Avis
Publié le 7 décembre 2020

Avis de l’Académie nationale de médecine sur le projet de décret en Conseil d’Etat modifiant les dispositions transitoires du décret n°2019-678 du 28 juin 2019 et portant diverses mesures relatives aux infirmiers diplômés d’Etat.

Académie nationale de médecine

Avis approuvé par le Conseil d’administration de l’Académie nationale de médecine le 7 décembre 2020.

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Avis de l’Académie nationale de médecine sur le projet de décret en Conseil d’Etat modifiant les dispositions transitoires du décret n°2019-678 du 28 juin 2019 et portant diverses mesures relatives aux infirmiers diplômés d’Etat.

 

L’Académie nationale de médecine, à la suite de la demande d’avis sur le projet de décret en Conseil d’Etat modifiant les dispositions transitoires du décret n°2019-678 du 28 juin 2019, a constitué un groupe de travail composé de membres de la 2e Division (Chirurgie) et de la 4e Division (Santé publique) ainsi que de la commission IX (Chirurgie, Anesthésie et Médecine interventionnelle), la commission XV (Enseignement et formation) et d’un représentant du Comité des affaires juridiques.

Article 1er : Avis favorable

Article 2 : Avis favorable

Article 3 : Remarques et propositions de l’Académie

Le constat fait par l’Académie

L’Académie est très au fait des tensions dans les blocs opératoires liées, en autres, aux difficultés démographiques et aux contraintes des activités spécifiques aux interventions opératoires, non seulement pour les IBODES, dont la reconnaissance de leur qualification pour l’ensemble des activités péri et per opératoires devrait être mieux valorisée, mais aussi pour les Infirmiers Diplômés d’Etat travaillant au bloc opératoire qui représentent le plus grand nombre et dont la sécurisation professionnelle doit être préservée.

L’Académie avait déjà été saisie à l’occasion du précédent décret de juin 2019, qui n’envisageait que les « aides à l’exposition, à l’hémostase et à l’aspiration » et dans sa première recommandation avait insisté sur le fait que « le périmètre des extensions proposées est restreint, limitatif et devra nécessairement être revu et élargi ».

Ce point est primordial

En effet la distinction, au cours d’une intervention chirurgicale, en présence du chirurgien, des « aides à l’exposition, à l’hémostase et à l’aspiration » d’une part et d’autre part des « aides aux sutures des organes et des vaisseaux, des aides à la pose d’un DMI, des aides à la réduction d’une fracture et au maintien de la réduction ainsi que l’injection d’un produit à visée thérapeutique ou diagnostique dans un viscère, une cavité, une artère » n’a plus aucune justification pratique en 2020 et ne repose plus sur aucune base scientifique ni même sémantique : pour aider à l’hémostase, on peut être amené à aider à suturer une section rénale lors d’une néphrectomie partielle, à aider à suturer une plaie veineuse iliaque, à aider à mettre en place un DMI (filet hémostatique implantable), à injecter une substance lors d’une procédure interventionnelle, etc. D’ailleurs le décret du 27 janvier 2015, qui précisait ces différents actes exclusifs (alinéa 1b et 2 de l’art R 4311-11-1) ne prévoyait, dans son article 2 qui instituait une formation complémentaire pour l’Infirmier de bloc opératoire titulaire du diplôme d’Etat, aucune distinction entre ces actes.

 

Le projet de nouveau décret sur le dispositif  transitoire

1) L’Académie souligne donc, de nouveau, la nécessité d’envisager l’ensemble des actes et activités prévus à l’article 4311-11-1 du décret du 27 janvier 2015 et précisés par l’arrêté du 27 janvier 2015 (ainsi que tous actes et activités au bloc opératoire qui pourraient être validé ultérieurement, à l’instar de ce qui se pratique déjà dans d’autres pays, avis de l’Académie 2019) pour définir le périmètre du dispositif transitoire permettant ainsi à l’infirmier(e) de bloc opératoire de continuer d’exercer ces activités.

C’est la condition indispensable pour :

– sécuriser au maximum leur pratique professionnelle

– compenser une démographie très insuffisante des IBODES qui représentent moins de la moitié des infirmières de bloc et éviter un risque prolongé de déstabilisation des blocs opératoires

– et de plus, de façon conjoncturelle, permettre de répondre au défi du rattrapage chirurgical des déprogrammations liées à la Covid 19.

 

2) Ce dispositif transitoire, sur la totalité des actes dits exclusifs, doit être simple, efficace et performant. On a vu que la complexité des procédures précédentes a empêché leur mise en place depuis 5 ans.

a) L’éligibilité à la délivrance de l’autorisation mentionnée à l’article 1 doit en effet reposer (art 2, II, n°1) sur une durée d’exercice de la fonction d’Infirmier de bloc opératoire de 1 an , en équivalent temps plein, dans la mesure où la formation par compagnonnage lors de l’intervention avec le chirurgien permet un apprentissage rapide, et à condition (art 2, II, n°2) que l’Infirmier ait apporté de manière régulière des aides, étendues à l’ensemble des actes.

b) En plus de celles des employeurs (Etablissements de Santé) des attestations de ces pratiques pourraient être faites par le chirurgien ou les chirurgiens.

c) Par ailleurs la date indiquée à l’alinéa 1 (art 2, II) doit être revue : en effet dans le décret précédent, pour une date d’inscription avant le 31 octobre 2019, la date couperet de l’exercice de fonction d’infirmière de bloc était le 30 juin 2019 ; la date d’inscription étant repoussée au 31 mars 2021, on pourrait reculer la date limite de fonction au 31 décembre 2020.

d) La durée de la formation complémentaire doit avoir une durée adaptée à l’extension des actes que nous souhaitons.

e) La composition de l’instance qui validera la conformité de la formation devra comporter obligatoirement des représentants des chirurgiens et des IBODES.

f) Il faut prévoir :

– un dispositif de rattrapage pour ceux qui n’ont pu s’inscrire  et

– un dispositif complémentaire annuel, jusqu’au 31 décembre 2025, pour les Infirmiers de bloc opératoire qui ont été recrutés à partir du 31 décembre 2019, qui ne peuvent demander actuellement leur inscription, en attendant que les promotions d’IBODES répondent aux demandes et deviennent le seul canal de formation.

 

 

Avis approuvé par le Conseil d’administration de l’Académie nationale de médecine le 7 décembre 2020.

 

 

Argumentaire complémentaire

 

La terminologie des trois actes « d’aide à l’exposition, à l’hémostase, à l’aspiration » est une formulation générale qui ne peut être dissociée des autres actes exclusifs car nous avons montré sur des exemples courants que l’aide à l’hémostase  était « partie » de ces actes exclusifs et inversement la plupart de ces actes exclusifs sont une application spécifique à un organe de ces actes généraux : aucune intervention, en chirurgie ouverte, laparoscopique ou percutanée ne peut s’effectuer sans  exposition, sans aspiration et sans hémostase.

La persistance et la validation de la distinction actuelle aurait pour conséquence pratique qu’en cas de lésion opératoire non fautive d’une veine iliaque, par exemple, l’aide opératoire étant une infirmière non Ibode, le chirurgien devrait comprimer la veine le temps que l’aide quitte le champ opératoire pour être remplacée par une Ibode (qui devrait d’abord se laver les mains puis s’habiller stérilement) avant de pouvoir enfin tenir le démarrage du surjet du chirurgien. Quand on sait qu’en moyenne en France plus de 60% des infirmier(e)s de bloc ne sont pas Ibodes, ont comprend la nécessité urgente de ne pas aggraver la situation par un respect excessif de définition non pertinente. La sécurisation théorique des PNM serait peut être obtenue mais celle du patient serait beaucoup plus aléatoire.

 

Par ailleurs le cadrage du lieu, du temps, et de l’action, comme dans le théâtre classique est parfaitement délimité : le champ opératoire, depuis le début de l’acte jusqu’à sa fin, en présence et sous l’autorité du chirurgien que l’on aide.  Ceci permet de bien cadrer les limites.

 

Un autre moyen de sécuriser le personnel aidant pour l’ensemble des actes, outre la durée d’exercice d’un 1 an, en équivalant temps plein, est d’ajouter une attestation de chirurgien, à celle de l’employeur, pour connaître l’expérience et les spécialités effectuées régulièrement. Il ne s’agit pas de vouloir créer des spécificités selon les spécialités mais au contraire de pouvoir orienter au mieux la formation complémentaire théorique pour ensuite valider des personnels capables de travailler en garde pour les urgences et, dans le cas de la chirurgie programmée en bloc multidisciplinaire, de faciliter la fluidité des programmations et des aides opératoires. La monocompétence comme la polycompétence absolue sont des leurres, les blocs qui fonctionnent le mieux sont ceux qui ont organisés des « groupes de compétences » de deux à quatre spécialités maximum, proches et compatibles ce qui permet un management véritable d’équipe.

Par ailleurs et à titre d’information, on peut signaler qu’actuellement le déficit démographique de personnel de bloc en France a entrainé une diminution préoccupante du taux d’interventions bénéficiant de la présence d’instrumentistes.

L’expérience de la formation à l’aide opératoire, par les chirurgiens (publics ou libéraux) montre que, en quelques semaines, les aides, ayant déjà une expérience au bloc quelque soit la spécialité de départ, acquièrent une formation par compagnonnage tout à fait opérationnelle.

 

Cela justifie également la présence de chirurgiens et d’Ibodes dans la composition de l’instance qui validera la conformité de la formation de 49h.

 

 

En conclusion il est urgent d’envoyer un signal fort, rapide et efficace, à l’ensemble du personnel infirmier des blocs opératoires, dont tous les chirurgiens louent la conscience professionnelle et l’aptitude pour la grande majorité à toujours être disponibles ;

– pour cela le dispositif transitoire doit être mis en place rapidement en une seule fois pour l’ensemble des actes pour les infirmières de blocs,

– avec un mécanisme complémentaire annuel, jusqu’au 31 décembre 2025 pour le flux

– pour permettre qu’à terme la formation complète par les écoles d’Ibodes , avec des promotions adaptées en volume, devienne la filière exclusive.

Cette exigence est rendue encore plus importante compte tenu de l’activité opératoire attendue  et nécessaire dans les deux années qui viennent pour répondre aux déprogrammations liées à la Covid 19.