Published 5 March 2015

 

 

A propos des nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie

 

Denys PELLERIN et Jean-Noël FIESSINGER

 

À la veille du débat parlementaire sur la « proposition de loi de MM. Alain Claeys et Jean Leonetti créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie » l’Académie nationale de médecine rappelle qu’elle avait approuvé les dispositions de la Loi Leonetti et souligné l’importance d’en assurer la diffusion auprès des médecins, des soignants mais aussi des patients. La proposition de loi de MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, inscrit en son article 3 « l’assurance d’une mort apaisée du fait d’un droit des personnes à une sédation en phase terminale ». L’A.N.M. tient à exprimer son inquiétude sur les conséquences que pourrait avoir une interprétation erronée, abusive ou tendancieuse, du terme sédation. Dès lors que la distinction entre les deux situations, fin de vie et arrêt de vie, n’est pas précisée, toute disposition législative contraignante ouvre la voie à des dérives abusives voire condamnables. La fin de vie intervient par le fait d’une maladie au stade ultime de son évolution, éventuellement après arrêt de tout traitement dans le refus de tout acharnement thérapeutique. Elle intervient aussi au terme du processus naturel du vieillissement chez des personnes demeurées autonomes ou devenues dépendantes physiquement ou par déficit cognitif. – L’arrêt de vie fait suite à une demande volontaire à mourir alors que la vie n’est ni irrémédiablement parvenue à son terme ni immédiatement menacée. Le qualificatif « terminal » appliqué à la sédation profonde fait apparaître que son but premier n’est pas de soulager et d’accompagner le patient, mais de lui donner la mort. Quand bien même il s’agirait « seulement » d’une aide au suicide, il s’agit d’une euthanasie active. Il n’est pas dans la mission du médecin de donner la mort. Aucun médecin ne saurait par la loi se voir contraint de transgresser ce principe. L’Académie nationale de médecine regrette que perdure dans notre société la méconnaissance ou l’indifférence vis-à-vis des directives anticipées et souligne qu’il est nécessaire d’en faire reconnaître l’intérêt et de favoriser le développement de cette pratique. Les directives anticipées sont largement prônées dans les différentes interventions sur la fin de vie. Cette unanimité ne doit pas masquer les difficultés que rencontre leur application. Les directives anticipées doivent-elles être contraignantes ou mieux comme l’écrit le CCNE « Engageantes » ? Dans tous les cas leur non-respect doit être justifié par le médecin responsable. En définitive, dans le respect de la loi, en l’absence quasi constante de toute directive anticipée, l’Académie nationale de médecine estime qu’il appartient au seul médecin sollicité au nom du respect du droit des malades de procéder à une consultation collégiale avant de décider de statuer sur la notion d’obstination déraisonnable. Elle insiste sur les exigences d’une authentique concertation. La participation de l’ensemble de l’équipe soignante, de membres de la famille ou de la personne de confiance est indispensable. La participation d’un tiers extérieur au service (médecin traitant, membre du comité d’éthique) est souhaitable.

Au moment où les débats parlementaires sur la fin de vie vont s’engager, l’Académie nationale de médecine tient à rappeler ses recommandations et mises en garde :

–          la valeur qu’elle attache aux dispositions de la loi Leonetti de 2005 ;

–          la signification du terme sédation qui ne saurait être interprétée de façon erronée voire abusive ;

–          la pratique des directives anticipées doit être encouragée sans pourtant méconnaître les difficultés qu’elle suscite dans leur application.

 

Références

  1. Pellerin D. Contribution à la réflexion publique des citoyens sur l’accompagnement des personnes en fin de vie (Mission Sicard). Bull AcadNatl Med. 2012 ; 196 :1843-1870.
  2. Vacheron A. La fin de vie en France. .Bull AcadNatle Med. 2013 ; 197 :925-934.
  3. Pellerin D. Réponse à la saisine du Conseil d’Etat. Académie Nationale de Médecine. Rapport. 22 avril 2014.