Résumé
La chirurgie des adénomes hypophysaires n’a cessé d’évoluer depuis ses débuts, marquée par le développement des voies d’abord transsphénoïdales, l’utilisation du microscope puis plus récemment par l’avènement de l’endoscopie et de la vidéo chirurgie. Ces interventions donnent généralement de très bons résultats avec une faible morbidité lorsqu’elle est pratiquée par des équipes entraînées. Le traitement de ces patients nécessite une étroite collaboration multidisciplinaire entre des endocrinologues, des neurochirurgiens et des radiologues habitués à cette pathologie.
Summary
The endoscopic approach is increasingly used for surgical treatment of pituitary adenomas. Early outcome is generally excellent, especially in experienced hands, and particularly for non invasive tumors. Treatment of these patients requires multidisciplinary collaboration among endocrinologists, radiologists and neurosurgeons.
INTRODUCTION
La prise en charge des adénomes hypophysaires n’a cessé ces dernières années de progresser, que ce soit sur la compréhension des mécanismes physiopathologiques, ou sur les traitements. Si l’avènement de nouvelles molécules a permis de disposer de traitements médicaux plus efficaces, la chirurgie des adénomes hypophysaires a elle aussi progressé, notamment avec le développement de l’endoscopie et de la vidéochirurgie permettant d’améliorer les résultats mais surtout de diminuer la morbidité de ces interventions.
Les adénomes hypophysaires étant des pathologies relativement rares, ils nécessitent une prise en charge multidisciplinaire associant endocrinologues, radiologues et neurochirurgiens expérimentés dans ce domaine.
RAPPELS HISTORIQUES
La première voie d’abord chirurgicale transsphénoïdale fut réalisée par Cushing en 1909 pour le traitement d’un acromégale [1], il modifia et utilisa cette approche avant de l’abandonner en 1929 en raison d’un nombre trop important de complications infectieuses [2].
Après l’avènement des antibiotiques, c’est en 1953 que Gérard Guiot, créateur du service de Neurochirurgie de Foch, remis au goût du jour cette voie d’abord transsphénoidale sous labiale en utilisant la fluoroscopie. Dès 1963 Gérard Guiot décrit la première utilisation de l’endoscopie au cours d’une voie transsphénoidale sous labiale [3]. À l’époque le manque d’instrumentation adaptée ne permettait pas d’envisager une autre utilisation de l’endoscope que pour une simple observation.
Jules Hardy et Patrick Derome, qui ont été formés par Gérard Guiot ont introduit l’utilisation du microscope opératoire lors de ces voies transsphénoïdales souslabiales [4]. Durant de nombreuses années, la voie d’abord transsphénoïdale souslabiale sous microscope opératoire restera le « gold standard » de la chirurgie hypophysaire. C’est en 1997 que Jho rapporte la première série de malades opérés d’un adénome hypophysaire par endoscopie [5]. Les dix années qui suivirent ont permis le développement progressif des techniques endoscopiques et la création d’instrumentations dédiées et de systèmes vidéos de plus en plus performants [6].
Actuellement l’abord endoscopique endonasal dans la chirurgie des adénomes hypophysaires est en passe de devenir le nouveau « gold standard ».
TECHNIQUE CHIRURGICALE
L’immense majorité (>99 %) des adénomes hypophysaires sont opérés par voie transsphénoïdale endoscopique endonasales. Rares sont les indications à opérer par voie intra-cranienne (<1 %). Quelques patients peuvent nécessiter une préparation médicale pré-opératoire comme par exemple certaines maladies de Cushing ou Acromégalies sévères. S’il existe une insuffisance corticotrope pré-opératoire, elle doit bien entendue être supplétée avant l’intervention [7]. L’irm hypophysaire préopératoire est essentielle et doit être de qualité optimale afin d’avoir un bilan anatomique précis pour évaluer au mieux les chances de guérisons post-opératoires.
FIG 1. — Abord endoscopique narinaire droit Les patients sont opérés sous anesthésie générale par voie narinaire endoscopique unilatérale (Figure 1).
Après avoir incisé la muqueuse septale au contact du rostre il est réalisé une sphénoïdotomie qui permet d’aborder le sinus sphénoïdal. La pneumatisation plus
FIG. 2. — Visualisation endoscopique des repères osseux au niveau du sinus sphénoïdal. Le champ de vision obtenu sous microscope est plus restreint, figuré par le rectangle noir A.
ou moins importante de ce sinus peut nécessiter un fraisage du sphénoïde afin d’aborder le plancher de la selle turcique. L’utilisation de l’endoscopie permet d’avoir une meilleure information visuelle avec un champs de vision plus large que sous microscope (Figure 2).
La selle turcique est alors ouverte, puis la dure-mère de la selle est incisée permettant de visualiser l’hypophyse et l’adénome (Figures 3a, 3b). Selon les cas, la visualisation de l’adénome peut être évidente ou bien au contraire il peut être nécessaire d’explorer le parenchyme hypophysaire à la recherche d’un micro adénome millimé- trique comme dans certains cas de maladie de Cushing.
L’objectif optimal étant de pratiquer l’exérèse complète de l’adénome tout en respectant au mieux le parenchyme hypophysaire normal.
En fin d’intervention le plancher sellaire est reconstruit à l’aide d’un fragment d’os issu du rostre, le septum est remis en place et dans l’immense majorité des cas il n’y a pas de méchage narinaire.
FIG. 3a : Exérèse d’un adénome somatotrope.
FIG. 3b. — Exploration de la cavité d’exérèse, avec la visualisation de l’hypophyse saine et du diaphragme sellaire.
L’intervention par voie trans-sphénoïdale endoscopique dure en moyenne 30 à 45 minutes. La durée de l’hospitalisation est de trois à quatre jours. Cette durée est liée essentiellement à la surveillance métabolique et endocrinienne et au risque de diabète insipide post-opératoire transitoire.
Les modalités de l’intervention sont strictement consignées dans le compte rendu opératoire, de façon à aider l’interprétation radiologique d’un éventuel résidu tumoral sur les contrôles ultérieurs.
INDICATIONS ET RÉSULTATS
Au cours de l’année 2007 et 2008, 376 adénomes hypophysaires ont été opérés dans le service de Neurochirurgie de Foch (Tableau 1).
TABLEAU 1. — répartition des adénomes hypophysaires opérés à Foch en 2007 et 2008 Adénomes Corticotropes 24,6 % Adénomes à GH 24,6 % Adénomes à Prl 14,6 % Adénomes à TSH 2,1 % Adénomes Non Fonctionnels 34,1 % Adénomes sécrétants •
Adénomes corticotropes : en cas de maladie de Cushing, l’exérèse chirurgicale de l’adénome est le traitement de première intention (Figures 4a, 4b, 4c) L’irm hypophysaire met en évidence un adénome dans environ les deux tiers des cas, mais dans un tiers des cas elle ne permet pas d’individualiser clairement un adénome et on parle alors de maladie de Cushing à irm normale. Si il existe une concordance clinique et biologique en faveur d’une hypersecrétion d’ACTH d’origine hypophysaire, le plus souvent est décidée alors une exploration chirurgicale hypophysaire. Dans le cas contraire un cathétérisme des sinus pétreux est réalisé afin d’affirmer ou non l’origine hypophysaire de l’hypersécrétion.
Les résultats de cette chirurgie sont globalement bons avec un taux global de rémission de 80 %. Les facteurs prédictifs de rémission sont essentiellement l’existence d’un adénome bien visible à l’irm, la taille de l’adénome, l’absence d’invasion des structures avoisinantes et notamment du sinus caverneux .(Tableau 2) . Le taux de récidive à distance est d’environ 16 % avec une médiane de quarante-quatre mois.
En cas de récidive, la réintervention est possible mais avec des chances de rémission un peu moins bonnes.
FIG. 4a. — micro adénome corticotrope visible sur l’irm en coupe coronale FIG. 4b — Micro adénome corticotrope visible FIG. 4c. — vue per opératoire d’un micro adé- sur l’irm en coupe sagittale nome corticotrope
TABLEAU 2. —résultats chirurgicaux de la maladie de Cushing — série endoscopique Foch Adénomes Corticotropes
Taux de rémission (%)
IRM visualisant un adénome 88,2
IRM normale 65,8
Taux de rémission (%)
IRM positive et 1re intervention 91
IRM positive et réintervention pour récidive 72,7
Taux de rémission (%) microadénome 89,8 macroadénome 84,2 •
Adénomes somatotropes : il est impératif chez les patients acromégales d’obtenir à brève échéance, une normalisation de leur GH et Igf1 ; ceci afin d’éviter la morbidité liée à cette hypersécrétion. Les traitements médicaux de l’acromégalie ont beaucoup progressés ces dernières années, toutefois la chirurgie garde une place prépondérante et est proposée en première intention chaque fois que l’adé- nome est non invasif et semble extirpable, (Figures 5a, 5b)
En cas d’adénome invasif, même si la chirurgie à elle seule ne peut prétendre obtenir une rémission, l’exérèse partielle de l’adénome permet très souvent d’optimiser les résultats des traitements médicaux.
Les facteurs prédictifs de mauvais pronostic sont le caractère invasif de l’adénome, sa taille supérieure à 15 mm, une importante hypersécrétion de GH et Igf1 et le jeune âge des patients [8], (Tableau 3).
TABLEAU 3. — résultats chirurgicaux de l’acromégalie — série endoscopique Foch Adénomes Somatotropes
Taux de rémission (%) microadénome 84,2 macroadénome 65,6
Taux de rémission (%) igf1 < 1000 73,7 igf1 > 1000 60,8
Taux de rémission (%)
GH = 10 88,9 10 < GH < 30 80,9
GH > 30 56,1
Le taux global de rémission, sans tenir compte des différents facteurs a été d’environ 53 %. C’est-à-dire que pour beaucoup de patients il sera nécessaire d’associer la chirurgie, les traitements médicaux et parfois même la radiothérapie pour parvenir à contrôler cette hypersécrétion. Toutefois en cas de micro adénome non invasif ce taux de rémission est supérieur à 80 %.
FIG. 5a. — irm pré opératoire d’un macro adénome somatotrope (1 : coronale ; 2 : sagittale)
FIG. 5b. — irm post opératoire d’un macro adénome somatotrope (1 : coronale ; 2 : sagittale) •
Adénomes à Prolactine : depuis l’amélioration du traitement médical et notamment la diminution des effets secondaires, les indications chirurgicales des prolactinomes ont nettement diminuées. Dans le service les adénomes à prolactine sont passés progressivement de 35 % des adénomes opérés à 15 %.
Les résultats sont influencés par la taille de l’adénome et le niveau d’hypersé- crétion pré-opératoire (Tableau 4).
TABLEAU 4. — résultats chirurgicaux des prolactinomes — série endoscopique Foch Adénomes à Prl
Taux de rémission (%) microadénome 91,7
Macroadénome 68,4
Taux de rémission (%)
Prl < 100 90 100 < Prl < 200 78,3
L’attitude actuelle, dans le service, en ce qui concerne les micro prolactinomes consiste à informer les patientes des risques et des bénéfices des deux possibilités thérapeutiques, médicale et chirurgicale, et de leur laisser le choix, (Figures 6a, 6b) •
Adénomes thyréotropes : ces adénomes sont très rares et ne représentent que 2 % des cas dans cette série. Le taux de rémission post-opératoire a été de 67 %.
FIG. 6a. — irm pré opératoire d’un micro adé- FIG. 6b. — irm post opératoire d’un micro nome à Prl adénome à Prl Adénomes non sécrétants
Les adénomes sont dits non fonctionnels ou non sécrétants lorsqu’il n’existe aucun signe clinique ou biologique d’hypersécrétion hormonale. En fait dans plus de 80 % des cas, ces adénomes sont gonadotropes à l’immunomarquage.
Ils sont révélés le plus souvent par des troubles visuels (altération campimétrique et baisse d’acuité visuelle), dus à la compression des voies visuelles par un volumineux adénome. Il existe très fréquemment une insuffisance antéhypophysaire sur un ou plusieurs axes, due à la compression de l’hypophyse saine par l’adénome, (Figure 7).
La découverte fortuite, d’adénomes non sécrétants ou gonadotropes de taille plus réduite, est de plus en plus fréquente en raison de la réalisation plus courante d’irm cérébrale demandées pour un autre motif. Dans cette situation l’attitude dépend de la taille de l’adénome et de l’âge du patient. En cas de petit adénome intra sellaire sans retentissement visuel ni endocrinien une simple surveillance visuelle et irm est
FIG. 7 : Volumineux macro adénome non sécrétant — irm en coupe coronale réalisée. En cas d’adénome plus gros à proximité du chiasma, l’exérèse chirurgicale « préventive » est proposée au patient en raison du risque visuel à court ou moyen terme ; ce d’autant qu’il s’agit d’un patient jeune.
En cas d’invasion des structures adjacentes, notamment au niveau du sinus caverneux, le reliquat post-opératoire peut faire l’objet d’une radiothérapie stéréotaxique complémentaire s’il est évolutif.
Cette chirurgie permet le plus souvent une amélioration visuelle, avec une exérèse complète de l’adénome dans 75 % des cas, (Tableau 5).
TABLEAU 5. — résultats visuels après chirurgie des adénomes non sécrétants — série endoscopique Foch — Adénomes NS normalisé ou amélioré inchangé aggravé
Acuité Visuelle 95,90 % 3,12 % 0,92 % Champs Visuel 85,20 % 14,80 % Les facteurs prédictifs de la qualité de l’exérèse sont essentiellement le caractère invasif de l’adénome et sa consistance.
L’exérèse des volumineux adénomes fibro-hémorragiques est assez souvent difficile, et comporte un risque d’aggravation visuelle ou de rhinorrhée cérébro-spinale plus important. Dans ces situations, nous avons développé dans le service, depuis quelques années, une stratégie originale ; celle des exérèses en deux temps.
Cette attitude nous a permis d’optimiser la qualité d’exérèse d’une part et de diminuer les complications d’autre part , (Figures 8a, 8b, 8c)
FIG. 8a. — irm pre opératoire (1: sagittale, 2: coronale) d’un macro adénome non sécrétant fibro-hémorragique FIG 8b — irm post opératoire (1: sagittale, 2: coronale) de la première intervention.
FIG. 8c — irm post opératoire (1: sagittale, 2: coronale) de la seconde intervention.
COMPLICATIONS
Les complications de cette chirurgie sont rares. La plus fréquente est le diabète insipide transitoire qui doit plus être considéré comme une conséquence réversible que comme une complication vraie. Il dure en moyenne trois à quatre jours, (Tableau 6).
TABLEAU 6. — Complications — série endoscopique Foch Complications Décès 0 % Plaie Carotide 0 % Diabète Insipide transitoire 11,10 % Diabète insipide prolongé 1,30 % Rhinorrhée post-opératoire 1,16 % Méningite 0,90 % Nouveau déficit hypophysaire 3,20 % Epistaxis 0,90 % Hématome 0,46 % L’apparition d’une insuffisance hypophysaire ou d’une aggravation visuelle ne se voient quasiment jamais dans le cas des micro adénomes.
L’utilisation de l’endoscopie a réduit de façon très nette les complications rhinologiques de la voie d’abord transsphénoidale [9-11].
Un des facteurs majeurs de la qualité du résultat et du taux de complications reste l’expérience du chirurgien [9, 12].
CONCLUSION
La quasi totalité des adénomes hypophysaires sont opérés par voie transsphénoï- dale, y compris les récidives. Cette chirurgie est maintenant réalisée sous endoscopie permettant d’obtenir les mêmes résultats endocriniens et tumoraux en diminuant nettement la morbidité de la voie d’abord et en améliorant le confort des patients. Le caractère peu invasif de cette chirurgie permet de la proposer même à des patients très âgés.
La décision chirurgicale et surtout la prise en charge globale de ces patients nécessite une collaboration multidisciplinaire étroite entre des endocrinologues, des neurochirurgiens et des radiologues expérimentés dans ce domaine.
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DISCUSSION
M. Jean-Louis CHAUSSAIN
L’abord neurochirurgical de l’hypophyse des malades atteints d’une maladie de Cushing ne permet pas toujours de mettre en évidence un adénome. Et pourtant des guérisons postopératoires peuvent être observées chez certains de ces patients. Quelle en est l’explication actuelle ?
Dans les cas de maladie de Cushing avec IRM négative, l’adénome est de très petite taille millimétrique, et peut au cours de l’exploration hypophysaire chirurgicale être emporté par la micro-aspiration du chirurgien. Ceci explique que dans certains cas bien que l’examen anatomopathologique ne retrouve pas d’adénome, on observe une guérison du patient.
M. Emmanuel-Alain CABANIS
Quelle est l’attitude neurochirurgicale moderne en matière de récidive ? Existe-t-elle encore bien que non mentionnée dans votre exposé ? Modifie-t-elle votre protocole opératoire (choix de voie d’abord reprise ou changée, obstacle de la fibrose, risque de rhinorrhée à distance) ?
Les récidives obéissent aux mêmes règles décisionnelles que les patients opérés pour la première fois, nécessitant une collaboration étroite entre l’endocrinologue, le neuroradiologue et le neurochirurgien. La ré-intervention est comme dans toute chirurgie, un peu plus délicate mais reste la plupart du temps possible par voie trans-sphénoïdale. Le risque de rhinorrhée per opératoire est un peu plus important notamment pour les adénomes fibro-hémorragiques, mais il n’y a pas de majoration du risque de rhinorrhée post-opératoire.
M. Henri LACCOURREYE
Quel est l’intérêt de la chirurgie robotique ?
L’utilisation de la robotique dans la chirurgie endoscopique trans-sphénoïdale des adénomes hypophysaire n’est pas à ce jour validée, mais on peut penser que, comme dans toute procédure chirurgicale endoscopique, elle aidera peut-être dans l’avenir à faciliter la gestuelle chirurgicale. Actuellement cela reste dans le domaine du développement.
M. Jacques PHILIPPON
Avez-vous pu comparer les résultats endocriniens après chirurgie endoscopique et ceux de la voie transsphénoïdale classique ? Dans quelle mesure cette nouvelle technique permet-elle de traiter des lésions supra ou rétrosellaires ?
Il est difficile actuellement d’avoir une opinion tranchée sur l’apport de l’endoscopie en ce qui concerne les résultats endocriniens de cette chirurgie, dans la mesure où cette technique est relativement récente. Au vu des publications jusqu’à ce jour, il ne semble pas y avoir de différence significative, sur les résultats endocriniens, entre les séries opérées par abord microscopiques et celles par abord endoscopique. Toutefois il nous semble, dans notre expérience, qu’il y a peut-être une légère optimisation de ces résultats depuis l’utilisation de l’endoscopie. Ceci ne pourra être confirmé ou infirmé dans l’avenir, qu’après l’étude de cohortes plus importantes. — Par contre l’abord trans-sphénoïdal endoscopique comporte une vraie valeur ajoutée dans la gestion des lésions de l’espace rétro-chiasmatique (notamment les craniopharyngiomes) ou rétro-clivale, ces régions anatomiques étant difficile d’accès par voie intra-cranienne. L’utilisation des voies d’abord trans-sphénoïdales endoscopiques dites « étendues » nous semble un réel progrès dans la qualité d’exérèse de ces lésions et dans la morbidité post-opératoire. Par ailleurs les résections de la dent de l’odontoïde, classiquement faites par voie trans-orale, sont maintenant effectuées par voie endoscopique endonasale avec la même qualité de résection mais avec des suites opératoires beaucoup plus simples pour le patient et une morbidité diminuée.
M. François LEGENT
Utilisez-vous le matériel endoscopique de la chirurgie naso-sinusienne des ORL ? Avez-vous recours à la radioscopie ou à la navigation ?
Le matériel endoscopique utilisé pour la chirurgie hypophysaire et tumorale de la région sellaire et para sellaire est un peu différent de celui utilisé par les chirurgiens ORL, dans la mesure où l’objectif chirurgical est plus profond et situé dans un environnement de très petite taille (selle turcique), avec la nécessité de réaliser des dissections intra crâniennes, notamment vasculaires lors des voies étendues. En pratique courante, la neuronavigation n’est pas utilisée lors de la chirurgie des adénomes hypophysaires par voie endoscopique trans-sphénoïdale, dans la mesure où la qualité de vision des repères anatomiques associée à l’expérience du chirurgien est suffisante. Par contre la neuronavigation est utilisée lors des voies endoscopiques « étendues » réalisées pour l’exérèse de tumeurs intracrâniennes extra-sellaires. Le recours à la fluoroscopie étant de plus en plus rare.
M. Jacques-Louis BINET
Vous avez beaucoup insisté sur la qualité de l’équipe chirurgicale. Combien votre groupe a-t-il opéré d’adénomes cette année, et à partir de quel nombre une équipe peut être considérée comme compétente ?
L’activité de chirurgie hypophysaire dans le service de neurochirurgie de l’Hôpital Foch est le fruit de plusieurs générations de neurochirurgiens. Actuellement nous opérons environ cent quatre vingt-dix adénomes hypophysaires par an. Il est difficile de formaliser une activité minimale dans ce domaine pour déclarer compétent ou non un neurochirurgien. Toutefois on sait depuis la publication de Ciric que le taux de complications est lié à l’expérience du chirurgien et qu’en-dessous de deux cents interventions (pas par an mais au total) réalisées par un même chirurgien ce taux est plus important. Si l’on voulait extrapoler, on peut penser que la courbe d’apprentissage ne devrait pas excéder trois à quatre ans et donc qu’une activité annuelle d’environ cinquante adénomes paraît nécessaire pour obtenir une bonne spécialisation. La publication de Wass s’intéressant aux résultats endocriniens dans l’acromégalie a fait les mêmes constatations.
Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 7, 1573-1588, séance du 27 octobre 2009