Résumé
La contrefaçon de médicaments est un phénomène qui s’accroît non seulement dans les pays en développement, où elle peut représenter près de 40 % du marché entraînant de graves problèmes de santé publique, mais elle devient aussi plus fréquente aux Etats-Unis, et même en Europe. La France est pour le moment épargnée. Le système de distribution pharmaceutique (fabricant-grossiste-répartiteur- pharmacien d’officine) est à la fois le garant et le maillon faible du système. La vente de médicaments sur Internet représente un risque supplémentaire surtout dans les pays dont la couverture sociale est insuffisante. L’initiative IMPACT lancée en 2006 par l’OMS avec l’ensemble des parties prenantes est importante. Son objectif est d’élaborer des propositions précises dans les domaines législatif, réglementaire, technologique et de communication. Seule leur mise en application et une mobilisation mondiale de l’ensemble des acteurs permettra de prévenir ou de limiter cette menace croissante pour la santé publique.
Summary
Drug counterfeiting is a growing danger, and not only in developing countries where it can account for up to 40 % of the market. Counterfeit drugs can be both ineffective and toxic. They are becoming more and more common in the USA and even in Europe. France seems to have escaped this problem for the time being. The drug distribution chain (producerwholesaler-retail pharmacist) is both the gatekeeper and the weak point of the system. Counterfeiting is more frequent in countries where drug distribution is badly organized or excessively deregulated. The increasing use of the Internet for self-diagnosis and selfmedication is adding to the problem, particularly in countries where social security coverage is limited. The IMPACT initiative, launched in 2006 by WHO and other stakeholders worldwide (health authorities, healthcare professionals, patients, customs, police, industry), is aimed at developing precise legislative, regulatory and technical measures, and at increasing global awareness of this threat to public health.
La contrefaçon de médicaments dans le monde n’est pas un phénomène récent, mais un fléau qui s’aggrave et qui touche maintenant les pays développés. Bien évidemment, par rapport à d’autres secteurs, les contrefaçons de médicaments posent un problème majeur de santé publique par la perte de chance de traitement pour les malades que provoque l’absence de tout principe actif, ou lorsque le produit contrefaisant est dangereux par lui-même, car contenant des produits autres que le médicament qu’il copie ou des produits toxiques ou des impuretés dangereuses.
Il n’existe pas en France ni dans l’Union Européenne de définition légale de la contrefaçon de médicaments. Celle donnée par l’OMS il y a quelques années semble la plus adapté au problème posé en matière de santé publique (au-delà de toutes questions relatives aux droits de propriété intellectuelle ou de marques) : ‘‘ Les médicaments contrefaisants sont étiquetés frauduleusement de manière délibérée pour en dissimuler la nature et/ou la source. La contrefaçon peut concerner aussi bien des produits de marque que des produits génériques, et les médicaments contrefaits peuvent comprendre des produits qui contiennent les principes actifs authentiques mais un emballage imité, ou d’autres principes actifs, aucun principe actif ou des principes actifs en quantité insuffisante ’’ [1, 2].
Il s’agit bien en l’occurrence de produits prenant l’aspect des produits princeps (même nom de marque, même conditionnement, même aspect du produit) et destinés à tromper les professionnels de la santé qui les prescrivent ou les dispensent, les malades qui les prennent ou les autorités qui les contrôlent.
Au-delà de cet aspect extérieur trompeur, la composition des produits est très variable. Des études réalisées par l’OMS (sous forme de méta-analyses) ont montré il y a quelques années que sur 325 cas de produits contrefaisants, 60 % ne contenaient aucun principe actif, dans les autres cas, les produits étant soit sous-dosés, soit composés de matières actives différentes de celles annoncées sur la boîte [3, 4].
A récemment a été rapporté le cas d’un anti-rétroviral dans le SIDA qui, analysé comportait des principes actifs différents de ceux annoncées sur la boîte [5].
LA CONTREFAÇON DE MÉDICAMENTS : DIFFICULTÉS D’IDENTIFICATION
Du fait même que ces produits sont destinés à tromper, les contrefaçons de médicaments sont difficiles à découvrir.
Les techniques modernes d’impression ou de production permettent en effet de fabriquer des produits dont l’aspect extérieur est quasi-identique à celui des produits princeps. Même si des différences mineures existent, il est le plus souvent impossible de distinguer les faux produits sans une comparaison directe entre les différents conditionnements.
Seul le pharmacien d’officine peut le faire, de même que les autorités de contrôle lorsqu’elles enquêtent. Il est rare que le malade en ait la possibilité.
En pratique, il apparaît, dans certains cas, que c’est l’absence de résultat thérapeutique escompté qui alerte le malade et le médecin et qui conduit à la découverte de la fraude (ceci bien entendu en-dehors des études spécifiques sur lesquelles nous reviendrons).
La difficulté est rendue encore plus complexe lorsque comme dans certains pays, les produits ont pu pénétrer la chaîne pharmaceutique.
LES PAYS TOUCHÉS
Souvent, des chiffres globaux sont donnés. La contrefaçon de médicaments repré- senterait selon l’OMS 10 % des médicaments commercialisés dans le monde. Cette globalisation est par nature erronée. Les nombres cités correspondent en effet à des situations éminemment variables.
De plus, tous les chiffres donnés sont sujets à caution et souvent sous-estimés puisqu’il s’agit d’une activité clandestine difficile à identifier donc à quantifier avec précision. Les pays d’origine sont variés, mais l’Inde et la Chine semblent au premier plan [6, 7].
Véritable fléau dans les Pays en Développement, elle fait l’objet de plusieurs dizaines de poursuites par an aux États-Unis, et de quelques cas de moins en moins rares en Europe.
Pays en Développement: une situation parfois catastrophique
C’est bien évidemment dans les pays les plus pauvres n’ayant pas les moyens d’avoir un marché pharmaceutique organisé et suffisamment de contrôles que les contrefaçons sont les plus fréquentes [8].
Une étude réalisée au Cameroun par l’IRD (Institut de Recherche & Développement) a montré l’importance du phénomène. Sur un total de 284 échantillons d’anti-paludéens recueillis en 2001 et 2002 sur les marchés en-dehors du circuit pharmaceutique de distribution, il a été montré que 38 % des produits supposés contenir de la chloroquine, 74 % de la quinine et 12 % du sulfadoxine pyriméthanine ne contenaient soit aucun principe actif, soit en quantité insuffisante, soit un autre principe actif, soit des produits inconnus. Moins de la moitié des produits (118 sur 284) mentionnaient leur origine [9].
De plus, dans une majorité de cas, ni la société pharmaceutique ayant fabriqué et vendu le produit, ni le site de fabrication ne pouvait être identifiés !
Les études prospectives réalisées sont assez peu nombreuses, mais elles donnent des informations équivalentes comme celles publiées par l’OMS dans les pays d’Asie du Sud-Est dont le Vietnam et le Cambodge, montrant que 64 % des anti-paludiques saisis ne contenaient pas de principes actifs [10, 12].
Des chiffres publiés par l’OMS vont dans le même sens, allant d’environ 30 % du marché (Kenya, Indonésie, Philippines, Liban) jusqu’à 70 % (Angola). Au-delà de la perte de chance pour les patients à titre individuel, les conséquences en matière de santé publique pour les pays défavorisés sont importantes [13].
Certains considèrent qu’une partie des résistances de plus en plus fréquentes aux antimalariques serait due à l’utilisation de produits de mauvaise qualité, en particulier sous-dosés [14]. Au-delà des cas classiquement cités où les produits copiés ont par leurs composants toxiques eux-mêmes entraîné des catastrophes sanitaires : solution anti-pyrétique diluée dans un solvant toxique (Haïti), faux vaccins utilisés dans une épidémie de méningite : deux mille cinq-cents morts (Niger)… [15, 18].
Les pays industrialisés également touchés
Malgré un système de distribution en principe sécurisé et les contrôles exercés par leurs autorités, les pays développés ne sont pas à l’abri du fléau et les cas se multiplient, même si leur chiffrage est toujours difficile [19, 20].
Ils atteignent un niveau préoccupant aux États-Unis : actuellement entre cinquante et soixante poursuites chaque année, elles n’étaient pas inférieures à cinq au début des années 90.
Suscitées par une couverture sociale insuffisante d’une partie importante de la population l’amenant à rechercher des produits moins chers et facilitées par la proximité de pays aux prix beaucoup plus bas et aux contrôles moins efficaces (Mexique et Amérique Centrale), les contrefaçons touchent plus particulièrement des produits à forte valeur ajoutée générant des profits importants pour les trafiquants [21, 23].
En Europe, l’évolution est assez inquiétante. Plusieurs cas récents ont été décrits, que ce soit au Portugal, aux Pays-Bas, en Espagne ou même en Allemagne. Le pays où sont découverts le plus souvent de faux produits est la Grande-Bretagne [24].
En Août 2004, des médicaments contre l’impuissance vendus en pharmacie, arrestation et condamnation pour contrefaçon de médicaments en novembre 2004 et juin 2005, rappel d’un anti-cholestérol en juillet 2005 et juillet 2006, et plus récemment en 2007 découverte de lots de Clopidrogel venant d’Allemagne et portant des numéros de lots français conduisant au retrait de ces lots en France. Trois nouveaux cas encore plus récemment [25]. La particularité de ces cas britanniques est que les produits ont été retrouvés dans le circuit de distribution pharmaceutique montrant une porosité de la chaîne de distribution sur laquelle nous reviendrons [26, 27].
Et la France
Pour l’instant, elle paraît épargnée. En tous cas, aucune saisie par les douanes ou la police n’a eu lieu sur le territoire national de 2003 à 2007, en dehors du cas marginal d’un cortico-stéroïde vendu hors du circuit pharmaceutique pour des propriétés marginales (blanchiment de la peau).
Par contre, de nombreuses saisies ont été effectuées dans un aéroport parisien, de produits en transit venant d’Asie et allant vers l’Afrique ou l’Amérique Latine (plusieurs centaines de milliers de comprimés de produits destinées à traiter le dysfonctionnement érectile de mai 2004 à juin 2007) [28].
A noter que les contrefaçons de produits de santé ne touchent pas que les médicaments: ont été saisies en France en 2005 de lentilles de contact contrefaisantes !
LE CIRCUIT DE DISTRIBUTION : GARDE-FOU ET MAILLON FAIBLE
Le circuit intégré de distribution de médicaments associant fabricants, grossistesrépartiteurs et pharmaciens d’officine délivrant directement le médicament au malade est le garant d’un système en principe imperméable aux pénétrations indésirables grâce à un système d’assurance-qualité des trois acteurs, à la personnalisation des responsabilités et des relations pharmaceutiques, couplées à un système de traçabilité adapté. La chaîne de distribution permet ainsi de sécuriser la mise à disposition des médicaments.
Pourtant, des risques importants existent et se développent en Europe en raison du principe de libre-circulation et d’une tendance à la déréglementation de la chaîne de distribution pharmaceutique.
Le monopole pharmaceutique tel qu’il existe en France est considéré comme un frein à la libre-circulation des produits. On a vu apparaître en particulier des grossistes spécifiques facilitant la circulation de produits entre les différents pays de l’UE.
Le commerce parallèle de médicaments est une illustration de la contradiction pouvant exister entre le dogme de libre-circulation et la santé publique. La disparité du prix du médicament entre les différents États-membres (liés à des systèmes variés de protection sociale et de fixation du prix des médicaments) permet la revente dans des territoires à prix plus élevés des produits commercialisés à prix plus bas dans d’autres pays de l’UE.
Au-delà de cette autorisation de principe, il est également admis que le conditionnement de ces produits soient adaptés aux pays d’importation (notice de boîte dans la langue locale, superposition d’étiquettes voire même modification du nombre de comprimés dans un conditionnement). Ces opérations tout à fait légales sont de nature à favoriser la pénétration dans le circuit pharmaceutique de produits contrefaisants [29].
On constate que les pays qui font le plus l’objet d’importations parallèles sont les plus touchés par la contrefaçon (Royaume-Uni, Pays-Bas). Aux frontières de l’Europe, la situation est particulièrement critique, les contrefaçons pouvant repré- senter jusqu’à 20 % du marché en Russie [30, 31].
UNE SPÉCIFICITÉ QUI SE DÉVELOPPE : LA VENTE DE MÉDICAMENTS SUR INTERNET
Les offres de ventes de médicaments sur Internet se développent. Particulièrement actif dans des pays comme les Etats-Unis où la demande est forte, le marché sur Internet a également tendance à augmenter dans de nombreux pays [32].
Les exemples pourtant sont de plus en plus nombreux, même si un chiffrage est impossible à donner:
— Faux anti-grippaux — Produits contre l’obésité n’ayant pas encore d’Autorisation de Mise sur le Marché…
Ce sont surtout les produits dits ‘‘ de société ’’ qui font l’objet de toutes les attractions et des sollicitations (spams) : traitement du dysfonctionnement érectile (des performances sexuelles), anorexigènes, hormones de tous types y compris produits dopants [33, 34].
La France est pour l’instant en grande partie épargnée grâce à un système de protection sociale large n’incitant pas les patients à aller sur Internet payer de leur poche — souvent plus cher — des médicaments par ailleurs remboursés par la sécurité sociale.
Pourtant, la recherche de plus en plus fréquente par le consommateur de soins d’informations concernant son état de santé peut le conduire à un auto-diagnostic et une auto-médication parfois dangereuse Cette attitude peut l’amener à utiliser des sites Internet de vente de médicaments avec tous les risques susceptibles d’en être la conséquence.
LA LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON : UNE MOBILISATION NÉCESSAIRE DE TOUS LES ACTEURS À L’ÉCHELON NATIONAL ET INTERNATIONAL
Dans les pays développés, le pays directement le plus actif sont les États-Unis :
Organisation d’une réunion publique en octobre 2003 permettant d’évaluer la réalité du problème, publication d’un rapport en février 2004 proposant un certain nombre de mesures, mise en place d’un groupe de travail sur la traçabilité de la chaîne pharmaceutique, publication régulière de ces rapports faisant l’objet de poursuites… [16-35] Mais aussi mise en place par la FDA d’un système d’alerte sur Internet :
www.fda.gov/oc/initiatives/counterfeits et initiative des industriels avec diffusion régulière d’informations, éducation des patients sur le risque d’achat sur Internet :
www.drugs.info.
IMPACT : UNE IMPORTANTE INITIATIVE DE L’OMS
Lancée en février 2006 par l’OMS, l’initiative IMPACT ‘‘ International Medicinal Products anti-Counterfeiting Task Force ’’ rassemble l’ensemble des acteurs concernés : autorités administratives, professionnels de la santé, associations de malades, industriels fabricants, distributeurs, police et douanes. Son objectif est de développer des actions concrètes coordonnées, plus spécifiquement autour des cinq domaines que sont législation, réglementation, mise en application, technologies et communication [36].
Très pragmatiques et opérationnelles, ces propositions pourraient conduire à assez court terme à une modification du paysage international sur un certain nombre de points [37] :
— Caractérisation pénale nouvelle des contrefaçons de produits de santé (criminalisation des poursuites fondées sur le risque pour la santé publique et non la seule mise en cause des droits de la propriété intellectuelle), en ligne avec la nouvelle législation française [38].
— Adaptation des réglementations, en particulier en matière de bonnes pratiques de distribution et de conduite à tenir en cas de découverte de produits contrefaits — Harmonisation des techniques permettant découverte et traçabilité — Mise en place de réseaux d’alerte et de communication entre les autorités elles-mêmes et le public — Aide à la mise en application de ces mesures, en particulier dans les Pays en Développement Ce programme est particulièrement ambitieux. Il se développe pour l’instant de manière satisfaisante, mais la difficulté sera celle de la mise en application des actions lorsqu’elles seront finalisées et adoptées.
Au niveau de chaque pays, seule une attitude volontaire et volontariste est susceptible d’endiguer le phénomène.
Même encore très imparfait, l’exemple du Nigéria est à noter [39] :
— Chute du taux de faux médicaments de 41 % à 17 % de 2001 à 2006 — Dans le même temps, plus de cent destructions publiques de produits contrefaisants, mille perquisitions effectuées, quarante-sept condamnations, cinquantesept affaires en cours.
Ces exemples sont encore limités. Ils sont malgré tout intéressants, montrant l’importance pour réussir d’une volonté politique déterminée.
LA CONTREFAÇON : COMMENT S’EN PROTÉGER DANS LES PAYS DÉVELOPPÉS
Trois axes sont à développer :
— la pérennisation de la chaîne de distribution — la mise en place d’outils de détection et de traçabilité — une communication adaptée Garantie de la chaîne de distribution
La qualité de la distribution pharmaceutique et la sécurisation de ses sources d’approvisionnement sont centrales.
À cet effet, il est intéressant de noter qu’au niveau européen, les autorités ont commencé à prendre en compte les spécificités de santé publique pour envisager une adaptation de la libre-circulation des produits et la soumission de tous les acteurs à une réglementation adaptée assurant le maintien du contrôle à tous les niveaux du circuit de distribution, tout spécialement dans l’articulation grossistes-pharmaciens [40].
Le système d’Assurance-Qualité de la chaîne de distribution doit par ailleurs être développé et affiné pour faire face aux nouveaux défis avec une claire identification des acteurs et leur personnalisation, une surveillance accrue du commerce parallèle, une limitation et un contrôle des altérations de conditionnement et une traçabilité des produits [41].
Traçabilité, un outil de lutte
Des solutions existent déjà, en particulier grâce à des étiquetages de plus en plus sophistiqués, mais ils sont souvent très bien imités : les faux grossiers sont rares, les contrefacteurs sont de mieux en mieux équipés et adaptés aux techniques modernes de conditionnement y compris les hologrammes.
Les techniques les plus modernes (RFID) sont encore onéreuses et longues à mettre en place, pas exemptes de limites et de critiques, ce qui a amené la remise en cause de leur généralisation aux États-Unis [41, 42].
Des réflexions sont en cours vers, en tous cas, des codes barres à deux dimensions faciles à lire au niveau de l’officine (Data Matrix 2D). Ce système adopté en France (premier pays à le faire) amène des perspectives intéressantes [42].
Le suivi des lots de médicaments commercialisés est en effet un moyen intéressant de repérer un produit présent sur un marché dans un pays ou une région où il ne devrait pas se trouver.
La communication vers le public : une nécessité
La gestion de cette communication n’est pas aisée, elle peut être en effet à l’origine d’inquiétudes et de frilosité qui peuvent ne pas être justifiées. Il est donc nécessaire d’avoir une attitude pro-active mettant en perspective les risques potentiels et les dangers réels. Une attitude positive et une information régulière sont susceptibles de faciliter la gestion d’une crise si un retrait de lot de médicaments s’avérait nécessaire.
[43].
Par ailleurs, les risques d’achat de médicaments sur Internet doivent être particuliè- rement soulignés au public. La brochure réalisée par l’AFSSAPS et le Conseil de l’Ordre des Pharmaciens ainsi que celle récemment réactualisée à ce sujet par les Entreprises du médicament doivent être mentionnées. [45, 46].
Le développement d’actions de sensibilisation sur ces questions est nécessaire, c’est l’objet d’un document diffusé par l’Académie nationale de pharmacie.
EN CONCLUSION
La contrefaçon de médicaments est une réalité et un phénomène inquiétants, ayant des conséquences directes sur la santé publique, en particulier dans les pays en développement. Elle augmente dans les pays développés, et même si la France paraît pour l’instant épargnée, l’utilisation exponentielle d’Internet conduit à un autodiagnostic et une auto-médication qui représentent un risque croissant. Il est important que ce risque soit bien connu et que des actions préventives soient mises en place !
À cet effet, la pérennisation d’une réglementation stricte de la distribution de médicaments sur le plan européen est nécessaire.
La chaîne de la distribution pharmaceutique doit être garantie, et la coordination entre les différents acteurs renforcée. Un système précis d’assurance-qualité doit être adopté, et les contrôles par les pouvoirs publics être encore plus développés.
Le commerce parallèle de médicaments en Europe doit être surveillé et étroitement contrôlé.
Quelles que soient les mesures prises, tant sur plan national qu’international, leur mise en application ne sera efficace que si s’établit de manière très précise une coopération à tous les niveaux, entre les administrations elles-mêmes (santé, douanes, police), entre les autorités, les professionnels de santé et le public, entre les différents pays, entre les professionnels eux-mêmes y compris l’industrie.
Des actions régulières de communication vers le public facilitant sa compréhension du phénomène et sa coopération sont également nécessaires, l’alertant sur les risques, en particulier l’utilisation d’Internet.
C’est grâce à l’ensemble de ces mesures que pourra être combattu un fléau qui, si l’on n’y prend garde, posera également dans nos pays développés à court/moyen terme un grave problème de santé publique.
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M. Patrice QUENEAU
J’ai cru vous entendre indiquer de « ne pas acheter de médicaments sur internet sans précautions ». Mais in fine, quelles sont ces précautions ? Existe-t-il des situations où l’on peut réellement proposer aux citoyens et aux malades d’acheter des médicaments sur internet en toute sécurité ? Je pense qu’il est souhaitable de dissuader tout citoyen et tout malade d’acheter un quelconque médicament sur internet, y compris les médicaments dits d’automédication. Quelles publications scientifiques peuvent être consultées sur les accidents médicamenteux imputés à des contrefaçons, notamment au sein de pays « développés » ?
Il n’y a aucune situation où l’on puisse garantir à un patient qu’il n’y a pas de risque s’il achète des médicaments sur Internet. Les sites certifiés sont encore trop peu nombreux.
Dans l’attente, vous avez raison, le message à donner au public par les autorités de santé devrait être : « N’achetez en aucun cas des médicaments sur Internet. » Le malade n’a aucune possibilité de savoir si le médicament ainsi acquis n’est pas une contrefaçon. Il n’a aucune certitude que sa qualité soit satisfaisante. Quant aux publications scientifiques relatives à des accidents médicamenteux imputés à des contrefaçons dans les pays développés, elles sont rares, de même que les études prospectives car les cas rapportés sont actuellement encore isolés. Les informations sont habituellement plus diffusées par la presse grand public que par les revues scientifiques. Il faut convenir que l’imputation d’accidents médicamenteux à la contrefaçon est actuellement peu considérée donc les cas sont peu signalés. La plupart des études publiées portent sur les pays en développement.
Sauf les États-Unis où la FDA publie régulièrement des informations ainsi que des mises en garde sur son site internet.
M. Claude-Henri CHOUARD
Quels sont les risques, en France, de consommer un générique sous-dosé en produit actif, ou constitué par un support différent du produit initial ?
Il y a une différence fondamentale entre les médicaments contrefaits, destinés à tromper et prenant l’apparence extérieure de médicaments princeps (ou de génériques) et les génériques : copies légales de médicaments dont le brevet est échu et qui bénéficient d’un Autorisation de Mise sur le Marché garantissant par principe la qualité de leur fabrication et leur bioéquivalence par rapport au produit princeps. Les génériques font l’objet d’une surveillance régulière comme tous les médicaments, à la fois sur leurs spécifications pharmaceutiques, mais aussi sur leur tolérance. En principe, il n’y a donc pas de risque en France à utiliser des médicaments génériques. Pour ce qui concerne l’équivalence thérapeutique, elle est en principe avérée à partir du moment où la bioéquivalence a été démontrée. Il existe malgré tout une classe thérapeutique pour laquelle des précautions spécifiques doivent être prises : les anti-épileptiques. Le lien direct entre le maintien à un niveau satisfaisant de leur concentration plasmatique et leur activité thérapeutique leur confère une marge de sécurité faible. Pour certains patients, l’utilisation de génériques a été associée à une reprise ou à une recrudescence des crises, même si l’étude de pharmacovigilance organisée par l’AFSSAPS n’a pu démontrer à ce stade une relation directe.
La décision finale reste au prescripteur. Il lui appartient de juger le risque spécifique pour chacun de ses patients. Dans les autres cas il ne semble pas qu’en terme de santé publique la substitution par les génériques ait créé des problèmes liés à la qualité des produits.
M. Claude DREUX
Je pose le problème des héparines chinoises contaminées, probablement volontairement, par des dérivés hypersulfatés actifs mais responsables de réactions allergiques graves (cent morts aux USA, accidents graves en Allemagne…). Comment éviter les contrefaçons sur le principe actif ? Comment augmenter la vigilance vis-à-vis de certains fournisseurs internationaux trop laxistes ? Comment conserver la chaîne pharmaceutique française qui a fait ses preuves mais qui coûte chère ? Faut-il ‘‘ interdire ’’ l’achat de médicaments sur Internet ?
La contrefaçon de principe actif est un risque en effet à ne pas méconnaître. Le cas récents de certaines héparines chinoises est tout à fait exemplaire. La sécurité de l’approvisionnement doit être garantie par le fabricant de spécialités pharmaceutiques. Il doit en effet s’assurer de la qualité des principes actifs qu’il utilise. Les spécifications du principe actif font l’objet d’informations précises qui sont analysées lors de l’examen du dossier d’Autorisation de Mise sur le Marché. C’est la responsabilité du fabricant de mettre en place un système d’assurance qualité garantissant le maintien dans le temps de ces spécifications. Il a également l’obligation de déposer une information actualisée auprès des autorités de santé en cas de changement de fournisseur. Outre la garantie apportée par le fabricant, les pouvoirs publics par l’intermédiaire de l’inspection pharmaceutique sont en mesure de déterminer sur place si leurs constatations correspondent aux éléments du dossier. La difficulté est que le nombre réalisable d’inspections est en pratique limité.
Enfin, il est clair que s’il y a volonté délibérée de contrefaçon, il peut y avoir des difficultés à les dépister, même en utilisant des techniques approfondies d’analyse. C’est l’intérêt de l’existence de structures dédiées comme celle récemment mise en place par une entreprise pharmaceutique en France.
M. Pierre JOLY
N’y a-t-il aucune action à priori de la puissance publique pour mettre en garde le public contre les contrefaçons ? Le réseau de pharmacovigilance est-il à même actuellement de déceler, à posteriori, l’usage de médicaments contrefaits dangereux ?
Actuellement, la possibilité d’une contrefaçon comme étant à l’origine d’un effet indésirable ou d’une efficacité insuffisante n’est en effet pas encore suffisamment prise en compte ni par les réseaux de pharmacovigilance ni il faut le reconnaître par les professionnels de santé. Or, cette éventualité devrait être mieux considérée car le témoin d’un risque direct pour le patient. Un certain nombre d’actions seraient à cet égard utiles : tout d’abord, une sensibilisation des praticiens pour que cette hypothèse soit présente dans leur recherche d’étiologie à un effet inattendu d’un médicament. D’autre part, il conviendrait pour les réseaux de pharmacovigilance de considérer la contrefaçon comme l’une des causes à envisager devant tout effet indésirable. Il est à noter que dans le cadre du groupe IMPACT de l’OMS des propositions relatives à la prise en compte du fait contrefaçon par la pharmacovigilance sont en cours de formulation.
M. Pierre DELAVEAU
Comment des médicaments contrefaits sont-ils introduits dans la chaîne depuis le stade grossiste jusqu’au stade dispensation en officine ou à l’hôpital ?
En principe, la chaîne pharmaceutique classique (fabricant => grossiste-répartiteur => pharmacien d’officine) devrait être étanche et empêcher la pénétration de contrefaçons dans le circuit et leur présence dans les pharmacies. C’est encore le cas actuellement en France grâce à un encadrement très précis par la réglementation pharmaceutique. Or, on assiste actuellement en Europe à un certain degré de déréglementation fondée sur le dogme de la libre circulation. Favorisée par la différence de prix entre les pays, le commerce dit « parallèle » de médicaments entre les Etats-membres s’est développé.
Cette activité légale n’est pas sans poser problème, puisque s’accompagnant d’une adaptation nécessaire du conditionnement au pays d’accueil, entraînant un certain degré d’altération du conditionnement et masquant de fait la contrefaçon. Par ailleurs, cette déréglementation a eu pour conséquence en Europe l’apparition de nouveaux opérateurs sans spécialisation pharmaceutique servant d’intermédiaires dans le commerce en gros.
On a pu noter en Grande Bretagne, l’un des pays ayant le plus libéralisé son circuit de distribution, la pénétration de contrefaçons dans la chaîne pharmaceutique, des produits contrefaits ayant été retrouvés dans les pharmacies d’officine. La Commission Européenne en est venue à considérer l’utilité de certaines mesures, limitant en particulier les possibilités de reconditionnement des médicaments faisant l’objet d’un commerce parallèle. Des propositions sont à ce sujet en cours de finalisation.
Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 7, 1423-1436, séance du 7 octobre 2008