Communication scientifique
Session of 13 février 2001

Chaîne du froid — Concept de traçabilité — Applications pratiques

MOTS-CLÉS : froid. industrie alimentaire.
The cold chain — The traceability concept — Pratical applications
KEY-WORDS : cold. food industry.

A. Gac, M.P. Durand

Résumé

La traçabilité permet de suivre l’évolution des qualités d’un produit alimentaire et, en particulier, sa salubrité. A partir de la notion de trépied frigorifique d’André Monvoisin, on examine les conditions de mise en œuvre de la chaîne du froid, produit sain, froid précoce, froid continu. Puis on présente deux théories, la théorie TTT et la théorie PPP. A propos des ruptures de la chaîne du froid au niveau des réfrigérateurs domestiques, après avoir rappelé les souhaits de l’Académie de médecine et du Centre national de la Consommation, sont examinés les moyens de contrôle pratique (mouchards) pour le réfrigérateur et pour les produits. Les différents indicateurs et intégrateurs sont présentés avec leurs limites. Les intégrateurs, temps — température sont plus largement examinés. La conclusion souligne la nécessité de rétablir la confiance des consommateurs rendus méfiants par les dernières crises alimentaires.

Summary

Traceability makes it possible to monitor the properties of a foodstuff in general and its safety in particular. Based on the « refrigerated trio » concept developed by André Monvoisin, cold chain implementation conditions are examinated, with emphasis on the following three aspects, a safe product and early and continuous application of refrigeration. The TTT and PPP theories are presented. Following an overview of the French Academy of Medecine and the National Consumer Centre’s recommendations, non compliance with the cold chain at household refrigerator level is discussed along with control equipment for refrigerators and products. Various indicators and integrators are presented and their described. Timetemperature integrators are examined in depth. In the conclusion, the authors stresse the need to restore consumer confidence following recent foof-safety scares.

CHAÎNE DU FROID — CONCEPT DE TRAÇABILITÉ

La traçabilité est définie comme la possibilité de suivre un produit aux différents stades de sa transformation et de sa commercialisation, en particulier dans les filières alimentaires. Elle est fondée sur deux concepts, le concept « évolution de la qualité » d’une denrée et le concept « historique », c’est-à-dire connaissance des durées de chaque étape de son utilisation.

Le terme qualité regroupe trois familles de caractéristiques, les caractéristiques hygiéniques, nutritionnelles et sensorielles. Un produit peut être sain et avoir mauvais goût, comme cela est le cas d’une viande traitée par rayonnement ionisant, ou être toxique tout en ayant un aspect et une saveur agréables, ce qui arrive quand une crème glacée est fabriquée dans des récipients mal lavés.

Si les consommateurs ont de tout temps privilégié la satisfaction gustative, ce n’est que relativement récemment qu’ils ont pris en considération les propriétés nutritionnelles et l’équilibre diététique de leur alimentation. Aussi, on pourrait regrouper sous le terme de caractéristiques commerciales ces deux types de propriétés.

En revanche, l’État est responsable de la santé publique. Il a le devoir de contrôler la chaîne alimentaire de sorte à garantir l’absence de toxicité de tous les produits remis aux consommateurs. Il fixe et impose les conditions à respecter selon la fragilité des substances. Il exige de tous les opérateurs de la chaîne alimentaire d’être en mesure de fournir l’historique d’une denrée, de sa production à la vente au détail. Enfin, il intervient chaque fois qu’il y a des accidents alimentaires graves.

Mais aujourd’hui, sensibilisés par les médias, les consommateurs ont pris conscience des risques et dangers dus à des négligences ou à des erreurs commises par l’un des opérateurs de la chaîne alimentaire. Ils désirent également, selon le principe de transparence, connaître les caractéristiques des aliments qu’ils achètent. Aussi, les producteurs ont l’obligation de fournir diverses informations. Actuellement, ces informations, telles que composition, origine, mode de préparation, date limite de conservation ou de consommation, … doivent être inscrites sur l’emballage pour les denrées préemballées. Récemment l’Académie nationale de médecine a recommandé que certaines informations essentielles, comme la température et la durée de conservation, soient également indiquées aux acheteurs pour les denrées fraîches d’origine animale non préemballées, comme les viandes coupées à la demande.

Bien entendu, les interventions de l’État et les obligations qu’il impose dépendent de la nature des produits ainsi que des traitements éventuels qu’ils ont subis.

Globalement, les produits alimentaires peuvent être classés en deux grandes caté- gories, les denrées périssables et les produits de l’épicerie sèche.

Les denrées périssables sont des substances alimentaires dont les caractéristiques hygiéniques et (ou) commerciales sont préservées plus longtemps quand elles sont maintenues à une température définie, différente et le plus souvent inférieure à celle de l’ambiance.

Leur commercialisation implique l’utilisation correcte de la chaîne du froid, ce que André Monvoisin a défini, de façon imagée, par l’expression de « trépied frigorifique », c’est-à-dire Produit sain, Froid précoce, Froid continu.

Produit sain

De façon très générale, le froid n’améliore pas les qualités d’un produit. Un fruit blessé, une viande avariée sont davantage altérés après un séjour au froid. Une des rares exceptions où le froid élimine une contamination est la désinfection des viandes ladres. Les parasites sont tués par la congélation dans un délai d’autant plus court que la température est plus basse.

L’absence d’effet de stérilisation par le froid impose que, dès la production, les règles strictes d’hygiène soient scrupuleusement observées tant dans les ateliers et locaux que par le personnel. Bien entendu, il peut se produire des manquements, dus à des pannes de machine de production de froid ou d’alimentation en électricité, ou à des contaminations microbiennes accidentelles. Il peut arriver que les matières premiè- res utilisées soient à l’origine d’une contamination. Cependant, le risque au stade de la production est limité, à la fois en raison de la compétence des responsables, de la fiabilité des équipements, de la brièveté des traitements des produits, de la conception et de la fréquence des nettoyages des locaux ainsi que de la généralisation de la mécanisation qui diminue le nombre des interventions humaines. Bien que l’on connaisse mal l’impact des opérations industrielles sur le risque d’intoxication, on estime que la cause de ces accidents alimentaires est de l’ordre de 3 à 5 %.

Froid précoce

Tout retard au refroidissement réduit le temps de commercialisation et d’utilisation d’une substance alimentaire périssable. Aussi, les traitements préalables au traitement frigorifique comme le blanchiment des légumes, le désossage et le pièçage des carcasses, le filetage des poissons doivent être effectués rapidement et le plus tôt possible. La congélation des poissons à bord des bateaux est un facteur de qualité, spécialement pour les poissons gras.

Cependant, il existe quelques exceptions. Par exemple, la quasi-totalité des produits conservés à basse température sont congelés sans délai sauf pour la viande de bœuf qui resterait dure. C’est pourquoi, les carcasses sont maturées par un
entreposage en chambre froide à +4° C pendant une à deux semaines préalablement à la congélation, de façon à développer un état de tendreté.

Froid continu

Il est bien établi que la chaîne du froid doit être ininterrompue.

Les denrées périssables sont le siège de multiples phénomènes d’altération, qui peuvent être des réactions biochimiques, une évolution physiologique ou la prolifé- ration de germes microbiens. De façon très générale, la loi de l’action du froid sur ces phénomènes biologiques est celle de Van’t’off ou encore celle du Q10. La constante du Q10 est une caractéristique de chaque type de phénomène, qui, dans une plage relativement étroite de température, est comprise entre 2 et 20. Ainsi, les pommes de terre et les châtaignes deviennent sucrées après quelques mois au froid, parce que l’hydrolyse de l’amidon en saccharose est plus rapide que la combustion des sucres par la respiration. A la température ambiante, le phénomène est inversé. La saveur sucrée disparaît rapidement.

Pour caractériser le comportement au froid d’une denrée, il faut choisir une réaction qui soit représentative de son évolution globale. Par exemple, pour les fruits réfrigérés, on adopte la relation de l’intensité respiratoire en fonction de la température, dont le Q10 est de l’ordre de 3 à 3,2. Pour les congelés et surgelés, les phénomènes représentatifs de leur état sont des changements de qualités organoleptiques, ce qui justifie l’importance de l’analyse sensorielle [1].

La préservation d’une denrée au froid est d’autant plus prolongée qu’elle est maintenue de façon permanente à la plus base température tolérée par la denrée.

Cette température, ou température requise, est de l’ordre de -20°C pour toutes les substances congelées et surgelées, un peu plus basse pour les crèmes glacées. Les denrées réfrigérées sont conservées à une température supérieure à leur température cryoscopique ou congélation commençante, qui est de -1,1° C pour les produits animaux, et qui est comprise entre -1,5 à -5° C pour les végétaux. En pratique, les viandes et les poissons sont conservés vers 0° C, alors que les fruits et légumes, qui sont des organes vivants, peuvent être atteints d’accidents physiologiques, les maladies du froid, au-dessous d’une température critique. Selon les espèces et les variétés, cette température est comprise entre 0 et +16° C.

Au cours de leur commercialisation, les denrées ne peuvent pas être maintenues rigoureusement en permanence à la température requise. Il existe des risques de ruptures de la chaîne du froid, qui se situent principalement durant les phases terminales de la commercialisation, c’est-à-dire les livraisons, la vente au détail et le séjour en réfrigérateur.

Dans l’entrepôt industriel des producteurs, la température est correctement contrô- lée et les risques de réchauffement sont très limités. Il en est de même pour les transports de masse, en engins frigorifiques gros porteurs, comme des semiremorques, à condition que les lots soient palettisés et qu’ils ne séjournent pas en
milieu non refroidi, que les manutentions soient mécanisées, que la caisse soit en bon état et, surtout, que la distribution de l’air intérieur soit homogène, ce qui n’est pas toujours le cas.

La théorie TTT

L’objectif de la chaîne du froid est de faire en sorte que, pour un coût minimal ou du moins acceptable, les consommateurs disposent du plus grand délai possible d’utilisation de denrées périssables de bonnes qualités hygiéniques, nutritives et sensorielles.

Or, comme chaque produit périssable a un comportement au froid spécifique, il est clair que, selon la succession des températures auxquelles il a été soumis, son délai de consommation peut être plus ou moins réduit.

C’est pourquoi, il est utile de connaître la relation temps/température caractéristique de chaque denrée [2]. Cette relation, qui a été étudiée à l’université d’Albany à propos de la préservation des qualités sensorielles des denrées congelées, est connue sous le sigle TTT (Time, Température, Tolérance). Entre -5 et -20°C, elle est représentée par une droite en coordonnées semi-logarithmiques temps-température.

En-dessous de -20°C, la durée de stockage est peu augmentée. Connaissant la relation TTT d’un produit, on peut déterminer la durée résiduelle de son utilisation à partir de l’historique des conditions antérieures de stockage.

Cette même théorie peut être appliquée aux denrées réfrigérées, encore que son intérêt soit moindre en raison de la relativement faible durée totale de commercialisation de ces denrées.

La théorie PPP

Le concept PPP (Product, Process, Packaging,) est apparu plus récemment. Il met en évidence l’importance de l’emballage et du conditionnement des paquets en fonction de la nature des produits et des traitements auxquels ils ont été soumis.

Le matériau d’emballage, qui est en contact direct avec la substance, est souvent un film plastique qui ne doit engendrer aucune toxicité. Il doit être de qualité alimentaire et chimiquement neutre. Son rôle peut être passif. Il protège les denrées contre les souillures et les contaminations qu’elles peuvent subir au cours de leur commercialisation et réduit leur perte de masse. Pour les produits congelés, il est souhaitable que le film soit plaqué sur la substance, de sorte à limiter l’apparition du givre et à éliminer l’air.

Le conditionnement est un sur-emballage, la plupart du temps en carton, servant de support informatif et publicitaire. Il protège les denrées des chocs et écrasements.

Aujourd’hui, on tend à adopter des emballages actifs, dits aussi fonctionnels [3]. Ils sont adaptés à chaque type de produit alimentaire. Ils peuvent prolonger la durée de
la conservation commerciale sans refroidissement ou avec un traitement frigorifique modéré, comme c’est le cas des semi-conserves. Le sachet peut être refermé, permettant, ainsi, la cuisson sous vide ou en four à micro-ondes ou encore une pasteurisation par irradiation ionisante. Par incorporation d’un additif ou même par greffages chimiques de molécules, ces emballages peuvent être sensibles aux changements indésirables de la composition du milieu gazeux interne ou encore à l’apparition de contaminations microbiennes. Ils peuvent aussi dégager de façon lente et progressive des vapeurs antiseptiques prolongeant la durée de l’état de salubrité d’une denrée. Ils peuvent aussi signaler les conditions antérieures de conservation (pastilles intégrant les facteurs temps/températures).

APPLICATIONS PRATIQUES

Tous les traitements, les équipements et les moyens de contrôle mis en œuvre à l’amont du réfrigérateur ménager contribuent à limiter les risques d’altération des produits périssables et à préserver l’ensemble de leurs propriétés sensorielles. Cependant, le principal point faible est le dernier maillon de la chaîne du froid qui est sous la seule dépendance des consommateurs.

Les souhaits officiels

L’Académie de médecine s’est émue de cet état de fait à la suite de récents incidents listériens sur des produits de charcuterie où il est apparu qu’un produit correct au départ pouvait se trouver fortement contaminé lors d’une mauvaise utilisation du réfrigérateur. Dans son communiqué en date du 14 mars 2000, l’Académie soulignait • La nécessité d’intensifier les recherches en vue de la mise au point de dispositifs permettant de s’assurer que la chaîne du froid n’a pas été rompue.

• La nécessaire information du consommateur sur les règles d’utilisation : éviter les produits chauds, les surcharges, nettoyage régulier, répartition spatiale en fonction des produits.

• Nécessité d’équiper les réfrigérateurs neufs d’un thermomètre à lecture visible si possible de l’extérieur et d’un compartiment dont la température sera maintenue entre 0 et 4° C.

• De même, un rapport émanant du Centre National de la Consommation soulignait un besoin croissant du consommateur d’être objectivement informé sur les produits et une exigence accentuée concernant la sécurité. En particulier les auteurs de ce document souhaitent disposer de témoins visibles les assurant du respect de la chaîne du froid et voudraient voir se généraliser des dispositifs du type « pastille fraîcheur » assurant l’absence de rupture de la température de conservation.

Les moyens de contrôle de rupture de la température de conservation

Il existe 3 types de contrôle :

• l’indicateur réversible, l’indicateur récupère sa couleur initiale lorsque la température est redescendue au-dessous du seuil maximal toléré ;

• l’indicateur irréversible : le changement de couleur est irréversible même si la température du produit est redevenue convenable ;

• l’indicateur temps-température : qui prend en compte les excès thermiques du produit et la durée de ceux-ci.

Les contrôles se font :

Au niveau du réfrigérateur

Outre l’examen régulier de la température, des « mouchards » sont proposés : ainsi un poisson en plastique plongé dans un verre d’eau dont la couleur verte de l’œil vire au noir réversible lorsque la température dépasse + 4° C. Tout récemment, la société Datitia a mis au point des encres qui changeraient de couleur à diverses températures, ces changements sont également réversibles. On pourrait apposer ces timbres aux différents étages du réfrigérateur.

Au niveau du produit

Tous ces indicateurs sont appliqués à la surface du produit à surveiller et sont en général des dispositifs jetables. Ils se subdivisent en diverses catégories :

Les indicateurs temps-température critique indiquant que le produit a été exposé à une température supérieure à la température de référence. Aucun d’entre eux ne relate l’historique de cette surexposition thermique. Nous en connaissons au moins cinq de ce type.

Les enregistreurs de température jetables

Les systèmes basés sur l’indication directe de la température (Datitia)

Pour un coût minime, une encre est imprimée sur l’étiquette du produit, le changement de couleur qui est réversible, s’opère lorsque la température maximale programmée est dépassée. La précision serait de fi 0,5°, des indicateurs irréversibles sont également à l’étude.

Les intégrateurs temps-température

Ce sont de bons outils qui répondent au vœu émis par le Centre National de la Consommation.

Parmi les différents systèmes :

• certains mettent en jeu la fusion d’un réactif et sa diffusion au-dessus d’une température déterminée, d’autres mesurent le changement de pH et de couleur
d’un substrat lipidique en présence d’une lipase, un autre système mesure la corrosion d’une bandelette indicateur métallique ;

• le réactif fresh-check Lifelines : il a été évoqué dans cette enceinte en 1996 [4-5]. Il s’agit d’un monomère de diacétylène incolore qui se polymérise en donnant un composé noir. Ce changement de couleur est fonction du temps et de la température d’exposition du produit. En jouant sur le radical R du monomère on peut développer toute une série d’indicateurs possédant diverses validités. La formule est la suivante : R-C ≡ C-C ≡ C-R.

Il existe deux possibilités d’utilisation des réactifs de Lifelines :

• constater la fin de validité du produit (couleur du réactif identique à la couleur du témoin de fin de validité). Elle reflètera l’ensemble des aléas thermiques subis par le produit, indiquera la fin de validité réelle de celui-ci, dont la date pourra ne pas se superposer à la date limite de consommation imprimée. Ainsi, en suivant la loi d’Arrhénius, le réactif prévu pour virer en 32 jours à +5° changera de couleur en 1,2 jour à 30 ;

• apprécier la durée de validité restante du produit, c’est-à-dire appréciation du capital salubrité résiduel. Cela est possible au moyen d’une lecture instrumentale, le système fresh-scan, relié à un ordinateur qui pourra donner des valeurs intermédiaires entre 0 % et 100 % (début et fin de validité réelle du produit).

Que penser de ces systèmes ?

Pour pouvoir être utilisés largement, ces intégrateurs doivent être simples, fiables, de lecture facile, peu encombrants, de coût modique, aisés à poser. Ce qui est le cas des systèmes Lifelines et bientôt Datitia, qui ont notre préférence.

Arguments critiques

Une bonne partie des frigoristes leur reproche d’indiquer la température de surface et non la température réelle profonde du produit, on risque ainsi de pénaliser certains produits corrects, ayant seulement une légère surexposition thermique de surface.

Bien que la puce fraîcheur de Lifelines indique la validité résiduelle du produit, nous ne saurons pas à quel endroit la chaîne du froid a été malmenée. Les frigoristes sont favorables à cet intégrateur lorsque la puce, placée au milieu de la palette, reflètera réellement la température du lot palettisé.

Dans l’étiquette Datitia, si le changement de couleur réversible est utile dans l’immédiat, celle-ci doit être remplacée rapidement par une étiquette à changement de couleur irréversible, dont l’intensité de coloration doit refléter la durée de surexposition thermique.

Cependant, il faut savoir que les réglementations imposent les enregistrements thermiques depuis le stockage en fin de fabrication jusqu’aux stades des linéaires des
grands magasins. Les enregistrements doivent être conservés un an et sont donc consultables à tout moment en cas d’accidents. Enfin signalons que la réglementation est beaucoup plus stricte avec les produits surgelés alors que ce sont les produits en froid positif qui peuvent poser problème et pour lesquels il n’y a pas d’arrêté qui fixe les températures maximales.

Enfin signalons que les frigoristes déclarent qu’il faudrait autant de sortes d’indicateurs que de produits à surveiller, car chacun d’entre eux réagit différemment au froid, comme au chaud.

Arguments favorables

Dans l’indicateur Lifelines le changement de couleur du réactif, devenant identique à la couleur témoin, indique la fin de la vie commerciale du produit, même si cette notion est excessive car mesurée à la surface du produit, mais cela ne peut que profiter au consommateur si celui-ci veut bien se donner la peine de lire les étiquettes.

De même, dans le système logistique d’acheminement des produits, le système fresh-scan avec la lecture instrumentale permettra de déterminer la validité réelle du produit et de proposer sa commercialisation plus ou moins rapide.

Bilan de l’utilisation des intégrateurs Lifelines dans une société de grande distribution

Une enquête portant sur 3 000 personnes clientes, effectuée pendant 3 ans, a permis de dégager les constations suivantes :

• 20 à 30 % ne les connaissent pas, ne lisant probablement pas les étiquettes ; mais 90 % pensent que c’est utile ;

• 70 à 80 % les connaissent ; trois quarts d’entre eux les regardent dans leurs réfrigérateurs. Mais 25 à 29 % pensent que la DLC est suffisante, doutent du bon fonctionnement de cet ITT ou pensent que c’est une opération commerciale ;

• il n’a pas été noté de réclamations négatives des consommateurs ; il n’y a pas eu de retour important de marchandises vers le magasin. Les clients sont sensibilisés progressivement et participent activement à cette surveillance du froid, ce qui est le but recherché ; l’augmentation des ventes des sacs isothermes aux caisses des magasins en serait un révélateur.

CONCLUSIONS

En dehors des meubles domestiques, tous les équipements et traitements frigorifiques ainsi que les moyens de contrôle mis en œuvre contribuent à limiter les risques d’altération des produits périssables et à préserver efficacement l’ensemble de leurs propriétés. En cas d’accident alimentaire grave, les archives relatives à l’hygiène et à
la température, pour les congelés, que les opérateurs doivent réglementairement conserver pendant un an, permettent de repérer à quel niveau se situe le manquement. Cependant, il subsiste deux points faibles qui sont le non contrôle obligatoire de la température des denrées animales réfrigérées, qui peuvent devenir toxiques si elles sont mal conservées, et le dernier maillon de la chaîne du froid, qui est sous la seule dépendance des consommateurs.

Pour la sécurité du consommateur, la surveillance de la température du réfrigérateur est indispensable et devrait être inculquée dès l’âge scolaire. Surveillance par lecture thermométrique ou au moyen de « mouchards » colorés. La surveillance de la salubrité des aliments est souhaitable également, les intégrateurs ITT indiquant la fin de validité de l’aliment, qui peut être différente de la DLC, du type Lifelines, sont utiles malgré les reproches que certains peuvent faire.

Les indicateurs irréversibles (comme ceux en projet chez Datitia) indiquant un dépassement de la température maximale de conservation et dont l’intensité de la coloration donnera la mesure de cette surexposition thermique, bien que moins sophistiqués que les précédents, seront utiles également en raison de leur coût extrêmement modique (de l’ordre de 1 centime).

Le consommateur actuel traverse une grave crise de confiance en ce qui concerne son alimentation. Au moins rassurons le sur le froid.

Disons-lui que l’État ne peut pas tout faire et qu’il serait bon qu’il participe également à cette surveillance de son alimentation.

BIBLIOGRAPHIE [1] DEPLEDT F. — Évaluation sensorielle méthodologique. Manuel méthodologique. Tec & Doc Lavoisier Paris, 1998, 2ème éd., 353 p.

[2] AN. — Recommandations pour la préparation et la distribution des aliments congelés. Inst.

Inter. du Froid Paris , 1986, 2ème éd., 418 p.

[3] MULTON JL., BUREAU G. et al. — L’emballage des denrées alimentaires de grande consommation. Tec & Doc Lavoisier Paris, 1998, 2ème éd., 1 082 p.

[4] DURAND M.P. — Les indicateurs Temps-Température, un moyen de contrôle de la qualité des Produits alimentaires. Bull Acad. Natle méd., 1996, 1995-2004.

[5] DURAND M.P. — Les indicateurs Temps-Température ITT dans la surveillance de la chaîne du froid dans les aliments frais. Bull. Soc. Vet. Prat. France , 1996, 80 , 405-429.


* Directeur honoraire de l’Institut International du Froid, Membre de l’Académie d’Agriculture de France. ** Correspondant de l’Académie nationale de médecine. Tirés-à-part : Professeur André GAC, 65 bld Exelmans — 75016 Paris. Article déposé le 13 février 2001.

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 2, 301-310, séance du 13 février 2001