Résumé
La prise en charge multidisciplinaire des métastases hépatiques est devenue indispensable. Les progrès de la chirurgie et de la chimiothérapie ont permis d’améliorer considérablement la prise en charge des malades atteints de métastases hépatiques. Actuellement, la résection chirurgicale est encore le seul traitement des métastases hépatiques pouvant permettre d’obtenir une survie à long terme acceptable. Cependant, seule une minorité des malades avec des métastases hépatiques, peut bénéficier d’une chirurgie à visée curative. Après résection hépatique, une récidive est observée dans deux tiers des cas. Des progrès ont été réalisés au cours des dernières années pour permettre, d’une part d’augmenter le nombre de patients pouvant bénéficier d’une chirurgie d’exérèse à visée curative, et d’autre part de diminuer le risque de récidive après chirurgie. En particulier la chimiothérapie périopératoire, et de nouvelles techniques chirurgicales permettent, d’une part, la résection à visée curative de métastases hépatiques initialement non résécables et d’autre part de diminuer le risque de récidive après chirurgie.
Summary
A multidisciplinary approach is necessary to determine the optimal treatment for individual patients with liver metastases. The benefits of surgical resection and systemic chemotherapy are well established. Surgical resection is the only treatment that can ensure long-term survival and cure in some cases. However, only a minority of patients with liver metastases * Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine et ** Service de chirurgie générale digestive et oncologique, Hôpital Ambroise Paré, 9 avenue Charles de Gaulle, 92104 Boulogne Cedex. Tirés à part : Professeur Bernard NORDLINGER, même adresse are amenable to surgery and recurrences are still observed after resection in two-thirds of patients. Efforts are being made to increase the number of candidates for surgery and to reduce the risk of post-operative recurrence, notably by means of perioperative chemotherapy and new surgical techniques.
ÉVALUATION PRÉ-OPÉRATOIRE DE LA RESÉCABILITÉ DES MÉTASTASES HÉPATIQUE
Comme le traitement chirurgical est le seul traitement à visée curative, l’évaluation pré-opératoire a, pour principal but, d’évaluer la résécabilité des métastases hépatiques qui dépend non seulement de l’état du malade mais également de l’extension de la maladie métastatique. La chirurgie à visée curative ne peut être envisagée que si l’ensemble des métastases hépatiques peuvent être réséquées ou détruites avec des marges de sécurité saines et si la résection hépatique laisse en place un volume de foie restant suffisant pour éviter la survenue d’une insuffisance hépatocellulaire postopératoire. De plus, la chirurgie est envisageable uniquement en l’absence de métastases extra-hépatiques non résécables. Cette évaluation pré-opératoire, qui comprend au minimum une échographie et une tomodensitométrie thoraco-abdominopelvienne, parfois complétées par une IRM et un PET-scan a donc pour but de rechercher des métastases extra-hépatiques et de préciser l’extension métastatique en intra-hépatique. Les métastases hépatiques sont considérées comme résécables si elle peuvent être réséquées ou détruites en totalité avec des marges saines, si la résection envisagée laisse en place au moins un pédicule portale et une veine hépatique homolatérale et si après résection, il reste au moins 20 à 25 % de parenchyme hépatique fonctionnel [1].
Au terme de cette évaluation, les métastases hépatiques sont classées en deux catégories : les métastases initialement non résécables qui représentent 80 % des métastases et les métastases d’emblée résécables. En ce qui concerne les métastases d’emblée résécables, on distingue deux classes de résécabilité en fonction de l’étendue et de la difficulté de la résection. La résécabilité de classe I correspond à des métastases qui nécessitent une résection anatomique de moins de quatre segments laissant en place plus de 40 % de parenchyme hépatique fonctionnel. La résécabilité de classe II correspond à des métastases hépatiques nécessitant des résections plus complexes intéressant plus de quatre segments et dont le plan de section est proche des vaisseaux majeurs du foie.
TRAITEMENT DES METASTASES HEPATIQUES RESECABLES
Le traitement chirurgical
La chirurgie doit commencer par une exploration complète de la cavité abdominale à la recherche de lésions qui seraient passées inaperçues sur l’imagerie pré-
opératoire et qui pourraient constituer une contre-indication à une chirurgie d’exé- rèse [2]. La présence de ganglions envahis au niveau du pédicule hépatique ou du tronc coeliaque est un facteur de mauvais pronostic mais ne contre-indique pas formellement une chirurgie à visée curative. En effet, il a été rapporté de bons résultats carcinologiques à long terme en cas de chirurgie associant une résection de classe I associé à un curage ganglionnaire [3]. En revanche, si les métastases ont une résécabilité de classe II, la découverte per-opératoire de métastases ganglionnaires de la région coeliaque constitue une contre-indication à la chirurgie d’exérèse [4].
Dans tous les cas, il doit être réalisé une échographie per-opératoire qui permet de répertorier l’ensemble des métastases hépatiques, de préciser leurs rapports vasculaires et de guider ainsi l’étendue de la résection. L’échographie peut également détecter de nouvelles lésions méconnues en pré-opératoire et modifier ainsi l’étendue de la résection [5].
Lorsque le parenchyme hépatique est sain, l’exérèse peut concerner jusqu’à six segments sans risque d’insuffisance hépatique post-opératoire. Les résections hépatiques sont divisées en deux groupes : les résections anatomiques qui consistent à réséquer un ou plusieurs segments anatomiques et les résections atypiques qui consistent à réséquer une partie d’un segment centrée par une lésion hépatique. Les résections qui concernent trois segments ou plus sont définies comme résections hépatiques majeures et celles qui concernent moins de trois segments comme résections hépatiques mineures. Le type de résection dépend de la taille et du nombre des métastases hépatiques, de leur relation avec les pédicules vasculaires et biliaires, et du volume de foie restant après résection. Les lésions superficielles peuvent être retirées aisément par une résection mineure atypique, alors que les grosses lésions centro-hépatiques nécessitent le plus souvent une résection majeure.
Actuellement aucune étude n’a montré, que lorsqu’on avait le choix, une résection anatomique étendue donnait un meilleur pronostic à long terme qu’une résection non-anatomique limitée [6].
Dans 15 à 20 % des cas, les métastases hépatiques sont synchrones et découvertes au moment du cancer colorectal primitif. La résection du cancer primitif et des métastases peut être simultanée ou en deux temps. Dans la majorité des cas, la résection hépatique est réalisée dans un second temps car la voie d’abord pour la résection du primitif et la résection hépatique sont différentes, car il y a un risque augmenté de collection infectée au contact de la tranche hépatique ou d’abcès sous phrénique et car l’utilisation de clampage de la veine porte lors de la chirurgie hépatique peut entraîner un œdème de la paroi du colon ou du rectum et augmenter ainsi le risque de fistule anastomotique [3]. Néanmoins, il a été rapporté que chez des malades sélectionnés, une résection simultanée n’augmentait pas la morbidité opé- ratoire et n’avait pas d’effet délétère sur la survie à long terme [7]. En pratique, il est admis que lorsque les métastases nécessitent une hépatectomie mineure, celle-ci peut être réalisée dans le même temps et par la même incision que la résection du cancer primitif. Dans les autres cas, la résection hépatique est retardée de deux à quatre mois et une chimiothérapie peut être administrée dans l’intervalle [8].
TABLE 1. — Mortalité et morbidité opératoire après résection hépatique pour métastases hépatiques d’origine colorectale Auteurs Année Nombre de Mortalité Morbidité malades Nordlinger et al (9) 1987 80 5 % 13 % Doci et al (10) 1991 100 5 % 39 % AFC* (3) 1992 1818 2 % 24 % Sheele et al (11) 1995 469 4 % – Jamison et al (12) 1997 280 4 % – Fong et al (13) 1999 1001 3 % – Minagawa et al (14) 2000 235 0 % – Ercolani et al (15) 2002 245 0.8 % 15 % Choti et al (16) 2002 226 0.9 % 19 % Pawlik et al (17) 2005 557 0.9 % – * étude multicentrique TABLE 2. — Survie globale après resection pour metastases hépatiques d’origine colorectale Authors year n. of patients 3-year 5-year Nordlinger et al (9) 1987 80 40 % 25 % AFC* (3) 1992 1818 41 % 26 % Sheele et al (11) 1995 469 41 % 33 % Nordlinger et al (18) 1996 1569 41 % 26 % Jamison et al (12) 1997 280 – 27 % Fong et al (13) 1999 1001 57 %
la présence de métastases ganglionnaires dans le pédicule hépatique, le taux d’ACE pré-opératoire, et le stade tumoral du cancer primitif [3, 4, 18]. Une marge de résection d’au moins un cm permet de diminuer le risque de récidive, mais il a été montré que l’existence d’une marge plus petite ne diminuait pas la survie à long terme [17]. En pré-opératoire, l’existence d’une marge prévisible de moins de un centimètre sur l’imagerie ne doit donc pas être considérée comme une contre indication à une résection à visée curative. En cas de récidive intra hépatique, une résection hépatique itérative est possible dans 25 % des cas et doit être proposée à chaque fois qu’elle semble possible car sa mortalité et morbidité opératoire est faible et qu’elle offre une survie à long terme comparable à celle observée après une première résection [19, 20].
La chimiothérapie adjuvante
Malgré les progrès de la chirurgie, une récidive après résection hépatique à visée curative est observée chez près des deux tiers des malades. Le principal moyen pour diminuer les récidives est l’administration d’une chimiothérapie adjuvante. Actuellement, le bénéfice d’une telle chimiothérapie après exérèse des métastases hépatiques n’a pas été clairement démontré. Si un premier essai contrôlé multicentrique n’a montré aucun bénéfice en termes de survie de la chimiothérapie intra-artérielle hépatique seule [21], deux autres essais ont montré que l’association d’une chimiothérapie par voie intra-artérielle et par voie systémique permettait d’augmenter la survie uniquement à deux ans par rapport à une chimiothérapie systémique [22] seule et permettait de diminuer le risque de récidive par rapport à une chirurgie seule [23]. La chimiothérapie intra-artérielle seule n’est donc pas suffisante et lorsqu’elle est associée à une chimiothérapie systémique, elle diminue le risque de récidive, au prix d’une toxicité élevée. En Europe, ces essais n’ont pas été jugés suffisamment convaincants pour que la chimiothérapie intra-artérielle adjuvante devienne le traitement de référence après résection.
Deux essais contrôlés ont étudié l’administration post-opératoire d’une chimiothérapie systémique à base de 5 FU et d’acide folinique comparé à la chirurgie seule [24, 25]. Ils ont montré une tendance en faveur des traitements du bras thérapeutique utilisant un traitement combiné, mais la différence n’était pas statistiquement significative. Une méta-analyse regroupant ces deux essais montrait qu’une chimiothérapie adjuvante à base de 5 FU et d’acide folinique avait tendance à augmenter la survie après une résection hépatique, mais la différence n’était cependant pas significative [26]. Plusieurs essais contrôlés de phase III évaluant l’intérêt d’une chimiothérapie à base d’oxaliplatine ou d’irinotecan sont en cours et il est assez probable que ces essais valideront le concept de chimiothérapie adjuvante.
Chimiothérapie préopératoire
Comme le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante après résection des métastases hépatiques est encore incertain, de nouvelles approches thérapeutiques comme la 37
Bull. Acad. Natle Méd. , 2008, 192 , no 1, 33-44, séance du 8 janvier 2008 chimiothérapie préopératoire ont été testées. Cette approche a été soutenue par le fait qu’il a été montré que la réponse tumorale à une chimiothérapie néoadjuvante était un facteur pronostic majeur et que cette chimiothérapie néoadjuvante permettait ainsi de sélectionner les malades qui allaient pouvoir bénéficier d’une résection chirurgicale [8, 27].
Deux essais de phase II ont montré qu’une chimiothérapie néoadjuvante à base d’oxaliplatine était faisable avec une faible toxicité et permettait d’obtenir respectivement une survie globale et sans récidive à deux ans de 89 % et 50 % [28, 29]. Plus récemment un essai de Phase III organisé par l’organisation européenne de recherche et de traitement du cancer (EORTC) a évalué l’intérêt de l’administration de 5 Fluorouracil et d’oxaliplatine (FOLFOX4) avant et après résection chez 364 malades ayant des métastases résécables [30]. Cet essai a montré que pour l’ensemble de la population éligible, cette chimiothérapie périopératoire permettait de diminuer significativement par rapport à la chirurgie seule le risque de récidive de 8,1 % à trois ans. Ce bénéfice était encore plus marqué chez les malades qui avaient eu une exérèse complète de leurs métastases. Cette stratégie thérapeutique devrait donc constituer le nouveau traitement standard pour les malades ayant des métastases hépatiques initialement résécables.
Cependant la chimiothérapie néoadjuvante peut avoir un certain nombre d’inconvénients potentiels.
Tout d’abord, elle pose le problème de l’attitude thérapeutique à adopter en cas de disparition d’une ou plusieurs métastases hépatiques au cours de la chimiothérapie.
En effet, dans cette situation la question se pose de savoir si le site des lésions disparues peut être laissé en place ou doit être réséqué de principe. Une étude récente a montré que des cellules cancéreuses viables persistaient au sein des sites des métastases ayant disparu sous chimiothérapie dans 80 % des cas suggérant qu’il était préférable de réséquer de principe le site initial des métastases ayant disparu [31]. Cependant, en per-opératoire, il peut être difficile voire impossible pour le chirurgien de localiser avec précision le site initial des lésions et de décider le type de résection hépatique à réaliser. Pour toutes ces raisons, les malades ayant des métastases hépatiques résécables traitées par chimiothérapie néoadjuvante doivent être adressés à un chirurgien avant que les métastases aient complètement disparu.
D’autre part, il a été montré que la chimiothérapie pouvait entraîner des altérations du parenchyme hépatique qui pouvaient potentiellement majorer la morbidité de la chirurgie voir même la contre-indiquer [32-36]. Deux types de lésions chimioinduites peuvent être observées : les lésions vasculaires incluant la dilatation sinusoïdale et l’hyperplasie nodulaire régénérative, et la stéatohépatite [33, 36]. La question principale est de savoir si ces lésions chimio-induites ont un impact sur la prise en charge thérapeutique des malades et en particulier si elles modifient les résultats de la chirurgie d’exérèse. Une première étude a montré que la chimiothé- rapie préopératoire n’augmentait pas la mortalité opératoire mais augmentait la morbidité opératoire si elle était prolongée au-delà de six cycles [32]. Une autre 38
Bull. Acad. Natle Méd. , 2008, 192 , no 1, 33-44, séance du 8 janvier 2008 étude a montré qu’une chimiothérapie préopératoire de plus de douze cycles augmentait le risque de réopération et prolongeait la durée d’hospitalisation [34]. Enfin dans l’essai contrôlé 40983 de l’EORTC qui comparait la chimiothérapie périopé- ratoire à base d’oxaliplatine (6cycles avant et après la chirurgie) à la chirurgie seule chez 364 malades, la mortalité opératoire était comparable et inférieure à 1 % dans les deux groupes et la morbidité opératoire était inférieure à 30 % dans les deux groupes mais significativement augmentée chez les malades ayant reçu une chimiothérapie [30]. En ce qui concerne les agents ciblés et en particulier les anticorps anti VEGF comme le bevacuzimab, il n’y a encore que peu d’études qui ont évalué leur hépatotoxicité et leur impact sur les résultats de la chirurgie. En théorie, les anticorps anti VEGF peuvent augmenter le risque de perforation d’organe creux et d’hémorragie et peuvent altérer les processus de cicatrisation et de régénération hépatique. C’est pourquoi il est actuellement recommandé de respecter un intervalle de six à huit semaines qui correspond environ à deux fois la demie vie du bevacuzimab, entre l’administration d’anticorps anti VEGF et la réalisation d’une chirurgie hépatique. Actuellement un essai de phase II organisé par l’EORTC, qui évalue la faisabilité de la résection de métastases hépatiques résécables chez des malades ayant reçu une chimiothérapie néoadjuvante à base de 5FU, d’oxaliplatine, de cetuximab plus ou moins à du bevacuzimab, est en cours et devrait apporter des réponses concercant l’hépatoxicité de ces nouveaux agents.
TRAITEMENT DES METASTASES HEPATIQUES NON RESECABLES
Seulement une minorité de malades ont des métastases hépatiques qui sont accessibles à un traitement chirurgical. C’est pourquoi, de nombreux efforts ont été réalisés pour augmenter le nombre de malades pouvant être candidats à une chirurgie d’exérèse à visée curative. Une première approche a été d’augmenter en pré- opératoire le volume du futur foie restant afin de permettre des résections hépatiques plus larges. Ainsi, l’embolisation portale sélective préopératoire réalisée par voie percutanée a été proposée pour induire d’une part une atrophie du foie tumoral et d’autre part une hypertrophie du foie non tumoral. A la suite d’une embolisation portale, une résection hépatique, jugée initialement comme non faisable, est possible dans 60 à 80 % des cas, et la survie à long terme après résection hépatique est comparable à celle observée après résection sans embolisation [37]. Une deuxième approche a été le développement de nouvelles techniques comme la cryothérapie, le laser hyperthermique et surtout la radiofréquence qui est la plus utilisée, permettant la destruction in situ des métastases hépatiques. La faisabilité et l’efficacité de ces techniques, pour détruire les métastases hépatiques de moins de trois centimètres, ont été largement démontrées [38]. En cas de métastases bilobaires, la radiofré- quence peut être associée à la chirurgie d’exérèse et permettent ainsi la destruction des lésions les plus petites situées dans un lobe et la résection des lésions les plus grosses situées dans le lobe controlatérale. Cependant, la place exacte de ces 39
Bull. Acad. Natle Méd. , 2008, 192 , no 1, 33-44, séance du 8 janvier 2008 techniques dans le traitement des métastases hépatiques n’est pas clairement établie.
En particulier, la comparaison de ces techniques à la chirurgie d’exérèse et le bénéfice potentiel de leur association à la chimiothérapie, pour la prise en charge de métastases hépatiques jugées non résécables, méritent d’être évalués dans de futurs essais cliniques contrôlés.
Une troisième approche pour augmenter le taux de résécabilité a été d’essayer de rendre résécable par une chimiothérapie dite d’induction des métastases initialement considérées comme non résécables. La réduction tumorale induite par la chimiothérapie peut avoir plusieurs conséquences : la disparition d’une ou plusieurs lésions situées dans un lobe peut autoriser la résection des lésions persistantes dans le lobe controlatéral ; par la réduction tumorale qu’elle entraîne, la chimiothérapie peut lever un envahissement vasculaire qui contre- indiquait une chirurgie à visée curative, et enfin, après réduction tumorale induites par chimiothérapie certaines lésions peuvent devenir accessibles à un traitement par radiofréquence. Le concept est devenu possible grâce aux développements de nouvelles drogues de chimiothé- rapie comme l’oxaliplatine ou l’irinotecan qui ont permis d’obtenir une réponse tumorale dans plus de 50 % des cas. Plusieurs études rétrospectives ont montré que chez des malades ayant des métastases initialement non résécables, une chimiothérapie d’induction avait permis une résection à visée curative dans 13 à 26 % des cas [39, 40]. Dans ces études, la survie à long terme de ces malades dont les métastases étaient devenues résécables était de 33 % à cinq ans et 23 % à dix ans, ce qui était très supérieur à la survie des malades n’ayant pas eu de résection mais légèrement inférieur à celle des malades ayant eu une exérèse de métastases initialement résécables [39]. En revanche, chez les malades dont les métastases sont devenues résécables après une chimiothérapie d’induction, la survie sans récidive est très faible et une récidive intra hépatique est observée chez plus de 75 % des malades à un an malgré la poursuite de la chimiothérapie en post-opératoire [39].
Il a été montré récemment que, chez des malades ayant des métastases non résécables traités par chimiothérapie, il existait une corrélation étroite entre le taux de réponse tumorale et le taux de résécabilité [40]. Afin d’améliorer le taux de résécabilité, certains auteurs ont proposer d’administrer la chimiothérapie par voie intraartérielle (CHIA) qui a l’avantage d’augmenter la concentration des agents cytotoxiques au sein des métastases tout en réduisant la toxicité. Après une CHIA, le taux de résécabilité de métastases initialement non résécables varie de 6 à 20 % [41, 42], ce qui est comparable au taux rapportés avec l’utilisation d’une chimiothérapie systémique. C’est pourquoi, la CHIA n’est actuellement pas recommandée en routine chez les malades ayant des métastases initialement non résécables.
Enfin l’utilisation de thérapie ciblée en association avec une chimiothérapie systé- mique semble être une approche thérapeutique prometteuse pour améliorer le taux de résécabilité des métastases initialement non résécables. En effet, plusieurs études préliminaires ont montré que l’adjonction de ces thérapies ciblée à une chimiothé- rapie systémique permettait d’obtenir des taux de résécabilité de près de 30 % [43, 44]. Plus récemment il a été rapporté qu’en cas de métastases non résécables n’ayant 40
Bull. Acad. Natle Méd. , 2008, 192 , no 1, 33-44, séance du 8 janvier 2008 pas répondu à une chimiothérapie conventionnelle, une chimiothérapie à base de cetuximab permettait une chirurgie d’exérèse dans 16 % des cas [45].
CONCLUSION
Le traitement des métastases hépatiques repose actuellement sur une association de la chirurgie d’exérèse et de la chimiothérapie. L’association de ces traitements nécessite donc une concertation pluridisciplinaire non seulement lors de la prise en charge initiale des malades mais également au cours de toutes les étapes de l’évolution de la maladie. La chimiothérapie a comme tout traitement des avantages et des inconvénients et son type et sa durée doivent être décidés au cours de réunions multidisciplinaires. En effet, si la chimiothérapie est bien choisie et bien monitorée et la chirurgie faite au bon moment, les métastases hépatiques peuvent être réséquées en sécurité.
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DISCUSSION
M. Michel ARSAC
Pour une métastase isolée, la préférence doit-elle aller à la radiofréquence ou à la métastasectomie ? Au cours de l’évolution post-opératoire, la surveillance découvrant l’apparition d’un nouveau nodule dans le foie restant, sur quels critères d’imagerie distingue-t-on une hyperplasie nodulaire d’une nouvelle métastase en développement ?
C’est une question tout à fait d’actualité. La destruction par radiofréquence des métastases hépatiques est réalisable, avec une bonne efficacité jusqu’à un diamètre de trois centimètres. Elle est plus incertaine ensuite. Son intérêt a été montré par des études rétrospectives. Les études prospectives randomisées qui ont tenté de prouver le bénéfice apporté par la radiofréquence sur les métastases hépatiques n’ont pas été des succès.
Actuellement le traitement de référence d’une métastase isolée est la résection chirurgicale. Les chances de survie à cinq ans peuvent dépasser 50 %. L’indication de radiofré- quence découle en général des contre-indications à la chirurgie. Les caractéristiques tomodensitométriques des métastases et hyperplasies nodulaires sont différentes. Les métastases sont en général bien limitées, hypovascularisées au temps artériel et hypervascularisées au temps portal et tardif et les hyperplasies nodulaires sont plus vascularisées au temps artériel et sont assez mal limitées.
M. Pierre GODEAU
Comment repérez-vous le site à réséquer lorsque la métastase à disparu ? Quels sont les risques généraux et locaux des antiangiogéniques type Bevacizumab ?
En principe s’il y a une bonne coordination médicale et chirurgicale, la chimiothérapie ne devrait pas être administrée jusqu’à disparition complète d’une métastase puisque celle-ci peut alors devenir très difficile à localiser par le chirurgien. Parfois cependant il persiste une calcification visible au scanner. La question se pose surtout lorsque l’exérèse nécessaire est une exérèse non anatomique. S’il s’agit d’une exérèse anatomique par exemple une hépatectomie droite prévue depuis le début il est moins important que le chirurgien voie la métastase puisque les plans de section du foie sont connus. Afin de prévenir les risques associés à une chirurgie hépatique après administration d’antiangiogéniques, il est actuellement recommandé d’interrompre le traitement six semaines soit deux demi-vies de Bevacizumab avant la chirurgie.
M. Jacques-Louis BINET
Avez-vous de plus en plus de difficultés pour trouver des donneurs de foie ? La transplantation est-elle interdite après métastase de cancercolique ?
Les indications de transplantation de foie pour métastases hépatiques d’adénocarcinomes colorectaux ont été abandonnées en raison du fort taux de récidive qui a été observé en raison du traitement immunosuppresseur nécessité par la transplantation de foie.
Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 1, 33-44, séance du 8 janvier 2008