Communication scientifique
Session of 1 octobre 2009

Actualité de la prise en charge du diabète de type 2 en France

MOTS-CLÉS : diabète type 2. santé publique
Current management of type 2 diabetes in France
KEY-WORDS : diabetes mellitus, type 2. public health

Claude Jaffiol

Résumé

Des enquêtes récentes (ENTRED 2007 et DIABASIS 2008) apportent des données épidémiologiques actualisées sur l’état du diabète de type 2 (DT2) en France. Il affecte 2,2 millions de personnes (3,8 %). 93 % ont plus de 45 ans, 52 % sont de sexe masculin avec une fréquence plus élevée chez les migrants et les sujets en état de précarité. 74 % sont en surpoids dont 41 % obèses, 54 % hypertendus, 18 % avec un LDL cholestérol > 1,3g/l, 19 % ont une hypertriglycéridémie, 13 % sont fumeurs. Les complications concernent les coronaires (16,7 %), la rétine (16,6 %), le pied avec un mal perforant (9,9 %), la fonction rénale (19 %). 41 % des sujets ont une Hb1c > 7 %. 93 % des DT2 sont pris en charge par les médecins généralistes, 20 % par les diabétologues. L’examen annuel du fond d’œil n’est réalisé que chez 41 %, les soins dentaires chez 38 %. La pratique de l’éducation est plus rare en médecine libérale (15 %) qu’à l’hôpital (71 %). 90 % reçoivent un traitement antidiabétique oral, biguanides 62 %, sulfamides 50 %, glitazones 13 %, inhibiteurs de l’alpha glucosidase 8 %, glinides 8 % . 43 % sont traités en monothérapie, 29 % par une bithérapie. L’insuline est prescrite chez 17 % seulement des DT2 avec un retard moyen de 13,8 années. 75 % ont un traitement anti hypertenseur, 43 % reçoivent des statines, 40 % des antiagré- gants. 30 % sont mal observants et 75 % déclarent au moins un symptôme de maltolérance au traitement. 25 % suivent correctement les règles hygiéno diététiques. Chaque DT2 coûte cinq mille quatre cents euros à l’assurance maladie. Depuis 2001 (ENTRED 2001), la prise en charge s’est améliorée avec un traitement plus intensif des facteurs de risque et une surveillance plus régulière des paramètres cliniques et paracliniques. Toutefois des progrès sont nécessaires concernant la prévention, l’organisation d’un dépistage plus précoce, l’adaptation plus rapide et plus intense du traitement à l’aggravation de la maladie, la surveillance glycémique et tensionnelle, une généralisation de l’éducation et le recours plus important aux professions paramédicales et aux soins à domicile.

Summary

Many data are available on the epidemiology of type 2 diabetes in France (ENTRED 2007, DIABASIS 2008). It is currently estimated that 2.2 million people (3.8 % of the population) have type 2 diabetes, with a higher prevalence among those with lower socioeconomic status. Ninety-five per cent of patients are over 45 years of age, 52 % are male, 71 % are overweight, 54 % have hypertension, 18 % have elevated LDL cholesterol, 19 % have elevated triglyceride levels, and 13 % are smokers. The main complications are cardiac (16.7 %), retinal (16.6 %), and renal disorders (elevated plasma creatinine in 19 %), and foot ulcers (9.9 %). HbA1c values exceed 7 % in 41 % of cases. Most patients are treated by general practitioners (93 %), while 20 % are followed by a diabetologist. Education is provided more often by hospital diabetologists (71 %) than by general practitioners (11 %). Nine out of ten patients are treated with oral antidiabetic drugs, consisting of metformin (62 %), sulfonylurea (50 %), glitazones (13 %), glinides (8 %), and alpha glucosidase inhibitors (8 %), usually alone (43 %) or in dual-agent combinations (29 %). Insulin is prescribed to 17 % of patients, an average of 13.8 years after initial diagnosis. Three-quarters of patients are prescribed antihypertensives, 47 % statins and 40 % antiplatelet drugs. One-third of patients are poorly adherent to their treatment and three-quarters experience adverse effects. Only one-quarter of patients follow dietary measures. The estimated annual per-patient cost of type 2 diabetes is 5400 euros, a sum that is fully reimbursed in 89 % of cases. Patient management in France started to improve markedly in 2001 (ENTRED 2001), with more attention being paid to risk factors, and more widespread use of antihypertensive drugs, statins and antiplatelet agents. If the dramatic increase in the incidence of type 2 diabetes is to be reversed, patients at risk must be identified and managed earlier. In particular, plasma glucose levels must be determined regularly in all people over 45 years of age and in all subjects at risk of diabetes. Management of hyperglycemia and other risk factors must be more aggressive and adapted to disease progression. Patient follow-up must be improved, taking in account the entire healthcare infrastructure, and especially structures involved in the treatment of obesity and diabetes.

La prévalence croissante de cette affection, la gravité de son évolution lorsqu’elle est mal contrôlée, ses conséquences économiques et sociales font du diabète de type 2 (DT2) un problème majeur de santé dans notre pays. L’objet de cette étude est de pré- senter l’état des lieux en 2009, les améliorations acquises dans sa prise en charge mais aussi les insuffisances et les incertitudes qui rendent difficiles certains choix thérapeutiques. Nous proposons, en conclusion, une série de recommandations actualisées susceptibles de réduire la progression de la maladie et d’améliorer son traitement.

LE DIABÈTE DE TYPE 2 EN FRANCE EN 2009

Une abondante documentation bibliographique a, depuis plusieurs années, apporté des informations issues de nombreuses enquêtes. Nous avons limité notre choix aux études françaises les plus récentes concernant un nombre important de patients dont la méthodologie a été approuvée par des épidémiologistes reconnus.

L’enquête ENTRED (Echantillon National Représentatif des personnes Diabétiques) permet de comparer les données de deux études, l’une mise en œuvre en 2001-2003 [1] portant sur 9 789 diabétiques de type 2, âgés de plus de 18 ans et affiliés au régime général de l’Assurance Maladie, l’autre engagée en 2007-2010 [2] concernant 7 627 sujets.

L’enquête DIABASIS [3] analyse la perception et le vécu du DT2 à partir d’un échantillon de 12 000 diabétiques de plus de 45 ans et de 6 988 conjoints.

La troisième étude [4] analyse les relations entre diabète et précarité à partir d’un échantillon de 48 813 sujets.

Données épidémiologiques [2]

En 2007-2009 [2], le DT2 affecte, en France 2, 2 millions de personnes, soit une prévalence de 3,8 % avec une légère prépondérance masculine (52 %).

La médiane d’âge est de 66 ans, la moyenne 65 ans mais 26 % des sujets ont plus de 75 ans.

L’incidence de la maladie est de 3 % par an. L’ancienneté du diabète est de 9 ans (médiane) exposant à un taux élevé de complications. On observe un gradient régional avec une prévalence plus élevée dans le Nord-Est et la Seine St Denis.

L’affection est plus fréquente dans les DOM-TOM : 10 % aux Antilles, 17 % à l’île de la Réunion [5], 20 % en Polynésie.

La survenue d’un DT2 chez les adolescents est un fait nouveau, 5,2 % à Paris [6] — 8,5 % à La Réunion [7], qui paraît lié à la progression de l’obésité.

La découverte du DT2 se fait le plus souvent à l’occasion d’un bilan de santé (67 %), de symptômes évocateurs (18 %) ou de complications (15 %). L’étude nationale Nutrition Santé a évalué les prévalences respectives du diabète connu, méconnu et de l’hyperglycémie modérée à jeun sur un échantillon de 2 413 adultes. Les taux respectifs sont de 3, 9 %, 1 % et 5, 6 %. Cela revient à retenir que sur cent sujets diabétiques, vingt sont ignorés. Les populations défavorisées et les migrants sont plus affectés par le DT2 [2] dont la prévalence s’accroit avec le degré de précarité [4].

60 % des DT2 de 45 à 79 ans ont un niveau d’études inférieur au BEPC contre 39 % dans une population de référence de même âge, 12 % n’ont jamais eu d’activité professionnelle vs 3 %. Chez les DT2 de moins de 60 ans, les complications cardiovasculaires sont trois fois plus fréquentes chez les ouvriers que chez les cadres.

Un niveau d’HbA1c > 7 % est deux fois plus fréquent chez les sujets dont le niveau d’études est inférieur au baccalauréat. L’examen du fond d’œil est trois fois moins pratiquée et les consultations en diabétologie deux fois moins que chez les cadres.

 

Le DT2 s’accompagne fréquemment de comorbidités [2]

Soixante-quatorze pour cent sont en surpoids et 41 % obèses avec un tour de taille augmenté. L’étude IDEA [9], à partir d’une enquête internationale portant sur 168 159 sujets âgés de 18 à 80 ans, confirme une corrélation indépendante entre le tour de taille, l’IMC, les maladies cardio-vasculaires et le diabète. L’hypertension artérielle est fréquente et mal contrôlée : 38 % des sujets ont une TA supérieure à 140/90 mmHg et seulement 14 % des chiffres inférieurs ou égaux aux valeurs recommandées soit 130/80 mmHg. 18 % des patients ont un LDL cholestérol supérieur à 1,3 G/L et 19 % présentent une hypertriglycéridémie. 13 % ont une micro albuminurie et 4 % une macro albuminurie, 13 % un tabagisme actif.

Les complications restent fréquentes en 2009 [2]

Seize pour cent des DT2 ont des antécédents d’angor ou d’infarctus myocardique, 13 % ont eu une revascularisation coronarienne ; 16,6 % ont bénéficié d’un traitement ophtalmologique par laser et 3,9 % ont perdu un œil. Un mal perforant plantaire est rapporté par 9,9 % des diabétiques ; 19 % ont une clairance de la créatinine< 60mL/mn/ 1,73m et 0,4 % sont en dialyse rénale.

L’équilibre glycémique est évalué à partir des taux d’HbA1C, (Figure 1).

Quarante-quatre pour cent des sujets, dans l’enquête ENTRED [2] et 15 % selon l’enquête DIABASIS [3] ont bénéficié d’un contrôle tri annuel de l’HbA1C comme cela est recommandé. L’HbA1c médiane se situe à 6,9 %. Un tiers seulement ont un taux inférieur à 6,5 %, 41 % dépassent 7 % et 15 % se situent au delà de 8 %.

Dans l’enquête DIABASIS [3] 82 % des DT2 ignorent la signification du dosage de l’HbA1c.

Au total , le DT2 apparaît comme une affection en expansion, fréquente après 45 ans, surtout dans les populations défavorisées et migrantes. Il existe un fort lien avec l’obésité abdominale. Près de la moitié des sujets présentent des facteurs de risque ou des complications et plus de la moitié ont un équilibre glycémique imparfait.

Prise en charge médicale et paramédicale

Les enquêtes ENTRED [2] et DIABASIS [3] apportent des données concordantes et complémentaires. Le DT2 est pris en charge essentiellement par les médecins généralistes (93 % des patients), beaucoup moins par les diabétologues (20 %) ;

l’examen annuel du fond d’œil n’est réalisé que chez 41 % des sujets et un bilan cardiologique chez 35 % ; 38 % ont bénéficié de soins dentaires. L’examen des pieds avec le filament est rarement pratiqué. La place des paramédicaux dans le suivi est importante : infirmière libérale 25 %, diététicienne 20 %, podologue 24 %. 33 % des patients seulement s’impliquent activement dans le suivi de leur maladie [3]. La cogestion augmente lorsque le médecin est diabétologue. Le recours aux spécialistes s’accroit avec l’aggravation de la maladie.

Choix thérapeutiques

Traitement du diabète [2, 3], (Figures 2 et 3).

Quatre vingt-dix pour cent des DT2 reçoivent un traitement antidiabétique [2], en monothérapie (43 %), bithérapie (29 %), trithérapie (8 %), quadrithérapie (0,8 %) [2]. Les biguanides viennent largement en tête des prescriptions (62 %), suivis par les sulfamides (50 %), les glitazones (13 %), les glinides (8 %), les inhibiteurs de l’alpha glucosidase (8 %). L’insuline est utilisée par 17 % des DT2 avec un retard de13, 8 ans après sa découverte [2]. Le manque de compliance dans la prise de leur traitement affecte 30 % des patients ; ce taux s’accroit avec le nombre de comprimés [3]. La maltolérance des médicaments concerne deux tiers des patients [3]. Les symptômes le plus souvent signalés sont les troubles intestinaux (34 %), les hypoglycémies (24 %), les sueurs nocturnes (19 %), les gonflements (13 %). 52 % des patients insulinés perçoivent des hypoglycémies et 36 % des sujets traités par metformine ont des troubles digestifs [3], 23 % déclarent avoir pris du poids [3].

Traitement des comorbidités [2], (Figure 4).

La majorité des diabétiques reçoit des médicaments antihypertenseurs (75 %), 28 % des IEC, 32 % des ARA II, 32 % des thiazidiques. 59 % prennent des hypolipé- miants, 47 % des statines et 10 % des fibrates. 40 % sont sous antiagrégants, ce chiffre s’élevant à 83 % chez les DT2 avec complications cardio vasculaires.

Vécu psychologique

L’enquête DIABASIS [3] apporte des données originales.

Lors du diagnostic, beaucoup de patients sont angoissés et inquiets à l’annonce du diagnostic (43 %).A ce stade, une majorité (85 %) se plaint de n’avoir pas reçu suffisamment d’informations sur leur maladie. La gravité évolutive est ignorée par la moitié des patients. 40 % des diabétiques ne se sentent pas gênés dans leur vie quotidienne, 15 % le sont dans leur sexualité. 23,2 % ne prennent pas au sérieux leur affection, ne modifient ni leur alimentation ni leur activité physique, 18.6 % font des écarts, 18,9 % refusent leur maladie et vivent très mal les contraintes alimentaires, 14,7 % sont dépressifs avec une anxiété permanente et des relations difficiles avec l’entourage ; 24,5 % seulement réussissent à modifier leurs habitudes de vie avec une bonne observance diététique, physique et thérapeutique. Les femmes semblent plus observantes que les hommes sauf dans le domaine du sport. L’entourage ne modifie pas son comportement et la majorité des patients déclare manger comme les autres membres de la famille qui les aide, cependant, pour un tiers d’entre eux, à bien contrôler leur diabète.

FIG. 1. — Amélioration du suivi (ENTRED) FIG. 2. — Intensification thérapeutique (ENTRED)

FIG. 3. — Évolution du choix des hypoglycémiants (ENTRED) FIG. 4. — Intensification thérapeutique (ENTRED)

TABLEAU 1. — Dépenses annuelles (2007) Coût de la maladie (Tableau 1)

La majorité des dépenses est liée aux hospitalisations nécessitées par les complications cardio vasculaires, amputations, dialyse etc.83 % des patients sont pris en charge à 100 % par l’Assurance Maladie ; 6 % bénéficient de la CMU [2].

ÉVOLUTION DE LA PRISE EN CHARGE DU DT2 ENTRE 2001-2003 ET 2007-2009 (fig. 1 à 4).

Cet aspect du problème est particulièrement intéressant et connaît une réponse par la comparaison des résultats des deux enquêtes ENTRED 2001 [1] et 2007 [2].

Les caractères socio démographiques des diabétiques ne se sont pas modifiés. La qualité du suivi s’est améliorée (Tableau 2) ainsi que l’intensification thérapeutique, avec une amélioration discrète de l’équilibre glycémique (HbA1c : —0.3 %). Les biguanides s’adjugent la première place au détriment des sulfamides. Il convient de souligner l’accroissement très significatif de la prescription des antihypertenseurs, des hypolipémiants au profit des statines, et des antiagrégants plaquettaires traduisant une meilleure prise en compte des facteurs de risque cardio-vasculaires. Les dépenses annuelles ont augmenté de 5,6 milliards d’euros ; 10 % des diabétiques absorbent 50 % des dépenses principalement liées à la prise en charge des complications.

 

LES INSUFFISANCES DANS LA PRISE EN CHARGE DES DT2 EN 2009

La prévention est quasi inexistante

Les états prédiabétiques ne sont pas suivis avec une attention suffisante et bénéficient rarement des mesures hygiéno diététiques qui se sont avérées efficaces pour prévenir l’apparition d’un diabète secondaire [10]. À ce titre, une action coordonnée entre tous les acteurs de santé de prise en charge de l’obésité infantile et des femmes ayant eu un diabète gestationnel pourrait casser la courbe de croissance de la maladie.

Le dépistage des DT2 est trop tardif et insuffisamment généralisé malgré les recommandations de l’AFFSAPS- HAS [10]. Dans l’étude ENTRED [2], 15,2 % des DT2 sont dépistés au stade des complications.

Le contrôle clinique et para clinique des diabétiques sous traitement est irrégulier [2]

L’autocontrôle tensionnel est pratiqué par un trop petit nombre de patients (20 %).

La surveillance podologique avec usage du filament est notoirement insuffisante.

L’examen annuel du fond d’œil ne concerne que 41 % des diabétiques.

Les contrôles tri annuels recommandés d’HbA1c, de créatinine et d’albuminurie sont réalisés chez moins de 80 % des patients.

Les règles hygiéno diététiques concernant l’alimentation et l’exercice sont mal respectées bien qu’elles constituent un pilier fondamental de la prise en charge [3].

 

L’escalade thérapeutique se fait avec un retard préjudiciable [2].

Bien que recommandée dès 2006 par l’AFSSAPS-HAS [11] pour maintenir un taux d’HbA1c inférieur à 7 %, elle est insuffisante et trop tardive malgré les progrès observés entre 2001 et 2007 [1, 2]. Les données de l’étude ENTRED 2007 [2] laissent apparaître que 1, 2 million de DT2 ont un traitement adapté avec un équilibre glycé- mique satisfaisant mais que un million devrait bénéficier d’une escalade thérapeu tique ; 39 % des plus jeunes patients diabétiques (<65 ans) et 29 % de ceux récemment diagnostiqués ont une HbA1c dépassant 7 %. Parmi les sujets traités par l’insuline, 240 000 ont une HbA1c inférieure à 8 % et 130 000 une valeur au-delà de 8 %.

Les insuffisances qui viennent d’être soulignées pourraient être en grande partie corrigées si le patient était suffisamment informé sur sa maladie et participait activement à sa prise en charge en liaison avec son médecin. Or, trois quart des diabétiques se déclarent mal informés : 45 % sur l’alimentation, 35 % sur les complications. 85 % auraient aimé recevoir plus d’explications de leur médecin [3].

L’importance d’une éducation des patients est fondamentale mais peu appliquée en dehors des structures hospitalières comme le confirme l’étude ENTRED [2].

 

Soixante et onze pour cent des diabétologues hospitaliers déclarent que la majorité de leurs patients suivent une éducation thérapeutique contre 27 % des spécialistes libéraux et 11 % des généralistes qui ont en charge la plupart des DT2. Seulement, 15 % des patients suivis en médecine libérale disent avoir bénéficié d’entretiens individuels, 3 % collectifs et moins de 1 % téléphoniques. La grande majorité (73 %) se déclare satisfaite de l’enseignement reçu [2] en contraste avec le fait que 33 % des diabétiques ne ressentent pas l’intérêt d’une approche éducative. Les soignants soulignent que la principale difficulté est l’adhésion des diabétiques aux recommandations alimentaires (65 %), à l’exercice physique (64 %) et la compréhension de leur maladie (35 %). Les médecins généralistes insistent sur le manque de temps (76 %), de structures adaptées (39 %), de formation et de matériel. Les spécialistes libéraux mettent en avant la non rémunération de l’acte éducatif (53 %), les barrières linguistiques, la mauvaise coordination avec les médecins hospitaliers et les paramédicaux.

INCERTITUDES PHYSIOPATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES

Relation linéaire ou valeur seuil entre le taux d’HbA1c et le risque micro angiopathique ?

Le taux d’HbA1c de sécurité est arbitrairement fixé à 6,5 %. Toutefois, des publications font état de la survenue de rétinopathies au dessous de cette valeur seuil [12].

Ces données conduisent à suggérer une relation linéaire entre les niveaux glycémiques et le risque de micro angiopathie et par la même à accroitre les exigences thérapeutiques. Le débat reste ouvert.

Intérêt du dépistage génétique ?

D’importantes études de cohorte ont mis en évidence l’association de nombreux loci avec le risque de DT2 à partir de techniques utilisant les gènes candidats ou le criblage du génome. Malgré leur valeur scientifique, ces résultats n’ont pas eu de débouché diagnostique évident par rapport à certaines données cliniques simples et faciles à mettre en œuvre sur de larges populations [13, 14].

L’intensification des traitements hypoglycémiants est une nécessité lorsque se produit une aggravation progressive du déséquilibre glycémique mais quel est le rapport risques/bénéfice ?

De nombreuses publications ont mis en évidence l’importance d’un équilibre glycé- mique optimisé pour prévenir les complications du diabète.

Dans le DT1, l’étude DCCT avait montré une réduction de l’incidence de la rétinopathie chez les patients soumis à un traitement intensif [15]. Dix ans de suivi complémentaire chez des sujets tirés au sort quinze ans auparavant ont confirmé une moindre fréquence des accidents cardio-vasculaires dans le bras intensif [16]. Dans le DT2, l’étude UKPDS [17] avait révélé une réduction des événements microvasculaires et, après dix ans de suivi complémentaire [18], la diminution des infarctus myocardiques dans le groupe intensif. Venant jeter le trouble, deux études interventionnelles récentes, ACCORD [19] et VADT [20] sont venues apporter des résultats discordants, ne confirmant pas d’un point de vue statistique un effet préventif significatif de l’intensification thérapeutique sur la survenue des complications macro vasculaires avec un risque accru de mortalité cardio vasculaire. A l’opposé, l’étude ADVANCE [21] confirme qu’un contrôle intensif de la TA et de la glycémie réduit l’incidence des événements micro-vasculaires sans accroitre la mortalité. Ces résultats discordants trouvent peut être une explication dans les différences méthodologiques des études précédentes. La méta analyse de Ray et al [22] prend en compte les études UKPDS, PROACTIVE, ADVANCE, VADT et ACCORD, soit 33 040 sujets. Elle conclue à une nécessaire prudence dans la mise en œuvre d’un traitement hypoglycémiant intensif chez les sujets âgés présentant un risque cardio vasculaire avéré en raison des conséquences délétères des hypoglycémies sur les coronaires, la vascularisation cérébrale et les fonctions cognitives.

La place de l’insuline dans le traitement des DT2 mal équilibrés par la trithérapie fait toujours débat ; son usage est moins fréquent en France où 17 % des patients reçoivent de l’insuline [2] contre 30 % aux USA et dans divers pays européens [23].

Cette différence tient à la frilosité des médecins généralistes pour engager une thérapeutique qu’ils maitrisent mal, à la crainte des patients vis-à-vis des injections, des hypoglycémies et du risque de prendre du poids. Malgré tout, de nombreuses voix s’élèvent pour prôner le recours rapide à l’insuline chez les patients mal équilibrés par un traitement oral intensif [24-26]. Un consensus parait s’installer en faveur de cette attitude à condition de peser la part du risque chez les sujets âgés multi compliqués ou chez les patients incapables de gérer correctement leur maladie et de bien évaluer les contre indications.

Les incertitudes concernent plutôt les modalités de l’insulinothérapie, basale ou basal- bolus, l’association ou non à des hypoglycémiants oraux, la maîtrise des coûts et la part que peuvent prendre les analogues du GLP1 qui auraient un effet réducteur de l’HbA1c comparable à celui de l’insuline avec des effets secondaires moins importants.

L’insulinothérapie est illogique chez les sujets obèses suivant mal leur régime avec des taux élevés d’HbA1c ; il suffit le plus souvent de reconditionner l’hygiène de vie de ces patients pour obtenir une perte significative de poids et observer une normalisation glycémique associée à une diminution des besoins médicamenteux [27].

Récemment, deux travaux ont évoqué la survenue d’un taux plus élevé de cancers du sein chez des diabétiques traitées par un analogue lent de l’insuline. Deux autres publications ne retrouvent pas ces données. Cette contradiction a conduit la Société francophone du Diabète à ne pas proposer l’arrêt de ce médicament dont l’efficacité et la tolérance font l’unanimité.

 

Le recours aux glitazones soulève quelques problèmes

Une prise de poids liée à une rétention hydrosodée est habituelle et peut être un handicap chez les diabétiques obèses avec insuffisance cardiaque. Le risque majoré d’infarctus avec la rosiglitazone ressort de l’étude RECORD [28] conduisant à son retrait des recommandations de l’ADA et de l’EASD. Un travail récent parait cependant infirmer ces conclusions défavorables [29].

L’étude PROACTIVE [30] a révélé un effet bénéfique de la pioglitazone sur les événements coronaires (-16 %), l’HbA1C (-0,8 % %), l’augmentation du HDL cholestérol (+9 %), et les triglycérides (-13 %) mais le pourcentage de sujets avec insuffisance cardiaque était augmenté par rapport aux témoins (10,8 % vs 7,5 %).

L’étude CHICAGO [31] conclue à un effet favorable de la pioglitazone sur la régression de l’épaisseur intima- media carotidienne. L’étude PERISCOPE [32] met en évidence un ralentissement de la progression de l’athérome coronarien.

L’intérêt de l’auto contrôle glycémique ?

Le contrôle glycémique pluri nycthéméral peut être utile pour confirmer des excursions glycémiques post prandiales témoignant d’une mauvaise observance alimentaire ou des hypoglycémies méconnues secondaires à des erreurs diététiques ou à des traitements inadaptés [33]. A ce titre, l’autocontrôle a une valeur éducative. Des glycémies élevées à jeun peuvent traduire un déficit insulinique conduisant à intensifier la thérapeutique. Toutefois, des critiques se sont élevées à l’égard d’un usage systématique de l’autocontrôle chez tous les diabétiques de type 2 [34] ; les principales font état du coût élevé des consommables, bandelettes réactives et lancettes, alors que le dosage de l’HbA1C moins couteux s’avère tout aussi efficace pour gérer l’évolution thérapeutique dans de nombreux cas. Certains proposent de limiter la pratique de l’autocontrôle glycémique aux DT2 en traitement intensif chez lesquels il est indispensable [35, 36].

NOUVELLES PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES

Le diabète maladie pancréatique et intestinale

Le pancréas est l’organe clé de la régulation glycémique avec deux hormones, l’insuline et le glucagon, produisant des effets opposés. Le rôle de l’intestin était classiquement dévolu à l’absorption des nutriments. Récemment, il est apparu comme un organe endocrine sécrétant plusieurs hormones impliquées dans la régulation pondérale et glycémique.

 

Les incrétines, nouveaux agents hypoglycémiants [37]

Le <<glucose dependant insulinotropic polypeptide>> (GIP) est produit par le duodénum et le <<glucose like peptide1>> (GLP1) par les cellules L du jéjunum et de l’iléon. Ces deux peptides sont stimulés par le glucose et les acides gras. Dans la circulation, ils sont dégradés très rapidement par une enzyme, la dipeptyl peptidase 4 (DPP4), générant une demi vie très courte pour le GLP1 (60 à 90 secondes). Le GLP1 stimule la sécrétion d’insuline de manière glucose dépendante, réduit celle du glucagon, ralentit la vidange gastrique et diminue la prise alimentaire ; il augmente le capital des cellules beta en limitant l’apoptose. Chez le sujet normal, 60 % de la sécrétion d’insuline est liée à l’effet incrétine. Dans le DT2, la sécrétion de ces peptides est diminuée. Ces données physiologiques constituent le fondement sur lequel repose le traitement du diabète de type 2 par les incrétines. Deux agents pharmacologiques sont disponibles en France : un analogue du GLP1 et deux inhibiteurs de la DPP4. L’analogue, l’exénatide, est injecté deux fois par jour par voie sous cutanée. Son administration écrête remarquablement les excursions glycémiques post prandiales sans générer d’hypoglycémies, réduit l’HbA1c de 0,8 à 1 % et entraîne une réduction pondérale de trois à quatre kilos. Des troubles digestifs fréquents pourraient limiter son utilisation mais ils paraissent s’atténuer avec le temps [38]. Un autre analogue, le liraglutide ne nécessitant qu’une injection par jour, est en cours d’évaluation dans le programme LEAD regroupant dans plusieurs essais 4 600 patients atteints de DT2 [39].

Les inhibiteurs de la DPP4, ou gliptines, augmentent la durée de vie des incrétines endogènes en bloquant l’enzyme de dégradation. Ils sont administrés per os. La réduction de l’HbA1c est de 0,6 à 0,8 %. Leur tolérance est bonne. Deux molécules sont disponibles, la sitagliptine et la viragliptine [40, 41]. Un délai assez long sera nécessaire pour préciser les indications et les effets secondaires de ces nouveaux agents thérapeutiques.

La chirurgie intestinale du diabète [42-45] Plusieurs travaux ont confirmé l’efficacité de la chirurgie bariatrique dans les obésités morbides ainsi que sur les pathologies associées, hypertension, dyslipidé- mie, diabète. Les interventions de dérivation sont les plus efficaces mais au prix de séquelles nutritionnelles et de carences métaboliques (oligo éléments, vitamines) qu’il faut compenser. La diminution de l’hyperglycémie est spectaculaire survenant très rapidement après l’acte chirurgical. La perte pondérale beaucoup plus lente à s’installer ne peut expliquer à elle seule la régression aussi rapide du diabète. En fait, plusieurs mécanismes impliquant les hormones et la néoglucogénèse intestinales conditionnent ce résultat très remarquable. On observe une augmentation des incrétines, des peptides anorexigènes et de la néoglucogénèse qui stimule par relai portal les centres nerveux inhibiteurs de l’appétit ; tous ces facteurs conjuguent leurs effets pour réduire très significativement l’excès de poids et entrainer une régression parfois totale des troubles métaboliques et du diabète [46-48]. La place de la chirurgie bariatrique dans le traitement des diabètes de type 2 se limite pour l’instant aux cas comportant une importante obésité résistant au traitement hygiéno -diététique. Peut-on envisager d’étendre les indications à des DT2 avec simple surpoids ? Ce pourrait être une solution chez les sujets résistant aux traitements conventionnels, avec une insulino-résistance majeure à de fortes doses d’insuline.

Les contre indications tiennent à une maladie psychiatrique ou endocrinienne et aux toxicomanies.

Autres voies de recherche [49]

Elles concernent les activateurs de la glucokinase, les antagonistes des récepteurs du glucagon, les activateurs des sirtuines, les inhibiteurs du SGLT2(49-50-51). Il s’agit, pour l’instant, de voies prometteuses de recherche que nous ne détaillerons pas dans ce document limité aux thérapeutiques en cours d’utilisation.

RECOMMANDATIONS, (Tableaux 2 et 3)

Au terme de cet exposé, il parait souhaitable de réduire l’incidence de la maladie et de pallier aux insuffisances dans la prise en charge du diabète de type 2. C’est l’objectif des recommandations qui figurent dans les tableaux 2 et 3. Leur mise en œuvre nécessite la participation de tous les acteurs de santé mais aussi des pouvoirs publics et des media qui jouent un rôle fondamental dans la sensibilisation de la population aux mesures de prévention.

TABLEAU 2. — Recommandations (1)

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<p>* Membre de l’Académie nationale de médecine. ** Communication donnée à la Réunion franco-marocaine — Académie du Royaume du Maroc — Académie nationale de médecine à Rabat, le jeudi 1er octobre 2009. Tirés à part : Professeur Claude JAFFIOL, 16, allée de l’Eubée — 34000 Montpellier, e-mail : c.jaffiol @wanadoo.fr Article reçu le 1er octobre 2009, accepté le 14 décembre 2009</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 7, 1645-1661, séance du 1er octobre 2009