Avis
Publié le 7 novembre 2023

Avis inter-académique. Retraitement des dispositifs médicaux à usage unique aux fins de réutilisation

Inter-academic opinion. Reprocessing of single-use medical devices for reuse

Académies nationales de Médecine, Pharmacie et Chirurgie

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– AVIS INTER-ACADEMIQUE –

RETRAITEMENT DES DISPOSITIFS MEDICAUX A USAGE UNIQUE

AUX FINS DE REUTILISATION

Groupe de travail tri-académique – 7 novembre 2023

Les trois Académies nationales de Médecine, Pharmacie et Chirurgie ont pris l’initiative d’une réflexion commune, objective et neutre sur le sujet du retraitement des dispositifs médicaux à usage unique (DMUU) aux fins de réutilisation.

Le retraitement des dispositifs médicaux (DM) est un procédé dont fait l’objet un dispositif usagé pour en permettre une réutilisation sûre.

Le règlement européen 2017/745 du 5 avril 2017 relatif aux DM (RDM ou MDR) fixe un cadre réglementaire, technique et sécuritaire très contraint. Il laisse cependant aux Etats membres l’opportunité d’autoriser ou non le retraitement de certains DMUU dans le cadre du règlement d’exécution 2020/1207 du 19 août 2020. Six (6) Etats membres l’autorisent aujourd’hui mais quinze (15) l’interdisent, dont la France, et ce de très longue date.

Des partisans du retraitement se sont largement exprimés, avec des arguments de nature écologique, économique ou d’approvisionnement notamment, mais jusqu’ici sans inflexion des pouvoirs publics français.

Les arguments déjà anciens en faveur de cette pratique restent pour l’instant à valider. C’est pourquoi nos trois Académies ont procédé à une série d’auditions* destinées à éclairer le débat. Il apparaît qu’aucune des parties intéressées interrogées n’est opposée par principe au retraitement des DMUU dès lors que l’intérêt en serait démontré et que le cadre réglementaire, technique et sécuritaire soit respecté scrupuleusement.

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Ainsi, les trois Académies sont très favorables à l’enquête européenne destinée à faire le bilan de l’expérience acquise par les pays qui autorisent actuellement ou pas le retraitement des DMUU, au-delà de la simple affirmation que « cela se fait ailleurs ».

De même, les trois Académies se félicitent de l’annonce des pouvoirs publics français en mai 2023 de mener dès 2024, dans le cadre de la feuille de route « Planification écologique du système de santé », une expérimentation sur la « faisabilité du retraitement des DMUU, afin d’identifier le cadre juridique et les pratiques qui garantiraient la sécurité des soins ».

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En France, le lancement de cette expérimentation est porté dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 ; les conditions resteront à définir précisément. Dans cette optique, les trois Académies attirent l’attention en vue de la discussion parlementaire et au-delà sur les points suivants.

Eligibilité des DMUU au retraitement / périmètre

Tous les DMUU ne peuvent être potentiellement retraités, notamment pour des raisons de sécurité, faisabilité technique (possibilités de pré-traitement, de nettoyage, de stérilisation ou de maintien des performances) ainsi que de rentabilité financière que ce soit pour le système de santé ou le fabricant.

En effet, le retraitement a lui-même un coût, aussi bien financier (installation technique, main d’œuvre, fonctionnement) qu’écologique (transport, énergie) – cf. infra.

Ainsi, c’est in fine le fabricant (industriel ou établissement de santé) qui sélectionne les DMUU qu’il peut ou veut retraiter. Il convient de ne pas oublier que rien n’est possible sans offre de retraitement.

Pour toutes ces raisons, il devra être déterminé à l’issue de l’expérimentation quel est le champ des DMUU susceptibles d’être retraités.

Capacité technique à retraiter

Le retraitement nécessite la mise en œuvre d’unités de production dotées de moyens adaptés : locaux, équipements spécifiques (nettoyage, stérilisation, conditionnement, contrôles avec des moyens analytiques ad hoc) et un personnel formé et compétent. Un investissement coûteux peut donc être un préalable nécessaire.

Dans la situation actuelle, seules des unités de type industriel semblent à même de traiter les DMUU les plus complexes.

S’il ne faut pas renoncer par principe à l’utilisation des capacités hospitalières, elles ne paraissent pas suffisantes à ce stade à une large échelle. Mais peut-être le seraient-elles dans un contexte spécifique (crise sanitaire, rupture, DM simples ou DM ancillaires). L’expérience vécue pour les lames de laryngoscope pendant la crise sanitaire peut servir d’exemple.

Circuit de retraitement

Si l’on exclut dans un premier temps la production interne à un établissement de santé, deux circuits sont possibles :

Ouvert : l’industriel acquiert des DMUU usagés auprès des établissements de santé, procède à leur retraitement puis les propose sur le marché européen à son nom après marquage CE ;

Fermé : un établissement donné fait retraiter ses propres DMUU usagés par un industriel prestataire qui les lui retourne après retraitement, les contraintes réglementaires étant alors moindres. L’opérateur n’est pas contraint de suivre une procédure de marquage CE des DM retraités puisqu’ils ne sont pas remis sur le marché général, mais il doit respecter des contraintes techniques et de sécurité, publiées sous forme de spécifications techniques européennes, analogues à celles imposées au marquage CE (cf. le règlement d’exécution cité plus haut).

Il conviendrait dans l’expérimentation d’évaluer la faisabilité concrète et l’intérêt de ce second circuit, sans se limiter au simple achat de DMUU retraités.

Détermination des responsabilités de chaque intervenant

Il s’agit d’un élément clé : la responsabilité de chaque acteur doit être très clairement définie, que ce soit dans la qualité et la sécurité du processus, la traçabilité ou l’information générale des usagers et des patients en particulier.

Impact écologique

L’argument écologique est très important et doit évidemment être pris en compte, encore faut-il qu’il soit correctement évalué.

Ainsi, le processus de retraitement a lui-même des conséquences écologiques : transport (tout particulièrement dans le cas du circuit ouvert), énergie, production d’emballages et de déchets, etc.

Des indicateurs doivent donc être définis, à charge ou à décharge (analyse de cycle de vie, empreinte carbone, éco-toxicité, etc.).

Impact sur les ruptures d’approvisionnement et souveraineté

Il n’est pas établi que certains DMUU actuellement retraités et utilisés à l’étranger (par exemple les cathéters d’électrophysiologie) seraient ceux qui posent les problèmes d’approvisionnement les plus importants en France.

En revanche, la question pourrait être à reconsidérer en cas de crise sanitaire, géopolitique ou climatique, y compris temporaire. Il convient donc d’avoir une vision prospective.

Impact médico-économique

Si le niveau de prix annoncé pour les DMUU retraités semble intéressant, il conviendra d’évaluer le coût global pour le système de santé français.

De même, une éventuelle unité de production industrielle sur le territoire national n’est envisageable que si un véritable marché est créé.

Autres questions à explorer en parallèle

Le débat sur le retraitement doit en induire d’autres, par exemple le recours plus fréquent à des DM réutilisables (conçus à cet effet) ainsi que des modifications de pratique.

Sur un strict plan écologique, il conviendra d’amplifier la valorisation des déchets, par exemple la récupération des métaux rares composant pour partie certains DMUU.

Il conviendrait également de réexaminer la pertinence de la qualification « usage unique » de certains DMUU par le fabricant, dès leur conception.

Impact sécuritaire et éthique

Le retraitement des DMUU est en soi un processus à risque. Toutes les précautions doivent être prises pour assurer la sécurité des patients et des professionnels de santé et au premier chef la qualité du processus dans son ensemble ainsi que sa traçabilité (matériovigilance adaptée…). Ceci en garantissant les mêmes performances et bénéfices cliniques du DMUU retraité.

Acceptabilité du retraitement

L’acceptabilité par les patients (pédiatrie et gériatrie notamment), la représentation nationale ou les pouvoirs publics ne se fera que si le système présente toutes les garanties de sécurité dans la plus grande transparence. La confiance est un facteur-clé.

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En conclusion, les trois Académies recommandent une évaluation nationale rigoureuse, objective et exhaustive des possibilités offertes par la réglementation européenne.

Les trois Académies se tiennent à la disposition de toutes les parties intéressées pour tout commentaire ou proposition.

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Contact :

Jacques CATON (AnM et AnC) – caton.jacques@orange.fr

Pierre-Yves CHAMBRIN (AnP) – pierre-yves.chambrin@aphp.fr

 

* pouvoirs publics : ANSM, DGS ; sociétés savantes : Collectif EcoResponsabilité en Santé (Ceres), Euro-Pharmat, Sté française d’hygiène hospitalière (SF2H), Sté française de Cardiologie ; patients : France Assos Santé ; industriels : SNITEM, Apperton/Vanguard ; groupe d’intérêt : Club des acheteurs en produits de santé/Hospices civils de Lyon (CLAPS/HCL)

 

 

Accès sur le site Science Direct : https://doi.org/10.1016/j.banm.2023.12.011

Accès sur le site EM Consulte

Bull Acad Natl Med 2024;208:142-4. Doi : 10.1016/j.banm.2023.12.011