Communication scientifique
Séance du 24 février 2015

Bilan d’un suivi à long terme de deux cohortes de salariés fortement exposés à l’amiante et proposition d’un dépistage actif du cancer bronchique.

MOTS-CLÉS : AMIANTE, ÉTUDES DE COHORTES DÉPISTAGE SYSTÉMATIQUE, MALADIES PROFESSIONNELLES, TUMEURS DU POUMON
Review and perspective of a long-term follow-up of two cohorts of workers heavily exposed to asbestos
KEY-WORDS : COHORT STUDIES. ASBESTOS. LUNG NEOPLASMS. MASS SCREENING. OCCUPATIONAL DISEASES

Alain CHAMOUX*

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en relation avec le contenu de cet article

Résumé

Il existe en France des programmes organisés de dépistage actif et systématique en population générale des cancers du sein, du colon et du col de l’utérus. Les cancers professionnels ne bénéficient pas de tels dispositifs mais d’un suivi médical dit post-professionnel laissé à l’initiative des anciens salariés. Nous rapportons l’expérience d’un suivi organisé en collaboration avec les associations de « victimes » et l’assurance maladie. Le suivi à long terme avec une périodicité de 2 ans de 324 salariés directement et fortement exposés à l’amiante confirme le risque élevé de survenue de cancer broncho-pulmonaire, de mésothéliome et d’asbestose avec pour cette dernière une évolution qui peut être rapide. La découverte précoce de 3 cancers bronchopulmonaires pose la question de l’intérêt pour le patient d’un dépistage systématique annuel ou biannuel. Alors que les nouvelles techniques d’imagerie médicale permettent de réduire d’un facteur 8 l’irradiation sans altérer notablement la capacité diagnostique, le bénéfice médical apporté par la surveillance annuelle par scanner chez les grands fumeurs est en faveur d’un programme de détection précoce des cancers broncho-pulmonaires. Il convient de mieux définir la population cible susceptible de prétendre à un tel dépistage (fumeur actif, ancien fumeur, porteur de plaques pleurales). Les découvertes fortuites de plus en plus fréquentes d’affections pulmonaires ou d’anomalies pleurales en dehors des populations identifiées à risque sont également à prendre en considération. C’est pourquoi les modalités de dépistage  pour les salariés confrontés à des expositions indirectes ou discontinues devraient  être réévaluées (un seul examen tomodensitométrique à l’âge de 60 ans ou lors du départ à la retraite pour toutes les professions concernées). Sur ces données, il parait indispensable de réviser les recommandations HAS 2010 de surveillance post-professionnelle des salariés exposés à l’amiante et notamment s’ils présentent des plaques pleurales. La mise en place d’un dispositif organisé parait tout-à-fait justifiée.

Summary

National screening programs for detection of breast, colon and cervical cancers have been set up in France. Occupational cancers are excluded from these programs. Surveillance is left to the initiative of former employees who can initiate post-professional medical monitoring. This study describes an experience of such monitoring organised by the health insurance in collaboration with “victims”. The long term follow-up, every two years, of 324 workers directly and heavily exposed to asbestos confirms the high risk of developing lung cancer, mesothelioma or asbestosis, the latter at times rapidly evolving. The early discovery of 3 bronchopulmonary cancers points to the interest of an annual or biannual routine screening. While new imaging techniques reduce by a factor of 8 irradiation, without significantly affecting the diagnostic capacity, the health benefit provided by annual monitoring scanner in heavy smokers favors an early detection program for lung cancers. The population targeted for such a screening (active or former smoker, with pleural plaques) should be defined in more detail. The increasingly frequent observation of lung or pleural changes besides the populations at risk should also be considered. Therefore the detecting procedures applied to those workers indirectly or discontinuously exposed should be reassessed (only 1 TDM at 60 y, or on retirement, for the relevant occupations). These data suggest that the recommendation HAS 2010 for post-professional screening of workers occupationally exposed to asbestos should be reconsidered, particularly in case of pleural plaques. An organized screening program needs to be overhauled.

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* Clermont Université, Univ Clermont 1, UFR Médecine, Institut de Médecine du travail. CHU Clermont-Ferrand, Service Santé Travail Environnement, 58 Boulevard Montalembert, 63003 Clermont-Ferrand Cedex 1

Bull. Acad. Natle Méd., 2015, 199, nos 2-3, 321-340, séance du 24 février 2015