Communication scientifique
Session of 8 janvier 2008

Avancées thérapeutiques dans le carcinome hépatocellulaire

MOTS-CLÉS : carcinome hepatocellulaire. chimioembolisation thérapeutique. chirurgie. foie. radiothérapie.. traitement médicamenteux. transplantation foie
Therapeutic advances in hepatocellular carcinoma
KEY-WORDS : chemoembolization, therapeutic. drug therapy. hepatocellular carcinoma. liver. liver transplantation. radiotherapy. surgery

Raoul Poupon, Laetitia Fartoux, Olivier Rosmorduc

Résumé

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est la forme la plus fréquente du cancer primitif du foie. Il se place au sixième rang des cancers dans le monde par son incidence. Son incidence est croissante dans les pays développés. En France, on estime que le nombre de nouveaux cas annuels est proche de six mille. Le CHC a plusieurs caractéristiques tout-à-fait uniques parmi les cancers. En effet, ses facteurs de risque et ses causes sont parfaitement définis permettant donc théoriquement une prévention primaire et l’application d’un programme de surveillance pour la détection précoce et donc un traitement efficace. Le CHC est en second lieu une tumeur solide vasculaire avec un très haut degré de résistance aux drogues du fait d’une hyperexpression du gène MDR1, suggérant que ses caractéristiques uniques devraient être ciblées en premier lieu sinon exclusivement par les biothérapies dans un futur proche. Dans cette revue, les auteurs rapportent les données les plus récentes concernant les approches thérapeutiques et en particulier les thérapies émergentes ciblées.

Summary

Liver cancer is the sixth most common cancer, killing 600 000 people each year worldwide. Hepatocellular carcinoma (HCC) is the most common form of liver cancer. HCC has several specific features. In particular, the risk factors and causes are well known, thereby permitting — in theory — primary prevention and early detection surveillance programs. Also, HCC is a vascular solid tumor with a high degree of drug resistance (the so-called angiogenic and MDR phenotype). These features should be targeted primarily, if not * Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine et ** Service d’Hépatologie, INSERM U 680, Hôpital Saint-Antoine, 184 rue du Faubourg SaintAntoine, 75571 Paris Cedex 12. Tirés à part : Professeur Raoul POUPON, même adresse exclusively, by future biological therapies. In this review, the authors report the most recent therapeutic developments, including emerging targeted strategies.

INTRODUCTION

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) se place au sixième rang des cancers dans le monde par son incidence. En 2002, celle-ci était de six cent vingt-mille cas. La majorité des CHC (70 %) est observée dans les pays en voie de développement, 30 % sont observés dans les pays développés. Cependant, l’incidence est croissante dans ces pays. Deux explications sont fournies : la diminution de la mortalité par cirrhose due aux infections, aux hémorragies digestives et la forte incidence des maladies du foie dues aux virus C et B. En France, le nombre de nouveaux cas annuels est proche de six mille [1,2].

Les facteurs de risque du carcinome hépatocellulaire sont clairement identifiés : il s’agit en premier lieu des maladies chroniques inflammatoires du foie au stade de fibrose extensive ou de cirrhose, en second lieu l’exposition aux toxiques (l’alcool, l’aflatoxine et le tabac) et aux virus hépatotropes, (virus de l’hépatite B et de l’hépatite C). Le diabète et l’obésité sont maintenant reconnus comme des facteurs de risque prépondérants de ce cancer. La part respective de ces facteurs de risque dans l’émergence du CHC est estimée en Europe de la façon suivante : virus de l’hépatite B 20 %, virus de l’hépatite C 36 %, consommation excessive d’alcool 46 %, diabète, insulinorésistance et obésité 20 %. En Europe, plus de 50 % des patients ont au moins deux de ces facteurs de risque majeurs [3].

Chez les patients porteurs de cirrhose, l’incidence annuelle du CHC varie de 2 à 7 %.

Cette incidence est fonction de la cause de la cirrhose (plus importante en cas de cirrhose virale) et l’âge du patient. Le pic d’incidence se situe chez les hommes après soixante-cinq ans. Cet âge explique que la transplantation hépatique, traitement de choix puisqu’il guérit à la fois la cirrhose et le cancer, ne peut être proposée que dans un nombre limité de malades.

Diagnostic

Les facteurs de risque de ce cancer étant identifiés, il est possible d’établir un programme de surveillance et de dépistage dont le but est de permettre un diagnostic pré- coce de cancer, donc accessible à un traitement efficace. La stratégie diagnostique établie par l’Association Européenne d’Etude du Foie et l’Association Américaine d’Etude des Maladies du Foie est la suivante : la surveillance ultrasonographique doit être établie à un rythme d’un examen tous les quatre à six mois. Tout nodule inférieur à un centimètre de diamètre ne justifie pas d’investigation invasive mais un nouvel examen ultrasonographique dans un délai de trois mois. Pour les nodules dont la taille se situe entre un et deux centimètres, on considère que deux techniques d’imagerie démontrant que la lésion est hypervasculaire au temps artériel et se lave à la phase portale, permettent d’affirmer le diagnostic de CHC. En effet, à ce stade, l’examen
histologique ou cytologique donne des faux négatifs dans près de 40 % des cas.

Lorsque le nodule détecté a un diamètre d’au moins deux centimètres, on considère qu’un seul examen démontrant l’hypervascularisation artérielle suivie d’une phase de lavage au temps portal est suffisant pour porter le diagnostic de CHC. La biopsie n’est justifiée que si les données de l’imagerie ne sont pas caractéristiques et si le nodule survient sur un foie non cirrhotique. Il est important de noter que le carcinome hépatocellulaire est « hypovasculaire » dans environ 7 à 10 % des cas lorsqu’il mesure moins de trois centimètres, dans environ 17 % lorsqu’il mesure entre un et deux centimètres [4,5].

Les traitements curatifs [5]

Les traitements curatifs sont représentés par la transplantation, la résection chirurgicale et la destruction percutanée par radiofréquence.

Les critères de transplantation sont les suivants : — âge < 70 ans ; — la tumeur doit être unique mesurant moins de cinq centimètres, ou les tumeurs doivent être inférieures au nombre de trois, chacune d’elles mesurant moins de trois centimètres ;

— ne doit exister aucun envahissement vasculaire détectable. La transplantation est proposée actuellement à moins de 10 % des patients. Lorsque ces critères sont respectés, la survie des patients n’est pas significativement différente de celle des patients transplantés sans carcinome hépatocellulaire. Les récidives sont très rares (moins de 15 % à cinq ans).

La résection chirurgicale n’est possible dans de bonnes conditions que dans environ 15 % des cas. Le patient doit avoir une bonne fonction hépatique (albuminémie, bilirubinémie totale et taux de prothrombine normaux), et ne doit pas présenter de signe d’hypertension portale. Si ces conditions sont respectées, la survie à cinq ans peut atteindre 70 %. Cependant, la récidive est extrêmement fréquente et concerne la majorité des patients après cinq ans d’évolution. Les facteurs prédictifs de récidive précoce ou tardive sont l’existence de signes d’envahissement vasculaire, l’absence de capsule, l’existence de nodule satellite, le caractère peu différencié à l’histologie et la taille de la tumeur initiale. Les récidives sont également dues au fait que le terrain oncogénique représenté par la cirrhose est toujours présent.

Le traitement percutané représenté par la destruction sous contrôle échographique ou scanner de la lésion par injection d’alcool ou par radiofréquence, est actuellement considéré comme un traitement aussi efficace que la résection. Ce traitement percutané peut être proposé à un malade sur trois. Les critères permettant d’appliquer cette stratégie sont l’existence de tumeurs au maximum de deux, avec un diamètre inférieur à quatre centimètes, une fonction hépatique peu altérée (les patients classés Child A ou B peuvent bénéficier de ce traitement), un taux de prothrombine supérieur à 50 % et un taux de plaquettes supérieur à 50 000/mm3. Les études récentes montrent que les résultats de la radiofréquence sont supérieurs à ceux de la destruction percutanée par éthanol tant en terme de récidive globale que de récidive locale [6].

Les traitements palliatifs

La chimioembolisation a pour indication les patients ayant une tumeur volumineuse ou multifocale avec une fonction hépatique bonne ou modérément perturbée.

Une thrombose portale partielle ou totale est une contre-indication à ce traitement.

Elle est applicable chez environ 25 % des patients. Les essais randomisés récents montrent que cette procédure offre un certain bénéfice aux patients traités. Une réponse objective et une progression tumorale ralentie est notée chez plus de la moitié des patients. La chimioembolisation lipiodolée se place actuellement comme le traitement palliatif de première intention du carcinome hépatocellulaire avancé [7, 8]. L’optimisation de la technique de chimioembolisation a été proposée récemment sous la forme d’injection intraartérielle de microsphères chargées en agents cytotoxiques (DC Beads, bio-compatibles UCA). Cette technique de radiologie interventionnelle locorégionale permet d’optimiser l’intensité et la durée de l’isché- mie ainsi que le ciblage de l’agent cytotoxique au sein de la tumeur par l’utilisation de microsphères calibrées et chargées en agents anti-mitotiques. Le caractère poreux des microsphères permet une diffusion progressive de l’agent cytotoxique. Le caractère calibré des microsphères permet une occlusion complète des artères nourricières de la tumeur dans lesquelles elles sont injectées. Dans un modèle de xénogreffe de tumeur hépatique chez le lapin [9], l’utilisation de ces microsphères a augmenté la concentration de l’agent cytotoxique dans la tumeur et réduit le passage systémique de l’agent cytotoxique. Une étude clinique de phase 2 récente a montré que cette technique pouvait permettre d’obtenir un taux de réponse tumorale de 75 % avec une survie à deux ans d’environ 90 % [10].

La radiothérapie externe a longtemps été exclue de l’arsenal thérapeutique du CHC principalement en raison des risques élevés d’hépatite radique, obligeant à ne prescrire que des faibles doses d’irradiation inférieure à 35 grays. De telles doses ne permettent pas de stériliser les lésions malignes. La radiothérapie de conformation utilisant des outils plus performants (accélérateur linéaire, colimateur multilame, support informatique) permet de mieux ‘‘ cibler ’’ l’irradiation du volume tumoral, et ainsi d’augmenter les doses d’irradiation jusqu’à plus de 70 grays dans un volume tumoral bien défini dans les trois plans de l’espace. Récemment, un essai prospectif français a montré la faisabilité et l’efficacité de la technique à la dose de 66 grays en cas de CHC de petite taille compliquant une cirrhose classée Child A ou B avec un taux de réponse tumorale de 75 %, et une tolérance précoce et tardive acceptable [11]. Au vu des résultats cliniques, la radiothérapie conformationnelle mérite d’être intégrée dans la stratégie thérapeutique du CHC sous réserve d’évaluation complé- mentaire par des études contrôlées et randomisées. Un essai thérapeutique français évalue actuellement l’association radiothérapie de conformation et chimioembolisation intrahépatique en néoadjuvant de la résection chirurgicale des CHC (Etude pilote de phase 2, coordination Ph. Merle).

Les traitements médicaux : vers des traitements ciblés.

A ce jour, aucune chimiothérapie cytotoxique n’a démontré de façon indiscutable son efficacité en terme de survie. Cela est probablement expliqué par la chimiorésistance naturelle du carcinome hépatocellulaire, principalement dû à l’hyperexpression du produit du gène MDR1. Actuellement, il n’existe pas de molécule biologiquement active capable de modifier de façon importante ce phénotype sans effet secondaire notable.

De nouvelles approches thérapeutiques guidées par la physiopathologie de la carcinogénèse hépatique sont maintenant possibles pour au moins deux raisons : en premier lieu la meilleure connaissance de la biologie cellulaire du cancer et des voies de signalisation conduisant à la prolifération et à la survie des cellules tumorales, en second lieu la mise au point d’anticorps anti-monoclonaux ou de molécules biologiquement actives sur les récepteurs, les protéines intracytoplasmique de signalisation ou les facteurs de transcription régulant le cycle cellulaire.

Les altérations des voies de signalisation dans le CHC sont multiples et concernent les voies de survie (dépendant de la voie PI3kinase-Akt), de prolifération (dépendant des voies Raf et MAPkinase), la voie Wnt-β-caténine, la fonction du protéasome ou encore la réexpression de la télomérase [12]. Les voies dépendantes des facteurs de croissance hépatocytaires ou vasculaires sont des cibles de choix non seulement parce qu’elles sont fréquemment activées mais surtout parce qu’elles sont accessibles à des inhibiteurs pharmacologiques puissants maintenant disponibles.

Les premières molécules ciblant spécifiquement les voies dépendantes des facteurs de croissance ont été les inhibiteurs des récepteurs à l’EGF (EGFR) tel que le gefitinib (Iressa®, AstraZeneca), l’erlotinib (Tarceva®, Roche) ou le cetuximab (Erbitux®, Merck). Cependant, les résultats des études de phase II utilisant ces inhibiteurs en monothérapie ou en association avec une chimiothérapie conventionnelle cytotoxique (Gemox) ont été décevants avec des réponses marginales (0 à 9 %) et des survies ne dépassant pas un an, suggérant le développement rapide de mécanismes de résistance (surtout en monothérapie) [13].

Les inhibiteurs du VEGF (Avastin®, Roche) ont été parallèlement évalués dans le CHC avancé avec un rationnel pré-clinique relativement solide. En effet, l’expression de VEGF est augmentée dans le foie cirrhotique et dans le CHC. Le récepteur VEGF-R2 est un modulateur du développement tumoral et de l’angiogénèse du CHC [14]. D’autre part, des anticorps neutralisant les récepteurs au VEGF (VEGF-R1 et/ou VEGF-R2) inhibent la croissance tumorale dans un modèle du CHC induit par un carcinogène chimique (DEN). Enfin, la croissance et la densité vasculaire tumorales sont diminuées par l’utilisation d’un dominant négatif du récepteur VEGF-R2 dans un autre modèle expérimental.

Le médicament anti-angiogénique de référence reste actuellement le bevacizumab (Avastin®, Roche) qui a été testé dans trois essais de phase II comportant une trentaine de malades atteints de CHC avancé. Le premier d’entre eux publié sous
forme de résumé comportait un traitement à la dose de 5 ou 10 mg/kg tous les quatorze jours avec deux réponses partielles et quinze stabilisations chez vingt-huit malades traités [15]. La survie sans progression était de 6,5 mois. Plus récemment, une étude rapportée à l’ASCO en 2007 utilisant le bevacizumab en monothérapie (5 puis 10 mg/kg) chez trente patients a montré un taux de réponse partielle de 12,5 %, et une stabilité de la maladie de 54 % (pendant plus de seinze semaines chez sept patients) [16]. Les réponses observées dans ces études ont finalement été modestes en monothérapie confirmant que le ciblage d’une seule voie de signalisation ne permet probablement pas un contrôle suffisant de la maladie tumorale. Cette constatation a justifié l’association du bevacizumab au schéma Gemox permettant d’obtenir une réponse objective un peu meilleure (20 %), une stabilisation tumorale chez 27 % des patients, une survie globale de 9,6 mois et une survie sans progression à six mois de 48 % [17]. Enfin, l’association du bevacizumab (10 mg/kg) à l’erlotinib (150 mg/j) a récemment apporté des résultats encourageants en montrant un contrôle de la maladie chez plus de 50 % des patients pendant au moins quatre mois [18].

Il est cependant rapidement apparu évident que l’utilisation de molécules pharmacologiques ciblant simultanément plusieurs voies de signalisation pourrait encore améliorer le contrôle de la croissance tumorale. Par exemple, en situation pré- clinique, un dérivé de la rapamycine ciblant spécifiquement mTOR, un relais de la voie de prolifération et de survie dépendante de PI3K et de AKT, a montré un effet antitumoral significatif lié à un double effet anti-prolifératif et anti-angiogénique dans un modèle expérimental de CHC [19].

L’évolution la plus intéressante a été la mise à disposition de véritables thérapies « multi-cibles » dans le CHC telles que le sorafenib (Nexavar®, Bayer) et peut-être le sunatinib (Sutent®, Pfizer). Ces molécules sont en effet capables d’inhiber simultanément plusieurs récepteurs aux facteurs de croissance vasculaires (PDGF-R, Kit, VEGF-R1, —R2 et —R3) et/ou certaines étapes spécifiques des voies de transduction dépendantes de récepteurs aux facteurs de croissance hépatocytaires (Raf) et d’induire théoriquement un puissant effet anti-tumoral direct, un effet anti-angiogénique voire une destruction vasculaire. Les études pré-cliniques ont effectivement montré une diminution sous sorafenib de l’activation de la voie des MAP-kinases, un contrôle de la croissance tumorale, une diminution de la microvascularisation et un effet pro-apoptotique [20]. Dans une étude de phase II multicentrique, le sorafenib a permis d’obtenir à la dose de 800 mg/j chez les patients cirrhotiques (72 % au stade Child-Pugh A) un taux de réponse de 8 % et une stabilisation de la maladie pendant au moins seize semaines chez un tiers des patients [21]. La survie sans progression a été de 5,5 mois et la survie globale de 9,2 mois. Le sunatinib, qui a quasiment le même spectre d’inhibition, a été testé plus récemment à la dose de 37,5 mg/j et les résultats présentés à l’ASCO 2007 a montré une réponse partielle chez un patient sur dix-neuf et une stabilité tumorale pendant au moins douze semaines chez huit autres patients [22]. Le sunatinib à une dose plus élevée (50 mg/j) s’est accompagné d’une nécrose tumorale significative (> 50 %) chez presque la moitié des patients aux dépens de la tolérance [23]. Enfin et surtout,
l’étude Sharp, présentée parallèlement à l’ASCO 2007, a confirmé l’intérêt de ce type d’approche dans le CHC. Il s’agissait d’une étude multicentrique de phase III qui a randomisé six cent-deux patients entre un bras placebo et un bras sorafenib (800 mg/j) jusqu’à progression ou survenue d’un effet indésirable grave [24]. Contrairement à l’étude de phase II, les patients présentaient une cirrhose liée à différentes étiologies (virale C dans 30 % des cas, virale B dans 20 % des cas et alcoolique dans 26 % des cas) et étaient quasiment tous au stade Child-Pugh A (95 et 98 % dans chacun des bras). Dans les deux tiers des cas, les tumeurs étaient évoluées (extension extra-hépatique et/ou invasion vasculaire). L’étude a été prématurément interrompue en raison d’un avantage en terme de survie dans le bras sorafenib après trois cent vingt et un évènements (décès). Les résultats ont montré une médiane de survie dans le groupe sorafenib de 10,7 mois et de 7,9 mois dans le groupe placebo (hazard-ratio : 0,69 ; IC 95 : 0,55-0,88 ; p. = 0,00058) soit une augmentation de 44 % en terme de survie globale. Un bénéfice parallèle a été observé sur la courbe de temps à progression (5,5 mois dans le groupe sorafenib et 2,8 mois dans le groupe placebo (p = 0,000007) soit à nouveau un allongement de 73 % du temps jusqu’à progression.

Dans l’ensemble, ces traitements principalement anti-angiogéniques ont été bien tolérés : quelques cas d’hémorragies digestives (20 %) ont été observés chez les patients sous bevacizumab seul n’ayant pas eu une éradication suffisante des varices œsophagiennes [16] et le traitement par sorafenib s’est accompagné d’effets secondaires essentiellement digestifs et cutanés : diarrhées 39 % (dont 8 % de grade III), anorexie 14 % [24], nausées 11 %, syndrome mains-pieds 21 % (dont 8 % de grade III), alopécie 14 % [24]. Il n’a pas été observé de dégradation de la fonction hépatique ou d’hémorragie digestive en excès dans le groupe traité par rapport au groupe placebo. Le traitement par sunatinib a été un peu moins bien toléré en raison probablement d’une posologie inadaptée à la maladie hépatique sous-jacente [23].

Un aspect inattendu de ces études est celui du (des) critère(s) d’efficacité de ces thérapeutiques ciblées. En effet, les critères RECIST apparaissent maintenant inadaptés à ce type de molécules susceptibles d’entraîner une réponse tumorale sans modification significative de la taille des nodules. En effet, malgré ces taux de réponses mineures, des stabilisations prolongées de la maladie ont pu être observées [24]. Il est possible que la quantification non seulement de l’importance de la nécrose mais aussi de la vascularisation et/ou du métabolisme tumoral soit plus à même d’évaluer correctement la réponse à ces nouveaux traitements [24].

Un dernier aspect concerne la place potentielle de ces molécules ciblées dans l’arsenal thérapeutique du CHC. Il faut souligner que l’utilisation du Nexavar® nécessite à l’évidence une expertise hépatologique en raison d’une maladie du foie sous-jacente quasi-constante. C’est la raison pour laquelle ont été émises, parallèlement à l’AMM européenne qui ne comporte aucune restriction liée à la maladie du foie, des recommandations de Sociétés Savantes française d’Hépatologie et d’Oncologie (voir les sites de la FFCD et groupe PRODIGE, de l’AFEF et de la SNFGE) pour une utilisation en monothérapie chez des patients exclusivement Child-Pugh A et non accessibles à un autre traitement (en particulier à une chimio-embolisation).

Ces patients ne doivent bien évidemment présenter aucune contre-indication (en particulier d’ordre vasculaire) à ce type de traitement.

CONCLUSION

Les résultats les plus récents confirment que les thérapies ciblées associant un effet antitumoral et un effet antiangiogénique ont leur place dans l’arsenal thérapeutique du CHC avancé. Parmi ces molécules, le sorafenib est devenu le traitement de référence en situation palliative. L’avenir sera probablement à des associations de thérapies ciblées « à la carte » établies au mieux selon le stade de la maladie (prévention primaire, secondaire) et l’identité tumorale phénotypique de chaque patient.

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DISCUSSION

M. Émile ARON

En 1978, il y a trente années, j’ai présenté à notre tribune une communication soulignant la fréquence de la présence du virus B chez les alcooliques chroniques, les cirrhotiques et les hépato-carcinomes. Je souhaitais que la vaccination contre ce fléau soit organisée en France.

Au Sénégal, nous avons établi, avec nos collègues de Dakar, la filiation entre l’hépatite au virus B et le cancer primitif du foie. Dans le monde, cette vaccination a déterminé une considérable diminution des hépatomes. Malheureusement, cette vaccination est combattue en France depuis une dizaine d’années par une polémique dont le fondement est erroné.

Avez-vous recherché chez vos malades atteints d’hépato-carcinomes si ils avaient été vaccinés contre le virus B et si ils étaient porteurs du virus B ?

Comme je l’ai dit dans cet exposé, la contribution du virus B dans l’hépatocarcinome en Europe est estimée entre 30 et 40 % alors qu’elle est bien entendu de l’ordre de 80 à 90 % dans les pays en voie de développement.

M. André VACHERON

Quel est le risque de réinstallation des virus des hépatites B et C dans un foie transplanté ?

Et quelle est la gravité de la maladie virale dans cette éventualité ?

En l’absence de toute intervention, les virus de l’hépatite B et de l’hépatite C sont à nouveau présents dans le foie et dans l’organisme après la transplantation. Le contrôle de l’infection par le virus de l’hépatite B est assuré par les immunoglobulines anti-HBs qui sont administrées systématiquement. En outre, nous disposons maintenant d’agents pharmacologiques extrêmement puissants qui permettant d’éviter les récidives cliniques dues au virus de l’hépatite B. Ce n’est pas toujours le cas pour l’hépatite C. Celle-ci récidive quasi-constamment, elle est sévère, c’est-à-dire entraînant une cirrhose assez rapidement dans près de un cas sur cinq.

M. Daniel COUTURIER

Puisque toutes les hépatopathies chroniques, y compris la stéatose non alcoolique peuvent conduire au développement d’hépatocarcinomes, ces états agissent-ils par une ‘‘ voie finale commune ’’ de prolifération, ou existe-t-il des axes de prolifération plus ou moins spécifiques ?

La transformation hépatocytaire peut en effet être initiée par des mécanismes spécifiques de l’étiologie de l’hépatopathie chronique sous-jacente. Par exemple, les virus hépatotropes B et C jouent un rôle direct dans la carcinogénèse hépatique par leur capacité à perturber les grandes fonctions cellulaires impliquées dans la différenciation et la prolifération via l’intégration du génome viral (VHB) et/ou l’expression des protéines virales (VHC). Cependant, la promotion tumorale fait davantage appel à des voies de prolifération et de survie qui sont communes à toutes les étiologies des hépatopathies chroniques (voie ERK ; voie AKT) et qui sont les cibles principales des nouvelles approches thérapeutiques.

M. Michel BOUREL

Quel est l’ intérêt pronostique de la surveillance volumétrique d’un nodule de CHC ? Quels sont les enseignements de la constatation de nodules dépourvus. en cas d’hémochromatose génétique ?

La surveillance volumétrique est indiquée lorsque les critères d’imagerie (prise de contraste précoce, lavage tardif) ne sont pas réunis par un, voire par deux examens complémentaires. La progression volumétrique donne une idée de l’agressivité de la tumeur. En moyenne, le temps de doublement est de l’ordre de quatre à six mois. Les nodules dépourvus de fer diagnostiqués à l’examen histopathologique du foie sont de véritables lésions dysplasiques et annoncent un haut risque de cancer du foie sur hémochromatose génétique.

Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 1, 23-32, séance du 8 janvier 2008