Résumé
La résection pancréatique constitue actuellement le seul traitement à visée curative offrant un espoir de survie à long terme aux patients atteints d’un cancer du pancréas. L’envahissement de l’axe veineux mésentérico-portal par la tumeur a été longtemps considéré comme une contre-indication à l’exérèse. Le développement récent des techniques de reconstruction vasculaire a permis d’élargir progressivement les indications des résections pancréatiques à visée curative aux patients ayant une tumeur maligne pancréatique envahissant l’axe veineux mésentérico-portal. Notre expérience des résections veineuses mésentérico-portales au cours des résections pancréatiques porte sur cent patients opérés entre 1989 et 2005, ce qui constitue l’une des séries les plus importantes rapportées jusqu’ici. Dans cette série, la mortalité globale était de 4 % et la morbidité de 39 %. Chez les malades opérés pour un adénocarcinome exocrine du pancréas, la survie à cinq ans était de 35,8 % après résection en cas d’envahissement superficiel de l’axe veineux mésentérico-portal, c’est-à-dire similaire à celle observée chez ceux dont l’axe veineux mésentérico-portal réséqué était indemne d’envahissement tumoral (26,7 %). Ces résultats justifient le recours à la résection veineuse chaque fois que la tumeur pancréatique envahit l’axe mésentérico-portal et qu’une exérèse complète R à visée curative apparaît réalisable . 0
Summary
Pancreatic resection is currently the only treatment offering the possibility of long-term survival for patients with pancreatic cancer. Mesentericoportal vein involvement used to be considered a contraindication to pancreatic resection, but recent advances in vascular surgery have gradually extended the indications of curative pancreatic resection to such cases. We report hereby our experience of 100 pancreatic resections combined with mesentericoportal vein resection for pancreatic malignancies, performed between 1989 and 2005. This is one of the largest reported series. The overall mortality rate was 4 % and the morbidity rate was 39 %. Among the 76 patients who had pancreatic adenocarcinoma, the 5-year survival rate in case of limited mesenterico-portal vein wall involvement (up to the adventitia) was similar to that among patients without histological involvement of the portal vein wall (35.8 % and 26.7 %, respectively). These results support aggressive management consisting of resection and reconstruction of the mesentericoportal veins in patients with venous involvement, provided curative R resection is feasible. 0
INTRODUCTION
Le cancer du pancréas représente actuellement la cinquième cause de décès par cancer digestif, responsable de plus de 7 000 décès par an en France [1]. Seule l’exérèse radicale R de la tumeur peut conduire à des survies prolongées, tandis que 0 les traitements palliatifs n’offrent qu’une survie médiane courte, de l’ordre de cinq mois [2]. Une évaluation de la chirurgie d’exérèse du cancer de la tête du pancréas fondée sur les meilleurs niveaux de preuve a été récemment rapportée à l’Académie nationale de médecine soulignant que le facteur pronostic le plus important reste l’expérience du chirurgien [3]. L’envahissement de l’axe veineux mésentérico-portal présent dans environ 10 à 30 % des cas a été longtemps considéré comme une contre-indication à la duodénopancréatectomie pour tumeur maligne de la tête du pancréas. Toutefois en 1973, Fortner avait proposé une exérèse des tumeurs pancréatiques localement avancées en combinant une résection pancréatique à une résection de la veine porte, de la veine mésentérique supérieure ou de la confluence veineuse mésentérico-portale, voire, si nécessaire, une résection artérielle hépatique ou mésentérique supérieure [4]. Cette « pancréatectomie régionale » augmentait le taux de résécabilité chez des patients autrefois traités de façon palliative ; cependant elle était associée à une mortalité élevée souvent supérieure à 20 % et à une morbidité importante dominée par l’incidence des fistules pancréatiques et n’apportait de ce fait aucun bénéfice sur la survie à long terme. Plusieurs équipes, dont la nôtre ont rapporté leur expérience des résections pancréatiques combinées à une exérèse de l’axe veineux mésentérico-portal à partir de séries limitées [5-12]. Les premiers résultats observés nous ont conduit à ne plus considérer l’envahissement veineux isolé comme une contre-indication à une exérèse pancréatique à visée curative. En revanche, la découverte par l’imagerie pré-opératoire ou lors de la laparotomie d’un envahissement de l’artère mésentérique supérieure ou du tronc
TABLEAU 1. — Indications des resections veineuses mésentérico-portales au cours des duodénopancréatectomies.
Nombre de patients Adénocarcinome du pancréas 76 Cholangiocarcinome du bas cholédoque 7 Carcinome neuroendocrine 7 Adénocarcinome de l’ampoule de Vater 2 Adénocarcinome duodénal 1 Cystadénocarcinome mucineux du pancréas 1 Adénocarcinome compliquant une TIPMP *
1 Autres **
5 * TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire mucineuse du pancréas ** Autres : adénocarcinome colique (n=2), métastase d’une tumeur de Grawitz (n=1), métastase d’un carcinome bronchique (n=1), envahissement par un adénocarcinome gastrique (n=1).
coeliaque demeure, sauf cas exceptionnel, une contre-indication relative à la duodénopancréatectomie compte tenu des taux élevés de morbidité et de mortalité associés à la résection-reconstruction artérielle lorsqu’elle accompagne une résection pancréatique. Cette étude porte sur les résultats des exérèses pancréatiques associées à une résection veineuse mésentérico-portale afin de déterminer les risques péri-opératoires de ces résections combinées et leur impact sur la survie.
Patients et méthodes
Entre Janvier 1989 et Décembre 2005, 100 patients ont été opérés par résection pancréatique associée à une résection veineuse mésentérico-portale pour diverses pathologies malignes du pancréas dont la nature est résumée dans le Tableau 1. Les caractéristiques des patients, le type de résection pancréatique et de reconstruction vasculaire sont rapportés dans le Tableau 2. La technique de résection « en monobloc » et les modalités de reconstruction vasculaire sont schématiquement représentées dans les Figures 1 à 4. La continuité veineuse a été rétablie par une anastomose termino-terminale sauf chez 3 patients chez qui un greffon veineux ou prothétique a été interposé (Tableau 2). Durant la même période, 396 patients ont été opérés par résection pancréatique sans exérèse veineuse mésentérico-portale.
Résultats
La résection d’un segment veineux de 1 à 6 cm a été effectuée dans tous les cas sauf chez 7 patients qui ont eu une résection cunéiforme de l’axe veineux mésentéricoportal (Tableau 3). Les 93 résections veineuses segmentaires ont varié selon la topographie de la lésion pancréatique (Tableau 3). L’envahissement histologique de
TABLEAU 2. — Caractéristiques des patients.
Nombre de patients (n=100) Sexe ratio H/F 46/54 Age, ans (moyenne fi déviation standard) [extrêmes] 63 fi 11 [19 à 83] Type d’exérèse pancréatique Duodénopancréatectomie totale 32 Duodénopancréatectomie céphalique (DPC) 68 Type d’anastomose pancréato-digestive après DPC Pancréatojéjunostomie 8 Pancréatogastrostomie 60 Résection artérielle associée 13 Rétablissement de la continuité vasculaire Anastomose termino-terminale 97 Interposition de greffon 3 Veineux 2 Prothétique (Gore-tex®) 1 Durée opératoire, minutes (moyenne fi déviation standard) 497 fi 91 [300 à 705] [extrêmes] la paroi veineuse était présent dans 62 cas. Il s’agissait d’un envahissement superficiel de l’adventice (n=23) ou plus profond étendu jusqu’à la média (n=16) ou l’intima (n=23). Quatre patients sont décédés au cours de la période post-opératoire, dont 1 patient chez qui une résection veineuse et artérielle avait été combinée. Un seul décès était directement lié à la survenue d’une thrombose veineuse mésentéricoportale. Une complication post-opératoire est survenue chez 39 patients. Les causes de la mortalité et de la morbidité post-opératoires sont résumés dans le Tableau 4.
La durée moyenne du séjour hospitalier était de 16 fi 6 jours (extrêmes 3 à 41).
Parmi les 76 patients opérés pour un adénocarcinome du pancréas, une exérèse pancréatique à visée curative R a été obtenue chez 61 patients (80 %). L’analyse de 0 l’envahissement de la paroi veineuse mésentérico-portale a pu être effectuée chez 60 patients. La moyenne du suivi était de 16 fi 18 mois (extrêmes allant de 0 à 85).
La survie à un, trois et cinq ans était respectivement de 49,9 %, 24,0 % et 16,8 %. La médiane de survie était de douze mois. L’analyse de facteurs pronostiques a montré que le caractère non curatif de l’exérèse ( P =0,001) et la profondeur de l’envahissement de la paroi veineuse mésentérico-portale (
P =0,004) constituaient des facteurs péjoratifs pour la survie. En effet, la survie à trois et cinq ans chez les patients ayant eu une exérèse à visée curative (respectivement de 29,9 % et 20,9 %) était significativement plus élevée par rapport à celle observée chez les 15 patients chez qui l’exérèse était classée R (survie à deux ans : 0 % ; P =0,001 ; Figure 5). Par ailleurs, 1 la survie à cinq ans chez les patients ayant un envahissement limité à l’adventice de l’axe veineux mésentérico-portal ne différait pas de la survie des patients ayant un
FIG. 1. — Exérèse monobloc de la tumeur pancréatique et du segment veineux portal envahi (clampage de l’axe veineux mésentérico-portal en amont et en aval de l’exérèse associé à un clampage de la veine splénique).
FIG. 2. — Reconstruction de l’axe veineux mésentérico-portal par anastomose termino-terminale sans interposition de greffon veineux. Rétablissement de la continuité biliaire (anastomose hépatico-jéjunale) et de la continuité digestive (anastomose pancréato-gastrique et anastomose gastro-jéjunale).
FIG. 3. — Reconstruction de l’axe veineux mésentérico-portal incluant ou non la veine splénique.
FIG. 4. — Reconstruction de l’axe veineux mésentérico-portal avec interposition d’un greffon veineux.
TABLEAU 3. — Caractéristiques des résections veineuses mésentérico-portales.
Nombre de patients (n=100) Résection veineuse segmentaire 93 Confluence veineuse mésentérico-portale 43 Veine porte 27 Veine mésentérique supérieure 23 Résection cunéiforme 7 TABLEAU 4. — Cause du décès et type de complications post-opératoires après résection veineuse mésentérico-portale au cours des exérèses pancréatiques.
Nombre de patients Mortalité 4 Cause du décès Infarctus veineux mésentérique 1 Infarctus mésentérique par thrombose de l’artère mésentérique supérieure 1 Choc cardiogénique 1 Thrombose développée sur une valve aortique 1 Morbidité *
39 Cardiovasculaire Choc cardiogénique 1 Thrombose valve mécanique aortique 1 Thrombose veineuse profonde 4 Pulmonaire Embolie pulmonaire 3 Pneumopathie 4 Epanchement pleural 2 Pneumothorax récidivant 1 Syndrome de détresse respiratoire aiguë 1 Neurologique Accident vasculaire cérébral ischémique 1 Paralysie du sciatique poplitée externe 1 Gastrointestinale Fistule pancréatique après anastomose pancréato-jéjunale 2 Fistule biliaire 1 Cholestase par volvulus de l’anse jéjunale 1 Gastroparésie 4 Collection intra-abdominale 6 Occlusion post-opératoire 1
Fistule entéro-cutanée (anastomose iléo-colique) 1 Ascite (dont 1 chyleuse) 3 Hémorragie du moignon pancréatique après anastomose pancréato-gastrique 2 Hémorragie par gastropathie hypertensive (ligature de la veine splénique) 1 Hémorragie de l’anastomose gastro-jéjunale 1 Infarctus veineux mésentérique 1 Infarctus mésentérique par thrombose de l’artère mésentérique supérieure 1 Autres complications Septicémie sur cathéter central 3 Infection à cytomégalovirus 1 Infection urinaire 3 Hématome pariétal 1 Crise de goutte 1 Relaparotomie **
5 * Au total 53 complications sont survenues chez 39 patients.
** éviscération (n=1), fistule pancréatique après pancréatojéjustomie (n=2), occlusion (n=1), hémorragie digestive haute après pancréatogastrostomie (n=1).
axe veineux indemne d’envahissement tumoral (respectivement 35,8 % versus 26,7 % ; P =0,772). En revanche, cette survie était significativement meilleure par rapport à celle des patients ayant un envahissement profond de la paroi veineuse jusqu’à l’intima (survie à trois ans : 7,2 % ; P =0,008). Toutefois, une survie prolongée a été observée occasionnellement chez des patients ayant un envahissement veineux profond jusqu’à l’intima.
Discussion
Les résultats de cette série montrent que la résection pancréatique combinée à une résection de l’axe veineux mésentérico-portal augmente le taux de résection à visée curative sans augmenter la mortalité et la morbidité post-opératoires. En outre, les exérèses combinées ont permis d’obtenir une amélioration de la survie à long terme tout particulièrement lorsque l’envahissement de la paroi veineuse mésentéricoportale restait superficiel et limité à l’adventice.
L’adénocarcinome pancréatique constitue le cancer digestif dont le pronostic reste parmi les plus péjoratifs. Les rapports du pancréas, tout particulièrement de la tête avec la voie biliaire principale, le duodénum, les vaisseaux mésentériques et les plexus nerveux révèlent souvent le processus tumoral par la survenue d’un ictère cholestatique, d’une occlusion digestive haute et / ou de douleurs de type solaire. En revanche, la compression ou l’envahissement de l’axe veineux mésentérico-portal reste très longtemps asymptomatique en raison de son installation progressive à l’origine du développement d’une circulation collatérale de suppléance. Les tumeurs, notamment céphaliques, développées à proximité de cet axe veineux
FIG. 5. — Courbe de survie selon Kaplan-Meier des patients opérés pour un adénocarcinome du pancréas en fonction de la radicalité de l’exérèse.
TABLEAU 5. — Résultats des séries de résection pancréatique combinée à une résection de l’axe veineux mésentérico-portal.
Auteurs Année Nombre de patients Mortalité Morbidité Médiane avec résection veineuse ( %) ( %) de survie mésentérico-portale (mois) Allema (6) 1994 0 15 55 7 Nakao (7) 1995 104 8 – – Harisson (14) 1996 58 5 12 13 Mosca (15) 1997 27 7 42 – Leach (12) 1998 31 0 – 22 Baulieux (9) 1998 17 0 35 11 Launois (8) 1999 14 0 – 5 Bold (16) 1999 56 2 22 – Bachellier (10) 2001 31 3 48 13 Van Geenen (17) 2001 34 0 41 14 Hartel (18) 2002 68 4 27 – Capussotti (19) 2003 24 0 33 – Howard (20) 2003 13 – 54 13 Poon (13) 2004 12 0 42 19 Jaeck 2006 100 4 39 12
peuvent l’envahir à un stade précoce de l’évolution, réalisant un envahissement purement local ou loco-régional, de ce fait, moins péjoratif qu’une dissémination à distance. Dès lors, la question se pose de savoir pourquoi pratiquer une exérèse lorsque la voie biliaire principale ou le duodénum sont envahis et y renoncer lorsque la veine porte est envahie ? Le diagnostic pré-opératoire de cet envahissement de la paroi veineuse mésentérico-portale par une tumeur pancréatique reste difficile à établir. Les performances de l’angio-scanner et de l’angio-IRM permettent d’éviter le recours à l’angiographie. En revanche, le diagnostic différentiel entre compression par la tumeur et envahissement de la paroi veineuse reste difficile. L’échographie endo-vasculaire constitue l’examen le plus sensible et le plus spécifique pour diffé- rencier des adhérences inflammatoires d’un envahissement réel des différentes couches de la paroi veineuse. Cet examen, développé au Japon, n’est pas encore diffusé en Europe compte tenu d’une part du prix élevé des sondes d’échographie endovasculaire et d’autre part de la réglementation européenne sur les dispositifs médicaux stériles visant à protéger les personnes des maladies transmissibles par les dérivés sanguins, qui obligent à un usage unique de ces sondes. La résection veineuse est souvent réalisée après découverte per-opératoire d’une adhérence intime entre la tumeur et l’axe veineux mésentérico-portal. En fait, le taux d’envahissement histopathologique réel de la paroi veineuse mésentérico-portale varie entre 20 et 60 % selon les séries [7-11, 13, 14]. Les résultats post-opératoires et la survie des séries de la littérature sont représentés dans le Tableau 5 [7-11, 13-21]. Il apparaît que notre série constitue une des plus importantes séries uni-institutionnelles. L’analyse de nos résultats démontre le caractère péjoratif d’un envahissement profond de la paroi veineuse mésentérico-portale comparé à un envahissement superficiel [22]. En revanche, à l’instar d’autres équipes, notamment japonaises, nous avons observé des survies prolongées après résection pancréatique avec envahissement histopathologique profond de la paroi veineuse mésentérico-portale [11, 13, 19, 22]. Ceci nous incite à proposer de façon délibérée et systématique une résection veineuse mésentérico-portale « en monobloc » chaque fois que des adhérences serrées sont constatées lors de la laparotomie entre la tumeur et l’axe veineux afin d’éviter les risques d’une dissection de la tumeur pour la séparer de l’axe veineux, cette dissection pouvant favoriser une effraction tumorale. Cette attitude apparaît justifiée en l’absence actuellement de facteurs prédictifs fiables de survie à long terme après résection pancréatique.
Dans notre expérience, l’anastomose pancréato-gastrique représente la technique de reconstruction de choix après duodénopancréatectomie céphalique en raison du faible risque de fistule pancréatique [23, 24] y compris chez les personnes âgées [25].
L’expérience de l’équipe chirurgicale reflétée notamment par le volume d’activité constitue un facteur pronostique important qui a été souligné par plusieurs études [3, 26, 27].
CONCLUSION
La résection d’un segment veineux mésentérico-portal au cours des exérèses pancréatiques pour cancers peut être réalisée dans de bonnes conditions de sécurité sans augmenter la mortalité et la morbidité. L’envahissement de la paroi veineuse ne constitue plus un obstacle à la réalisation d’une exérèse tumorale complète à visée curative. De plus, la résection complète du segment veineux envahi permet d’observer des survies à long terme.
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DISCUSSION
M. Yves CHAPUIS
Cette très belle communication aborde deux questions à la fois importantes et différentes :
la première concerne le volume critique d’activité estimée nécessaire à l’accréditation
d’un chirurgien dans le « domaine » de la chirurgie cancérologique. A l’heure où s’avance lentement l’évaluation des pratiques et des compétences professionnelles il était important que vous apportiez des chiffres de pratique minimum à ceux qui demain devront s’en préoccuper. En présentant cette série, vous avez opportunément saisi l’occasion de soulever une telle question. Vous avez la modestie de ne pas souligner que votre expérience est la plus importante actuellement publiée. Quel est le meilleur moyen d’imagerie susceptible de déceler l’extension veineuse ? Y a-t-il une place pour l’échographie per-opératoire ? Quel est le pourcentage d’extension ganglionnaire qui vous aurait fait renoncer à l’exérèse veineuse ?
Le rétablissement direct de la continuité veineuse paraît avoir une large exclusive. Avez-vous dû avoir recours à une greffe veineuse ou prothétique ?
Le meilleur moyen d’imagerie susceptible de déceler l’extension veineuse est incontestablement l’échographie endoportale telle qu’elle est pratiquée par nos collègues japonais.
Le coût élevé des sondes endovasculaires et le fait que dans notre réglementation elles ne puissent être réutilisées, rend leur usage très problématique. Comme vous le soulignez, il existe une place pour l’échographie per-opératoire et lors du bilan pré-opératoire, l’angioscanner et l’angio-IRM constituent des examens fort utiles. L’échoendoscopie est également un moyen de déceler l’envahissement de la veine porte. Néanmoins, le diagnostic différentiel entre accolement de la tumeur à la paroi veineuse et envahissement de cette paroi reste difficile. Comme je l’ai indiqué, une extension ganglionnaire au-delà des relais ganglionnaires péri-pancréatiques de proximité nous aurait fait renoncer à l’exé- rèse veineuse. Dans cette série nous avons pu recourir dans la grande majorité des cas à un rétablissement direct de la continuité veineuse. Trois fois nous avons eu recours soit à un greffon veineux (deux fois), soit à un greffon prothétique (une fois).
M. Louis HOLLENDER
Je tiens à relever que la statistique, que vous nous présentez, est une des plus importantes à l’échelon international et qu’elle talonne de très près celles rapportées par les plus grandes écoles japonaises. Daniel Jaeck arrive à réaliser des anastomoses termino-terminales pour des pertes de substance allant jusqu’à six cm. Ce qui nécessite une importante mobilisation de l’axe mésentérique. Quelles difficultés ce geste nécessaire vous a-t-il fait rencontrer ? En cas de recours à un greffon, est-il préférable de recourir au greffon veineux ou prothétique ?
Enfin, en ce qui concerne le diagnostic : comment faites-vous dans votre service, du fait que nous ne disposons pas en France des sondes indispensables pour pratiquer une échographie endovasculaire ?
Il est relativement aisé d’effectuer des anastomoses termino-terminales pour des pertes de substance allant jusqu’à 6 cm de segment veineux. En effet, la mobilisation de la racine du mésentère permet d’effectuer une anastomose termino-terminale sans tension. Nous n’avons eu qu’exceptionnellement recours à un greffon, deux fois à un greffon veineux, une fois à un greffon prothétique et, dans ces conditions, il m’est difficile de recommander le type de greffon à utiliser. En ce qui concerne le diagnostic, nous avions au début de notre expérience recours à la portographie offerte par l’angiographie coeliomésentérique et depuis plusieurs années à l’angioscanner, à l’angio-IRM et à l’échographie peropératoire. Dans quelques cas, l’échoendoscopie pré-opératoire s’est révélée utile pour le diagnostic de l’envahissement de la paroi veineuse. Il est cependant incontestable que la meilleure exploration est représentée par l’échographie endovasculaire.
M. François DUBOIS
Le rétablissement veineux est-il toujours fait par anastomose directe ? Quel est le mode habituel d’anastomose pancréatico-digestive ?
Effectivement le rétablissement veineux a pu être réalisé dans la grande majorité des cas par anastomose directe. Le mode habituel d’anastomose pancréatico-digestive que nous utilisons est l’anastomose pancréato-gastrique, telle qu’elle a été décrite par Delcore et qui nous a permis de n’observer qu’un taux faible de fistule pancréatique. Dans cette série nous avons eu recours huit fois à une anastomose pancréatico-jéjunale et 60 fois à une anastomose pancréato-gastrique. Dans trente-deux cas, il s’agissait d’une duodénopancréatectomie totale [24].
M. Yves LOGEAIS
Avez-vous contrôlé la perméabilité de vos reconstructions veineuses, sachant que les anastomoses des systèmes à basse pression sont sujettes à thrombose ?
Nous avons contrôlé la perméabilité de nos reconstructions veineuses par écho-Doppler.
Nous n’avons observé qu’une seule thrombose post-opératoire. Il s’agit effectivement d’anastomose dans un système à basse pression, mais pour laquelle le débit est important. Par analogie avec la transplantation hépatique, les thromboses veineuses portales s’observent surtout en cas d’obstacle, notamment hépatique, au flux portal.
M. Bernard NORDLINGER
Comment peut-on déterminer avant l’intervention, qu’il y a un envahissement veineux et que celui-ci est résécable ? Si oui, considérez-vous qu’il peut y avoir un intérêt à administrer avant l’intervention un traitement par chimiothérapie, par exemple, à base de gemcitabine ou de radiochimiothérapie, afin d’augmenter les chances de faire une chirurgie curative en cas de bonne réponse à la chimiothérapie ? Après résection d’une tumeur du pancréas envahissant la veine mésentérique supérieure, y a-t-il pour vous maintenant une indication de chimiothérapie ou de radiochimiothérapie complémentaire post-opératoire ?
Nous avons recherché, avant l’intervention, l’envahissement veineux initialement par l’angiographie coeliomésentérique et actuellement par l’angioscanner et l’angio-IRM.
La résécabilité concerne les stades A, B et éventuellement C de NAKAO, c’est-à-dire ceux pour lesquels l’envahissement veineux n’est pas circulaire. En effet, dans ce dernier cas (stade C ou D) la résection segmentaire est techniquement réalisable, mais elle s’accompagne d’un mauvais pronostic, [22]. J’estime que le taux important de récidives tumorales justifie l’administration avant l’intervention d’un traitement par chimiothérapie à base de Gemcitabine comme vous le suggérez ou de radiochimiothérapie, afin d’augmenter les chances de réaliser une chirurgie curative en cas de bonne réponse à la chimiothérapie. La radiothérapie pré-opératoire a été récemment critiquée, néanmoins, des études prospectives sont en cours pour évaluer l’intérêt de la chimiothérapie ou de la radiochimiothérapie pré-opératoire. Une nouvelle étude prospective sur ce sujet sera très prochainement initiée par la Fédération Française de Cancérologie Digestive. Après résection d’une tumeur du pancréas envahissant la veine mésentérique supérieure, nous avons eu recours dans la majorité des cas à une chimiothérapie, voire une radiochimio-
thérapie, complémentaires. Ce traitement est justifié par la fréquence élevée des récidives tumorales post-opératoires, mais doit être discuté en fonction de l’âge et des pathologies associées.
M. Michel MALAFOSSE
Comment affirmer qu’une résection de ce type, qui concerne des tumeurs dont l’extension locale est déjà importante, est effectivement Ro ? Existe-t-il, sur une pièce anatomique de DPC, des moyens de repérage précis des marges d’exérèse ? Et, à ce titre, l’utilisation pour ce repérage des encres de couleur est-t-il une sécurité supplémentaire ? La présentation de 97 % d’anastomoses termino-terminales laisse entendre qu’il y a eu dans la plupart des cas une mobilisation de la racine du mésentère. Y a-t-il une différence de morbidité entre les patients dont la racine du mésentère a été largement mobilisée et les autres, et alors pourquoi ne pas utiliser, parce que plus facile, un greffon plutôt qu’une anastomose termino-terminale directe ? Concernant l’étude de la morbidité qui montre la survenue d’un certain nombre de thromboses et d’infarctus veineux, ou à l’inverse d’accidents hémorragiques : avez-vous une politique particulière de l’administration des anti-coagulants après ce type d’intervention, ou non ? Votre série ne fait état que de deux fistules pancréatiques, ce qui est tout à fait exceptionnel, dont aucune après anastomose pancréato-gastrique : cela consacre-t-il définitivement la supériorité de l’anastomose du moignon pancréatique sur l’estomac plutôt que sur le jéjunum ?
Je partage votre avis. Il est effectivement difficile d’affirmer qu’une résection qui concerne des tumeurs dont l’extension locale est importante est effectivement R0. En peropératoire nous effectuons des examens extemporanés à la fois de la tranche de section pancréatique, mais également des tranches de section veineuses, ainsi que des prélèvements ganglionnaires. Pour la pièce anatomique de DPC nous effectuons des repérages précis, avec encre de couleur, pour indiquer au pathologiste les limites de l’exérèse, notamment au niveau de la lame rétroportale. La mobilisation de la racine du mésentère n’a, en général, pas posé de problème et n’a pas entraîné de morbidité supplémentaire.
Dans ces conditions, nous n’avons eu que rarement recours à un greffon et nous avons préféré l’anastomose termino-terminale directe qui expose moins aux risques de thrombose. Comme je l’ai signalé, nous avons observé une seule thrombose veineuse. Nous suivons effectivement l’évolution de la crase sanguine chez ces patients et nous administrons des anticoagulants de type héparine à bas poids moléculaire, lorsque des signes d’hypercoagulabilité apparaissent. Dans notre expérience, nous avons progressivement abandonné l’anastomose pancréatico-jéjunale pour l’anastomose pancréato-gastrique qui, comme je l’ai indiqué plus haut, nous a permis de réduire le taux de fistules pancréatiques.
* Centre de Chirurgie Viscérale et de Transplantation, Hôpital de Hautepierre, Avenue Molière, 67098 Strasbourg Cedex, France. Tirés à part : Professeur Daniel JAECK, même adresse. Article reçu le 13 février 2006 et accepté le 6 mars 2006.
Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 7, 1495-1509, séance du 10 octobre 2006