Communication scientifique
Session of 8 novembre 2011

Chirurgie sous vidéoscopie des anévrismes de l’aorte abdominale

MOTS-CLÉS : anévrisme de l’aorte abdominale. laparasopie
Videoscopic abdominal aortic aneurysm repair
KEY-WORDS : aortic aneurysm, abdominal. laparoscopy

Marc Coggia

Résumé

La chirurgie sous vidéoscopie des anévrismes de l’aorte abdominale est une technique mini-invasive qui vient compléter l’arsenal thérapeutique des chirurgiens vasculaires. A l’ère des controverses concernant les bénéfices à long terme et le surcoût des endoprothèses aortiques, la chirurgie sous vidéoscopie à l’avantage de permettre un traitement définitif de l’anévrisme tout en réduisant les complications abdominales observées après la chirurgie traditionnelle. Dans notre expérience, elle donne des résultats à court et moyen terme identiques à ceux de la chirurgie aortique traditionnelle en ce qui concerne la sécurité, la fiabilité et la durabilité du traitement de l’anévrisme. Cependant, il s’agit d’une technique difficile et il faut souligner l’importance de la courbe d’apprentissage et de l’entraînement préalable aux sutures laparoscopiques.

Summary

Videoscopic abdominal aortic aneurysm repair is a mini-invasive technique. With the current controversies surrounding the long-term results and cost of aortic stentgrafts, videoscopy offers permanent repair of aortic aneurysms while avoiding the abdominal complications of conventional open surgery. In our experience, videoscopy provides shortand mid-term outcomes similar to those of conventional open repair in terms of safety, reliability and durability. However, this is a challenging technique and we must underscore the importance of the learning curve and of previous training in laparoscopic suture.

INTRODUCTION

La mise à plat du sac anévrismal avec interposition prothétique reste la technique la plus fiable et la plus durable pour traiter un anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) [1, 2]. Sa mortalité est inférieure à 5 % et le taux de complications en rapport avec la prothèse aortique n’excède pas 8 % après plus de trente ans de recul. Cependant, elle reste grevée d’un taux de complications abdominales proche de 25 % et les complications systémiques restent fréquentes même si elles n’aggravent pas toujours le pronostic vital. L’objectif de la vidéoscopie est de limiter le traumatisme opératoire en évitant l’ouverture de la cavité abdominale. La vidéoscopie est développée dans la plupart des disciplines chirurgicales mais mis à part quelques équipes [3,10], elle n’a pas connu le même essor en chirurgie vasculaire.

En novembre 2000, nous avons développé une nouvelle technique totalement vidéoscopique pour le traitement les lésions occlusives aorto-iliaques (LOAI) sévères [11, 12]. À partir de cette expérience, nous avons développé le traitement totalement vidéoscopique des AAA [13-15].

Exposition vidéoscopique de l’aorte abdominale

Nous utilisons différentes voies d’abord vidéoscopiques de l’aorte abdominale, adaptées aux conditions anatomiques de l’AAA, aux antécédents du malade et à l’état de la cavité abdominale (Fig.1) [11, 16-18].

Voies d’abord vidéoscopiques transpéritonéales

Nous utilisons trois voies d’abord vidéoscopiques transpéritonéales de l’aorte abdominale : la voie rétrorénale gauche, la voie rétrocolique gauche et la voie directe (Figs. 1A, 1B et 1C). L’installation du malade et la position des trocarts sont globalement identiques pour ces trois voies d’abord.

Le malade est installé en décubitus dorsal avec un billot gonflable sous la partie gauche de l’abdomen (Pelvic-tilt, O.R. Comfort, LLC, Glen Ridge, New Jersey).

L’insufflation du billot et la rotation de la table permettent une installation du malade en décubitus latéral droit. Cette position favorise une bascule complète de la masse viscérale vers la droite, ce qui ouvre le champ opératoire. L’opérateur est à droite du malade. La colonne de vidéoscopie est installée à gauche et aux pieds du malade (Fig. 2).

Le pneumopéritoine au dioxyde de carbone (CO ) est insufflé en sous-costal gauche 2 par une aiguille de Palmer (pression 14 mmHg). Le trocart de l’optique 45° (Storz

Fig. 1. — Coupes transversales de l’abdomen montrant les différentes voies d’abord vidéoscopiques de l’aorte : (A) Transpéritonéale rétrorénale gauche, (B) Transpéritonéale rétrocolique gauche, (C) Transpéritonéale directe, (D) Rétropéritonéoscopique.

Fig. 2. — Dessin montrant l’organisation de la salle opératoire, la position des opérateurs et la place des trocarts pour les voies vidéoscopiques transpéritonéales. (A) opérateur, (B) assistant-caméra, (C) assistant-instrumentation, (D) infirmière instrumentiste. Trocarts : (1) optique, (2) et (3) opé- rateur, (4) assistant-instrumentation, (5) assistant-aspiration, (6) opérateur/assistant/caméra, (7) endorétracteur/clamp aortique, (8) clamp aortique. Les clamps iliaques sont placés percutanés.

 

France SA, Paris, France) est positionné sur la ligne axillaire antérieure gauche, trois centimètres sous le rebord costal. Lorsque l’anévrisme est para-rénal ou lorsqu’il existe un jabot important masquant le collet anévrismal, le trocart de l’optique est placé au ras du rebord costal gauche. La figure 2 montre la position des trocarts utilisés pour la procédure vidéoscopique.

Voie transpéritonéale rétrorénale gauche (TPRR) [16]

Le péritoine pariétal postérieur est incisé dans la gouttière paracolique gauche, à distance de l’accolement du colon. L’aorte abdominale est abordée après un décollement rétropéritonéal rétro-rénal gauche et une rotation médio-viscérale droite complète emportant la rate, le pancréas, le rein et le colon gauches. L’ouverture du fascia rétro-rénal est essentielle pour mener ce décollement dans un plan avasculaire.

La dissection de l’aorte est menée de bas en haut jusqu’au pilier gauche du diaphragme. Des fils tracteurs sont mis en place pour stabiliser l’exposition.

Voie transpéritonéale rétrocolique gauche (TPRC) [11]

Le péritoine pariétal postérieur est incisé dans la gouttière paracolique jusqu’à l’angle colique gauche. L’aorte abdominale est abordée après un décollement rétrocolique gauche dans le plan avasculaire du fascia de Toldt, le rein gauche étant laissé en place. Des fils tracteurs sont mis en place pour stabiliser l’exposition.

Voie transpéritonéale directe (TPD) [17]

Le péritoine pariétal postérieur est incisé à l’aplomb de l’AAA au bord gauche du 4ème duodénum. Un fil tracteur est mis en place sur le bord libre du péritoine et extériorisé à droite pour rétracter le duodénum. On peut utiliser un écarteur intestinal pour maintenir les anses digestives [8, 9]. Le collet aortique et le sac anévrismal sont alors disséqués après l’ouverture de la lame ganglionnaire préaortique sous la VRG.

Dans une variante de la TPD, Stadler et coll [10] ont décrit l’utilisation d’un tablier péritonéal préparé avec le péritoine du mésocolon gauche pour maintenir la masse viscérale.

Les voies d’abord vidéoscopiques transpéritonéales de l’aorte abdominale permettent d’obtenir une exposition stable du champ opératoire. L’approche frontale de l’aorte permet un bon contrôle de l’espace inter-aortico-cave. La position du malade en décubitus latéral droit et le déplacement de la masse viscérale dans la partie droite de l’abdomen permettent d’éviter les techniques complexes d’exposition. L’utilisation d’une optique de 45° permet une vision quasi-circonférentielle des vaisseaux et facilite la dissection ainsi que la réalisation des anastomoses. Nous utilisons préfé- rentiellement la voie TPRR. Sa réalisation est facile et elle a l’avantage de fournir un large espace de travail. Elle offre une bonne exposition de la face postéro-gauche du sac anévrismal pour le contrôle des artères lombaires. L’extension de la dissection au-dessus des artères rénales est facile lorsqu’il s’agit d’un AAA juxta-rénal (Fig. 3) [15]. Enfin, la couverture de la prothèse en fin d’intervention est optimale.

Fig. 3. — Vue opératoire montrant l’exposition du collet proximal d’un AAA juxta-rénal par voie TPRR. (la flèche indique l’artère rénale gauche).

La voie TPRR n’est pas toujours possible, notamment lorsqu’il existe des adhérences péri-spléniques ou une VRG rétro-aortique. La TPRR peut également être difficile chez les malades obèses. Dans ces cas, nous utilisons la voie TPRC. Cette voie possède des avantages similaires à la voie TPRR, notamment la stabilité de l’espace de travail et l’isolement du champ opératoire par rapport à la masse intestinale. L’inconvénient principal de la voie TPRC est l’exposition du collet anévrismal lorsqu’il est court. La VRG barre l’exposition et peut être plaquée contre l’aorte. Elle doit être réclinée vers le haut ou sectionnée.

Si le malade a des antécédents de néphrectomie gauche, une voie TPD peut être réalisée. Les chirurgiens vasculaires sont familiarisés avec cette voie qui utilise les principes de la voie conventionnelle transpéritonéale. Cependant, les deux problè- mes majeurs sont — les difficultés d’exposition avec l’intrusion des anses grêles dans le champ opératoire et — les difficultés de couverture de la prothèse en fin d’intervention.

Voie d’abord rétropéritonéoscopique (RP) [18]

Le malade est placé en décubitus dorsal légèrement incliné vers la droite avec un billot sous la partie gauche de l’abdomen (Fig. 1D). L’opérateur est à gauche du malade. La colonne de vidéoscopie est à droite et aux pieds du malade. Le premier trocart, destiné à l’optique, est positionné par technique ouverte à mi-distance entre rebord costal et crête iliaque gauches. Le décollement rétropéritonéal est rétrorénal.

L’insufflation du rétro-pneumopéritoine complète ce décollement. L’AAA est abordé par sa face gauche en remontant vers le collet proximal. L’exposition est maintenue par un endorétracteur qui soulève et refoule le sac péritonéal à droite.

L’inconvénient principal de la voie RP est la difficulté d’exposition due à l’étroitesse du champ opératoire. Nous réservons cette voie aux rares cas d’abdomens très hostiles et aux insuffisants respiratoires majeurs.

Quelle que soit la voie d’abord utilisée, l’exposition des artères iliaques externes (AIE) ou des artères fémorales communes, si elle est nécessaire, est réalisée de manière conventionnelle, avant ou après l’exposition de l’AAA. Le malade est alors positionné en décubitus dorsal après déflation du coussin latéral et horizontalisation de la table.

Mise à plat-greffe de l’anévrisme sous vidéoscopie

Avant le clampage aortique, une héparinisation par voie générale est administrée au malade (0,5 mg/kg).

Les clamps iliaques (Storz France SA, Paris, France) sont introduits dans l’abdomen en fosse iliaque gauche par voie transcutanée. Un endorétracteur (Endoretract II, USSC, Autosuture Company, Élancourt, France) est placé par le trocart sous costal gauche et positionné au bord droit du collet anévrismal, sous l’artère rénale gauche. Il est stabilisé dans cette position à l’aide d’un bras de fixation autostatique (Storz France SA, Paris, France).

Le clamp aortique proximal est introduit par un trocart placé dans le flanc gauche, en arrière du trocart de l’optique.

L’artère mésentérique inférieure, les artères lombaires et l’artère sacrée moyenne sont occluses par des clips avant l’ouverture du sac anévrismal (Ligaclip ERCA, Ethicon endosurgery, Johnson-Johnson Company Intl, Issy-Les-Moulineaux, France).

Les artères iliaques sont alors clampées. L’aortotomie est longitudinale, réalisée sur le bord gauche du sac anévrismal. L’aorte est maintenue ouverte par traction sur un fil qui a été placé préalablement dans la paroi du sac anévrismal. Le thrombus mural est extrait et momentanément positionné en fosse iliaque gauche ou dans l’hypochondre. Des techniques complémentaires de contrôle des artères lombaires peuvent être utilisées si le contrôle externe n’a pas été complet : — contrôle externe par clips après l’ouverture du sac anévrismal en rétractant la paroi aortique postérieure vers la droite et/ou — contrôle endosacculaire par agrafes (EMS, Ethicon Endosurgery, Johnson-Johnson Company Intl, Issy-Les-Moulineaux, France) et/ou par des points simples de polypropylène préalablement bloqués sur attelle prothétique.

Une préparation parfaite des sites anastomotiques est essentielle pour faciliter les sutures vidéoscopiques. L’aorte est sectionnée transversalement au niveau des collets, soit complètement soit en conservant un mur de paroi aortique.

La prothèse vasculaire en polyester (Gelweave® ou Gelsoft Plus®, Vascutek-Terumo, Inchinnan, Scotland) est préparée et introduite dans l’abdomen par l’un des trocarts. Les anastomoses aorto-prothétiques proximale et distale sont transversales et termino-terminales, débutées par un point libre et complétées par deux hémi-surjets.

Les fils dédiés aux hémi-surjets des anastomoses sont en Poly-tétra-fluoro-éthylène, longs de 18 à 22 cm et noués sur des attelles carrées en feutre de Téflon de 10 mm de côté (Fils PTFE CV3/30mm, Goretex®, Flagstaff, Arizona). Les fils dédiés aux points simples sont en polypropylène, longs de 10 à 12 cm et noués sur des attelles de 2 mm. Les hémi-surjets sont solidarisés entre eux par un nœud intracorporel (Fig. 4).

Le tube aorto-aortique est mis en charge après les manœuvres de purges habituelles.

Fig. 4. — Vue opératoire montrant l’anastomose proximale d’un tube aorto-aortique réalisé sous vidéoscopie par voie TPRR. (la flèche indique l’artère rénale gauche).

À la fin de la procédure, le thrombus mural est retiré dans un sac (Endo Catch Gold 10 mm, USSC, Autosuture Company, Élancourt, France). L’inspection vidéoscopique permet d’évaluer la viabilité du colon gauche. Un contrôle Doppler (Ultrasonic Doppler Flow Detector, modèle 811b, Parks medical electronics inc, Aloha, Oregon, USA) peropératoire est réalisé pour vérifier le flux rétrograde dans l’artère mésentérique inférieure. Si elle est nécessaire, la réimplantation de l’artère mésenté- rique inférieure peut être réalisée sous vidéoscopie [19] ou par une courte laparotomie. Un drainage latéro-prothétique par redons est mis en place. Le malade est alors positionné en décubitus dorsal, ce qui permet de ramener la masse viscérale à sa place. La prothèse aortique est ainsi correctement isolée des anses digestives.

Les variantes techniques dépendent surtout l’étendue de l’anévrisme. Lorsqu’un pontage aorto-bisiliaque est nécessaire, une implantation totalement vidéoscopique est possible au niveau des bifurcations iliaques. Si une implantation plus distale est nécessaire, nous préférons réaliser un abord direct des artères iliaques externes ou fémorales. La prothèse bifurquée est introduite dans l’abdomen. Les jambages sont d’emblée tunnelisés vers les incisions périphériques, iliaques ou fémorales. Dès que la prothèse a été positionnée, les anastomoses distales sont réalisées en premier. On repositionne ensuite le malade en décubitus latéral droit pour la mise à plat-greffe de l’AAA sous vidéoscopie. Au déclampage de l’anastomose proximale, les axes arté- riels des membres inférieurs sont d’emblée remis en charge. Le temps de clampage aortique se limite ainsi au temps nécessaire à la mise à plat de l’AAA et à la réalisation de l’anastomose proximale.

Lorsqu’il s’agit d’un anévrisme pararénal, la voie d’abord d’excellence est la voie TPRR. Elle permet facilement une dissection et un clampage suprarénal, intercoelio-mésentérique ou supra-coeliaque. La dissection est menée en amont de l’artère rénale gauche par la section du ligament arqué et du pilier gauche du diaphragme. Le problème principal pour ce type d’anévrisme est le temps de clampage supra-rénal ou supra-viscéral.

Expérience clinique

De février 2002 à septembre 2010, nous avons réalisé 239 cures chirurgicales d’AAA sous vidéoscopie. Les données numériques sont exprimées en médiane (extrêmes).

L’age des malades était de 71,2 ans (43-85). Le diamètre des AAA était de 52 mm (extrêmes 40-97mm).

Nous avons réalisé 120 tubes aorto-aortiques et 119 pontages bifurqués. La voie d’abord était une TPRR, TPRC, TPD et RP chez respectivement 174, 60, 2 et 2 malades. Un malade a nécessité une conversion immédiate. Seize autres malades ont nécessité une conversion en cours de procédure (7,1 %), principalement en raison de difficultés d’exposition ou lorsque l’AAA était pararénal chez un malade jugé fragile pour un clampage supra-rénal.

La durée opératoire et le temps de clampage aortique étaient respectivement de 262 min (100-540) et 79,7mn (20-180). Cinq malades (2,1 %) sont décédés en post-opératoire. Deux malades avaient des antécédents de coronaropathie sévère, le troisième malade est décédé de complications thrombo-emboliques diffuses, les deux derniers malades ont présenté une colite ischémique avec défaillance multiviscérale. Le seul facteur prédictif de mortalité en analyse multivariée est la classification ASA préopératoire (Tableau I). La durée de l’iléus a été d’un jour. La reprise

Tableau I. — Facteurs prédictifs de mortalité Analyses univariées Analyse multivariée HZ (log rank) (modèle de Cox) [IC 95 %] p p Age 0.055 0.33 Diamètre de l’AAA 0.46 4 Score ASA 0.0026 0.008 [1.5-10.8] BMI 0.44 Conversion 0.034 0.08 Durée totale intervention 0.26 Durée clampage aortique 0.53 Pertes de sang 0.13 Type de revascularisation 0.026 0.08 Gestes associés à la chair aortique 0.95 Gestes pour gérer les 0.67 complications vasc de chir aortique Voie d’abord coelio 0.75 Insuffisance rénale 0.07 0.09 L collet aortique proximal 0.24 Température 0.18 Clampage supra rénal 0.36 de l’alimentation et la marche s’effectuait respectivement au premier et troisième jour post-opératoire. La durée de séjour hospitalier était de 8 jours (3-74). La survie actuarielle à 5cinq ans a été de 86 %. Un seul évènement tardif était en rapport avec la prothèse aortique (thrombose de jambage prothétique au décours d’une procé- dure neuro-endovasculaire). Un malade a été réopéré à 24 mois pour une éventration sur un orifice de trocart. Il n’y a pas eu d’autre hospitalisation pour une complication vasculaire ou abdominale en rapport avec la procédure vidéoscopique initiale.

CONCLUSION

La chirurgie sous vidéoscopie des AAA est faisable et sure avec des étapes techniques bien standardisées. Elle permet de réaliser un traitement complet de l’ané- vrysme aortique comme en chirurgie traditionnelle. L’absence d’ouverture de la cavité abdominale réduit considérablement le risque de complications tardives abdominales et pariétales. En revanche, la diffusion de cette technique reste limitée car la plupart des chirurgiens vasculaires n’ont pas eu de formation spécifique en vidéoscopie. Pour ces raisons, un entraînement régulier et prolongé aux sutures vidéoscopiques est essentiel. Ce challenge technique soulève aussi le problème de la sélection des centres susceptibles de lancer un programme de vidéoscopie aortique.

Le pré-requis indispensable est un volume d’activité de chirurgie aortique suffisant pour surmonter rapidement la courbe d’apprentissage et maintenir une expérience régulière tout en pratiquant les autres techniques opératoires aortiques, notamment les techniques endovasculaires.

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DISCUSSION

M. Jean NATALI

Pour quelles raisons avez-vous effectué des conversions hémorragiques ? Ou autres ? Il s’agit indiscutablement d’une intervention difficile à exécuter. Dans combien de services de chirurgie vasculaire est-elle utilisée en France ?

Les conversions, qui consistent à arrêter la procédure vidéoscopique pour réaliser une chirurgie par voie ouverte, sont décidées dans quatre circonstances : — lorsqu’il y a des difficultés d’exposition, — lorsque la vidéoscopie ne permet pas de réaliser les gestes opératoires adaptés, — lorsqu’il faut traiter rapidement une complication opératoire et — lorsque le malade ne supporte pas les conditions de la vidéoscopie, notamment la pression abdominale du pneumopéritoine ou la position opératoire. Dans notre expé- rience, il y a eu une nécessité de conversion dans 7,1 % des cas. Les indications de conversion étaient principalement de types 1-2. Pour les conversions de type 1, les causes principales étaient la dilatation peropératoire diffuse de l’intestin grêle, les adhérences intra-abdominales et un espace de travail réduit, notamment dans les petites cavités abdominales et les voies rétropéritonéoscopiques. Pour les conversions de type 2, les causes principales étaient les anévrismes englobant les artères rénales, les calcifications massives du carrefour aorto-iliaque et un cas de fistule aortico-cave méconnue en préopératoire. Pour les conversions de type 3, trois complications opératoires sont concernées, une suspicion de plaie de la veine iliaque lors du clampage, une plaie de l’intestin grêle par un instrument et la section d’une veine rénale gauche rétro-aortique. Il n’y a pas eu de conversion de type 4. La chirurgie vidéoscopique des anévrismes aortiques est effectivement une intervention difficile pour les chirurgiens vasculaires qui n’ont pas de formation et de pratique laparoscopique régulière. L’entraînement technique préalable est indispensable avant de débuter les premières procédures. Actuellement, quatre services de chirurgie vasculaires français ont réalisé plus de cinquante procédures.

D’autres équipes ont une expérience plus limitée ou débutante.

 

M. Iradj GANDJBAKHCH

Quelles sont les indications respectives de la chirurgie vidéo et de l’endoprothèse dans ce type d’anévrisme ?

La place actuelle de la vidéoscopie dans le traitement des anévrismes de l’aorte abdominale dépend de l’expérience des équipes. Dans une équipe entraînée, la vidéoscopie est complémentaire de la chirurgie traditionnelle et des endoprothèses aortiques. Pour les indications respectives des différentes techniques, le choix procède en deux étapes. La première étape est de décider si le malade a une indication d’endoprothèse. Actuellement, aucune étude ne permet de justifier l’utilisation systématique des endoprothèses aortiques chez les malades à risque opératoire normal. Les résultats des grandes études randomisées ont montré que — la mortalité immédiate des endoprothèses est d’environ 3 % inférieure à celle de la chirurgie traditionnelle, — la mortalité à moyen terme liée à l’anévrisme est supérieure après endoprothèse, notamment du fait de ruptures secondaires et de la nécessité de réinterventions, — le taux de réintervention est plus élevé après endoprothèse, — le coût global est plus élevé après endoprothèse, — la qualité de vie à long terme est supérieure après chirurgie traditionnelle, — la survie à long terme est identique pour les deux techniques. En résumé, l’endoprothèse est indiquée prioritairement si les critères morphologiques sont favorables et si le malade a un risque opératoire élevé. Si l’endoprothèse n’est pas indiquée, la deuxième étape du choix est la discussion entre chirurgie traditionnelle et vidéoscopie Sont exclus du choix de la vidéoscopie les anévrismes associés à des lésions artérielles diffuses rénales et/ou digestives et les anévrismes rompus, inflammatoires ou infectieux. Les malades ayant un anévrisme juxtarénal ou un abdomen très hostile ne sont pas formellement récusés pour la vidéoscopie mais la procédure risque d’être complexe. Pour les autres malades, la chirurgie de l’anévrisme aortique peut être réalisée sous vidéoscopie.

M. Maurice-Antoine BRUHAT

Vous prouvez que des interventions lourdes sont possibles par la laparoscopie ?

Effectivement, la vidéoscopie en chirurgie vasculaire concerne des procédures lourdes.

Les risques de complications graves sont importants si les procédures se traduisent par des temps de clampage aortiques longs, des saignements importants et des erreurs techniques. Ces difficultés ont découragé la plupart des chirurgiens vasculaires d’autant qu’ils n’ont pas eu d’enseignement spécifique en vidéoscopie durant leur formation. La faisabilité de ces procédures en vidéoscopie implique un entraînement préalable. Le principe essentiel qu’il faut respecter est de réaliser une conversion et de ne pas s’acharner en vidéoscopie lorsque la procédure devient difficile.

M. Daniel LOISANCE

Le brio de ces présentations cache en vérité un vrai problème. L’intervention est d’une difficulté extrême, dont l’acquisition pour un jeune chirurgien est problématique. Comment envisagez-vous les formations des chirurgiens à cette technique ?

Comme l’on souligné les commentaires précédents et celui de Daniel Loisance, la vidéoscopie aortique est une technique difficile. Le problème majeur pour un jeune chirurgien en formation est plus général car il devient difficile d’acquérir une technicité de haut niveau dans tous les domaines de la chirurgie aortique. En effet, la diffusion des techniques dilue le volume d’activité respectif pour chaque technique. Pour se former en vidéoscopie aortique, ce problème est amplifié car les centres formateurs sont rares et la courbe d’apprentissage est longue. La formation des jeunes chirurgiens vasculaires à cette technique ne peut se faire que dans des centres experts disposant d’un volume d’activité suffisant pour enseigner la vidéoscopie et les autres techniques. L’utilisation des techniques de formation virtuelle, l’entraînement personnel et les cours organisés dans les écoles de chirurgie sont bien sûr des compléments indispensables au compagnonnage réalisé dans ces centres. L’assistance du robot est un outil prometteur pour faciliter la gestuelle et la visualisation en vidéoscopie. Elle est déjà largement utilisée dans d’autres disciplines. Pour la chirurgie aortique ses bénéfices sont plus difficiles à affirmer. Il semblerait que la réalisation des anastomoses soit plus accessible pour un chirurgien peu entrainé. Les deux problèmes majeurs du robot restent le coût et l’absence de retour de force. Le coût, élevé à l’acquisition du robot, pour le matériel à usage unique de chaque procédure et pour la maintenance, oblige à mutualiser les moyens entre les disciplines d’un même centre. L’absence de retour de force expose à des lésions artérielles, notamment lorsque les artères sont calcifiées. Au total, je ne pense pas que la vidéoscopie aortique soit applicable par tous les chirurgiens vasculaires. Seuls ceux ayant un volume d’activité suffisant et ayant fait l’effort de la formation préalable dans les rares centres experts pourront débuter un programme de vidéoscopie aortique. Le compagnonnage avec un expert lors des premières procédures est à mon avis indispensable pour débuter sans risque ce programme. Sans ce compagnonnage, il est indispensable de débuter par des interventions de vidéoscopie pour traiter des lésions occlusives aorto-iliaques avant de passer au stade des anévrismes aortiques.

 

<p>* Chirurgie vasculaire, Centre Hospitalier Universitaire Ambroise Paré, 9 avenue Charles de Gaulle, 92104 Boulogne-Billancourt Cédex. Faculté de Médecine Paris-Ile de France-Ouest, Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines, France, e-mail : marc.coggia@apr.aphp.fr Tirés à part : Professeur Marc Coggia, même adresse Article reçu le 13 octobre 2011, accepté le 7 novembre 2011</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 8, 1899-1911, séance du 8 novembre 2011