Communication scientifique
Séance du 18 novembre 2008

Apport de l’IRM et du scanner fœtal dans le diagnostic des malformations fœtales

MOTS-CLÉS : maladies fœtales, malformations et maladies congenitales, héréditaires et néonatales, technique d’imagerie par résonance magnétique nucléaire.
MRI and fetal MDCT in the diagnosis of fetal malformations
KEY-WORDS : congenital, hereditary and neonatal diseases and abnormalities. fetal diseases. magnetic resonance imaging. spiral cone-beam computed tomography. tomography

Francis Brunelle, Pascale Sonigo, Nathalie Boddaert, Alexandra Benachi, Yves Dumez

Résumé

Dans les dernières années l’imagerie anténatale a bénéficié des progrès réalisés dans les autres domaines de l’imagerie. L’échographie reste la technique de référence pour les examens de dépistage. Elle rencontre certaines limitations liées en particulier aux obstacles osseux de la voûte du crâne. La distinction entre substance blanche et substance grise est difficile en échographie. L’IRM s’est imposée comme examen complémentaire dans le diagnostic des malformations cérébrales. En particulier l’IRM est indispensable dans le bilan des dilatations ventriculaires cérébrales dépistées par l’échographie à la recherche d’anomalies associées afin d’établir un pronostic précis. Elle prend une place grandissante dans le bilan des malformations extra cérébrales en particulier dans le cadre des hernies diaphragmatiques et de l ‘établissement du pronostic post natale de ces malformations. 2 885 IRM fœtales ont été rétrospectivement analysées. Le scanner fœtal d’introduction plus récente a progressivement remplacé la radiographie de l’abdomen de la mère dans le diagnostic des malformations osseuses constitutionnelles. L’apport de 90 scanners fœtaux a été étudié dans le diagnostic des malformations osseuses fœtales.

Summary

Prenatal imaging has benefitted from rapid technological progress in the last ten years. Ultrasound remains the standard screening method for fetal malformations but can be hindered by the bony structure of the skull. In particular, it can be difficult to distinguish between white and grey matter. MRI is a useful complementary method for detecting brain malformations. In particular, MRI is necessary to detect associated malformations and to obtain a precise diagnosis when ultrasound examination shows ventricular dilation. MRI is taking an increasingly important place in the assessment and prognostication of extracranial malformations such as congenital diaphagmatic hernia. We reviewed 2885 fetal MRI examinations. Fetal computed tomography is gradually replacing plain maternal abdominal radiography. We examined 90 CT films for fetal bone malformations.

INTRODUCTION

L’imagerie fœtale a bénéficié des développements récents de l’imagerie médicale, en particulier de ceux de l’IRM et du scanner. L’échographie a révolutionné la prise en charge de la grossesse et l’évaluation du fœtus en permettant le diagnostic des malformations fœtales et en modifiant ainsi la conduite ultérieure de la grossesse.

Cependant les capacités diagnostiques de l’échographie reste en deçà des autres techniques d’imagerie utilisées en post natal en particulier pour les anomalies cérébrales. La présence de la voûte du crâne ossifiée, obstacle aux ultrasons est un des éléments déterminants. La médiocre différentiation entre substance blanche et substance grise en échographie ne permet que partiellement l’analyse de la maturation cérébrale et des anomalies de la substance blanche.

En ce qui concerne le scanner, l’obstacle principal à son utilisation a été technique.

En effet la lenteur des anciens scanners ne permettait pas d’obtenir de bonnes images en trois dimensions et imposait une longue apnée à la mère. (Environ 40 secondes). Avec l’apparition des scanners multi détecteurs (64 barrettes) quelques secondes suffisent pour obtenir un scanner cardiaque, a fortiori un scanner fœtal.

Quelques secondes d’apnée maternelle suffisent. Le second obstacle a été le risque lié à l’irradiation fœtale. Nous avons mis au point des protocoles spécifiques qui permettent de ne pas plus irradier le fœtus qu’une classique radiographie de l’abdomen appelée « contenu utérin » communément utilisée et acceptée dans le diagnostic des anomalies osseuses fœtales. En 1986 nous avons réalisé le premier et le dernier transit oesogastroduodenal (TOGD) chez le fœtus. En effet le fœtus était porteur d’anomalies squelettiques. Dans ce syndrome l’association avec une atrésie de l’œsophage était un facteur péjoratif et il était donc indispensable de l’éliminer avec certitude.

Il a été indispensable de réaliser une fœtoscopie pour introduire un cathéter dans la cavité orale du fœtus et d’injecter un produit de contraste. La perméabilité de l’œsophage a été ainsi démontrée. (Figure1-2). Aujourd’hui une simple IRM sagittale permet de s’assurer de la perméabilité oesophagienne.

Dans de nombreuses indications l’IRM est rapidement apparue comme complé- mentaire de l’examen de dépistage de référence qui est et reste l’échographie anténatale.

 

Tableau 1. — Imagerie fœtale — Indications par fréquence décroissante (en %) des examens IRM (n= 2877) Ventriculomégalie 18,6 Hernie coupole/malformations poumons 8,1 Agénésie du corps calleux 7,4 Anomalie de la fosse postérieure 7,2 Antécédents familiaux 7 Non précisées/indisponibles 5,9 Microcéphalie 5,9 Infection materno fœtale 5,7 Kystes intracrâniens 4,7 Angiome/lymphangiome 3 Recherche de STB (rhabdomyomes cardiaques) 3 Abdomen 2,8 Rachis/spina bifida 2,5 Anomalie de la face /fente labiale 2,4 Anomalie rénale, pelvienne 1,6 Atrésie œsophage ?

1,6 Grossesse gémellaire 1,5 RCIU 1,5 Macrocéphalie 1,3 Syndrome de CHARGE ?

1,1 Tératome 1 Malformation vasculaire intracrânienne 0,8 Anomalies des membres 0,8 Maladie métabolique ?

0,8 Duplication digestive ?

0,6 Schizencephalie 0,6 Immobilisme fœtal 0,5 Insertion placentaire ?

0,5 Polymalformation 0,5 Echec technique / claustrophobie 0,4 Siamois 0,2 Tumeur cardiaque 0,07

Fig. 1. — Premier et dernier TOGD fœtal 1987. Le cathétérisme de la cavité buccale du fœtus a permis de réaliser une opacification de l’œsophage, de l’estomac et des premières anses grêles.

La flèche indique l’estomac, le fœtus est vu de profil.

Fig. 2. — Coupe sagittale du médiastin en T2 Fœtus de 36 semaines Suspicion d’atrésie de l’œsophage. Les fosses nasales, l’oropharynx, l’œsophage sont visibles. Conclusion : œsophage normal Imagerie par résonance magnétique (IRM)

Matériels et méthodes

Les premières IRM fœtales ont été réalisées dans le service dès 1987. A peu près 4 000 examens ont été effectués depuis cette date. Nous avons revu rétrospectivement 2 885 IRM fœtales réalisées depuis 1993 qui ont bénéficié d’une base de donnée informatique. De plus sur le plan technique la qualité des examens bien qu’en constante évolution a été homogène.

 

Technique de l’IRM

En vingt ans la technique a évolué en fonction des progrès techniques.

Les tout premiers examens ont été réalisés après curarisation fœtale par ponction du cordon sous contrôle échographique. La lourdeur et le coté invasif de cette technique l’a rapidement fait abandonner. De 1987 à 1993 la lenteur des séquences IRM nécessitait une prémédication maternelle. Un comprimé de Rohypnol puis d’Atarax était donné à la mère avant l’examen.

En 1993 l’apparition de séquences ultrarapides a permis de se passer de la prémé- dication maternelle. En effet ces séquences permettent d’obtenir une image en moins d’une seconde.

L’examen est réalisé sans apnée maternelle. Il n’y a pas de contre-indications à l’examen IRM en dehors des contre-indications liées à l’état médical de la mère, pace maker etc. Il n’y a pas à ce jour d’effet biologique décrit chez l’animal, en culture de cellule ou chez l’homme. La claustrophobie est responsable d’un obstacle technique dans 0,7 % des cas.

Indications et résultats. Tableau 1

Le terme moyen de réalisation des IRM est de trente-quatre semaines.

IRM cérébrale

Seuls les principaux résultats sont décrits ici. L’ensemble des pathologies vues en IRM est donné dans le tableau 1.

Dilatation ventriculaire (ventriculomégalie) (18,6 %) (535 cas)

La présence d’une dilatation ventriculaire représente le signe d’appel le plus fré- quemment à l’origine d’une IRM cérébrale fœtale. Ce signe aisément détecté en échographie n’est que la conséquence d’une anomalie cérébrale sous jacente. Il est donc essentiel de réaliser un bilan morphologique précis et complet afin de préciser le diagnostic exact.

Les pathologies des dilatations des ventricules latéraux sont nombreuses. Au premier rang vient l’agénésie du corps calleux, les lésions ischémiques et post hémorragiques sont ensuite les plus fréquentes. Les malformations cérébrales s’accompagnent souvent d’une dilatation ventriculaire associée. Les dilatations ventriculaires importantes sont de mauvais pronostic. Les causes sont multiples mais il s’agit le plus souvent de lésions ischémiques. L’IRM peut dans certains cas confirmer l’origine hémorragique en montrant le caillot hyper intense en T1. Le diamètre ventriculaire est mesuré au niveau du carrefour ventriculaire. Entre 10 mm (valeur considérée comme normale) et 15 mm de diamètre on parle de dilatation modérée.

 

L’absence d’anomalies associées permet de créer un cadre particulier « les dilatations ventriculaires modérées isolées ». Le pronostic de ces dilatations ventriculaires isolées et modérées est bon. Par contre l’existence d’anomalies associées ou de progression de la dilatation lors de la surveillance de la grossesse est un facteur de mauvais pronostic [1].

Il semble dans une autre étude que les dilatations ventriculaires supérieures à 12 mm aient un moins bon pronostique [2]. L’IRM permet dans ces cas de s’assurer du caractère isolé de ces dilatations et d’éliminer toute malformation cérébrale associée comme une agénésie du corps calleux ou des anomalies de la gyration. Une enquête génétique et infectieuse est en tout état de cause nécessaire.

Agénésie du corps calleux (8,8 % des indications) (253 cas)

L’agénésie du corps calleux fait partie des malformations cérébrales les plus fré- quente. Son incidence est de 0,5 à 1,8 pour 10 000 naissances. Il s’agit d’un cadre hétérogène et différentes anomalies génétiques ont été retrouvées. Des publications récentes indiquent que [3-5] 47 % des agénésies complètes du corps calleux présentent des anomalies génétiques. Par contre dans les dysgénésies (agénésie incomplète) du corps calleux seuls 15 % d’anomalies ont été retrouvées. Il apparaît ainsi essentiel de faire la différence entre ces deux cadres en anténatal afin de préciser le pronostic.

Le diagnostic est suspecté en échographie essentiellement grâce à la présence d’un signe indirect, l’existence d’une dilatation modérée des ventricules cérébraux dans leur partie postérieure (colpocéphalie).

Comparée à l’IRM, l’échographie est à l’origine de 50 % de faux positifs et de 33 % de faux négatifs. De plus l’IRM permet de faire le diagnostic des anomalies associées comme la présence d’hétérotopies et d’anomalies de la gyration difficiles à voir en échographie.

Le pronostic des agénésies isolées du corps calleux est difficile à établir, le suivi à long terme des ces enfants étant rarement possible [6-9]. Il ressort de ces séries courtes que 75 % des agénésies complètes du corps calleux présente un retard mental. Il semble que le mauvais pronostic neurologique des agénésies du corps calleux se retrouve aussi à un moindre degré dans les agénésies partielles [10]. 25 % des agénésies partielles du corps calleux « isolées » ont un retard mental.

Anomalies de la fosse postérieure (7 % des indications) (201 cas)

Malformation de Dandy Walker La malformation de Dandy Walker associe une dilatation du quatrième ventricule, une surélévation de la tente du cervelet et une hypoplasie variable du vermis céré- belleux. Dans 30 % ces cas cette malformation s’accompagne d’une hydrocéphalie.

Cette malformation doit être distinguée d’autres anomalies kystiques de la fosse postérieure, comme la mega grande citerne et les kystes arachnoïdiens dont le pronostic sont favorables [11, 12]. Nous avons montré en 2003 [13-15] que le pronostic mental des Dandy- Walker est directement lié à l’intégrité morphologique du vermis cérébelleux ;

Le pronostic des formes associées à d’autres malformations est plus péjoratif :

Malformations cardiaques (41 %), neurologiques, dont l’agénésie du corps calleux (33 %), orthopédiques et genito-urinaires respectivement 12 %. Le diagnostic est suspecté en antenatal en échographie devant la présence d’une structure liquidienne dans la fosse postérieure.

L’IRM antenatale permet en visualisant avec précision le vermis cérébelleux et les autres structures de la fosse postérieure d’établir un diagnostic différentiel entre ces entités.

Un cadre récent est représenté par les cerebelloschizies. Ces anomalies sont la conséquence d’une lésion ischémique hémisphérique cérébelleuse responsable d’une fente cérébelleuse. Leur pronostic dépend des lésions associées.

Sclérose tubéreuse de Bourneville (STB) (2,9 % des indications) (83 cas)

Notre équipe a publié les aspects IRM anténatal dans le diagnostic de la STB.Le signe d’appel de la maladie est la découverte à l’échographie cardiaque de multiples rhabdomyomes. L’IRM met en évidence la présence de tubers corticaux caractéristiques de la maladie. Ils apparaissent en hyper signal sur les séquences en T1 probablement en raison de la présence d’astrocytes contenant du glycogène en leur sein [16]. La normalité de l’RM ne permet pas d’éliminer la présence de tuber intracérébraux. Elle ne permet pas d’éliminer avec certitude une atteinte cérébrale.

L’expression de la maladie étant très variable d’un sujet à l’autre.

Anomalies de la gyration et de la migration

Les anomalies de la gyration sont extrêmement difficiles à diagnostiquer à l’échographie. Les signes d’appel sont l’existence d’une dilatation ventriculaire modérée.

L’IRM met en évidence des anomalies de la gyration tels que micropolygyrie ou lissencephalie. Les hétérotopies de substance grise sont quasiment invisibles en échographie et seule l’IRM permet d’en faire le diagnostic.

En conclusion, en ce qui concerne les malformations cérébrales la comparaison entre l’échographie initiale, une révision multidisciplinaire de l’échographie et l’IRM montre que la révision multidisciplinaire a modifié le diagnostic initial basé sur l’échographie dans 17 % des cas. L’IRM a modifié soit le diagnostic initial soit la prise en charge ultérieure dans 26 % des cas [17].

IRM thoracique (8,17 %) (235 cas)

L’IRM permet de préciser la nature des malformations pulmonaires dépistées par l’échographie, comme les séquestrations pulmonaires ou les malformations adeno- matoïdes. Elle précise aussi l’absence de malformations associées de mauvais pronostic.

Hernie diaphragmatique (4,4 % des indications) (126 cas)

Si le diagnostic antenatal des hernies de coupoles est aisément porté par l’échographie, le pronostic post natal des hernies diaphragmatiques chez le fœtus est difficile à établir. De plus les taux réels de mortalité et la morbidité de cette pathologie sont biaisés par l’hétérogénéité des cohortes recrutées par les différents centres. En effet les facteurs de risque dépendent de la nature de la population recrutée par chaque centre [18-22]. Une série australienne rapporte que sur 116 cas, 52 % des enfants survivent à un an. Cependant 33 % des grossesses ont subi une ITG.

L’existence d’une malformation associée est un facteur péjoratif (78 % de décès).

Parmi les grossesses ayant bénéficié d’un diagnostic antenatal, seuls 33 % des enfants seulement survivent à un an. Ainsi, il apparaît que les hernies diaphragmatiques diagnostiquées en antenatal sont des formes plus sévères que celles dont le diagnostic est fait à la naissance. L’échographie fait ainsi artificiellement le tri des formes sévères en amont de la prise en charge thérapeutique. De nombreuses tentatives ont été faites pour évaluer le risque en post natal. En dehors des hernies diaphragmatiques associées à d’autres malformations qui sont de mauvais pronostic, il semble que le pronostique des HD soit lié au volume du poumon restant. De nombreux index ont été proposés dans la littérature pour essayer d’établir un pronostic.

En effet la présence d’une hernie diaphragmatique entraîne un défaut de développement du poumon ipsilatéral. Nous avons proposé de mesurer le volume des poumons dans les HD et de le comparer avec les courbes normales établies chez le fœtus normal. Le rapport entre le volume pulmonaire mesuré et la normale attendue pour l’age est significativement inférieur dans le groupe des enfants qui décèdent après la naissance. Ainsi lorsque ce rapport est inférieur à 25 % il y a un risque accru de mortalité post natale. Des indices équivalents ont été établi en échographie et semble avoir la même valeur pronostique. Les traitements de chirurgie fœtale consistent à réaliser une occlusion temporaire de la trachée afin d’assurer une augmentation de la pression intra pulmonaire qui non seulement assure une meilleure croissance pulmonaire mais aussi une réduction partielle de la hernie.

Nous avons montré [23] chez le fœtus d’agneau qu’il était possible de réaliser cette occlusion temporaire grâce à la mise en place endoscopique d’un ballonnet largable.

Cette technique est maintenant utilisée en clinique humaine et assure 50 % de survie des enfants nouveaux nés porteurs de HD. Elle a remplacé la technique qui visait à poser un clip sur la trachée en anténatal. Cette technique nécessitait un protocole lourd pour lever rapidement l’obstacle trachéal à la naissance.

La mesure du volume pulmonaire fœtal se fait en IRM grâce à des séquences en T2 qui permettent de séparer le poumon hyper intense du reste du thorax.

Fig. 3.

a) Le contenu utérin techniquement parfait reste d’interprétation difficile b) Le scanner 3D permet non seulement une analyse parfaite du squelette fœtal, mais aussi une « extraction » virtuelle du fœtus IRM abdominale (2,8 %) (80 cas)

L’IRM abdominale a un intérêt complémentaire dans l’évaluation des malformations associées dans les malformations anorectales ou les pathologies intra abdominales dont le diagnostic n’est pas précisé par l’échographie [24]. Des études préliminaires sont en cours pour essayer de préciser grâce à l’IRM le pronostic des malformations rénales. L’échographie dans ce cadre permet dans la quasi-totalité des cas un diagnostic précis. L’IRM aujourd’hui n’apporte que peu de renseignements complémentaires.

DISCUSSION

Nous avons rapporté notre expérience sur le rôle de l’IRM dans le diagnostic des malformations fœtales. L’IRM s’est peu à peu imposée dans le diagnostic des malformations cérébrales. La difficulté d’analyser en échographie avec précision la gyration cérébrale et la fosse postérieure explique le besoin d’une technique complémentaire qui a déjà fait ses preuves en post natal. Par contre, pour les autres indications l’IRM ne constitue qu’en technique d’appoint. Elle reste utile dans le dépistage des anomalies associées. En effet si le pronostic d’anomalies isolées reste parfois difficile à établir, il est acquis que l’existence d’anomalies associées est un facteur péjoratif. La limite essentielle de ce travail est la difficulté d’établir un suivi à long terme des malformations diagnostiquées en prénatal. Cet objectif est au-delà du cadre de ce travail. Ceci est lié au caractère multiple de notre recrutement, les pathologies nous étant adressées par de nombreuses structures. Le suivi de ces enfants après la naissance étant quasiment impossible, en dehors de quelques pathologies comme les dysplasies osseuses, et les hernies diaphragmatiques, qui sont toutes diagnostiquées et suivies dans la même institution. La valeur pronostique de l’IRM reste difficile à établir dans les autres cadres.

Scanner fœtal (90 cas) (Figure 3a, b.)

Le diagnostic antenatal des dysplasies osseuses est difficile. En effet en post natal ce diagnostic repose essentiellement sur une analyse morphologique des segments osseux, rachis inclus, par des experts compétents. Jusqu’à l’apparition du scanner volumique, le diagnostic reposait sur l’analyse de radiographies de l’abdomen de la mère, dites « contenu utérin ». L’analyse des anomalies épiphysaires, métaphysaires et du modelage osseux est essentielle.

La réalisation de ces clichés était elle même difficile et demandait une manipulatrice expérimentée. De plus en raison de la position du fœtus (« position fœtale »), les segments osseux ne sont jamais vus en position stricte de face ou de profil. Le rachis est d’analyse difficile. De nombreux segments sont masqués par les structures osseuses maternelles plus grandes et plus denses. Avec le scanner volumique il est possible de réaliser des explorations de l’ensemble du bassin de ces femmes et donc du fœtus en quelques secondes. L’apnée maternelle demandée est ainsi de très courte durée. Les résultats sont visibles en trois dimensions. Les segments osseux peuvent être isolés, et mesurés. Contrairement au contenu utérin qui ne permet pas de visualiser tout le fœtus, certaines parties restant superposées avec le squelette maternel, la totalité des pièces osseuses fœtales est rendue visible.

Dosimétrie

La dose délivrée dépend des kilovolts (KV) des milliampères (MA), du temps d’acquisition, du volume examiné et d’un facteur de correction spécifique à la pédiatrie.

A 80 KV, 120 MA et un temps d’acquisition de 4 secondes la dose reçue est de 3 mSv (milliSievert) pour un examen. Ces études de dosimétrie ont montré qu’en adaptant les doses en particulier le niveau des milliampères (MA) les doses ne sont pas supérieures à un contenu utérin (3mSv) par cliché. Par comparaison une urographie intraveineuse chez le nouveau né correspond à une dosimétrie de 7mSv, un cathété- risme cardiaque à 5mSv, un scanner cardiaque chez l’enfant à 1,5mSv.

Le terme moyen de réalisation des ces scanners du fœtus est de 31 semaines avec des écarts de 21 à 37 semaines.

Le mode d’entrée initial a été le suivant :

• Os courts 55 cas • RCIU 5 • Suspicion d’achondroplasie 3 • Suspicion d’ostéogenèse imparfaite 3 • Anomalies des pieds 3 • Anomalies diverses 21 L’examen a été techniquement interprétable dans tous les cas sauf deux.

Les diagnostics posés par le scanner ont été les suivants :

• Achondroplasie 6 • Ostéogenèse imparfaite 5 • Hypochondroplasie 3 • Autres anomalies 42 • Examen excluant toute malformation en particulier osseuse 35 La littérature fait état de rapport isolé de quelques cas diagnostiqué en échographie [25-28].

Cette étude représente la plus grande série de diagnostic antenatal de maladie osseuse constitutionnelle vue au scanner.

Le scanner a permis le diagnostic de 50 % des cas d’achondroplasie, de deux sur cinq des cas d’ostéogenèse imparfaite et de trois cas d’hypochondroplasie. Le scanner a établi ou précisé le diagnostic dans 43 % des cas et a éliminé une anomalie osseuse dans 42 % des cas. Le scanner a confirmé le diagnostic échographique dans 15 % des cas. Dans notre expérience le scanner fœtal est un examen d’une grande utilité lorsqu’une anomalie osseuse constitutionnelle est suspectée. Il est indispensable cependant que ces examens soient relus par une équipe rompue au diagnostic de ces malformations. Sous condition que cet examen soit fait dans des conditions techniques qui permettent de délivrer une dose de rayons X acceptable au fœtus et à la mère, il représente un complément diagnostic utile.

CONCLUSION

Notre expérience montre que l’IRM fœtale est un outil de diagnostic complémentaire à l’échographie dans le diagnostic des malformations cérébrales en antenatal.

 

Cependant l’IRM en elle-même ne permet d’établir un pronostic que grâce aux études cliniques de suivi des malformations fœtales. La découverte par exemple d’anomalies de la fosse postérieures comme les cerebelloschizies nécessite une étude longitudinale de ces enfants pour pouvoir répondre à la question que se pose les parents sur le pronostic des ces affections. Aujourd’hui pour ces malformations de diagnostic récent nous ne savons pas avec certitude répondre à l’inquiétude des parents.

Pour les autres malformations en particulier digestives, dans l’état actuel de l’art il apparaît que l’IRM apporte des renseignements importante mais qui modifient peu la décision médicale concernant le suivi de la grossesse.

Le scanner fœtal dans notre expérience est en train de supplanter le contenu utérin dans le diagnostic des maladies osseuses constitutionnelles. Pour une irradiation moindre, les renseignements fournis sont largement supérieurs.

Développements futurs

Les techniques que nous venons d’évoquer sont par essence anatomiques. L’imagerie postnatale a depuis dix ans évoluée vers l’analyse fonctionnelle.

Les études de diffusion et de perfusion permettent une analyse fonctionnelle des organes étudiés. La tractographie analyse avec précision, les fibres myéliniques cérébrales. La spectroscopie permet le diagnostic de maladies métaboliques de manière non invasive.

Sans nul doute ces techniques vont émerger dans le champ de l’imagerie fœtale. Des études de perfusion placentaire sont en cours. La spectroscopie pour l’étude des la souffrance fœtale, la tractographie dans les agénésies du corps calleux seront dans les années à venir passées en routine [29, 30]. Les premières études concernant le diagnostic antenatal des malformations cardiaques en IRM apparaissent.

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[26] Ruano R., Molho M., Roume J., Ville Y. — Prenatal diagnosis of fetal skeletal dysplasias by combining two-dimensional and three-dimensional ultrasound and intrauterine threedimensional helical computer tomography. Ultrasound Obstet. Gynecol. , 2004, 24 , 134-140.

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[28] Blaicher W., Mittermayer C., Messershmidt A., Deutinger J., Bernaschek G., Prayer D.

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[30] Manganaro L. et al . — Assessment of congenital heart disease (CHD): Is there a role for fetal magnetic resonance imaging (MRI)?

Eur. J. Radiol. , 2008, Publication électronique.

 

DISCUSSION

M. Jacques BATTIN

Si dans les agénésies du corps calleux associées à d’autres malformations, on a recours le plus souvent à l’IMG, dans les agénésies isolées du corps calleux, le développement psychomoteur est normal dans 40 % des cas. A-t-on les moyens de différencier les cas qui s’accompagneront de retard mental ?

Le pronostic des agénésies du corps calleux est difficile à établir car le corps calleux remplit des fonctions cognitives qui ne peuvent être testées que dans la grande enfance. Si effectivement le développement psychomoteur semble normal dans les agénésies isolées du corps calleux, les grandes séries longitudinales semblent montrer l’existence d’un retard mental. Le pronostic à long terme n’est donc pas aussi favorable qu’initialement imaginé.

M. Jean DUBOUSSET

Quelle est la quantité de radiations reçue par le fœtus lors des scanners du contenu utérin en reconstruction 3D et quelles sont les limites qu’il ne faudrait pas atteindre ?

Des logiciels spécifiques en radio pédiatrie ont permis de diminuer les doses d’irradiation pour les ramener au niveau de celles utilisées en radiologie standard. Les constructeurs font des efforts considérables, les nouveaux scanners affichent une réduction de 40 % de la dose délivrée. La dose délivrée aujourd’hui est inférieure à 3mSv.

 

M. Bernard SALLE

L’artériographie 3D n’est-elle pas supérieure à l’IRM pour le diagnostic de malformations cardiaques ?

La comparaison entre les deux techniques doit se faire sur l’ensemble des paramètres.

L’IRM est moins invasive, moins irradiante, ne nécessite pas de personnel entraîné ni d’anesthésie générale. Sa résolution spatiale est légèrement inférieure à l’angiographie, mais elle montre le muscle cardiaque, ce que ne permet pas l’angiographie.

M. Bernard CHARPENTIER

A quel âge de gestation peut-on faire les premières IRM fœtales et est-ce que la montée en puissance des champs (3, 7 et pourquoi pas 14 Teslas…) posera un problème au développement fœtal ? D’autre part, quelle est la fréquence des anomalies néphrologiques (dysplasie) et urologique (uropathie malformative) repérées par l’IRM fœtale ?

Il est techniquement possible de réaliser des IRM fœtales dès vingt semaines. En ce qui concerne le développement cérébral, la giration ne se met en place qu’après vingt-huit semaines. Il n’est donc pas possible de faire le diagnostic d’anomalies de la giration avant.

L’IRM fœtale est une technique de deuxième intention, la plupart des anomalies néphrologiques sont en fait dépistées par l’échographie. L’IRM ne présente qu’un intérêt mineur dans cette pathologie. A ma connaissance aucune étude n’est disponible sur les champs plus élevés.

M. Emmanuel CABANIS

Quelle est l’indication éventuelle d’une injection de sel de Gadolinium par voie IV chez la mère comme produit de contraste IRM ? Concernant la visualisation, la visibilité à l’approche du système artériel et veineux, notamment, le polygone artériel de la base de l’encéphale, ex « hexagone de Willis », est-il observable en routine, avec une définition suffisante ?

Les autorisations à l’utilisation de Gadolinium sont possibles dans le cadre de la recherche en particulier pour l’étude de la perfusion placentaire ou pour la recherche de placenta accreta par exemple. Les séquences d’angiographie IRM commencent à se développer chez le fœtus, cela reste du domaine de la recherche.

 

<p>* Radiologie pédiatrique, Hôpital des Enfants Malades, 147, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15. E-mail : francis.brunelle@nck.aphp.fr Tirés à part : Professeur Francis Brunelle, même adresse Article reçu le 20 octobre 2008, accepté le 3 novembre 2008</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 8, 1559-1574, séance du 18 novembre 2008