Résumé
Les situations qui mettent en jeu dans l’immédiat, à court terme, la vie des patients sont régies en France par l’organisation du ‘‘ Secours à personne ’’ et celle de l’aide médicale urgente. Succès indéniable, cette prise en charge pré-hospitalière de l’urgence vitale repose sur un trépied spécifique : point de recueil unique des appels, régulation médicale et médicalisation précoce sur place. Sont décrits les multiples acteurs qui interviennent et le parcours de la personne en détresse. En matière d’urgence vitale, le patient doit être amené directement, le plus rapidement possible dans la structure hospitalière de référence dévolue à la pathologie qu’il présente. Cette ‘‘ filière du suraigu ’’ concerne l’urgence traumatologique (polytraumatologie et/ou l’hémorragie non contrôlée, les traumatismes de la moelle épinière), les hémorragies de la délivrance, les urgences médicales vitales telles les cardiopathies ischémiques, l’arrêt cardiaque — la ‘‘ mort subite ’’, l’isché- mie cérébrale aiguë et sa conséquence l’infarctus cérébral, certaines situations de détresse respiratoire aiguë (accident anaphylactique sévère, inhalation de corps étrangers, électrocution, asphyxie par noyade, overdose chez les toxicomanes, certaines intoxications) et les pathologies relevant en première intention de l’oxygénothérapie hyperbare (accident de plongée sous-marine, intoxications aigues au monoxyde de carbone ou par fumée d’incendie). L’identification des dysfonctionnements à l’origine de retard, voire de manquement dans la prise en charge des situations d’urgence concerne un retard dans la prise en charge initiale, une médicalisation inadaptée, une mauvaise orientation hospitalière. Ils renvoient à la question de l’égalité des chances pour tous, compte tenu de la diversité du territoire national au plan de la géographie et de la répartition de la population. Les objectifs à atteindre pour améliorer l’efficacité du système sont définis tels : l’amélioration des coordinations fonctionnelles, la mise en place d’un maillage territorial des structures d’urgence, la réduction des inégalités d’accès aux soins d’urgence, le développement des actions de formation aux premiers secours pour le plus grand nombre. Dix propositions ont été retenues par l’Académie nationale de médecine, en termes d’organisation et de moyens.
Summary
In France, acute life-threatening situations are handled by the French Secours à Personne (assistance to persons) and emergency medical facilities. An unequivocal success, this early management of life-threatening emergency situations relies upon centralized call reception, medical dispatching, and immediate on-site emergency medical care. We describe the different emergency care providers and steps involved in the response to emergency situations. Each call centre (Samu, phone number 15 ; Sapeurs-Pompiers, 18) provides a response tailored to the nature of incoming calls for assistance. A check-list of grounds for an ‘‘ automatic response ’’ by the SDIS (Service Départemental d’Incendie et de Secours — the French fire brigade) is in use, ensuring that firefighters are often the first on the spot, while the knowledge and skills of the dispatching physician are essential to ascertain the patient’s needs, to preserve life and vital functions, and to ensure the patient is sent to the appropriate emergency healthcare facility. In life-threatening emergency situations, patients must be brought straight to the appropriate reference emergency healthcare facility, as quickly as possible, without prior admittance to an emergency department. This is the procedure for extremely acute emergency situations in the following areas: trauma (multiple trauma and/or uncontrolled bleeding, spinal cord trauma), delivery bleeding, other life-threatening situations such as ischemic heart disease, cardiac arrest (sudden death), cerebrovascular stroke and ensuing brain damage, some acute respiratory situations such as anaphylactic shock, foreignbody inhalation, electrocution, drowning, drug overdose, certain forms of poisoning, and conditions requiring initial hyperbaric oxygen (diving accidents, acute carbon monoxide and smoke poisoning). The reasons for suboptimal emergency care in life-threatening situations are currently a major issue, with medical facilities being reduced in some areas, fewer voluntary firemen, hospital reorganization, tight funding, difficulties of medical dispatching, and the varying skills of ‘‘ first-on-thescene ’’ emergency workers. Grievances include late emergency responses, inappropriate medical care, and dispatching to the wrong facility. This raises the question of equal opportunity for all in a country with widely varying geographic features and population density. Improvement in the system’s efficiency will require a series of objectives to be met in varied and complementary — Enhanced functional coordination, by speeding up the deployment of the ANTARES digital radio-frequency transmission network (Adaptation Nationale des Transmissions Aux Risques Et aux Secours). — Implementation of a network of emergency services with varying degrees of emergency healthcare management related to the technical nature of the facilities. Three levels of emergency healthcare must be made available: level 1 is provided by local hospitals, level 2 includes support facilities available in general hospitals (not necessarily the nearest hospital), and level 3 provides specialized healthcare in large and/or training hospitals with specialized departments. Lifethreatening emergency situations are to be handled by level 2 or 3 facilities. Specific facilities must be selected as reference centers. In France, the ARS (Agences Régionales de Santé) is in charge of this procedure, as it provide funding for healthcare continuity. — Reducing inequalities in access to emergency care. This will involve improving the network of SDIS brigades, making local medical facilities more responsive, delegating more medical procedures, on-site telemedicine, providing more helicopters equipped with healthcare facilities, more automated external defibrillators, and more dedicated neuro-vascular units. — First aid training must be made widely available. The French National Academy of Medicine has approved ten recommendations regarding organization and facilities.
RECOMMANDATIONS
L’interconnexion étroite des urgences pré-hospitalières avec les structures hospitalières les mieux adaptées à leur prise en charge, la variété des situations d’urgence vitale, la multiplicité des disciplines concernées, l’étendue des moyens à mettre en œuvre, l’ampleur des compétences requises, la diversité des implications économiques, administratives, politiques, morales, rendent impossible l’énumération exhaustive des mesures destinées à améliorer la situation actuelle. Nous nous bornerons dans ce rapport à cibler quelques recommandations qui paraissent prioritaires :
EN TERME D’ORGANISATION 1 — Dans le cadre du financement des différentes missions hospita- lières, ‘‘ sanctuariser ’’ celles qui relèvent des urgences vitales, au sein des missions d’intérêt général (MIG).
2 —
Améliorer le maillage territorial . Favoriser la création, le développement de la coordination des moyens d’intervention rapide et des structures de proximité ou de relais de prise en charge des urgences vitales. Tenir compte des particularités géographiques, démographiques, économiques de chaque région.
Cette organisation en réseau doit s’appuyer sur des règles de partage définies, avec contractualisation entre les différentes structures.
3 — Développer ou créer s’ils n’existent pas, des pôles de référence de prise en charge de l’extrême urgence traumatologique, gynécologique, cardiologique, neurologique et générale (respiratoire, hémorragique, toxicologique, avec, si nécessaire, appel au centre anti-poison, métabolique, dans le cadre de services ou d’unités de réanimation).
4 — Connaître par tous les acteurs, la cartographie des centres recon- nus pour chaque type d’urgence vitale , permettant de ‘‘ shunter la proximité ’’ et d’instituer à la fois l’orientation et les connexions d’accueil pendant le transport du patient, de telle sorte que l’équipe qui doit le recevoir soit opérationnelle avant son arrivée.
Ceci justifierait une signalisation des filières en particulier la ‘‘ filière du suraigu essentielle ’’ pour que le patient soit immédiatement et directement hospitalisé dans la structure adéquate, partout en France.
EN TERME DE MOYENS 5 — Développer et mutualiser les moyens de transport rapides et médicalisés, en particulier héliportés , l’arsenal des défibrillateurs , la télémé- decine d’urgence .
6 — Généraliser quand cela est possible le début du traitement pendant le transport .
7 — Inciter les maisons médicales à s’impliquer dans la permanence des soins .
EN TERME DE FORMATION — EDUCATION 8 — Eduquer à l’urgence vitale les médecins (dès la faculté), les infirmier(e)s , les secouristes , les scolaires comme les étudiants et le public en général (par l’intermédiaire de la télévision) .
9 —
Exiger une formation de niveau élevé des médecins urgentistes .
10 —
Favoriser la délégation de compétences , en particulier au bénéfice des sapeurs-pompiers, en précisant les devoirs, les limites et les responsabilités de chacun des acteurs.
Sans oublier que : l’amélioration de cette prise en charge pré-hospitalière des urgences vitales de l’adulte commence aussi par la conscience des effets regrettables d’une possible compétition, liée à des facteurs humains hélas difficilement évitables, entre les différents acteurs.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 15 mai 2012, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité.
Ce rapport dans son intégralité peut être consulté sur le site www.academie-medecine.fr
Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, nos 4-5, 887-891, séance du 24 avril 2012