Résumé
Plus de huit cent mille personnes décèdent de suicide chaque année dans le monde et dix à vingt fois plus tentent de se suicider. Au cours des cinquante dernières années, des progrès notables mais insuffisants ont été réalisés dans notre connaissance des facteurs de risque suicidaire. Il est ainsi aujourd’hui admis que des facteurs de stress tels que les évènements de vie difficiles récents (problèmes interpersonnels par exemple) ou la maladie mentale augmentent le risque suicidaire chez des personnes vulnérables. Cette vulnérabilité peut être en lien avec des facteurs développementaux et génétiques telles que des maltraitances dans l’enfance ou une histoire familiale de suicide, des traits de personnalité comme la propension à l’agressivité et l’impulsivité, ou des traits biochimiques tels qu’un dysfonctionnement du système sérotoninergique ou une hyperréactivité de l’axe hypothalamo-hypophysaire. Des données récentes issues des neurosciences cognitives suggèrent en outre que certains déficits affectant la perception des signaux sociaux, la régulation de la douleur psychologique ou la prise de décision contribuent, à côté d’autres perturbations cognitives, au déclenchement de la crise suicidaire, puis au risque de passage à l’acte. Ces déficits ont été associés, chez des patients comme chez des apparentés, au dysfonctionnement d’un réseau de régions cérébrales incluant le cortex préfrontal dorsal et ventral, et certains noyaux sous-corticaux notamment. Ces résultats ouvrent des perspectives de redéfinition phénotypique et de prise en charge nouvelles de ces actes pluriels et complexes.
Summary
More than eight hundred thousand people die of suicide every year in the world and ten to twenty times more attempt suicide. Over the last fifty years, notable but insufficient progress has been made in our knowledge of suicidal risk factors. It is now recognized that stressors such as recent negative life events (interpersonal problems for example) or mental illness increase the risk of suicide in vulnerable people. This vulnerability may be related to developmental and genetic factors such as child abuse or a family history of suicide, personality traits such as propensity to aggression or impulsiveness, or biochemical traits, such as dysfunction of the serotonergic system or hyper-responsiveness of the hypothalamic-pituitary axis. Recent evidence from cognitive neuroscience also suggests that some deficits in social signal perception, psychological pain regulation, or decision-making contribute, along with other cognitive disturbances, to triggering the suicidal crisis and facilitating the acting out. These deficits have been associated, in patients as in relatives, with a dysfunctional network of brain regions, including in particular the dorsal and ventral prefrontal cortex, and subcortical nuclei. These results open perspectives of phenotypic redefinition and new management of these plural and complex acts.
Bull. Acad. Natle Méd., 2018, 202, no 7, 1651-1663, séance du 16 octobre 2018