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Session of 24 janvier 2012

A propos du cinquantième anniversaire de la mort de Camille Guérin (1872- 1961)

Jacques Barbier *

 

HOMMAGE

A propos du cinquantième anniversaire de la mort de Camille GUERIN (1872-1961)

Jacques BARBIER *

« Bulletin de l’Académie nationale de médecine ». Séance du 9 janvier 1951, installation du bureau pour l’année 1951.

Permettez-moi de citer le Président sortant Edmond Lesne, Professeur de Pédiatrie (puériculture).

« Mon cher Guérin, je vous passe avec confiance le flambeau de la présidence. Votre notoriété mondiale servira le prestige de l’académie ; bien que vous soyez deux fois immortel vous êtes resté simple, courtois, bienveillant. Votre élection réjouit tous vos collègues. Vous êtes un grand français, vous serez un grand président, vous en avez l’exactitude, le dévouement, l’autorité, la conscience ».

L’allocution du Président Guérin fut brève. « Pour la cinquième fois depuis la fondation de l’Académie, échoit l’honneur à un vétérinaire d’être appelé à la présidence de notre compagnie ». Il termina en présentant son vice président :

« c’est avec joie que nous voyons le Professeur Lemierre installé dans ses nouvelles fonctions ; vous êtes certainement en accord avec moi pour lui dire son nom dispense de toute éloge ».

Je pourrai en rester là. Permettez moi d’évoquer cependant quelques points de la vie, des travaux et des distinctions de Camille Guérin.

SA VIE

Poitevine

Né le 22 décembre 1872 à Poitiers, rue de la Chaudelière (état civil), en fait rue de la Chandelière (actuellement rue Théophraste Renaudot), à l’âge de dix ans, il est orphelin. Son père, entrepreneur en bâtiments, décède de la tuberculose. Plus tard, sa mère épousera un vétérinaire de Châtellerault, Auguste Venien, auprès de qui s’éveillera sûrement la vocation de Camille Guérin.

 

Parisienne

Il intègre l’école vétérinaire d’Alfort en 1892. Auprès du directeur de l’époque, Edmond Nocard, il s’intéressera à l’infectiologie, la variole et surtout la tuberculose.

A sa sortie d’Alfort, il travaillera un an à l’Institut Pasteur de Paris.

Lilloise

En 1897, il sera nommé à l’Institut Pasteur de Lille, créé et dirigé alors par le Docteur Albert Calmette (frère du journaliste du Figaro, Gaston Camùette, tué en 1914). Camille Guérin se mariera en 1900 et aura deux enfants, un fils Pierre (Magistrat à Poitiers) et une fille Camille (qui vivra à Paris). La guerre de 1914-1918 fut une période très difficile pour Camille Guérin. Lille fut très vite occupée par les allemands et l’Institut Pasteur dirigé par des officiers allemands (entre autres le neveu de Robert Korch), surveillance et suspicion rendant la vie extrêmement difficile. Il eut l’immense tristesse de perdre son épouse d’une méningite tuberculeuse en 1918.

Parisienne à nouveau :

Dix ans plus tard, en 1929, il reviendra à l’Institut Pasteur de Paris diriger le service consacré à la tuberculose. Son laboratoire était son lieu de vie. Il habitait presque à côté, dans un appartement rue Dutot. L’immeuble fut réquisitionné par l’occupant allemand en 1940. Camille Guérin fut mis en retraite en 1943. Il restera à Paris, mais aimera retourner dans son Poitou natal, retrouver sa maison de « Chabonnes », à Vouneuil sur Veinne, faire des promenades au Pinail en forêt de Moulière ou le long de la Vienne, rencontrer des amis, notamment au marché de Bonneuil Matours, l’écrivain Maurice Fombeure (« chez Blanche »), ou Yvonne de Lestrange, ancienne pastorienne, héritière du Château de Chitré. Il mourut à l’Hôpital Pasteur à Paris le 9 juin 1961. Il est enterré à Châtellerault, à côté de son épouse (cimetière Saint Jacques).

SES TRAVAUX

Ils sont parfaitement résumés dans la « Notice des travaux scientifiques de Camille Guérin », paru en 1934 portant uniquement sur la vaccination Jennérienne et la tuberculose.

La vaccination Jennérienne permet d’éradiquer la variole, maladie mortelle. L’anglais Jenner, à la fin du xviiie siècle avait montré l’effet défensif de l’inoculation d’une maladie de la vache, le Cow-pox. Camille Guérin améliore la fabrication du vaccin en remplaçant les vaches par les lapins. Cette vaccination est maintenant supprimée.

Le BCG

Ce fut avec Gaston Calmette, à Lille et à Paris, le travail de leur vie. Après treize ans de recherches, la première vaccination fut faite en 1921 par le Docteur Weill-Hallé sur un nouveau né dont la mère venait de mourir de tuberculose. Malgré le procès de Lübeck, la vaccination se poursuivra et sera rendue obligatoire en 1950. Actuellement, malgré la recrudescence de la tuberculose, la vaccination est recommandée dans certains cas, mais non obligatoire depuis 2007. Le BCG n’est plus fabriqué en France, mais importé du Danemark. En complément, il est utilisé en instillation vésicale pour prévenir les récidives des tumeurs de vessie. Expérimentalement, il guérirait certains diabètes par régénérescence des îlots de Langherans.

SES DISTINCTIONS

Malgré sa modestie, cette vie de travail et de réussite méritait quelques reconnaissances.

— des décorations, Grand Officier de la Légion d’honneur en 1958 — des présidences de congrès nationaux et internationaux, notamment en 1948, à Paris, le « 1er Congrès International du BCG ».

— des prix nombreux, notamment en 1955 le « Prix du Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique et du Progrès Technique », décerné par l’Académie des Sciences (un million de francs = 1 500 k).

— des académies, Agriculture, Vétérinaire et surtout Académie Nationale de Médecine en 1935 (Président en 1951).

N’ayant pas eu l’honneur, ni le plaisir de connaître Camille Guérin, je laisserai la conclusion à René Dujarric de la Rivière, qui prononcera, le 28 novembre 1961, à l’Académie nationale de médecine, l’éloge funèbre de Camille Guérin. : « L’homme était à la mesure du savant. Il unissait en lui les plus hautes qualités de l’esprit et du cœur. Originaire de cette province du Poitou, où la vie souvent difficile, a fait une race forte, Guérin avait une remarquable volonté. Il fut un bel exemple de ce que permet d’obtenir cette patience dans les longs efforts que Pasteur prisait par dessus tout. Lentement, jour après jour, observant les faits avec minutie, respectant inlassablement les expériences, il est parvenu à vaincre les difficultés…. La fidélité fut une qualité essentielle de Guérin : fidélité à la science, au devoir, à l’amitié » et personnellement j’ajouterai à sa famille. « La grande bonté qui se lisait dans le clair regard de ses yeux bleus, faisait de Guérin un ami particulièrement attachant ».

 

<p>* Membre de l’Académie nationale de médecine</p>