Rapport
Séance du 26 janvier 2010

10-03 Les cellules souches du cordon et du placenta : de la recherche aux applications thérapeutiques

MOTS-CLÉS : cellules souches mésenchymateuses. cordon ombilical. placenta.
Mesenchymal stem cell therapy
KEY-WORDS : mesenchymal stem cells. placenta. umbilical cord

Jacques Caen (au nom d’un groupe de travail)

Résumé

Un groupe de travail s’est constitué autour de J. Caen, membre de l’Académie Nationale de Médecine, avec pour objectif de faire la synthèse des connaissances actuelles sur les cellules souches du cordon et du placenta et de réfléchir à leur utilisation thérapeutique. La première partie du rapport présente une synthèse des connaissances actuelles sur les cellules souches du sang de cordon, de la moelle osseuse et du tissu adipeux, et sur les cellules souches mésenchymateuses de cordon et de placenta. Le Professeur Zhong-Chao Han, Professeur d’hématologie à Tianjin, a présenté le 3 mars 2009 les résultats obtenus par l’utilisation des cellules souches mésenchymateuses de la gelée de Wharton et du placenta dans le domaine cardio-vasculaire, le traitement des lésions de la moelle épinière et le traitement des réactions immunitaires du greffon contre l’hôte lors des greffes de moelle. Les questions auxquelles le groupe de travail a tenté de répondre concernent les avantages scientifiques potentiels à utiliser les cellules souches du cordon et du placenta en thérapie cellulaire, les risques possibles encourus, et le statut à donner aux cellules souches du cordon. Sont mentionnées en conclusion les recommandations de l’Académie Nationale de Médecine pour l’utilisation thérapeutique des cellules souches.

Summary

During the last 2 decades, the search for new therapies has been revolutionized by the discovery of stem cells, inspiring scientists and clinicians to search for stem cell-based reparative approaches to a wide variety of health disorders. The use of mesenchymal stem cells for this purpose has been examined by a committee headed by Professor J. Caen of the French National Academy of Medicine. The first part of the report summarizes current knowledge of cord blood-, bone marrow-, adipose tissue-, placenta- and cord-derived multipotent stem cells. On 3 March 2009 Professor Zhong-Chao Han from Tianjin University in China reported the results of successful therapeutic trials using mesenchymal stem cells derived from Wharton’s jelly and placental tissue in patients with cardiovascular diseases and spinal cord injury, and in bone marrow graft recipients. This report analyzes the scientific advantages of using placental and Wharton’s jelly-derived stem cells, as well as the potential risks and the legal status of Wharton’s jelly-derived stem cells. The report concludes with recommendations on the use of stem cell therapy.

INTRODUCTION

À la suite de la séance du Mardi 3 mars 2009 organisée à l’Académie Nationale Médecine, dont le thème était « Cellules souches et thérapies cardiovasculaires », s’est créé sous l’impulsion du Professeur Caen, un groupe de travail dont l’objectif était de réfléchir sur l’utilisation thérapeutique potentielle des cellules souches présentes dans le cordon (gelée de Wharton) et dans le placenta. En effet, au cours de cette séance, le Professeur Zhong-Chao Han, Professeur d’Hématologie à Tianjin, Chine, et Directeur de la société Amcellgene, produisant des cellules souches à usage thérapeutique, a présenté ses résultats sur l’efficacité des cellules mésenchymateuses (CSM) isolées à partir de la gelée de Wharton et du placenta, dans le domaine cardio-vasculaire. Il a évoqué d’autres applications, comme le traitement des réactions immunitaires du greffon contre l’hôte, notamment dans les greffes de moelle, ou le traitement des lésions de la moelle épinière.

De nombreux autres travaux publiés vont dans le même sens, indiquant l’intérêt de cette nouvelle source de cellules souches [1-5].

Le groupe de travail sur les cellules souches de cordon et du placenta

Ce groupe de travail est constitué des membres suivants :

Jacques Caen : Professeur d’hématologie émérite, membre de l’Académie de Médecine, Président du Groupe de Travail — Jean-Pierre Cazenave : Directeur de l’EFS Alsace, membre correspondant de l’Académie nationale de médecine — Pierre Jouannet : Professeur à l’université Paris Descartes, Service de

Biologie de la Reproduction de l’hôpital Cochin-Saint-Vincent-de-Paul, membre de l’Académie de Médecine

Alexandre Mignon : Anesthésie-Réanimation, Maternité Cochin-Port

Royal.

Georges Uzan : Directeur de l’unité Inserm 972, dont l’activité porte sur les cellules souches, Secrétaire du groupe de travail.

Le groupe de travail s’est donné comme objectif de faire la synthèse des connaissances acquises sur le sujet et d’examiner l’intérêt scientifique et thérapeutique des cellules souches du cordon et du placenta. Le groupe a souhaité aussi aborder dès le début de ses travaux les problèmes éthiques que pourrait poser cette utilisation scientifique et thérapeutique.

Le sang de cordon

Le sang de cordon a montré son efficacité dans le traitement des maladies hématologiques, grâce a sa richesse en cellules souches hématopoïétiques [6].

L’utilité de conserver le sang de cordon pour une telle application est admise dans la plupart des pays industrialisés. Cette constatation a été l’origine de la création des banques de sang de cordon. L’utilisation des unités de sang de cordon pour un usage allogénique oblige au stockage d’un nombre d’unité important. En France, il a été calculé qu’il fallait stocker environ 50 000 unités pour pouvoir traiter quelques centaines de patients par une greffe de sang de cordon, chaque année.

L’Établissement Français du Sang (EFS) a vocation à gérer la collecte et l’utilisation thérapeutique des produits sanguins. Il est ainsi impliqué dans la mise en place des banques de sang de cordon allogéniques. Mais, si l’EFS a le monopole du sang périphérique adulte, son monopole du sang de cordon n’est pas total car les hôpitaux publics considèrent que la constitution de ces banques de sang de cordon fait partie de leur mission. Certains hôpitaux, comme l’hôpital Saint Louis à Paris, gèrent déjà une banque de sang de cordon. On a donc en France certaines banques de sang de cordon qui sont gérées par l’EFS et d’autres qui ne le sont pas. L’ensemble est coordonné au niveau national par le Réseau Français de Sang Placentaire sous l’égide de l’Agence de la Biomédecine qui assure le financement des nouvelles banques.

La présence de cellules souches non hématopoïétiques dans le sang de cordon a été décrite par de nombreuses équipes. Des cellules souches ayant des propriétés proches des cellules souches embryonnaires ont été décrites par le groupe de Mac Guckin et N Forraz [7] et d’autres cellules souches pluripotentes appelées USSC ont été décrites par G Kögler [8]. Des progéniteurs endothéliaux circulants (PEC) ont été également décrits, entre autre par G Uzan [9], qui a présenté l’utilisation thérapeutique de ces cellules dans les maladies artérielles périphériques lors de la séance du 3 mars 2009 [10]. Enfin, la présence de cellules souches mésenchymateuses a été mentionnée par plusieurs équipes [11, 12].

 

En dehors des applications dans le domaine des maladies hématologiques, l’efficacité thérapeutique des cellules souches du sang de cordon n’a pas été démontrée jusqu’à présent par des essais cliniques. En dehors des PEC qui sont isolables à partir de chaque sang de cordon et qui peuvent générer, après expansion, un nombre de cellules compatibles avec un usage en thérapie cellulaire, les autres types de cellules souches sont rares et leur présence n’est pas détectée dans tous les sangs de cordons. Le Professeur Jean-Jacques Lataillade, chef du laboratoire de recherche du Centre de Transfusion des Armées à l’hôpital Percy, a déclaré qu’il n’obtenait des cellules souches mésenchymateuses qu’à partir d’un sang de cordon sur trois. Son expérience rejoint celle du Professeur Zhong-Chao Han, qui, partant du même constat a abandonné la purification des cellules souches mésenchymateuses à partir du sang de cordon, pour se tourner vers le cordon lui-même et les annexes placentaires.

Les cellules souches mésenchymateuses de la moelle osseuse et du tissu adipeux

Les Cellules Souches Mésenchymateuses (CSM) sont les cellules souches post-natales, d’origine mésodermique. Elles sont issues notamment de la moelle osseuse et donnent naissance aux différentes composantes du tissu conjonctif, les ostéoblastes, les chondrocytes, les adipocytes et les cellules musculaires lisses. Elles génèrent également la composante stromale de la niche hématopoïétique permettant le maintien d’une population de cellules souches hématopoïétiques, qui fournit l’ensemble des cellules sanguines pendant toute la vie [13]. Enfin, les CSM présentent une capacité d’immunosuppression par diminution de prolifération des lymphocytes T et inhibition de différenciation des cellules dendritiques. Il a été montré que ces cellules augmentaient la prise de greffe de moelle, et que par leurs propriétés immunorégulatrices, elles pouvaient être utilisées dans le traitement des maladies inflammatoires ou dans les réactions du greffon contre l’hôte [14].

De nombreuses études ont montré, d’abord dans des modèles animaux, puis dans des essais cliniques chez l’homme, que ces cellules pouvaient être utilisées en médecine régénérative, pour réparer des tissus endommagés [15, 16]. Ces cellules sont entre autres considérées pour des applications comme la réparation de l’os ou du cartilage, la réparation du tissu cardiaque après infarctus, la réparation du système vasculaire, et pour la réparation de la peau après brulure thermique ou radio-induite [17].

D’autres sources de cellules mésenchymateuses ont été proposées, comme par exemple le tissu adipeux. Plus d’une centaine d’essais cliniques sont effectués à l’heure actuelle dans le monde avec des CSM de différentes origines, essentiellement de la moelle et du tissu adipeux [18].

 

Les CSM issues de cordon et de placenta

Une équipe chinoise, celle du Professeur Zhong-Chao Han, a déclaré avoir déjà traité une centaine de patients avec des CSM de cordon [19]. Pour lui, ces cellules sont efficaces et non toxiques, et n’importe quelle unité de CSM de cordon peut être greffée à n’importe quel patient sans que le greffon soit rejeté ou qu’il induise une réaction du greffon contre l’hôte. Il a indiqué qu’à partir d’un cordon, son équipe était capable de produire une centaine d’unités thérapeutiques potentielles [19]. Ainsi, au contraire du sang de cordon, pour lequel il faut stocker plusieurs milliers d’unités pour pouvoir greffer quelques patients, les CSM du cordon sont-elles toutes utilisables, et il faudrait un nombre restreint d’unités pour pouvoir traiter des milliers de patients.

La validation de ces observations intéressantes devrait être effectuée dans d’autres laboratoires travaillant dans ce domaine.

Par ailleurs la capacité et les propriétés des CSM de cordon devraient être aussi comparées à celles des CSM issues de la moelle osseuse et du tissu adipeux.

Les travaux du groupe de travail

Quels avantages scientifiques potentiels pour les cellules souches du cordon et du placenta ?

Le premier avantage est que le cordon et le placenta génèrent une quantité importante de CSM. Le professeur Zhong-Chao Han affirme qu’un seul prélèvement génère environ 100 doses thérapeutiques [19]. Cet avantage est confirmé par plusieurs publications, provenant de différents groupes [20, 21].

Le Pr Jean-Jacques Lataillade et le Dr Nicolas Forraz, que nous avons consultés sur ce sujet développent cette technologie dans leurs laboratoires de recherche, et ils confirment cet avantage.

Le deuxième avantage est que toutes les publications dans le domaine [1-5] indiquent que les CSM du cordon ont des propriétés au moins équivalentes à celle des CSM de moelle, qui servent de référence. En première analyse, ces cellules ont donc les mêmes applications que les CSM de la moelle : réparation osseuse, réparation des brûlures graves, immunomodulation dans les maladies inflammatoires ou dans les réactions du greffon contre l’hôte et réparation cardiovasculaire. D’autres études indiquent également que les CSM, qui proviennent du mésoderme, sont capables de réparer d’autres tissus non mésodermiques, comme le tissu nerveux ou hépatique.

Le troisième avantage, qui serait considérable s’il était définitivement confirmé, est que ces cellules souches sont bien tolérées d’un point de vue immunolo- gique. Le caractère peu immunogène des CSM de la moelle est bien décrit, et ce caractère est exploité, notamment dans le traitement des maladies inflammatoires, ou pour accroitre la prise de greffe de cellules hématopoïétiques.

Selon le professeur Zhong-Chao Han, les CSM du cordon et du placenta, de par leur caractéristique immature liée à leur statut de cellules fœtales sont encore moins immunogènes que les CSM de la moelle. Le Professeur Lataillade et le Dr Forraz confirment qu’effectivement, ces cellules issues du cordon et du placenta expriment les molécules HLA-G. Ainsi, la conservation autologue des CSM du cordon et du placenta n’aurait-elle pas d’intérêt, puisque chaque unité produite pourrait être utilisée pour n’importe quel patient.

L’équivalence des CSM allogénique par rapport aux CSM autologues devra être soigneusement confirmée, au moins dans des modèles pré-cliniques prédictifs.

Le recueil des CSM à partir des annexes embryonnaires à une période beaucoup plus précoce de la grossesse, par exemple à l’occasion d’une IVG, pourrait aussi être d’un très grand intérêt scientifique et psychologique mais ne fait pas l’objet du présent rapport.

Quels risques possibles pour les cellules souches du cordon et du placenta ?

L’apparition éventuelle d’anomalies caryotypiques sur les CSM de cordon devra être étudiée et discutée à la lumière de ce qui est observé pour les CSM de moelle osseuse dans certaines conditions [22]. Ceci sera un pré-requis à toute demande d’autorisation de protocole de thérapie cellulaire par l’AFSSAPS.

La faible immunogénicité des CSM de cordon et de placenta, leur préservation lorsqu’elles se différencient vers le tissu cible devront être démontrées.

Le Pr Han, qui a déjà effectué des essais cliniques, affirme que ces réactions ne se produisent pas. D’autres essais cliniques, effectués dans d’autres laboratoires, lui donnent pour l’instant raison [17]. Mais ces essais cliniques sont effectués sur un nombre limité de patients, et des analyses biologiques détaillées du devenir de ces cellules chez ces patients ne sont pas encore disponibles. Il est donc crucial que ces résultats soient confirmés et complétés.

Quel statut pour les cellules souches du cordon ?

Le Pr François Thépot, de la Direction Médicale et Scientifique de l’Agence de la Biomédecine a indiqué que le sang de cordon comme le cordon et le placenta sont considérés comme « des résidus opératoires ». Les cellules souches hématopoïétiques comme les CSM sont issus du mésoderme, et il n’y a pas de raison de les distinguer quant à leur statut.

 

Le Pr Éliane Gluckman, Professeur d’hématologie, Présidente de l’Association Eurocord, interrogée sur le sujet, estime elle aussi qu’il n’y a pas de raison de distinguer le statut des cellules souches du sang de cordon de celui des cellules issues du cordon lui-même ou du placenta.

Le Pr Pierre Jouannet fait cependant remarquer que les cellules du sang de cordon, qui sont les mêmes que celles du sang du fœtus, sont produites par le fœtus lui-même, alors que les cellules du cordon et du placenta sont localisées dans des annexes embryonnaires, qui dérivent pour l’essentiel des cellules du trophoblaste. Elles sont associées au développement de l’embryon, mais ne font pas partie de l’embryon lui-même.

Concernant le cordon et le placenta, ils ne peuvent pas être considérés comme des produits sanguins, et ils échappent donc au monopole (relatif) de l’EFS.

Alors que le sang de cordon a à la fois le statut de sang et de tissu, le cordon et placenta ont un statut unique de tissu.

Les cellules souches du cordon se placent d’emblée dans le domaine de la thérapie cellulaire non hématopoïétique, domaine où elles concurrencent fortement les cellules du sang de cordon, dont l’utilisation pour cette application reste théorique, et démontrée au mieux dans des modèles animaux dont la prédictivité reste relative.

Aspects éthiques

Dans la mesure où le cordon ombilical et le placenta peuvent être assimilés à un « déchet opératoire », leur utilisation dans un but scientifique ne devrait pas susciter de questions éthiques spécifiques. Cette utilisation devrait répondre aux dispositions du décret no 2007-1220 du 12.08.2007 relatif au prélèvement, à la conservation et à la préparation à des fins scientifiques d’éléments du corps humain.

C’est le cas pour le moment pour la grande majorité de ces tissus.

« Favoriser la recherche sur le cordon lui même et le placenta » est la préconisation no 6 du rapport sénatorial récent sur la collecte du sang de cordon [23]. Cette recommandation est parfaitement justifiée par les connaissances scientifiques et les perspectives thérapeutiques évoquées ci-dessus.

Bien que les CSM du cordon aient un statut différent des cellules du sang de cordon du point de vue du développement embryonnaire, la réflexion éthique concernant leur prélèvement, leur conservation et leur utilisation peut bénéficier par analogie de la réflexion qui a été menée sur la conservation et l’utilisation du sang de cordon [24, 25].

Il serait notamment nécessaire que les conditions du prélèvement et de la conservation des cordons soient adaptées à la finalité de leur utilisation en distinguant les trois types de situations : — recherche scientifique, — usage thérapeutique, — valorisation industrielle. Bien que des interactions puissent se manifester entre ces trois finalités, elles peuvent avoir des conséquences différentes. Par-exemple en cas d’usage thérapeutique, des tests de sécurité sanitaire devront être réalisés chez la femme (nécessitant un consentement spécifique) ce qui ne serait probablement pas le cas si le cordon est destiné uniquement à des travaux scientifiques.

Même si la finalité est uniquement scientifique, la collecte et la conservation des cellules du cordon et du placenta ne devraient être réalisées qu’avec le consentement écrit de la mère, et éventuellement de son conjoint. Bien que le cordon et le placenta ne puissent être considérés comme des éléments de leur corps, il semble impossible d’envisager leur utilisation si celle-ci devait heurter leurs convictions personnelles, culturelles ou religieuses.

Il serait souhaitable qu’un consentement explicite soit obtenu après qu’une information précise et aussi complète que possible, sur les conditions de conservation et sur l’utilisation scientifique des cellules du cordon et du placenta, a été donnée. Il ne paraît cependant pas nécessaire que le protocole précis de la recherche envisagée soit détaillé, seul le domaine de la recherche pourrait être indiqué [26].

L’information, qui devrait aussi préciser les éléments du dossier médical et de l’histoire personnelle qui accompagneraient éventuellement le prélèvement, pourrait être donnée à l’occasion d’une consultation ou d’une réunion prénatale. Le consentement écrit pourrait être recueilli au même moment mais il serait cependant souhaitable qu’il soit confirmé au moment de l’accouchement si le prélèvement doit effectivement être réalisé. Cette confirmation pourrait être donnée au début du travail en cas d’accouchement par voie basse ou après la naissance, par exemple en cas de césarienne.

Il serait aussi souhaitable que les membres de l’équipe obstétricale (médecins, sages-femmes, infirmières) soient également clairement informés du projet pour qu’ils puissent répondre aux questions posées par les futurs parents.

Cette information pourrait être faite en liaison avec le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens français et l’Ordre des Sages-femmes.

Si ultérieurement le recueil et la conservation du cordon et du placenta devaient être élargies à des finalités thérapeutiques ou industrielles, la nature des informations données et des modalités du recueil du consentement devraient être adaptées.

Aspects organisationnels et économiques

L’organisation et la distribution des cellules du cordon à des fins de recherche pourraient justifier la création d’un ou plusieurs Centres de Ressource Biologique adaptés et répondant aux critères et aux recommandations du rapport adopté le 17/03/2009 par l’Académie Nationale de Médecine [26].

 

Lors de notre dernière réunion de travail, Madame Hermange et le Pr Gluckman ont évoqué l’idée qu’il fallait faire valider les propriétés thérapeutiques des CSM de cordon et de placenta par des laboratoires Français.

La préparation de « cellules médicaments » à partir d’une matière brute, le cordon et le placenta, dès lors qu’elle s’adressera à de nombreux patients, constitue un processus de transformation industriel qui dépassera sans doute les capacités de production des centres de thérapie cellulaire publics. L’industrie devra produire des lots d’efficacité homogène, dont la sureté aura été soigneusement contrôlée. Les cellules souches du cordon et du placenta intéresseront-elles le secteur industriel privé ? La réponse sera probablement positive, car ces produits de thérapie cellulaire ont une forte valeur ajoutée et de nombreuses applications cliniques.

Addendum : depuis la soumission de ce rapport, un article [27] particulièrement important a été publié montrant bien l’intérêt que représentent les USSC (Umbilical cord stem cells) avec un rendement élevé et une expansion à potentiel haut. La stabilité remarquable de ce phénotype représente une avancée sérieuse. Ces MSC d’origine humaine d’origine stromale peuvent être utilisés pour des études basiques mais aussi des utilisations cliniques.

CONCLUSIONS

Les données précliniques qui s’accumulent indiquent que les cellules souches issues du cordon et du placenta ont des propriétés potentiellement intéressantes en médecine régénérative. Le cordon et le placenta génèrent des CSM en quantité importante et, greffées de façon allogénique, elles seraient tolérées immunologiquement, sans traitement immunosuppresseur. Ceci ouvre des perspectives remarquables, chaque unité de thérapie cellulaire produite pouvant être utilisée chez n’importe quel patient. Un effort de recherche particulier doit être entrepris pour définir le champ thérapeutique dans lequel ces cellules pourraient être utilisées, pour déterminer avec précision le statut immunologique de ces cellules et de leurs dérivés et pour évaluer leur efficacité thérapeutique. L’organisation de la collecte, de la conservation des cordons et des placentas nécessaires à la préparation de ces cellules et de leur distribution aux équipes scientifiques seraient un soutien puissant à cet effort de recherche. Si les perspectives offertes par ces cellules sont confirmées, leur utilisation en clinique sera alors un enjeu majeur de santé publique, et nécessitera la création de banques pour les stocker et de structures, sans doute industrielles, pour pouvoir les produire. L’utilisation clinique de ces cellules devra être encadrée, notamment le recueil du cordon et du placenta ne devrait être entrepris qu’avec le consentement des parents.

 

RECOMMANDATIONS :

L’Académie Nationale de Médecine considérant que les résultats déjà obtenus dans l’étude des cellules souches du cordon permettent de conclure que cette voie de recherches est très prometteuse et susceptible de fournir un nouvel outil utile dans le traitement de nombreuses maladies, formule les recommandations suivantes:

— promouvoir les recherches sur les cellules souches mésenchymateuses du cordon et du placenta tant dans le domaine fondamental que préclinique ;

— organiser la collecte, la conservation, la distribution des cordons, des placentas et de leurs dérivés, en créant des centres de ressources biologiques spécifiquement dédiées à ces missions ;

— informer largement les parents dans les maternités de l’utilité du don de cordon et de placenta pour poursuivre et amplifier la recherche sur les cellules souches humaines avant de leur demander l’autorisation de procéder à la collecte.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 26 janvier 2010, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité moins deux abstentions.

 

<p>* Constitué de : MM. CAEN (Président), CAZENAVE, JOUANNET, MIGNON, UZAN (secrétaire) ** Membre de l’Académie nationale de médecine</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 1, 141-152, séance du 26 janvier 2010