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Session of 9 avril 2002

Colloque international « Cellules souches et thérapie cellulaire » organisé par l’Académie des Sciences en liaison avec l’Académie nationale de médecine et The Academy of Medical Sciences of the United Kingdom, les 25, 26 et 27 mars 2002

Cl. Sureau

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Colloque international 1 « Cellules souches et thérapie cellulaire » organisé par l’Académie des Sciences en liaison avec l’Académie nationale de médecine et The Academy of Medical Sciences of the United Kingdom, les 25, 26 et 27 mars 2002

Claude SUREAU Il paraît opportun de rappeler le schéma élaboré avec MM. Bourel et David et remis en séance en juin 2000 lors du précédent colloque sur ce thème, organisé à l’Académie nationale de médecine en liaison avec l’Académie des Sciences (Fig. 1).

La Figure 2 indique les 8 types de cellules souches qui ont fait l’objet d’exposés lors du récent colloque.

Le terme cellules ES signifie embryonic stem cells ou cellules souches embryonnaires, EG embryonic germinal cells, cellules germinales primitives, EC cellules extraites de tératocarcinomes dont l’intérêt est essentiellement historique puisqu’elles furent à l’origine des premiers travaux sur ce thème. On notera que s’il est confirmé que la parthénogenèse ne peut conduire chez les mammifères à la naissance d’un petit, elle peut néanmoins se poursuivre suffisamment longtemps, en l’occurrence jusqu’au stade blastocyste, pour que des cellules utilisables puissent en être extraites.

Les objectifs principaux de ces recherches sont à la fois cognitifs et thérapeutiques :

— objectifs cognitifs : ils concernent la biologie cellulaire : différenciation, dédifférenciation, transdifférenciation, mais aussi prolifération, sénescence et apoptose, ainsi que les conditions de migration et d’adhérence aux matrices extracellulaires.

Plus généralement les relations nucléocytoplasmiques, l’expression génique, la biologie mitochondriale, et les similitudes entre embryogenèse et cancérogenèse retiennent l’attention ;

1. Cf. Programme ( Bull. Acad. Natle Méd ., 2002, 186 , no 3, 609-613.

.

.1 IG F .

.2 IG F — objectifs thérapeutiques : fondés sur une meilleure connaissance de la physiopathologie cellulaire et moléculaire, ils concernent ce que l’on a appelé la médecine régénératrice des affections neurologiques, hépatiques, pancréatiques, hématologiques, cutanées, articulaires, cardiaques, vasculaires, pour ne citer que les principales, mais aussi l’ensemble des thérapies anticancéreuses, ainsi que la prévention des affections congénitales, que l’Académie nationale de médecine a regroupées sous le terme de médecine de l’embryon. La pharmacologie et la toxicologie peuvent également bénéficier de telles recherches.

Les risques éventuels actuellement perceptibles ont trait aux anomalies de la différenciation, à la survenue de phénomènes immunitaires, à la cancé- rogenèse surtout.

La conclusion scientifique que les auditeurs purent tirer de ce colloque et des discussions qu’il engendra retient l’absolue nécessité de comparer les effets, favorables ou délétères, de l’utilisation de ces diverses lignées, d’abord chez l’animal, puis chez l’homme, au cours d’essais soigneusement contrôlés. Déjà se fait jour l’éventualité d’indications et de contre-indications, fonction des situations pathologiques, et propres à chaque lignée. Parmi celles-ci, on retiendra en particulier la tolérance immunitaire (que l’on peut espérer plus marquée avec les cellules obtenues par transfert nucléaire, mais l’éventualité d’une interférence mitochondriale n’est pas exclue), l’aptitude à la différenciation, à l’auto-renouvellement, à la survie, à la migration, à la stabilité génomique enfin.

À côté des aspects scientifiques, une large place fut faite aux aspects juridiques, en particulier européens et plus spécifiquement français : rappel de la Convention d’Oviedo du Conseil de l’Europe du 4 avril 1997 (interdiction de la création d’embryons pour la recherche et de la transgenèse, art. 18.2 et 13) non encore ratifiée par la France et la Grande-Bretagne, et de son protocole additionnel le 12 janvier 1998 interdisant le clonage reproductif.

Exposé du Human fertilisation and embryology act de 1990 au Royaume-Uni, modifié en 2001, interdisant également le clonage reproductif mais autorisant la création d’embryons pour la recherche sous le contrôle de la Human Fertilisation and Embryology Authority , et la recherche sur les blastocystes, y compris ceux obtenus par transfert nucléaire.

En France, la situation est relativement figée depuis le 29 juillet 1994 et les lois 653-654, interdisant la recherche sur l’embryon. Leur révision est en cours et fut votée à une large majorité en première lecture à l’Assemblée nationale le 22 janvier 2002. Ce texte autoriserait la recherche sur les embryons surnuméraires issus de fécondation in vitro et n’étant plus l’objet d’une projet parental, sous le contrôle d’une agence (APEGH) au rôle très proche de celui de l’HFEA britannique.

 

Le ministre de la recherche a informé les congressistes de l’éventualité d’autoriser l’importation de lignées cellulaires issues d’embryons surnuméraires, dans des conditions strictement contrôlées, en application du décret du 22 février 2000, de manière à ce que la recherche sur de telles lignées (mais non sur les embryons eux-mêmes) puisse démarrer en France sans attendre les décrets d’application de la nouvelle loi qui ne pourra être discutée et votée qu’en 2003.

Celle-ci de toute façon maintiendrait l’autorisation de recherches destinées à éviter la transmission d’anomalies héréditaires (article 16.4 du Code civil, en opposition donc avec l’article 13 de la Convention d’Oviedo), et l’interdiction de création d’embryons pour la recherche et par voie de conséquence celle du transfert nucléaire.

Il n’est pas inintéressant de rappeler, dans ce cadre, la position de l’Académie nationale de médecine exprimée en 1996 (Rapport Laplane), 1998 (Rapport Laroche), et 2001 (Rapport David) en faveur de la médecine de l’embryon.

Les aspects philosophiques de ces questions furent largement débattus, en particulier à l’Académie nationale de médecine. Bien entendu, furent évoquées et confrontées les opinions ayant trait à la définition du début de la personne ou de l’être humain, de leurs statuts, des risques d’instrumentalisation et de réification, et l’on perçut finalement peut-être l’ébauche, non d’un consensus mais d’une convergence sur la reconnaissance, évidente d’ailleurs, d’un droit absolu pour les membres de la communauté humaine de refuser de participer à de telles recherches et à leur application en vertu de la clause de conscience, mais aussi d’en bénéficier éventuellement le jour où elles seront médicalement accessibles. Cette liberté fondamentale serait ainsi exercée par les individus pour eux-mêmes au nom de leur autonomie décisionnelle, mais ne devrait pas influer pour autant sur les décisions législatives dans le contexte d’une société pluraliste et tolérante.

Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 4, 799-803, séance du 9 avril 2002