de la circulation pendant une semaine.

Le risque de mort par EST observé aujourd’hui, et qui correspond à l’époque où les risques étant maximaux puisqu’aucune précaution n’était prise, est environ 50 000 fois plus faible que ceux liés aux déséquilibres alimentaires.

De même, malgré les incertitudes qui subsistent sur l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé, il semble que le nombre d’années de vie potentielle perdues qu’elle occasionne soit environ cent fois plus petit que celui dû au tabac. On objecte parfois que dans un cas il s’agit d’un risque librement accepté, voire recherché, et dans l’autre d’un risque imposé. En fait cette opposition mérite discussion car elle apparaît souvent comme un prétexte pour l’inaction : les effets du tabagisme passif sont loin d’être négligeables [108, 139], de même les trois quarts des personnes tuées sur la route ne sont pas des conducteurs mais des passagers ou des piétons.

5. Il existe en France, dans douze régions, des programmes de prévention des suicides, ou consacrés à la santé mentale des adolescents.

L’exemplarité, la pression sociale, les représentations jouent un rôle majeur et leur impact ne doit pas être ignoré.

• Il existe une grande discordance entre, d’une part, les questions sur lesquelles se focalise l’attention du public et, par voie de conséquence, les décisions politiques et l’allocation des budgets [190] et d’autre part le poids des sources de mortalité et morbidité. Les distorsions dans la perception des risques retentissent ainsi sur les moyens consacrés aux différents types de prévention, et ceux-ci sont souvent inversement proportionnels à la gravité des risques évitables. Il en résulte une diminution de l’efficacité globale, ce qui montre le danger de fonder une politique sur des facteurs subjectifs, et la nécessité d’une information objective.

Il serait facile d’incriminer la désinformation, les médias, la naïveté du public.

Il faut, en réalité, s’interroger surtout sur la carence des communautés médicale et scientifique et des administrations qui ont trop souvent laissé diffuser des informations erronées, et ainsi se constituer des peurs disproportionnées, sans remettre les choses au point. Il existe un devoir moral d’information auquel elles ne peuvent plus se soustraire [189, 190].

• Il est donc nécessaire de hiérarchiser les risques évitables et de calculer les rapports coût-efficacité des différentes actions envisagées. Bien entendu, ces calculs effectués par les experts n’ont qu’une valeur indicative puisque les décideurs devront tenir compte des réactions du public, donc du risque perçu [190].

Prédispositions génétiques et médecine prédictive

Peut-on espérer que les progrès de la biologie moléculaire en identifiant les prédispositions génétiques permettent, à plus ou moins long terme, une prévention ciblée, visant à protéger chaque individu contre les risques auxquels il est plus particulièrement exposé ?

Il faut poursuivre les recherches dans cette direction [15], mais on ne peut pas escompter des progrès rapides car les prédispositions sont rarement monogé- niques et les interactions entre plusieurs gènes sont difficiles à analyser. On ne peut donc pas fonder actuellement une politique de prévention sur une telle hypothèse. D’autant que l’identification d’une prédisposition génétique n’a d’intérêt pratique que lorsqu’une action efficace est possible. Par exemple, certains défauts moléculaires entraînent une très forte probabilité de cancers du sein mais leur découverte n’a, actuellement, d’intérêt pratique que pour les femmes acceptant d’envisager, au cas où elles en seraient porteuses, une mastectomie bilatérale ; pour les autres on accentue l’angoisse sans savoir comment réduire le risque.

PROPOSITIONS

Après avoir été longtemps traitée en parent pauvre il est heureux que, depuis quelques années, la prévention soit considérée comme une action majeure [27, 31] ; cependant cette prise de conscience n’a pas encore été suivie d’effets car les moyens humains et financiers sont loin d’être suffisants et leur allocation mérite discussion. Avant d’examiner ces problèmes il faut répondre aux réserves qui ont été faites et considérer les obstacles.

Réponses aux objections

Deux objections principales ont été faites contre les actions de prévention [7] :

leur inefficacité

Il faut reconnaître que les actions en prévention sont souvent peu efficaces, notamment lorsqu’elles sont incohérentes ou fondées sur des données incertaines, d’où la nécessité d’un suivi et d’une évaluation. La prévention est un exercice difficile. De plus de longs délais peuvent s’écouler entre le début d’une campagne et les premiers résultats, notamment quand on tente de modifier les comportements ou d’accroître la sécurité de l’environnement. Entre le moment où l’on décide de modifier par exemple des jouets pour réduire le risque d’accident, ou de prescrire le port d’un casque lors de circulation sur deux roues, et celui de la réduction des décès, il peut s’écouler plusieurs années car il faut que les nouveaux matériels soient conçus, diffusés et qu’on en prenne l’habitude. Cependant l’expérience internationale montre que l’on peut faire changer des comportements, même solidement ancrés dans la mentalité collective : on a pu ainsi faire diminuer la richesse en graisses de l’alimentation, et la consommation de tabac (il suffit de comparer le tabagisme dans les pays qui ont lancé des campagnes contre le tabac et ceux, par exemple dans les pays de l’Est, qui n’ont rien fait pour mesurer leur influence).

Cependant la prévention ne doit pas être laissée entre les mains de personnes inexpérimentées, elle doit être professionnalisée à tous les niveaux. Toutes les bonnes volontés sont précieuses, mais elles doivent être informées, canalisées, encadrées. On le voit bien, par exemple, pour l’éducation à la santé à l’école. Il faut que les enseignants soient bien informés, mais il faut aussi qu’ils aient reçu une formation pédagogique dans ce domaine difficile ;

le terrorisme sanitaire

A-t-on le droit de modifier les comportements et de donner la prééminence à la santé sur le plaisir de vivre ? Ce terrorisme sanitaire est-il éthique ? Il est exact qu’en créant une atmosphère d’intolérance, la lutte contre les comportements
nocifs peut apparaître comme une insupportable pression morale, voire une entrave à la liberté. La communication en prévention doit donc être respectueuse des attitudes et des plaisirs de la vie. Cependant, il ne faut pas oublier que cet argument est utilisé de façon insidieuse par ceux qui tentent de manipuler l’opinion. De fait, derrière les comportements les plus nocifs pour la santé on trouve généralement d’énormes intérêts financiers : ainsi les industries de tabac dépensent chaque année au moins cinq milliards k en publicité et promotion dans le monde ; derrière l’alcool il y a les alcooliers, il y a de gros intérêts derrière les drogues illicites, la vitesse sur les routes est promue par certains fabricants de puissantes automobiles, derrière certains produits alimentaires riches en graisses saturées et en calories on trouve quelques industriels de l’alimentation, derrière les peurs propagées à propos des effets sur la santé de l’énergie nucléaire se profilent des producteurs d’énergies rivales (pétrole, charbon, etc.). Ces groupes puissants qui font la promotion des épidémies industrielles se contentent parfois d’une publicité licite ; mais ils peuvent aussi agir de façon occulte : lancer des campagnes de désinformation, voire tenter de corrompre des experts ou des décideurs ; on l’a vu dans le cas du tabac, mais il y aurait d’autres exemples.

Informer objectivement sur les risques est donc non seulement légitime mais indispensable, sous peine de laisser les jeunes être manipulés .

La stratégie de la prévention

Une politique de prévention est faite de l’association d’actions très diverses relevant de départements ministériels différents : Santé, Education nationale (formation et éducation à la santé), Travail (maladies professionnelles), Agriculture (alimentation), Environnement (pollutions ayant un impact sur la santé), Transport (accidents de circulation), Jeunesse et sports et bien entendu la Solidarité et les Finances. Tout en laissant la responsabilité de l’exécution à chacun de ces ministères, il faut assurer une cohérence et une coordination de l’ensemble des mesures. Ce pourrait être la fonction du ministère de la Santé.

Les actions prioritaires : la lutte contre les comportements nocifs

Il existe deux types de prévention :

— des mesures d’hygiène publique destinées à assainir le milieu et à assurer une bonne qualité sanitaire de l’eau, de l’air et des aliments, les vaccinations. De grands efforts ont été faits dans ce domaine où la France se compare favorablement aux autres pays européens ;

— la réduction des comportements à risque : ce domaine, jusqu’à ces dernières années, n’a fait l’objet que de peu d’attention et les moyens qui lui sont affectés sont disproportionnellement faibles. Il n’est donc pas étonnant
que la situation de la France soit nettement moins bonne que celle de la plupart des pays européens, sauf l’Espagne, le Portugal et l’Italie qui ont des situations voisines.

Nous avons déjà vu que les actions les plus susceptibles de réduire la morbidité et la mortalité prématurées ainsi que les inégalités sociales face à la santé concernent le tabac, l’alcool, la malnutrition, les accidents et les suicides. Dans chacun de ces cas, il faut associer une prévention individuelle, impliquant l’engagement des médecins praticiens, et des mesures collectives. Dans chacun de ces cas, les sciences humaines peuvent apporter une contribution utile et il faut promouvoir à cette fin des coopérations multidisciplinaires.

Les principaux facteurs de risques requièrent des mesures spécifiques analysées précédemment et sur lesquelles nous ne reviendrons pas. Nous développerons plutôt les problèmes généraux.

Le mal-être des jeunes

Le développement psychique des enfants et les origines du mal-être des jeunes

Les principaux comportements nocifs débutent au cours de l’adolescence.

C’est le cas pour les drogues licites et illicites, les déséquilibres alimentaires, la violence et les conduites à risques, etc. Cependant si les troubles apparaissent pendant l’adolescence, ils sont le fruit de l’histoire psychique depuis la naissance. Il faut donc considérer avec une attention particulière l’enfance, et rechercher, dans son vécu, les origines du mal-être qui conduit à ce manque d’attachement pour la vie, parfois véritable violence dirigée contre soi.

On retrouve à l’origine de tous ces comportements une association avec des facteurs familiaux et sociaux voisins [58, 59, 66] : l’impact des mésententes, des dislocations familiales, l’existence d’antécédents familiaux, l’influence d’un milieu social défavorisé, de la précarité, une relation avec les échecs scolaires, l’absence d’un projet personnel, d’une ambition, d’une raison de vivre, de se battre sans qu’il soit toujours possible de distinguer les causes et les consé- quences de ces conduites.

Le comportement d’un adolescent est le fruit de l’ensemble de sa vie et de son environnement. Or ce sont les événements survenus pendant sa prime enfance qui ont le plus marqué sa personnalité [67, 86] : l’amour, l’affection vigilante dont il a bénéficié, ou au contraire l’isolement, l’indifférence, les violences dont il a été victime, les habitudes qu’on lui a, ou non, inculquées.

Des données concordantes soulignent l’importance capitale des premières années sur le développement harmonieux du cerveau. L’affectivité d’un individu, sa capacité de socialisation, de résilience, dépendent de la façon dont il
a été stimulé, éveillé pendant ses premiers mois et années [61, 63, 65, 66, 67, 69, 71, 74, 83]. Comme nous l’avons vu, plusieurs facteurs sont invoqués à l’origine de ce mal-être :

— Les défaillances des parents

Notamment l’absence ou la démission du père. Le psychisme des jeunes enfants se forme au sein de sa famille. Le dysfonctionnement de la cellule familiale joue un rôle majeur dans l’usage des drogues, la violence, le suicide. Ces difficultés familiales sont poussées à l’extrême dans les cas de maltraitance et d’inceste dont la fréquence est loin d’être négligeable. La carence d’autorité et de sécurité perturbe le jeune enfant.

— Le milieu

L’enfant est une éponge affective qui s’imbibe des conflits de son milieu, même s’il ne les perçoit pas clairement ; il souffre d’un mauvais climat social (quartiers) et de l’exclusion.

Chez l’immense majorité des sans domicile fixe (SDF) et des Rmistes, l’enfance a été difficile (sans parents ou séparés d’eux), ils ont souvent été placés en institution ou maltraités. Ceci illustre l’intrication de facteurs familiaux et sociaux [87].

— La concentration dans certains quartiers de familles et individus à risques y entraîne des dysfonctionnements du système scolaire ; les difficultés à s’exprimer, amplifient alors le désarroi et la violence. L’existence d’une masse critique favorise la constitution de bandes et une atmosphère de frustration et d’insécurité [87].

— Le changement du mode éducatif [86]

La vogue d’une éducation sans obligation ni sanction qui avait été préconisée à la fin des années 1940 aux Etats-Unis a rapidement traversé l’Atlantique. Comme l’augmentation de la fréquence des divorces et la libération sexuelle, sont survenues à la fin des années 1960, au moment où se manifestait déjà le malaise des adolescents, et non pas avant celui-ci, on ne peut guère les incriminer comme étant la cause majeure. Par ailleurs le mal-être a débuté vers 1965 en période de prospérité économique et a persisté en période de crise. Il atteint toutes les classes sociales et tous les milieux.

Les enquêtes faites aux États-Unis sur les meneurs du mouvement étudiant de 1967-1968 indiquent qu’ils appartenaient à des familles aisées, intellectuelles, et d’esprit libéral. Le point de départ n’était pas une rébellion contre l’oppression parentale. 1968 n’a donc pas été la cause du malaise mais
plutôt un des ses premiers symptômes. Ces troubles se sont prolongés ou accentués chez les enfants nés après 1955, ils ne sont donc pas spécifiques de la génération née entre 1946 et 1955.

Diverses données donnent à penser que la liberté, la permissivité, l’absence de réprimandes peuvent aboutir à un malaise psychologique, à une déstructuration de la personnalité, ce que les psychiatres appellent une anomie avec une absence de contrôle des pulsions instinctives, d’intériorisation des normes et de respect des autres. Des psychiatres français ont décrit le syndrome de carence d’autorité, résultant d’une éducation n’ayant pas enseigné la maîtrise de soi, et la capacité d’endiguer ses instincts.

L’absence de repères, une trop grande liberté peuvent déstabiliser ; elles ne favorisent pas la résilience, c’est-à-dire la volonté et la capacité de faire face aux difficultés de la vie [61].

Cependant incriminer l’éducation n’exclut pas le rôle d’autres facteurs, notamment le sentiment de solitude, la diminution de l’estime de soi, qui relèvent d’autres mécanismes sociaux.

— Pour expliquer la gravité de la crise dans les pays latins et catholiques on a invoqué un certain hédonisme, le primat donné à la recherche du plaisir, des sensations, et l’insuffisance d’un surmoi qui n’a pas été développé par le rigorisme et la responsabilisation individuelle des pays nordiques, avec pour effet un enfermement dans le présent.

— Parmi les autres sources de désarroi de la jeunesse, on a évoqué l’image que la société française donne d’elle-même, et le pessimisme qui a envahi nos médias. Répéter aux enfants à la radio, à la télévision, que la vie n’a pas de sens, que leur avenir est bloqué, qu’ils sont voués au chômage, à la médiocrité, à cause d’une société en décadence, sur une planète vouée à la destruction en raison de la pollution, de la surpopulation, ne contribue pas à leur donner courage et ambition.

Ce pessimisme est particulièrement marqué en France, il est peut-être lié à la nostalgie que donne le sentiment que la France n’a plus le rang qu’elle avait, aux traumatismes psychiques de la défaite de 1940 et des guerres de décolonisation : l’affaiblissement des religions traditionnelles, puis des « religions laïques » (nationalisme, marxisme) a laissé un grand vide qu’a approfondi encore la remise en cause de l’espérance en un progrès collectif ou individuel. Ce nihilisme ambiant a des conséquences sur le psychisme individuel et accentue la crise de la jeunesse.

Il existe un contraste saisissant entre une surestimation des risques provenant des autres (pollution, dioxine, vache folle, radiophobie) et la prise volontaire de risques individuels (drogues, vitesse). En fait, les comparaisons internationales montrent que ces deux attitudes sont corrélées : ce sont dans les pays où les appréhensions sont les plus vives que les prises de risques, les violences contre les autres et contre soi-même, sont les plus
grandes, ce qui suggère qu’il y a, à leur origine, les mêmes facteurs psychiques (désarroi, absence de protection contre la peur de la mort).

Le malaise des jeunes conduit ainsi à une réflexion sur notre société. Il faut rechercher ce que l’on pourrait faire pour donner aux enfants une vision du monde qui les aide à trouver leur place dans la société au lieu de les inciter à se replier sur eux-mêmes, face à un monde perçu comme hostile. D’où le rôle essentiel de l’éducation : éducation des enfants dans les familles mais aussi, et peut-être d’abord, éducation des parents, éducation scolaire , enfin recours à des messages explicites ou implicites véhiculés par la télévision puisque les enfants passent plus d’heures devant le petit écran qu’en classe. L’impact de la violence à la télévision et des jeux vidéos souvent particulièrement cruels sur la mentalité des jeunes nécessiterait des recherches et éventuellement la prise de mesures de protection. C’est une question qu’on ne peut pas continuer à ignorer.

Sans s’étendre sur l’aspect psychologique et sociologique du mal-être de la jeunesse, il faut s’interroger sur ce que l’on peut faire pour en limiter les conséquences. Trois influences sont fondamentales sur le psychisme d’un enfant : la vie familiale qui lui donne de façon explicite (ce qu’on lui dit) et implicite (l’ambiance familiale) l’essentiel de son éducation. La seconde est l’école où il se socialise et où on l’instruit, la troisième enfin est l’ambiance de la société dans laquelle il vit. Voyons ce que l’on peut faire à ces trois niveaux tout au long du développement de l’enfant.

Le soutien aux familles

La notion de famille a beaucoup évolué au cours de ces dernières décennies en raison de l’augmentation du nombre de familles recomposées ou monoparentales. De plus 62 % des mères travaillent en dehors du foyer d’où l’importance de la garde des jeunes enfants. Les pédiatres et les psychologues insistent sur l’importance du développement au cours des premiers mois et années de la vie ; c’est la période dont le bon déroulement conditionne l’avenir de l’enfant. La plupart des déviances observées ultérieurement ont leur origine dans une perturbation à cet âge.

Le rôle des parents et de la famille dans l’éducation des enfants est primordial, il faut donc réunir les conditions permettant à l’éducation familiale de remplir ses missions. Entre 0 et 2 ans l’enfant doit être maintenu dans un milieu stable, sécurisant et une personne doit lui apporter les stimulations indispensables à son développement. Celle-ci devrait être, chaque fois que cela est possible, la mère a qui on recommande, d’ailleurs, d’allaiter pendant six mois. La garde parentale de l’enfant, grâce à un congé suffisamment rémunéré, serait une solution optimale et il faudrait rechercher, dans le cadre d’un politique de la famille, comment la favoriser, en conciliant vie professionnelle et vie familiale et
en s’inspirant des solutions qui ont été adoptées dans d’autres pays, tels la Suède.

Après 24 mois, l’enfant a besoin de sortir du milieu familial, de faire l’apprentissage des relations sociales. Mettre l’enfant, dès cet âge, en école maternelle répond à ce besoin, mais deux tiers des enfants de 2 à 3 ans ne fréquentent pas encore un établissement de ce type, cependant plus de la moitié bénéficient d’un accueil subventionné hors domicile que l’on pourrait donc optimiser.

Un des buts d’une politique familiale devrait être de veiller au maintien d’un environnement affectif satisfaisant pendant les trois premières années en raison des graves conséquences de traumatismes psychiques pendant cette période.

Éducation des enfants et des adolescents

L’éducation devrait d’une part rendre l’enfant dès ses premières années capable de maîtriser ses instincts, de résister à ses pulsions, de raisonner, d’avoir un esprit critique. Elle pose aujourd’hui problème pour deux raisons : les insuffisances familiales, l’évolution de l’école qui souhaite se cantonner à l’instruction et ne pas se conjuguer avec les familles pour l’éducation.

Cependant, on a introduit dans l’école primaire l’éducation au civisme qui devrait constituer le fondement de l’éducation dans ses aspects essentiels : le respect des autres et le respect de soi. L’éducation à la santé s’accorde bien avec cette démarche car elle peut faire mesurer à l’enfant l’importance d’un organisme bien portant pour la vie en société et le plaisir de vivre, donc la nécessité de la protection de son organisme contre les dangers et les toxiques.

Education à la santé et éducation civique sont complémentaires car apprendre à respecter son propre organisme est la meilleure voie pour apprendre à respecter celui des autres.

La première étape pour améliorer l’éducation est l’éducation parentale , c’està-dire l’information des parents sur les caractéristiques du développement psychique d’un enfant, ainsi que sur leurs responsabilités et leurs devoirs. Il faut souligner l’intérêt d’études sociologiques permettant d’appréhender leurs connaissances et leurs attitudes. Il faut aussi leur donner des connaissances pédagogiques simples.

Très développée dans certains pays, l’éducation parentale n’est effectuée que dans quelques départements en France, or les parents sont souvent complexés et hésitants, ce qui accroît le désarroi des enfants. Cette formation devrait commencer dès le début de la grossesse. La future mère doit être bien avertie des dangers, pour son futur enfant, du tabac, de l’alcool, de certains médicaments et des drogues illicites.

L’éducation parentale devrait être une des composantes essentielles d’une politique familiale. A côté des parents il faudrait informer les grands-parents qui étant plus libres pourront souvent jouer un rôle utile.

Éducation à la santé à l’école élémentaire

Elle est inscrite dans les programmes depuis 1998 mais sa mise en œuvre laisse à désirer et vient de faire l’objet d’une analyse critique d’une expertise collective de l’INSERM [68] : manque de programme, d’organisation, de coordination, formation insuffisante des maîtres tant au niveau des IUFM que de la formation continue. Il est urgent de corriger ces défauts car l’éducation à la santé dans les écoles élémentaires, puis dans les collèges, est le meilleur moyen de pallier les inégalités familiales et sociales. Or l’expérience internationale apprend qu’elle n’est efficace que si elle est enseignée par le maître tout au long de l’année, de façon cohérente et continue. Il serait d’ailleurs souhaitable que la sensibilisation des élèves à la santé débute dès l’école maternelle, mais ceci nécessiterait la formation de l’encadrement.

C’est dès la petite enfance qu’il faut faire prendre conscience à l’enfant que la santé n’est pas un don de la nature mais le résultat d’une série d’actions qu’il peut mener pour améliorer celle-ci, de l’hygiène élémentaire (se laver les mains, les dents), au sommeil, à l’exercice physique (les professeurs d’éducation physique pourraient jouer un rôle spécifique en ce domaine) et à l’alimentation, en lui donnant confiance, en évitant de l’effrayer ou de le culpabiliser, mais en insistant sur les aspects positifs de la santé. Il faut donc informer et motiver tous ceux qui entrent en contact avec les enfants (enseignants de toutes disciplines, médecins et infirmières scolaires, etc.).

Une étroite liaison entre parents et enseignants est indispensable.

La prévention pendant l’enfance et l’adolescence

Nous ne reviendrons pas sur les mesures de prévention souhaitables pour protéger l’enfant contre les maladies infectieuses (strict respect du calendrier des vaccinations, enseignement des règles d’hygiène) et sur le dépistage néonatal.

Le suivi de la croissance et du développement physique et psychique

Si le premier objectif (connaître la situation sanitaire et sociale des enfants de 0 à 2 ans pour établir une politique de santé répondant à des besoins réels) a été atteint, en revanche le deuxième objectif (dépister le plus tôt possible les infirmités, les inadaptations pour mettre en route un traitement efficace) pourrait être amélioré. Seulement 5 à 7 % des enfants sont dépistés par les examens standards contre 15 % lorsque ceux-ci sont faits par des spécialistes.

Il faut donc mieux former les médecins, les pédiatres qui doivent recevoir une formation en médecine sociale, et le personnel paramédical, mettre au point les tests utilisés, et porter un intérêt particulier à la santé mentale et sociale . En effet, aujourd’hui celle-ci constitue le principal problème car le développement psychique d’un individu est un continuum dominé par le vécu de la petite enfance. Dépister les troubles précocement est une notion relativement nouvelle qui devrait être mise en œuvre. Or l’épidémiologie de la santé mentale est très insuffisante [89, 90].

Le suivi des enfants dépistés est insuffisant : 40 % des enfants dirigés vers une classe de perfectionnement à 7 ans pour échec au cours préparatoire, présentaient déjà des difficultés à 4 ans.

Cette surveillance de l’enfant intéresse plusieurs services et une liaison devrait exister entre le service départemental de la PMI (0 à 5 ans) et le service d’Etat de la médecine scolaire. La création d’un service unifié de l’enfance préconisée en 1964 dans le rapport Bloch Lainé, n’est toujours pas réalisée.

L’école maternelle et élémentaire devrait contribuer à ce dépistage , ne serait-ce qu’en analysant les difficultés scolaires. Celles-ci relèvent de nombreux facteurs, notamment de la condition socio-économique défavorable de la famille et des dissensions familiales. Mais il peut s’agir aussi d’une infirmité sensorielle non dépistée ou d’un trouble du développement. C’est ainsi que le ministère de l’Education nationale vient de mettre au point une campagne pour dépister les troubles du langage chez les écoliers avec la collaboration des enseignants. En effet, il est souhaitable que ces troubles soient dépistés précocement, en particulier à l’école maternelle qui accueille maintenant la totalité des enfants de 3 ans. Encore faut-il que les moyens suffisants soient accordés aux services de PMI.

L’adolescence

C’est la période de crise où il est déjà un peu tard pour agir, néanmoins une intervention rapide peut éviter des évolutions dramatiques. C’est surtout au collège que la détection des jeunes à risques peut être efficace et il faut associer enseignants, médecins et infirmières scolaires, service social pour accroître l’efficacité de ce repérage.

De nombreuses mesures ont été préconisées [83], notamment un meilleur encadrement des jeunes dans les quartiers à risques.

Le désœuvrement entre la fin des classes et le retour des parents au domicile ainsi que pendant les journées sans école (plus d’un jour sur deux) pose un problème grave aux familles démunies, ou quand les parents travaillent et que les grands-parents ne sont pas disponibles. Or la tendance actuelle à la réduction continue du nombre de jours d’activité scolaire aggrave ce problème et favorise la création de bandes, donc le désarroi des jeunes et la petite
délinquance. Il faut inciter les municipalités à créer des structures d’accueil développant des activités physiques, sportives et culturelles et demander aux familles d’y envoyer leurs enfants. Ces structures devraient être l’objet d’évaluations périodiques et il faut éviter des dérives idéologiques.

Centres d’examens de santé

Dès la création de la sécurité sociale, il a été prévu que tout Français assuré social (et sa famille), pourrait bénéficier d’un examen de santé tous les 5 ans.

Ces bilans de santé ont évolué en tenant compte du développement du système de soins et des progrès médicaux. Ils ont été offerts en priorité aux sujets en état de précarité et leur contenu modulé en fonction du sexe, de l’âge et des facteurs de risque (guide de recommandation).

En 1992, ils sont devenus les examens périodiques de santé (EPS), modifiant le fonctionnement des 70 centres de santé existants (dont 25 disposent d’un laboratoire de biologie). Leur budget est de 120 millions k. En 1998, 536 000 examens ont été pratiqués chez les assurés de 16 ans et plus de 15 000 chez les enfants de 0 à 4 ans (1,1 % de la population).

La CNAM s’interroge sur le rôle des CES dans le domaine des soins préventifs et sur leur devenir (rapports Marcel Goldberg [17]). Il est envisagé d’offrir des EPS dans les 29 départements français non encore couverts et de les consacrer majoritairement à des situations prioritaires : état de précarité, retraités (en particulier la surveillance des sujets ayant été exposés à des substances toxiques durant leur vie professionnelle).

Par ailleurs, les CES possèdent des données médicales, sociales et administratives informatisées à l’échelon national (système SAGES). Leur personnel, bien formé à l’épidémiologie, participe à des recherches, le plus souvent en partenariat avec d’autres institutions : l’INSERM, l’Institut de Veille Sanitaire, la DGS, les services hospitaliers, etc.

La CNAM propose donc d’intégrer davantage les CES aux mesures de prévention (arrêté de 1992). Il faut réfléchir à la façon de les inclure dans une ambitieuse politique de prévention.

Le rôle du corps médical et des professions de santé

Pour mettre en œuvre une politique de prévention il ne suffit pas d’édicter quelques règles, il faut surtout organiser la préparation et la diffusion des messages de façon à faciliter leur pénétration dans la population concernée. La participation de tous les professionnels de santé est donc essentielle car, chacun dans son domaine de compétence, constitue un vecteur privilégié étant constamment au contact des malades et de leur entourage mais aussi de tous ceux qui se soucient de leur santé. Médecins, pharmaciens, sages-femmes, infirmières, assistantes sociales représentent les référents les plus qualifiés en
matière de conseils et sont placés au centre du système d’information. Mais ils ne sont pas préparés à jouer ce rôle. La santé publique est insuffisamment enseignée en France, on l’a bien vu dans l’affaire du sang contaminé où l’intérêt d’une interrogation des donneurs du sang pour exclure les sujets à risques n’a pas été compris par de nombreux médecins concernés, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays européens. De même, les médecins français prescrivent plus largement que leurs confrères européens des antibiotiques pour une simple angine malgré les résistances aux antibiotiques qui en résultent. C’est le manque de formation des médecins en santé publique qui explique aussi les réactions disproportionnées de l’opinion devant des risques mineurs (contaminations toxiques, nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob), le nombre élevé de maladies nosocomiales et les excès médicamenteux.

La formation des médecins s’est jusqu’ici intéressée prioritairement à la pathologie et à la thérapeutique, elle n’était parfois même centrée que sur quelques thèmes en ce qui concerne les futurs spécialistes. Quant aux généralistes, leur formation théorique a été trop souvent faite par juxtaposition de maladies d’organes. Tout au long de cet enseignement, la prévention et l’éducation n’occupaient qu’une faible place, quelques lignes en fin de chapitre.

On ne parlait pas, ou guère, de la formation psychique de l’enfant, des problèmes médico-sociaux, des déterminants de la santé, du processus tout au long duquel celle-ci se construit, chaque étape influençant les étapes ultérieures. L’enseignement sur les grandes addictions, les sources d’accidents, les comportements, la diététique, les risques de la sédentarité et de l’obésité était généralement d’une dérisoire brièveté. Les aspects sociaux et économiques des affections et de leur traitement étaient pratiquement ignorés. Dans le cadre de la récente réforme, introduite en 2001, des concertations entre les doyens, le ministère de l’Education nationale et celui de la Santé devraient permettre d’introduire la formation indispensable dans l’enseignement initial et la formation continue. Il faudra examiner attentivement ses conséquences pratiques et évaluer ses résultats et si besoin prendre les mesures nécessaires pour rectifier le tir.

La prévention ne se résume pas à des formules ou à des recettes, elle nécessite une véritable culture. Il ne suffit pas de connaître, il faut comprendre et se convaincre avant d’essayer de convaincre les autres. La prévention est un état d’esprit qui nécessite une imprégnation progressive pendant toute la durée des études et un développement de l’enseignement de la santé publique. La réforme du second et du troisième cycle s’inspire de cette idée, on peut donc espérer que les générations à venir seront mieux préparées à aborder ces sujets. La formation médicale continue (FMC) doit impérativement inclure des cycles consacrés aux questions de santé publique et à la prévention. Les médecins et même les pédiatres n’ont pas toujours une formation suffisante en médecine sociale. Il existe, par ailleurs, un déficit important en pédopsychiatrie
auquel il faudrait remédier. La création d’un Institut national de prévention et de promotion de la santé devrait contribuer à l’élaboration d’une politique de prévention cohérente, commençant dès l’enfance.

L’effort éducatif pour mieux former les intervenants de la prévention, notamment dans le domaine de la santé mentale, doit s’étendre à toutes les professions de santé. Cependant pour que les médecins généralistes jouent tout le rôle qui leur revient, il faut aussi rémunérer correctement leurs actes notamment les consultations de prévention qui nécessitent un bilan physique et psychologique dont la durée est supérieure à celle d’une consultation classique.

Enfin, un effort est nécessaire dans la pédagogie de la prévention , il faut apprendre aux enseignants à faire passer les messages.

La méthodologie de la prévention

L’histoire de la prévention depuis le XVIIIe siècle montre que les mesures les plus efficaces se sont initialement heurtées à de fortes et parfois violentes réactions et n’ont été, souvent, que difficilement acceptées : il en a été ainsi pour les mesures d’isolement dans la lutte contre les épidémies de peste, pour l’inoculation de la variole puis de la vaccination pour lutter contre la variole, de l’antisepsie et de l’asepsie préconisées par Semmelweis puis après son échec par Pasteur et que ce dernier, malgré les fondements scientifiques qu’il lui a donnés, n’a imposées qu’après vingt ans de combat, de l’hygiène corporelle à la fin du XIXe siècle et au début du xxe siècle. Aujourd’hui non seulement, comme aux siècles précédents, on demande aux individus d’agir contre leurs idées préconçues et leurs habitudes, mais on s’oppose à leurs penchants et à des addictions qui sont sources de plaisirs immédiats (tabac, alcool, bonne chère) : donc de sacrifier le présent pour préserver l’avenir.

Encore plus qu’au siècle précédent, la prévention doit donc être fondée sur des données scientifiques robustes pour éviter toute contestation.

Toute action de prévention doit comporter trois étapes :

Préparation technique

Le rassemblement des données épidémiologiques et physiopathologiques capables de contribuer à l’estimation des bénéfices escomptables et des inconvénients de la mesure proposée ( estimation du rapport coût-efficacité avec le maximum de précision possible et en donnant les marges d’imprécision ). Cette estimation peut inclure l’aspect psychosociologique du risque et des mesures prises pour lutter contre lui. On peut ainsi demander explicitement aux experts, outre les avantages, les résultats (quantitatifs) escomptés et les risques sanitaires, d’analyser l’acceptabilité par le public, les
conséquences sociales, organisationnelles, politiques, générées par la décision envisagée [38]. Cependant cette analyse n’est destinée qu’à aider les décisions politiques.

Décision politique

Le travail d’expert ayant été accompli, il revient aux décideurs politiques (ministre, gouvernement, parlement) de juger si la mesure est acceptable, à quel niveau doit être prise la décision et si elle justifie un large débat public. Une transparence est indispensable à toutes les étapes de cette prise de décision.

C’est sans doute là une conséquence majeure du principe de précaution [156, 170] qui exige que, quelle que soit la décision, celle-ci soit commentée et expliquée. Dans tous les cas, et surtout si l’on s’oppose à des intérêts économiques puissants ou à des réticences du public, le débat et la prise de décision doivent être accompagnés par une campagne d’information et d’éducation . Une loi n’est respectée que s’il existe un consensus autour d’elle. Par exemple, aujourd’hui, interdire le téléphone portable au volant n’a de chance de succès que si préalablement on a longuement expliqué les dangers de cette façon de conduire.

Suivi administratif

La décision une fois prise, c’est à l’administration qu’il devrait revenir d’assurer son suivi : mettre en œuvre son application et évaluer son résultat. L’histoire contemporaine de la prévention en France est un florilège de lois excellentes qui ont été peu, ou mal, appliquées (Loi Evin, Education à la santé à l’école, Réglementation de la circulation routière, etc.) sous la pression d’intérêts économiques ou corporatistes ou faute de moyens et de volonté politique. Il faut éviter le renouvellement de tels échecs ; il serait donc souhaitable de confier cette responsabilité à des structures diligentées à cet effet, protégées contre les pressions extérieures et qui rapporteraient réguliè- rement les résultats de leur mission au gouvernement et au parlement.

L’ANAES assure le suivi des mesures de santé publique. Quelle que soit la solution retenue les mécanismes de suivi et d’évaluation sont indispensables.

Prévention et système de santé • Il est difficile de faire le bilan du budget de la prévention primaire en France car celle-ci est financée par des voies très diverses. Il serait cependant utile d’y parvenir, ne serait-ce que pour comparer l’efficacité et le coût des différentes actions .

Dans le cadre du budget de l’Assurance maladie, il existe un fond national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire (FNPEIS) dont les dépenses en 2001 ont été de 2 317 MF, soit 353 M k (sur un budget total d’environ 140 milliards k, soit 0,2 %). Cependant, certaines actions de prévention
primaire (consultation anti-tabac, prévention des maladies cardiovasculaires) sont remboursées par l’Assurance maladie, et il est souvent difficile de distinguer ce qui relève de la prévention et des soins. De plus une partie importante du budget du Comité français d’éducation à la santé, de celui de la MILDT, de plusieurs agences spécialisées (Institut de Veille Sanitaire, etc.) une partie du budget de la Direction générale de la santé, de la Direction générale de l’alimentation (au ministère de l’Agriculture) sont destinées à la prévention. Il faudrait encore y ajouter les dépenses des collectivités locales, la PMI, les dépenses consacrées à l’éducation à la santé à l’école, à la prévention des accidents de la circulation. Il est difficile d’individualiser ces dépenses dans le budget des différents services. Ceci, cependant, serait très utile. A titre d’exemple indiquons que pour la lutte anti-tabac, les dépenses semblent de l’ordre de 20 M k/an.

Au total, les dépenses de prévention doivent être de l’ordre de quelques pourcents du budget consacré aux soins. Le rapport sur les comptes nationaux de la santé pour 2000 estimait la dépense de prévention à 3,4 milliards k. Une étude du ministère de la Solidarité les estime, en 1999, à 1,5 milliard k [31] mais ces chiffres englobent la prévention secondaire (dépistage).

• La France a connu divers « scandales » de santé publique au cours de la décennie 90, plus que tout autre pays développé, ce qui d’ailleurs ne prouve pas que les fautes y aient été plus graves. Le manque de contrôle (sang contaminé), les retards (amiante), ont altéré la confiance des Français et provoqué un traumatisme politique et administratif.

La réponse apportée a été la multiplication du nombre d’Agences spécialisées dont le but, et le résultat, ont été d’accroître les compétences disponibles ; mais cette évolution a entraîné un morcellement des attributions, à la périphérie du ministère de la Santé et de la Direction Générale de la Santé.

Il faut ajouter à cela les conflits entre l’Etat et la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés qui dispose des moyens financiers. La coordination et la supervision des agences et autres organismes demeurent un point crucial. En effet « les Etats ont la responsabilité de la santé de leur peuple » (Constitution de l’OMS) ; donc la prévention, notamment la sécurité sanitaire, sont des responsabilités régaliennes et les décisions politiques relèvent de l’Etat même si celui-ci l’a déléguée à d’autres entités. La loi de décentralisation a confié aux Conseils Généraux des responsabilités dans le domaine de la prévention notamment secondaire, que les départements sont souvent dans l’incapacité d’assumer, ne serait-ce que parce que nombre d’entre eux ne se sentent pas qualifiés, ce qui peut entraîner des inégalités entre les Français. En revanche la Région, dont la taille serait plus appropriée, n’a pas de compétence en ce domaine [2].

• Les crises médiatiques récentes ont occulté un problème particulièrement grave : l’absence de vision à long terme de la politique de prévention . Trop souvent d’excellentes intentions n’ont pas été suivies d’actions efficaces et la politique a été vélléitaire ou a manqué de cohérence et de continuité. Il est utile d’analyser les insuffisances afin de proposer des solutions. Citons-en quelques-unes :

— absence de continuité dans la stratégie globale : aucun effort pour faire respecter des lois excellentes (loi Evin sur tabac, accidents notamment accidents de la circulation) ;

— recul devant les groupes de pression (alcool) ;

— bonnes décisions non suivies d’effets, faute de moyens et de volonté politique (protection des non-fumeurs, éducation à la santé à l’école) ;

— absence d’une stratégie clairement définie faisant l’objet d’un consensus (drogues illicites), d’où incertitude et désarroi de l’opinion aboutissant à une sous-estimation des risques ;

— pas de mise en perspective, information du public incohérente, voire trompeuse (ainsi pour la malnutrition : le public s’obnubile sur la sécurité alimentaire qui est satisfaisante et s’inquiète pour la présence en quantités minimes de produits dont le risque est hypothétique ou faible alors qu’il méconnaît les vrais problèmes : déséquilibres alimentaires, surpoids et obésité). Pas de politique familiale répondant aux besoins de l’enfant alors que la famille a un rôle clé dans la formation des enfants, donc la prévention ;

l’étiquetage des produits alimentaires est une démonstration d’incohérence dans les décisions : on donne des informations inutiles et incompréhensibles, pour satisfaire des fantasmes, alors qu’on ne fournit pas les informations fondamentales pour la santé : le nombre de calories, le contenu en graisses saturées et non saturées, la teneur en sodium ;

absence de proportionnalité entre les sommes qui sont consacrées à la lutte contre les différents facteurs de risque et la morbidité ou la mortalité que ceux-ci occasionnent. Le budget de différentes actions répond davantage à des pressions de l’opinion qu’à un souci d’efficacité (en radioprotection par exemple crédits minimes pour les utilisations médicales des rayonnements qui sont à l’origine de 95 % de l’irradiation d’origine humaine, alors que la radioprotection concernant l’énergie nucléaire, qui ne délivre que 1 % de l’irradiation d’origine humaine, bénéficie de crédits plusieurs centaines de fois supérieurs [150]) ;

— balkanisation des responsabilités : par exemple en ce qui concerne les enfants, le département est responsable de la protection sanitaire de la famille et de l’enfance, notamment de la PMI (avec les inégalités
territoriales que cela comporte), la médecine scolaire et l’éducation à la santé à l’école du ministère de l’Education, l’information sur la nutrition du ministère de la Santé, les cantines scolaires des municipalités, la vaccination et les soins bucco-dentaires du Fond National de Prévention et des Caisses Nationales d’Assurance Maladie et, semble-t-il, personne spécifiquement de la santé mentale.

• Pour éviter de tels errements, il faudrait structurer l’organisation de la prévention . Quelques recommandations peuvent être formulées :

— La nature multi ministérielle de la prévention nécessite une coordination (le ministre en charge de la santé devrait disposer du budget principal, l’assurance maladie, afin d’avoir un poids suffisant. La proposition selon laquelle le ministère de la Santé devrait être chargé de l’assurance maladie, faite dans un rapport précédent [2], est ainsi renforcée).

— Une vision globale de la prévention est nécessaire d’où le besoin d’une structure impartiale et critique . Déjà évoquée dans un rapport sur la santé publique en 1989, cette nécessité avait conduit à la création du Haut Comité de la Santé Publique, qui était présidé par le ministre de la Santé, situation peu favorable à la distinction fondamentale entre l’étape d’expertise et l’étape de décision et qui pouvait limiter la liberté d’expression du HCSP. Il est nécessaire que soit renforcée l’indépendance du Haut Conseil de la Santé qui le remplacera et de réfléchir à la façon dont pourrait être assurée l’association à ce conseil des départements ministériels concernés.

— La préparation technique des décisions peut relever d’Agences et de la structure qui remplacera le HCSP, mais une intégration des données est nécessaire pour élaborer une stratégie globale et persévérante. Ceci est d’autant plus indispensable que certaines structures relèvent de plusieurs ministères (santé, environnement, industrie, travail), voire sont interministérielles (MILDT). Certains aspects cruciaux de la prévention (par exemple éducation à la santé à l’école, médecine scolaire, politique familiale, services de contrôle des ministères de l’agriculture, de l’économie, de l’environnement), sont dévolues à des ministères autres que celui de la santé. Eviter la cacophonie, les décisions démagogiques, les rivalités entre services ou entre ministères, les conflits de compé- tence, les effets d’annonces contradictoires, les pertes de temps consacrées à une coordination et à des arbitrages permanents est indispensable si l’on veut être efficace. La Direction Générale de la Santé pourrait être le lieu naturel d’une telle intégration, d’une coordination, du suivi des actions , mais il faudrait lui en donner l’autorité et les moyens. Sinon il faudra créer une structure capable de le faire.

Il est impératif, par ailleurs, de bien délimiter les missions respectives des différentes agences .

— L’État doit réformer son mode de fonctionnement et annoncer un plan pour chaque action. Il doit distinguer l’étape de définition des objectifs techniques, du processus de décision politique et enfin de celle d’exécution qui comporte la désignation d’un responsable et des moyens financiers et humains. Les lois ne doivent pas être dénaturées par des décrets ou des circulaires. Une gestion moderne, par objectifs, et un suivi annuel s’avèrent essentiels pour éviter les annonces sans lendemain. La généralisation du dépistage du cancer du sein a ainsi été annoncée pour l’année prochaine par quatre ministres successifs.

— Pour assurer la continuité nécessaire, la plupart des actions de prévention devraient disposer de budgets pluriannuels.

— L’État a su renforcer le niveau de compétence par la création d’agences, mais il n’a pas encore assuré l’indépendance et la transparence de l’expertise et du processus de décision . L’existence de contrepouvoirs et une évaluation indépendante des actions sont indispensables.

— En cohérence avec un rapport précédent sur le rapport coût/efficacité des soins [2], la Région apparaît comme le niveau géographique le mieux adapté à une déconcentration dans le domaine de la santé et notamment de la prévention, ce qui nécessiterait une révision de la loi de décentralisation. En complément aux actions nationales de l’Etat, la région pourrait être expérimentalement chargée d’une mission spécifique et décentralisée, donc sous sa responsabilité technique et financière, en ce qui concerne plusieurs des aspects de la prévention primaire qui fait l’objet de ce rapport.

• Le système de soins est éclaté structurellement et professionnellement. Il est donc difficile d’assurer la continuité de la prise en charge des Français. Si le carnet de santé des enfants assure correctement sa fonction, il n’en a pas été de même de celui des adultes à cause du manque de préparation, de l’ambiance conflictuelle qui l’a entouré. L’utilisation des cartes à mémoire ne restera pas confinée aux seuls aspects financiers, mais avant de se lancer dans la constitution d’un « dossier médical », source de conflits et d’enjeux de pouvoirs, il semble pertinent, dans un premier temps, de mettre en place la mémorisation des informations nécessaires à la prévention primaire et secondaire dont l’acceptabilité sera quasi-universelle.

Recherches en prévention

Un des grands progrès de ces deux dernières décennies a été la mise en place d’un système de surveillance de la santé : registres du cancer, observatoires de santé, réseaux d’alerte, expertise collective de l’INSERM, etc. Colligées par l’Institut de Veille Sanitaire et l’INSERM (les responsabilités respectives de ces deux organismes gagneraient à être précisées), ces données sont examinées par le HCSP et la DGS.

Des efforts permanents demeurent cependant indispensables pour accroître l’exhaustivité, l’efficacité et la fiabilité de cette collecte. La mise en œuvre d’un contrôle de qualité et d’une évaluation régulière par des experts indépendants apparaissent indispensables car il existe parfois des contradictions et certains chiffres ont été mis en doute (par exemple mortalité par maltraitance ou fréquence des suicides chez les jeunes).

De plus, on manque cruellement de données fiables sur la santé mentale des enfants et l’impact des facteurs familiaux et sociaux sur cette santé mentale.

Le perfectionnement et la professionnalisation des regist res du cancer pourraient permettre, comme dans de nombreux autres pays, tout en respectant la confidentialité des données, de connaître à côté de l’incidence des cancers, leur gravité et leur évolutivité, et d’analyser les facteurs géographiques influençant les comportements (précocité du diagnostic).

La collecte des données sur les maladies infectieuses , en particulier les MST et le sida, mériterait d’être améliorée ; les maladies à déclaration théoriquement obligatoire ne sont plus assez bien connues. La fin du service national prive l’épidémiologie de renseignements précieux. Les règles rigides sur la confidentialité des données handicapent l’épidémiologie et les enquêtes prospectives, alors que dans d’autres pays, aussi respectueux que nous de la confidentialité des individus, il est possible de façon anonyme et sans risque d’indiscrétion, de recueillir et utiliser les données indispensables à la mise en œuvre de la prévention (par exemple origine géographique des sujets) [40].

Le développement de recherches fondamentales en biostatistiques et méthodes mathématiques en épidémiologie est nécessaire, car la mise en évidence de risques relatifs faibles, les études prévisionnelles et les études écologiques (comparaison entre populations) sont difficiles à mener et posent des problè- mes méthodologiques ardus (voir chapitre Méthodologie statistique dans rapport sur la pollution atmosphérique [161]). Elles nécessitent des approches qui ne sont pas assez développées en France. Il en est de même pour l’étude des relations dose-effet.

A côté de la collecte et du traitement des données épidémiologiques, plusieurs ordres de recherches sont nécessaires.

Recherches psychosociologiques

Il faut aborder, avec l’aide des sciences humaines, les principaux facteurs de risque : pourquoi les jeunes acceptent, voire recherchent, les comportements nocifs ? Privilégient-ils le présent sur l’avenir ? Comment faire passer les messages de la prévention, qu’il s’agisse de l’exposition au soleil ou des addictions aux drogues licites et illicites ? Quelle est la représentation de la drogue, de la vitesse, de la prise de risque ? L’étude du mal-être de la jeunesse, de la violence, des suicides nécessite d’étroites coopérations entre
épidémiologie et sciences humaines. La coopération entre sciences médicales et humaines est particulièrement insuffisante en France . Les indispensables études de cohortes se heurtent à de nombreux obstacles juridiques, administratifs et humains qu’il conviendrait d’analyser et de surmonter.

La perception des risques (et le rôle de l’information) constitue un autre grand domaine de recherches, notamment en raison de son influence sur l’allocation des ressources et les décisions politiques.

Recherches épidémiologiques et physiopathologiques pour identifier les causes des maladies C’est une recherche médicale classique qui relève des grandes institutions (INSERM, CNRS, etc.). Elle est indispensable pour prévenir les maladies encore mal connues dans leur étiologie, et leur prévention. La France dispose d’un potentiel de recherche important (INSERM, CNRS, INRA, Universités, Laboratoires pharmaceutiques, etc.) et d’une bonne organisation des soins (médecine publique et privée). Elle pâtit cependant d’un fort cloisonnement entre les diverses structures (individualisme, corporatisme) et d’une liaison insuffisante avec les autres pays européens qui ralentissent les applications médicales des progrès fondamentaux. L’exemple des antioestrogènes en prévention des cancers du sein illustre ce cloisonnement. Malgré l’avance acquise en France sur les mécanismes d’action des récepteurs des œstrogè- nes et des antioestrogènes, c’est aux Etats-Unis que les essais cliniques randomisés de prévention des cancers du sein se sont développés et que le raloxifène a été proposé dans la prévention de l’ostéoporose.

Il faut favoriser les recherches de transfert des connaissances fondamentales vers les applications médicales en prévention. Il faut accentuer l’effort de décloisonnement entre les organismes de recherches et le monde médical, favoriser les recherches fondées sur des modèles proches de la pathologie humaine ainsi que les projets européens associant des équipes compétentes travaillant sur les mêmes molécules avec les mêmes critères.

Pour améliorer la recherche en prévention, il semble indispensable de lancer des actions concertées afin de faciliter les contacts entre les chercheurs (l’INSERM et le CNRS), qui pour la plupart ne sont pas médecins, et les médecins engagés dans une recherche clinique rigoureuse. Les enquêtes épidémiologiques doivent, chaque fois que c’est possible, être complétées par des études d’intervention.

Recherche sur les facteurs de risque Toxicologie Faibles doses

Une grande partie de la prévention est fondée sur les risques des faibles doses d’agents physiques (UV, rayonnements ionisants [157, 159, 162]) ou chimiques. Il existe, dans certains cas, une bonne concordance entre les données
expérimentales et épidémiologiques, ce qui permet une évaluation plausible des risques des faibles doses. Cependant, même dans ces cas, l’évaluation des risques pour des doses cent ou mille fois plus faibles que celles pour lesquelles des effets ont été observés nécessite des extrapolations dont la signification est discutable [177, 189]. On utilise souvent pour les effectuer (en cancérologie mais aussi en d’autres domaines de la toxicologie) la relation linéaire sans seuil. Cette relation a été proposée au début des années 1960 et était fondée sur des modèles de cancérogenèse qui sont périmés depuis qu’on a mis en évidence le rôle primordial des mécanismes de sauvegarde (réparation de l’ADN, apoptose, processus de signalisation intra et intercellulaire) et la complexité de la cancérogenèse chez l’homme [157, 162, 189]. Cependant, faute de meilleurs modèles, on continue à l’utiliser, tout en connaissant les limites et les défauts de cette approche. Or de nombreuses normes et des règlements sont fondés sur les évaluations faites avec cette relation, qui pourrait donc être à l’origine d’angoisses non justifiées et de gaspillages importants [190]. Il devient donc indispensable d’étudier la validité de cette relation tant sur le plan de la toxicologie fondamentale que de l’épidémiologie (avec l’aide de modèles statistiques appropriés), notamment en ce qui concerne l’impact sur la santé des différents types de pollution. L’introduction du principe de précaution rend ces recherches particulièrement urgentes.

Médecine prédictive et gènes de susceptibilité

Le séquençage du génome humain et les résultats que l’on peut en attendre sur la fonction des gènes et leur signification concernant le risque des maladies fait espérer, à terme, des progrès importants dans des actions de prévention ciblées en fonction de gènes de susceptibilité [15]. Il faut rechercher les cas où la découverte de ces gènes peut conduire à des actions bénéfiques pour le sujet. La médecine prédictive pourrait aussi, à terme, conduire à une chimioprévention à « la carte », quand ses bénéfices l’emportent sur les risques.

Chimio-prévention et Pharmacovigilance

On prescrit de plus en plus des médicaments à visée préventive dans le but d’accroître l’espérance de vie et sa qualité. Cela nécessite une pharmacovigilance accrue, pour éviter des conséquences néfastes initialement impossibles à prédire. Par exemple certaines statines appliquées en prévention cardiovasculaire ont été récemment retirées du marché. Les mesures de chimioprévention doivent être basées sur des données rigoureuses apportées par des essais cliniques randomisés. Les traitements hormonaux substitutifs (THS) de la ménopause ou de l’andropause, l’aspirine en prévention des maladies cardiovasculaires, nécessitent de telles études et un long suivi. La pharmacovigilance doit être développée et tenir compte non seulement des données françaises mais aussi de tous les essais effectués dans le monde.

Recherches sur les facteurs extra sanitaires qui influencent la santé

Organisation sociale, exclusion et précarité, équilibre psychique et épanouissement personnel, les déterminants de la santé sont nombreux et fortement corrélés. La santé peut être altérée par des mécanismes extrêmement divers, tels que le mauvais usage du système de soins, les traumatismes psychiques pendant la petite enfance, etc. L’influence du vécu de la petite enfance est cruciale. Trop peu de recherches sont effectuées dans ce domaine en France.

L’éducation a une importance essentielle à tous les âges, encore faut-il apprendre à la faire et à en évaluer les résultats : la recherche en pédagogie de la prévention doit être développée.

De façon générale, on peut, par ailleurs, noter que la France est plus lente que les pays les plus avancés pour mettre en œuvre une prévention fondée sur les nouvelles connaissances. Ce fut le cas pour les cancers du poumon et le tabac, l’amiante, le sida. Ces retards ont été source d’une altération de la confiance envers le pouvoir politique et la communauté médicale. Il faut y remédier par une meilleure liaison entre recherche et santé publique.

Enfin une recherche opérationnelle sur l’évaluation de l’efficacité des diverses actions en prévention, la détection et la correction de leurs insuffisances, est indispensable.

Etant donné les risques que comportent la dispersion des moyens entre de nombreuses agences, il semblerait logique que la coordination des recherches en prévention soit confiée à l’INSERM, dont c’est la vocation.

CONCLUSION

La situation en France présente des points forts et la santé y est dans l’ensemble satisfaisante. La situation actuelle ne doit cependant pas faire oublier les menaces pour l’avenir, car le développement des addictions aux drogues licites et illicites pendant l’adolescence devrait avoir de graves conséquences sur la santé à l’âge adulte, on le voit déjà en ce qui concerne les effets du tabagisme sur la santé des femmes. Le système de soins dans l’ensemble fonctionne bien et c’est sur lui que repose l’essentiel de la prévention individuelle qui dans de nombreux domaines (par exemple maladies cardiovasculaires, caries dentaires, mort subite des nourrissons) a été très efficace. Néanmoins la prévention est restée le parent pauvre des soins.

Certes, il faut se féliciter de l’intérêt que la prévention suscite depuis quelques années et des efforts qui sont actuellement effectués pour lui donner un cadre juridique et institutionnel. Mais des réformes s’imposent : il faut que les médecins et les autres professions de santé reçoivent la formation nécessaire et qu’ils aient le temps de s’y consacrer. La prévention doit être profession-
nalisée, organisée et rémunérée . La codification des consultations de pré- vention devrait permettre, par exemple, des bilans initiaux, l’aide à l’arrêt pour les fumeurs et les victimes d’autres addictions. L’information, l’éducation sanitaire demandent du temps, ceci doit être reconnu. Ces activités préventives demandent, dans certains cas, une compétence donc une formation spécifique et éventuellement une reconnaissance de ces compétences. Ce sont là des conditions indispensables pour passer d’un système de soins à un système de santé.

La prévention collective , celle dont la responsabilité incombe à l’Etat, aux régions et aux départements nécessite des réformes profondes afin que soit rendue possible une stratégie globale, cohérente, durable, dont les résultats seraient évalués de façon indépendante, à intervalles réguliers. Dans ce cas aussi, il est temps de comprendre qu’il faut fonder ces actions sur des structures stables, dotées de moyens suffisants et jugées sur leurs résultats.

Simultanément, il faut lutter contre les cloisonnements qui interdisent une stratégie d’ensemble pourtant indispensable et mettre fin à la balkanisation actuelle.

La stratégie doit être fondée sur :

la collecte de données fiables et une information objective des administrations, de la communauté médicale et du public car les sur ou sousestimations des risques entraînent à la fois des angoisses injustifiées, des distorsions dans l’allocation des budgets et des incohérences aux différents niveaux administratifs de décision ;

une procédure de décision tenant compte des aspects techniques et politiques. La rapidité des décisions, quand les connaissances sont acquises est un facteur fondamental de crédibilité ;

une politique de communication pour expliquer les orientations et justifier les sanctions est d’autant plus nécessaire que la prévention doit faire face à de nombreux groupes de pression qui pour des raisons diverses (financières, économiques, idéologiques) tentent soit de dissimuler les risques (exemple : ceux du tabac, de l’alcool, de la malnutrition, de la vitesse), soit au contraire de les mettre en exergue pour favoriser ou défavoriser certaines activités.

Au niveau de l’Etat, il faut introduire une symétrie entre le financement de la prévention et celui des soins. La prévention ne peut plus se satisfaire de faux-semblants et d’incantations sans sanction, comme on l’a vu dans de nombreux domaines (la lutte contre les accidents de la circulation, les drogues licites ou illicites). Il ne faut pas confondre le vote d’une loi et l’effort qu’il faut effectuer pour assurer sa mise en œuvre. Une décision ne prend son sens que si elle est mise en œuvre, donc si on y consacre des moyens suffisants . On le voit bien pour le respect des non-fumeurs prévu par la loi Evin
ou l’éducation à la santé à l’école, domaines cruciaux dans lesquels insuffisamment d’actions concrètes ont été faites sur le terrain. Dans ces domaines comme dans tout autre, le contrôle de qualité et l’évaluation par des experts indépendants s’imposent. La gestion de la prévention doit être le fruit d’une coopération étroite entre professionnels de santé, enseignants, spécialistes des sciences humaines et de la communication sous l’impulsion des pouvoirs publics. Il revient aux pouvoirs publics de motiver et d’encadrer les nombreuses bonnes volontés. La prévention devrait être l’un des volets fondamentaux d’une politique de santé, cependant une politique véritable de prévention ne peut exister que dans le cadre d’une politique de santé clairement affichée et s’imposant à tous les rouages de l’Etat. Toute incohérence est, dans ce domaine, extrêmement dommageable.

L’Académie nationale de médecine est, quant à elle, prête à assumer ses responsabilités dans ce domaine et à jouer le rôle de proposition et de critique qui est le sien.

REMERCIEMENTS

Le groupe de travail exprime sa reconnaissance aux personnalités auditionnées, les professeurs Lucien Abenhaïm (Directeur Général de la Santé), Hubert Allemand (Professeur de Santé Publique — Médecin Conseil National — CNAM), Christian Bréchot (Directeur Général de l’Inserm), Gilles Brücker (Chargé de Mission — Cabinet du ministre de la Santé), Jacques Drucker (Directeur de l’Institut de Veille Sanitaire), Jean-François Girard (ancien Directeur Général de la Santé — Conseiller d’Etat), Claude Got (Professeur honoraire), Joël Ménard (Ancien Directeur Général de la Santé — Faculté de Médecine Broussais — Hôtel Dieu), Mme Bernadette Roussille (Déléguée Générale — Comité Français d’Education pour la Santé), Pr Roland Sambuc (Vice-Président du Haut Comité de la Santé Publique). Leurs remarques et suggestions ont été d’une grande valeur pour la préparation de ce rapport. Le groupe remercie aussi très sincèrement, pour leurs critiques constructives, les personnes qui ont bien voulu accepter de relire ce rapport, notamment Mme Nicole Maestracci (Présidente de la MILDT), les Pr Alain Rérat, André Rico, et Roland Rosset, membres de l’Académie de médecine, le Pr Alain-Jacques Valleron, membre correspondant de l’Académie des Sciences, les Pr François Grémy, Hélène Sancho-Garnier et le Dr Anne Tursz.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 5 février 2002, a adopté ce rapport à l’unanimité.

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ANNEXE 1

Le Traitement Hormonal Substitutif (THS) de la ménopause.

Risques et bénéfices (§ 2.7.3)

Henri ROCHEFORT (5-02-2002) Texte rédigé avec l’aide des experts du groupe THS : JP Boissel, Ph.

Bouchard, G. Bréart, F. Clavel, C. Cornu, P. Delmas, C. Dreux, F. Kutten, V.

Ringa, H. Rozenbaum, C. Sureau.

Le THS de la ménopause par les œstrogènes n’est pas seulement le traitement des symptômes fonctionnels de la ménopause mais également quand il est prolongé un essai de prévention primaire des conséquences dues à la carence œstrogénique : ostéoporose, maladies cardio-vasculaires, protection neuronale, etc. sans augmenter le risque de cancers hormono-dépendants et d’accidents thrombo-emboliques, [10, 11, 13].

Situation du problème

Bien qu’en France le taux de mortalité des femmes après la ménopause soit faible par rapport à d’autres pays, la morbidité est cependant importante.

Concernant le THS, il est devenu nécessaire de se baser sur des études épidémiologiques rigoureuses pour proposer une prévention efficace et ciblée.

Dans ce domaine, les États-Unis avec la Grande-Bretagne ont pris une avance importante, mais avec d’autres préparations pharmaceutiques que celles utilisées en France. Nous allons donc être obligés d’initier des recherches cliniques spécifiques en Europe si l’on veut prévenir des dérives dans les prochaines décennies et ne pas être contraints d’abandonner nos préparations au bénéfice des produits américains.

Les mesures de prévention chez la femme après la ménopause constituent un problème de santé publique même si le bilan actuel est bon , mais il faut plus de recul 1 — En France, plus de 10 millions de femmes sont ménopausées et environ 30 % de femmes entre 50 et 60 ans utilisent le THS, mais un plus faible pourcentage 15 % le continue pendant plusieurs années. En 2025, près de 50 % des femmes seront ménopausées.

Le traitement par les œstrogènes a un effet immédiat bénéfique (bouffées de chaleur, dépression, trophicité cutanéo-muqueuse, etc.) justifiant leur prescription croissante par les médecins généralistes et les gynécologues. Cependant, l’évaluation des risques et bénéfices du THS prolongé à visée préventive est insuffisante en France et en Europe avec les préparations (œstrogènes et progestatifs) utilisées. Les pratiques médicales ne sont pas basées sur des démonstrations cliniques établies, fiables et consensuelles (« Evidence Based Medicine » [12, 12b]) ce qui rend difficile actuellement la mise en place d’une politique de prévention basée sur le THS prolongé chez la femme ménopausée.

2 — La fréquence des maladies cardio-vasculaires augmente très nettement chez les femmes après la ménopause et devient une cause majeure de mortalité. De même pour l’ostéoporose et les fractures responsables d’une morbidité importante.

L’incidence des cancers du sein augmente aux États-Unis et en France où ils constituent encore la première cause de mortalité par cancer chez la femme (une femme sur 10 sera atteinte). L’origine de cette augmentation est inconnue : l’augmentation d’exposition aux œstrogènes est possible, mais le retard à la différenciation de la glande mammaire (effet protecteur de la 1ère grossesse avant 25 ans) est aussi à considérer. Cela nécessite plus de recherches en physiopathologie (voir § 3.5) 3 — L’augmentation exponentielle des connaissances fondamentales sur les mécanismes moléculaires et cellulaires de la cancérogenèse et de l’action des hormones ovariennes au niveau de leur gène cible contraste avec les faibles retombées médicales en prévention. Citons ces derniè- res années les découvertes d’un 2ème récepteur des œstrogènes (RE) [2], de co-modulateurs variés pouvant expliquer des effets différents selon les tissus [2a], d’actions non génomiques rapide des œstrogènes sur les membranes plasmiques pouvant expliquer certains effets neurologiques et vasculaires [3], la précision au niveau moléculaire des changements conformationnels différents induits par les œstrogènes agonistes et antagonistes [4] ; le progrès dans la compréhension des mécanismes de vieillissement cellulaire (cf. colloque Ac. Méd. et Sci. 29 oct. 2001), la description de divers gènes régulés par les hormones ovariennes et de significations variées (voir réf. dans 7 et 8), enfin, le séquençage de la totalité du génome humain qui permet d’envisager à terme des progrès importants en Médecine dans l’introduction de nouvelles cibles thérapeutiques et préventives. Concernant les œstrogènes et principalement l’oestradiol, il y a un relatif consensus international sur leurs mécanismes d’action, bien que des différences en fonction des voies d’administration et des doses soient encore à préciser. En revanche, les avis divergent de part et d’autre de l’Atlantique concernant l’effet des progestatifs sur les glandes mammaires, le système cardio-
vasculaire et l’os, d’autant que des progestatifs différents sont utilisés aux États-Unis et dans notre continent. Globalement les progestatifs par voie générale sont contre indiqués aux États-Unis chez les femmes non hystérectomisées.

Malgré l’avance acquise en France sur les mécanismes d’action des récepteurs des œstrogènes et des anti-œstrogènes dans les unités

INSERM, c’est aux États-Unis que les essais cliniques randomisés de prévention des cancers du sein se sont développés [37] et que le Raloxifène a été proposé dans la prévention de l’ostéoporose postménopausique en remplacement des œstrogènes [1, 16, 38]. D’autres molécules (ou SERM) qui auraient tous les avantages des œstrogènes sans leur inconvénient devraient être développées en association avec les industries pharmaceutiques.

Au plan clinique la balance risque-bénéfice n’est plus claire

Du fait de la fréquence croissante d’utilisation de ces traitements à visée préventive, il est indispensable de disposer à terme d’informations fiables et consensuelles sur les indications, les risques et les bénéfices du THS. Les progrès dans les mécanismes d’action des œstrogènes et progestatifs et les études expérimentales in vitro et in vivo chez l’animal ont constitué la base théorique de l’utilisation de plus en plus large du THS par œstro-progestatifs ou par œstrogène seul chez la femme hystérectomisée. A priori , les bénéfices attendus devaient l’emporter nettement sur les risques d’autant que les premières études épidémiologiques rétrospectives et de cohortes étaient encourageantes. Cependant la situation est devenue récemment préoccupante dans le cadre d’une médecine fondée sur des preuves . En effet, les résultats des études cliniques épidémiologiques (cas témoins, randomisées en double aveugle, etc.) réalisées dans les pays anglo-saxons (États-Unis et GrandeBretagne) avec des molécules (Premarin = œstrogènes conjugués équins et Acetate de Medroxyprogesterone), différentes de celles utilisées en France et en Europe continentale (19, 25, 26, 27, 29), risquent de ne pas pouvoir être extrapolées à la pratique médicale du THS en France. Très schématiquement, un THS prolongé à visée préventive peut entraîner deux types de risques et trois types de bénéfices potentiels :

1 — En cancérologie : le risque très élevé de cancer de l’endomètre [9] est prévenu par l’hystérectomie ou le plus souvent en France par l’association à un progestatif qui pourrait être appliqué in utero . Le risque de cancer du sein augmente progressivement et devient non négligeable à partir de 5 ans de THS [34]. Mais ces cancers sont de meilleur pronostic [34, 35, 35a] (diagnostic plus précoce ou effet anti-invasif des œstrogè- nes ? [6]). Ce risque pourrait être accentué par l’association à un
progestatif d’après les études anglo-saxonnes [36]. Ceci est controversé en France bien que non validé [33]. L’effet favorisant du THS sur les cancers de l’ovaire est possible [38b]. Enfin les œstrogènes protègeraient contre le cancer du côlon [14].

2 — Le risque thrombo-embolique est légèrement augmenté, surtout avec les œstrogènes per os . Un mauvais état veineux est une contre indication.

3 — Le bénéfice majeur est la protection contre l’ostéoporose, cause d’invalidité très importante chez les femmes à partir de 60 ans (Cf. le rapport du Service d’Expertise Collective de l’INSERM (1996) sur l’ostéoporose [16] et le rapport Prévention de l’Ostéoporose (§ 2.7.4).

4 — Pour le bénéfice cardio-vasculaire, la situation a évolué récemment.

Bien que la fréquence des accidents artériels, coronariens augmente après la ménopause, le bénéfice en prévention primaire n’est pas encore démontré (une étude est en cours aux États-Unis) [26]. En revanche, le THS est contre indiqué en prévention secondaire (en cas d’accidents antérieurs) : alerte de l’ Am. Heart Ass. 2001 [18, 19, 20, 22, 25, 27].

5 — Pour la protection neuronale, l’effet bénéfique des œstrogènes sur la mémoire, les démences et l’état dépressif est également l’objet de débats [39-42].

Au total, la quasi absence d’information épidémiologiques et d’essais contrôlés randomisés sur l’effet des molécules actuellement utilisées en France doit rendre prudent sur l’utilisation prolongée de cette chimio-prévention et impose une amplification des recherches cliniques évaluant ces risques et ces bénéfices.

Les recherches biologiques de transfert pourraient permettre d’aider à définir ces risques pour chaque catégorie de femme et de proposer une prévention ciblée et adaptée à chaque femme .

Ainsi des recherches cliniques épidémiologiques et biologiques d’interface deviennent une priorité pour mieux connaître l’importance des bénéfices et surtout, selon le principe de précaution, éviter les risques entraînés par une chimio-prévention non adaptée (§ 2.6).

Propositions d’actions prioritaires pour développer la prévention chez ces femmes

L’avantage de la prévention chez les sujets âgés est que les recommandations seront plus facilement suivies que par des adolescents, cette population étant évidemment volontaire pour réduire leur risque de maladies et augmenter leur qualité de vie.

Cependant la Médecine doit donner des messages clairs, consensuels, en
s’appuyant sur des faits démontrés cliniquement [12, 12b]. Tout en reconnaissant que l’Association Française pour l’Etude de la Ménopause avec H.

Rozenbaum et les laboratoires pharmaceutiques jouent un rôle essentiel d’enseignement post-universitaire, les participants du groupe THS se sont accordés pour souhaiter une concertation accrue en France et en Europe afin d’établir des règles de bonne pratique médicale concernant la prise en charge du THS prolongé de la Ménopause à visée préventive du fait de l’évolution rapide des connaissances Cette concertation devrait réunir les praticiens (publics et privés) engagés dans cette prise en charge, les laboratoires pharmaceutiques, l’Agence du Médicament, des épidémiologistes et scientifiques indépendants, et reposer sur un suivi régulier des données de la littérature avec l’aide de la Cochrane library . Une séance de l’Académie nationale de médecine pourrait être consacrée dans les prochaines années à ce problème de Santé Publique qui concerne plusieurs spécialités médicales (gynécologie, cardiologie, neurologie, endocrinologie, cancérologie, etc.) L’ensemble des membres du groupe THS-Ménopause s’est accordé cependant sur la nécessité de développer en priorité des recherches cliniques de 2 types : épidémiologiques et de transfert d’interface afin de préciser l’importance des bénéfices et surtout, selon le principe de précaution, d’éviter les risques entraînés par une chimio-prévention généralisée et non contrôlée.

1 — Recherches épidémiologiques avec les molécules et les voies d’administrations utilisées en France et en Europe.

Dans l’immédiat, faire aboutir les études de cohorte initiées depuis 1990 en France. En particulier l’étude E3N portant sur 100 000 femmes de la MGEN, l’étude Gazelet pour lesquelles les moyens sont insuffisants pour finir de collecter et analyser les données. Ces études devraient donner un premier élément d’information sur l’importance du risque éventuel de cancer du sein avec les préparations utilisées en France.

Il faudrait ensuite rapidement initier des essais préventifs randomisés en double aveugle sur une grande échelle en associant d’autres pays Européens. Ce type d’étude sera extrêmement coûteux et complexe à cause du nombre élevé de préparations pharmaceutiques distribuées.

Cependant elles permettraient d’apporter la preuve des risques et bénéfices de nos préparations en pathologie cardio-vasculaire et en cancérologie. Un projet concernant le risque cardio-vasculaire a été déposé auprès de l’European Science Fondation (coordonné par P.

Boissel et P. Cornu — Lyon). L’étude de cohorte E3C (10 000 sujets) porte sur 3 villes : Bordeaux, Dijon et Montpellier et vise à évaluer les pathologies cardio-vasculaires, neuro-psychiques (Alperovitch U. 360) et l’effet des hormones ovariennes sur ces processus [42]. En 2005-2010, les résultats des essais randomisés initiés aux États-Unis (60 000 femmes— Women‘s Health Initiative) [15, 40] et la Grande-Bretagne
portant sur 22 000 femmes [25] avec l’association per os Premarin-

Medroxy Progesterone Acetate, seront connus et il deviendra éthiquement plus difficile de continuer à utiliser nos préparations qui, bien que potentiellement meilleures, n’auront pas été validées de façon aussi rigoureuse.

Un effort concerté associant les crédits publics (recherche, santé, etc.), l’Europe, et l’industrie pharmaceutique serait nécessaire.

2 — Recherches biologiques de transfert dans un but physiopathologique et surtout prédictif pour faciliter la mise en place d’une prévention ciblée des maladies en fonction des risques individuels.

Il existe en France un fort potentiel de recherche de qualité, plusieurs Unités INSERM, CNRS, universitaires, et plusieurs services hospitaliers et laboratoires pharmaceutiques. Cependant des facteurs négatifs entravent les interactions positives entre ces divers acteurs et freinent l’efficacité de la recherche médicale. Il faut accentuer l’effort de décloisonnement entre les organismes de recherches et le monde médical, favoriser les recherches basées sur des modèles proches de la pathologie humaine et inciter les projets européens associant des équipes compétentes travaillant sur les mêmes molécules avec les mêmes critères. Les recherches moléculaires (génétiques et post-génétiques) avec l’aide des anatomopathologistes et les biologistes cellulaires et moléculaires, à partir de banques de données épidémiologiques et de banques de tissus humains devraient être soutenues.

Il faut inciter les ministères de la Santé et de la Recherche à développer rapidement ces études en Europe afin de rattraper l’avance considérable que les États-Unis prennent dans ce domaine. L’INSERM et en particulier ses unités mixtes associant l’Université et les CHU, devrait jouer un rôle essentiel.

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