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Session of 10 octobre 2006

Avis du Conseil Economique et Social sur la coopération sanitaire française dans les pays en développement

MOTS-CLÉS : coopération internationale. pays en développement.. santé mondiale

Marc Gentilini

Résumé

Devant une situation sanitaire mondiale qui s’aggrave avec l’extension de la pauvreté du plus grand nombre, et un accès à la santé de plus en plus inégal, on doit déplorer, malgré quelques avancées, un déclin de fait de notre présence auprès des responsables sanitaires des pays partenaires et surtout auprès des populations, alors même que le savoir faire français spécifique en matière de santé dans les PED est universellement reconnu.

La dimension altruiste portée par le concept de co-opération risque de disparaître progressivement, sous la démarche technico-bancaire de l’AFD et la problématique politique du ministère des Affaires étrangères. Le partenaire de cette ‘‘ nouvelle coopération ’’ est ‘‘ rangé ’’ parmi les étrangers, à qui l’on donne ou l’on prête sans chaleur. La coopération apparaît désincarnée et la réforme actuelle, par trop financière. Le Conseil Économique et Social rappelle, avec force, que ce thème doit demeurer celui de la solidarité, de la fraternité et du partage, en particulier s’agissant de la coopération sanitaire.

INTRODUCTION

En date du 26 septembre 2006 [1], le Ministre des Affaires Etrangères français et son homologue norvégien, tous deux médecins, affirment : ‘‘ la santé, désormais, est un sujet majeur de politique étrangère… Elle est aujourd’hui une question politique et diplomatique de premier ordre, inscrite dans les grands agendas internationaux ’’. En effet, tous les leaders du monde, passés ou présents, peut-être même futurs, Jimmy Carter, Bill Clinton, le Président Bush jusqu’à des généraux putschistes convertis ou reconvertis, se préoccupent ‘‘ d’humanitaire ’’. Les milliardaires ne sont pas en reste : Bill et Melinda Gates privilégient le secteur de la santé et mènent une croisade caritative dont les pays pauvres bénéficient dans l’immédiat. Ainsi, tous les responsables politiques et économiques affichent-ils leur volonté de faire de l’ accès à la santé , condition préalable au développement durable, leur priorité ! Et l’humanitaire est devenu un thème à la mode, ‘‘ politiquement correct ’’.

Mais, alors que le savoir-faire français spécifique en matière de santé dans les pays en développement, universellement reconnu, parfois copié, militerait en faveur d’un engagement beaucoup plus actif, nous constatons au contraire un déclin de la présence française sur le terrain avec retrait des hommes et réduction des moyens.

Dans cette note d’information sont rapportées les principales conclusions du travail présenté devant le Conseil Economique et Social (CES) qui s’est auto-saisi, sur ma proposition, de la situation actuelle de la coopération sanitaire française dans les pays en développement [2].

Je voudrais, avant de les aborder, rappeler la qualité du travail effectué par ceux d’entre vous qui ont consacré de longues années au service des pays pauvres dans le domaine de la santé, de la formation, de la recherche.

Il convient également de tenir compte de travaux récents : le rapport remis au Premier Ministre par le député (et médecin), Pierre Morange [3], les travaux de l’Académie des Sciences dont la presse s’est faite l’écho [4] et le rapport de Philippe Kourilsky [5] sur la recherche, en particulier dans les maladies infectieuses demandé par le Ministre des Affaires Etrangères.

Enfin, on ne doit pas oublier que si la coopération sanitaire constitue une dimension et un volet essentiels de l’aide au développement, l’un et l’autre sont reliés au passé de l’Europe du 20ème siècle. La France y est présente par deux processus historiques majeurs : la colonisation et la décolonisation. Il convient d’être lucide sur la pesanteur de cette dépendance.

LA COOPÉRATION SANITAIRE HIER

Dans l’ambiance actuelle de repentance manifestement excessive, il n’est pas aisé de rappeler l’Histoire et d’affirmer l’acquis sanitaire de la période coloniale : découverte de l’hématozoaire du paludisme par Laveran, du bacille de la peste par Yersin, dépistage ambulatoire des grandes endémies, campagnes de vaccinations, mise en place d’un réseau polyvalent de soins, création de jeunes écoles de médecine, naissance des Instituts Pasteur d’Outre-mer, tous secteurs ayant connu un développement et une efficacité dus en grande partie à l’engagement et à la compétence des médecins militaires.

Après cette longue phase, les quarante années qui suivirent les indépendances, survenues vers 1960, peuvent être divisées en trois étapes :

— 1960 / 1980 : l’Aide Publique au Développement (APD) est importante ;

l’expertise française confirmée avec un taux d’assistance technique équivalant à 50 % des moyens mis à la disposition des pays en développement par les pays développés ; à cette époque, il est parfois reproché à la Coopération un hospitalo-centrisme .

— 1980 / 2000 : pendant les vingt dernières années du 20ème siècle, la politique sanitaire française se modifie radicalement sous le poids de la démographie galopante et des critiques découlant en particulier de la déclaration d’Alma Ata en 1978 sur la priorité à donner aux soins de santé primaires avec comme objectif la

Santé pour tous en l’an 2000 (!). Nous passons d’une assistance technique de substitution à une assistance technique d’accompagnement mais le retrait s’opère, brutal, maladroit, blessant, mal reçu par nos partenaires et préjudiciable aux populations.

Toutefois, dans cette même période, notre pays s’impose comme précurseur international dans le domaine du sida en prônant le droit aux médicaments pour tous les malades, (J. Chirac — Abidjan — Décembre 1997).

— Depuis l’an 2000 , la France s’est engagée au sein de la communauté internationale en vue de la réalisation des

Objectifs de Développement pour le Millénaire (ODM) : ODM 4 (réduction de la mortalité infantile), ODM 5 (amélioration de la santé maternelle), ODM 6 (combat contre le VIH/sida, le Paludisme, la tuberculose et d’autres maladies), et même ODM 8 (accès aux médicaments).

Sur le plan national, cette période est aussi marquée par la réforme de la coopération qui, entre autre, fixe une liste de sept stratégies sectorielles présentée par nos ambassadeurs aux responsables des pays partenaires et qui doit aboutir à l’élaboration d’un

Document Cadre de Partenariat (DCP) retenant trois secteurs d’intervention prioritaire sur lesquels portera notre aide.

Hélas, pour 2005, sur vingt-cinq DCP soumis à Paris, seuls neuf avaient retenu la santé !

Au cours de cette même période, on constate d’une part l’augmentation de l’aide multilatérale par rapport à l’aide bilatérale devenue minoritaire depuis 2004, d’autre part l’importance croissante de la coopération décentralisée . Tout se passe comme si l’Etat, n’ayant plus assez de moyens pour majorer l’APD, cherchait à diversifier ses sources de crédit à travers, en particulier, le concours des collectivités territoriales et le recours à l’aide privée.

 

LA COOPÉRATION SANITAIRE EN PRATIQUE AUJOURD’HUI

Il n’est pas nécessaire d’insister sur l’aggravation de l’état de santé des populations vivant dans les pays les plus pauvres, malgré les progrès accomplis par la science médicale au cours des cinquante dernières années. Cette dégradation concerne plus de cinq milliards d’individus sur les six milliards et demi que compte la planète.

L’explosion démographique, l’instabilité politique et économique, la corruption, les conflits armés régionaux, les guerres civiles, la disette ou la famine a, l’inaccessibilité à l’eau, sont autant de causes, souvent cumulatives, responsables de la dégradation sanitaire et de la pauvreté : 50 % de la population mondiale n’a pas plus de deux dollars par an pour la santé.

Deux facteurs aggravent cette situation : le délabrement des structures de santé insuffisamment entretenues par les autorités locales et une carence grave en ressources humaines, les pays riches se comportant parfois au même titre que les institutions internationales comme des prédateurs de cerveaux en particulier de médecins et d’infirmiers attirés par un exercice plus facile, plus digne et des salaires plus élevés. La désertion médicale de l’Afrique, mais cela est vrai également pour certains pays d’Europe de l’Est, aboutit à des situations dramatiques : au Malawi, deux médecins pour cent mille habitants contre un pour trois mille en France !

Dans ce contexte, tandis que les endémies traditionnelles (paludisme, maladie du sommeil, bilharzioses…) n’ont cessé de sévir, souvent de s’étendre ou de réapparaître lorsqu’elles étaient presque maîtrisées, des maladies émergentes sont apparues tel le sida depuis 1981 avec son cortège de malades ou de morts. Sur les six millions de décès dus chaque année au sida, 90 % se situent dans les pays en développement, 60 % pour la seule Afrique subsaharienne où le paludisme tue encore un million de personnes par an. Mais en dehors des épidémies, malgré une amélioration de la santé maternelle et infantile, objectif explicite du millénaire pour le développement, la grossesse et la naissance restent encore des causes majeures de décès : plus de cinq cent mille femmes meurent chaque année dans les pays pauvres, de maladies liées à la procréation ; et dix millions d’enfants de moins de cinq ans meurent chaque année d’affections évitables.

a. Selon le FAO, en 2006, 854 millions souffrent de la faim, dont 820 millions dans les pays en voie de développement. Plus de 300 millions souffrent de malnutrition dont 190 millions d’enfants auxquels il faut ajouter 6 millions et demi de morts de faim chaque année (source IFPRI).

 

Face à cette aggravation, la France a majoré le volume global de l’APD b mais, au sein de celle-ci, la part affectée à la santé est en baisse : 4 % seulement sont affectés directement au bénéfice de la santé contre 11 % en moyenne dans les autres pays de l’OCDE. Même si nous occupons une place non négligeable dans certains programmes internationaux, en particulier depuis peu au Fonds Mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose , nous sommes beaucoup moins présents sur le terrain avec une réduction drastique du personnel de coopération sanitaire.

 

LES MOYENS DU REDRESSEMENT

Pour pallier ces carences, le CES a suggéré des propositions, les unes immédiatement applicables, les autres à moyen terme.

Il propose en effet :

— de faire de la santé un secteur non négociable de notre coopération .

Les DCP présentés à nos partenaires devraient obligatoirement comporter un volet sanitaire. La santé ne doit pas être considérée comme une matière facultative , à option , mais au contraire une matière obligatoire . Elle ne saurait être mise au choix mais doit s’imposer ; d’autant qu’il s’agit d’un volet ‘‘ non marchand ’’ de la coopération, au-dessus de tout soupçon.

— de lier intimement l’ action sanitaire à l’ action éducative , mobilisant davantage l’éducation nationale française et les organismes de coopération francophones (OIF) dont on doit regretter l’absence de politique réelle de santé et de faire en sorte que la tripe démarche ‘‘ soigner — éduquer — nourrir ’’ permette le développement durable de ces pays pauvres.

— de s’engager certes pleinement dans le multilatéralisme mais à condition de peser sur ses choix stratégiques et de pénétrer davantage les milieux internationaux par les experts français, pratiquant un antrisme analogue à celui de nos partenaires anglo-saxons.

— de renforcer le bilatéralisme : le maintien d’une relation bilatérale est unanimement réclamé et l’engagement dans le multilatéral doit s’opérer par addition et non par soustraction au détriment du bilatéral ; sans pour autant retourner à une conception désuète de coopération de suppléance mais en créant un partenariat à fois respectueux et efficace dans ses réalisations. Le CES considère que ce serait une faute sanitaire et une faute politique que de sacrifier le bilatéral au profit du multilatéral. Les assistants techniques de terrain victimes d’une déflation majeure (cf. tableau) doivent au contraire b. Prévu à 0,7 % du revenu national brut (RNB) en 1970, l’APD s’est effondrée à 0,3 % en 1990 pour atteindre 0,4 % puis 0,50 % en 2007 et être à nouveau fixée à 0,7 % en 2012 (cf.

Conférence de Monterey).

être en partie renforcés et des moyens financiers dégagés pour leur permettre d’exister.

— de mobiliser davantage les associations de travailleurs migrants en faveur de réalisations sanitaires et éducatives dans les villages d’immigration tout en contrôlant avec rigueur l’argent versé. A cet égard, il est regrettable qu’une partie de l’opinion publique française s’enflamme pour des faits ponctuels (évacuation du squat de Cachan, embarcations d’immigrés clandestins vers les Canaries…) et reste peu mobilisée dans la lutte pour le développement durable des pays pauvres dans les pays d’émigration.

— de mieux apprécier, coordonner et évaluer la coopération décentralisée (Régions, Départements, Mairies). L’engagement des collectivités locales dans le domaine de la coopération est réel, constitue leur volet de politique étrangère et traduit leur souci de solidarité internationale. Mais l’implication de ces collectivités proches du terrain ne doit pas tourner au ‘‘ tourisme sanitaire ’’ ou se limiter à des transferts de matériel médico-technique usagé ou obsolète. Là comme ailleurs l’évaluation du travail accompli doit être traité avec rigueur et sans complaisance.

— d’utiliser les structures de l’Outre-Mer français comme base avancée de notre coopération sanitaire. Les Collectivités d’Outre-Mer (COM) disposent de compétences et d’outils spécifiques à travers le fonds de coopération régional et le fonds pacifique permettant d’envisager la création de plateformes permanentes de coopération entre elles et les pays voisins ;

coopération de voisinage perçue comme un plus pour l’image de l’OutreMer et celle de la coopération française c.

— de renforcer les ressources humaines dans le domaine sanitaire, priorité absolue dans les pays pauvres, tant sont dramatiques les conséquences de l’exode des élites. Cette carence en ressources humaines ne cesse de s’aggraver et a été dénoncée par l’Organisation Mondiale de la Santé, qui en a fait son thème de l’année 2006. La fuite des cerveaux opère une saignée qui, jointe à la mortalité des élites par le sida, pourrait être fatale aux pays les plus meurtris. Elle est aggravée par nos propres carences en démographie médicale et infirmière et par l’effet prédateur des organisations internationales qui détourne vers elles les techniciens les mieux formés. Pour freiner cette désertion d, il convient de redéployer le partenariat hospitalo-universitaire mais avec réciprocité, en réelle harmonie avec les responsables politiques et techniques des pays pauvres riches. Dans ce domaine, une politique active de maintenance de la formation continue doit être également privilégiée, renforcée lorsqu’elle existe, et soutenue dans la durée en recourant aux méthodes modernes de communication.

c. Le 12 avril 2006, un centre de recherche et de veille sur les maladies émergentes à visée régionale a été créé dans le département de La Réunion au décours de l’épidémie du chikungugnya.

d. On compte un à deux médecins pour 100 000 habitants au Malawi, un pour 3 000 en France.

— d’instituer un service civique national . La décision du 28 octobre 1997 de suspendre le service national obligatoire (750 000 appelés par an) a brutalement tari une source importante, compétente et généreuse de jeunes citoyens qui trouvaient, à travers le volontariat du service national en entreprise, en aide technique, dans le service de défense et de sécurité civile, une expérience enrichissante et rendaient des services appréciés.

Parallèlement à la décision de 1997, le législateur avait prévu un statut du volontariat civil qui semble actuellement être le thème d’intervention du pouvoir exécutif et législatif. Un service civique civil constituerait un vivier où la coopération sanitaire puiserait les ressources humaines qui font si cruellement défaut. En pratique, la nécessité de renforcer d’urgence ce vivier impliquerait, dans l’immédiat, le recrutement de 100 à 300 coopérants sanitaires de tous niveaux susceptibles d’être formés de façon complémentaire en quelques semaines.

— s’agissant de la recherche , il apparaît déplorable que le brillant réseau mis en place par la France pendant la période coloniale et au décours de celleci : (Réseau International des Instituts Pasteur (RIIP), Institut de Recherche et de Développement (IRD) e, Institut National de la Santé de la Recherche (INSERM), Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD), Institut National d’Etudes Démographique (INED), Agence Nationale de Recherche contre le Sida (ANRS). Sans omettre les nombreux centres de recherche des universités, et celui spécifique du Pharo f, sans parler de la recherche émanant du secteur privé, on ne peut que déplorer que cet ensemble unique pour les pays européens ait une action dispersée et brouillonne et parfois concurrentielle 1. Ce manque de concertation, de coordination, d’harmonisation aboutit à des doublons préjudiciables à la place et au rayonnement scientifique de la France et au développement de la recherche en Afrique.

L’on doit regretter également l’absence d’engagements à l’égard des structures de recherche locales. Globalement, l’Afrique ne pèse que 0,7 % dans les publications scientifiques et ne représente que 3 % des dépôts de brevets (A.

Capron). L’on doit déplorer l’absence d’engagement dans cette direction au sein du ‘‘ pacte de recherche ’’ adopté par l’Assemblée nationale et par le 6ème Programme-cadre européen de recherche et de développement (PCRD) qui n’alloue que 4 % des moyens aux activités internationales (rapport de l’Académie des Sciences 2006).

e. Ancien ORSTOM (Office de Recherche Scientifique et Technique d’Outre-Mer).

f. INTSSA (Institut de Médecine Tropicale des Services de Santé des Armées) à Marseille.

g. A Dakar, à côté du Centre de Traitement Ambulatoire (CTA) créé à l’Hôpital de Fann, avec des crédits privés et associatifs, a été érigé un centre concurrent financé par des crédits français (IRD, ANRS) et de l’Union Européenne (UE).

— de coopérer avec l’Industrie pharmaceutique pour organiser l’achat et la distribution de médicaments. Le coût des médicaments reste encore trop élevé en dépit des baisses consenties par les grandes firmes pharmaceutiques et les accords sur la propriété individuelle. De plus, la distribution des médicaments n’est pas sécurisée en durée et en qualité. Elle est affectée pour plus de 50 % de son montant par la contrefaçon, les détournements et les reventes illicites. Toutes les dispositions retenues lors de la Conférence de Paris (2006) doivent être complétées par un contrôle de qualité et une distribution rigoureuse 2.

— de demander aux Organisations non gouvernementales (ONG) dans le domaine de la santé, dont l’apport est incontestable mais trop dispersé, qu’il s’agisse de l’aide dans l’urgence humanitaire ou de l’aide dans la durée, d’agir avec plus de concertation entre elles et avec les Etats partenaires.

L’idée de faire transiter une partie plus importante des APD par les ONG est plus répandue dans les autres grands pays donateurs que chez nous.

Même si l’Etat a pris récemment l’engagement de doubler d’ici cinq ans le montant des financements de l’APD destinée aux ONG. Ce mode de transit a l’intérêt de dépolitiser la démarche et de mobiliser le vivier en ressources humaines qu’elles constituent.

— de rechercher de nouvelles sources de financement i. Les sources traditionnelles, étatiques, de la coopération sanitaire ne suffisent plus, compte tenu de l’importance des problèmes à résoudre. La mobilisation de l’opinion publique a des effets imprévisibles trop souvent événementiels, tantôt généreux (tsunami 2004), tantôt éloignés d’un objectif au long cours non médiatisable. Il est donc indispensable de rechercher de nouvelles sources de financement. La taxe sur les billets d’avion va dans cette direction. Elle ne rapportera pas, cependant, des sommes considérables (autour de 200 millions d’euros) mais constitue une démarche initiatique permettant d’envisager la mobilisation dans d’autres secteurs : contribution volontaire de toutes les entreprises travaillant dans les PVD, sanction ferme de l’usage de paradis fiscaux, taxation des ventes d’armes j.

La part défiscalisable de l’impôt sur le revenu, qui a été cependant relevée en France jusqu’à 20 %, ne suffit pas à mobiliser l’opinion publique et à faire de cette possibilité un ‘‘ impôt choisi ’’ par le contribuable ; on doit souhaiter que cette formule soit exposée de façon plus incitative, sous h. En juin 2006 a été créée par le Ministère des Affaires Etrangères UNITAID dont l’objet est, entre autres, la facilitation internationale d’achat de médicaments.

i. Une étude est en cours au Conseil Economique et Social sur les nouvelles sources de financement et un avis sera émis avant la fin de l’année [5].

j. Les pays pauvres gaspillent trop souvent, en dépenses militaires, l’équivalent des sommes nécessaires en vue de rendre accessible l’enseignement primaire pour tous et d’obtenir la réduction de la mortalité infantile de 66 % pour 2015, un des ODM. Dans les années 1990-2000, ces dépenses ont, en Afrique subsaharienne, augmenté de 47 %, tandis que l’espérance de vie tombait au-dessous de 47 ans.

forme de création d’un fonds de coopération sanitaire , complémentaire de l’APD.

— de créer d’urgence une cellule réellement active pouvant examiner de façon transversale les actions des trois niveaux de santé (santé publique, formation, recherche) impliquant différentes directions politiques afin de définir et d’imposer un plan concerté annuel d’actions entre tous les partenaires. C’est celle-ci qui devrait choisir, en plein accord avec les responsables sanitaires des pays étrangers, les priorités, l’exécution des programmes et leur évaluation. Car, d’une façon générale, notre coopération en matière de santé apparaît sans objectifs précis, sans cohérence, souvent en concurrence franco-française ou entre notre coopération et la coopération internationale.

Toutes ces remarques impliquent que la coopération ne soit pas un domaine réservé politiquement mais adopté par la société civile , mieux informée, afin qu’elle s’en approprie les enjeux. Une vaste campagne d’information devrait entraîner une meilleure mobilisation de l’opinion et les échéances politiques proches devraient être un temps d’incitation à des choix qui conditionnent à la fois l’avenir de la France à l’intérieur de l’Hexagone et son rayonnement à l’extérieur.

Il conviendrait enfin que soit complétée et clarifiée la réforme de la coopération en général, et de la coopération sanitaire en particulier, réforme inachevée préjudiciable à la son efficacité et à notre image.

 

BIBLIOGRAPHIE [1] DOUSTE-BLAZY Ph., GAHR STORE J. — La santé, un sujet de politique étrangère — La Croix (20 septembre 2006).

[2] GENTILINI M. (rapporteur) — La Coopération sanitaire française dans les pays en développement — Conseil Economique et Social no 2006-08 (JO Ed.).

[3] MORANGE P., KEROUEDAN D. — ‘‘ Evaluation de l’action de la France en faveur de la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement dans le domaine de la santé.

Articulation et coordination des aides bilatérales et de la participation de la France aux programmes multilatéraux du secteur de la santé ’’ – Rapport au Premier ministre (7 juin 2005).

[4] KOURILSKY Ph. — Optimiser l’action de la France pour l’amélioration de la santé mondiale : Le cas de la surveillance et de la recherche sur les maladies infectieuses — Rapport aux Ministres des Affaires Etrangères, de la Recherche, et de la santé et des solidarités (2006) (à paraître Documentation Française).

[5] LEMERCIER J., DE LA LOYERE G. (rapporteurs) — Les objectifs de développement du millénaire : quels financements innovants ? Conseil Économique et social, 2006, 22.

[6] ORTH G., SANSONETTI Ph. — La Maîtrise des maladies infectieuses : un défi de santé publique, une ambition médico-scientifique — Académie des Sciences — 1 volume — 2006 (EDP Sciences)

ANNEXE

TABLEAU. — Evolution des effectifs de l’assistance technique dans le domaine de la santé (de 2001 à 2006).

Au 31 décembre Transferts Créations AFD 2006 2001 2002 2003 2004 2005 2006 (prop.) Assistants techniques 212 207 202 196 138 43 34 Pays 198 192 187 184 113 43 6

Inter Etats (+ multi) 14 15 15 12 25 0 28

Volontaires internationaux 17 14 16 21 10 0 0 Pays 15 12 14 20 10 0 0

Inter Etats 2 2 2 1 0 0

Total 229 221 218 217 148 43 34 Variation — 3 % 1 % 0 % 32 %

Source : Ministère des Affaires Etrangères, DGCID, sous-direction des politiques sectorielles, bureau santé-protection sociale, 11 janvier 2006 « Bilan secteur santé ».

 

* Membre de l’Académie nationale de médecine, Rapporteur au nom de la section des relations extérieures au Comité Économique et Social, Paris.

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 7, 1523-1532, séance du 10 octobre 2006