Rapport
Séance du 1 juillet 2008

08-06 L’avenir de la biologie médicale en France

MOTS-CLÉS : biologie. biologie médicale. contrôle qualité. emploi. enseignement spécialisé en médecine. recherche biomédicale.
The future of the medical biology in France
KEY-WORDS : biology. biomedical research.. education, medical, graduate. employment. laboratory medicine. quality control

Claude Dreux (au nom d’un groupe de travail mixte Académie nationale de médecine, Académie de pharmacie)

Résumé

L’exercice de la biologie médicale en France va être profondément modifié, à la demande du Ministère chargé de la Santé. En dehors des problèmes d’économie de la santé, avec la recherche du meilleur rapport coût/efficacité, les exigences émanant de la Commission européenne inquiètent vraiment les « biologistes médicaux » et remettent en cause les fondements de l’ensemble de l’exercice médical dans notre pays. Les Académies nationales de médecine et de pharmacie, après avoir effectué un « état des lieux » sur le métier de biologiste, sa formation, son exercice professionnel, ont rappelé les points forts de la biologie médicale en France, largement reconnus en Europe. À la suite de cette analyse, l’Académie nationale de médecine et l’Académie nationale de pharmacie formulent les recommandations suivantes : — La formation des biologistes : — Augmenter le numerus clausus en médecine et en pharmacie, ainsi que le total des postes du DES de biologie médicale en s’efforçant de rétablir un équilibre entre médecins et pharmaciens ; — revoir l’organisation et les formations proposées au cours du DES de biologie médicale ; — organiser la formation continue obligatoire des biologistes dans les meilleurs délais. — Le statut du biologiste médical : Il est indispensable d’assurer l’indépendance professionnelle des biologistes. Un regroupement des laboratoires est souhaitable aux plans économique et technique, mais il ne doit pas * Membre de l’Académie nationale de médecine ** Constitué de : Académie nationale de pharmacie : G. DURAND, J.G. GOBERT, J.J. GUILLOSSON, Y. LE CŒUR, F. TRIVIN. Académie nationale de médecine : R. ARDAILLOU, L. DOUAY, J.Y. LE GALL, J.P. NICOLAS. Membre des deux Académies : C. DREUX (président). Invités : A. MARCELLI (Ordre national des médecins), A. DEL CORSO (Ordre national des pharmaciens). donner lieu à la création de sociétés dans lesquelles la majorité des capitaux, et des droits de vote, seraient détenus par des non-biologistes. — L’exercice de la biologie médicale : — Réaffirmer la nécessité pour le biologiste d’être responsable, dans l’intérêt du patient, des trois phases indissociables de l’acte de biologie médicale (pré-analytique, analytique, post-analytique) ; — conserver dans tous les laboratoires regroupés une activité de biologie de proximité pour répondre notamment aux besoins d’urgence ; — favoriser les rapprochements entre structures hospitalières et libérales. — L’assurance qualité : Aller progressivement vers le processus d’accréditation en créant un référentiel qualité professionnel. — Le développement des recherches fondamentales et appliquées en collaboration avec les cliniciens. La mise en place de nouveaux examens doit être financée, chaque fois que possible, par la suppression d’examens obsolètes. — L’implication des biologistes médicaux dans les actions de Santé publique : — Campagnes de dépistage, activités de prévention et de soins, etc… doivent impliquer les biologistes au sein de collectifs ou de réseaux pluridisciplinaires locaux. Une réforme de la biologie médicale est en cours au niveau du Ministère chargé de la Santé. Les Académies nationales de médecine et de pharmacie souhaitent vivement que leurs avis soient demandés en ce qui concerne les textes législatifs et réglementaires en cours de rédaction.

Summary

The practice of the Medical Biology (laboratory medicine) will be significantly modified as a request of the Ministry of Health. Beyond the current health economics trend searching for cost efficiency, the European Commission’s requirements worry the ‘‘ Medical Biologists ’’ and threaten the basis of the medical practice in our country. After an analysis of the current status of the Biologist’s education and practice, the National Academies of Medicine and Pharmacy reminded the strengths of the Medical Biology in France, which are widely recognized in Europe. Based on this analysis, the National Academies of Medicine and Pharmacy present the following recommendations : I- Biologist’s Training : — To increase the numerus clausus in Medicine and Pharmacy, as well as the total number of post-graduate education positions in Medical Biology seeking to restore the equilibrium between doctors and pharmacists ; — To review the organization and the cursus of the post-graduate training in Medical Biology ; — To organize as soon as possible the obligatory continuous education for Biologists. II- Current status of the Medical Biologist : The Biologists’ professional independence must be ensured. From the economic and technical points of view, the merging of laboratories is desirable, but the creation of companies where capital and voting rights are hold by non-Biologists must be avoided ; III- The practice of the Medical Biology : — To reassert the necessity for the Biologist of being responsible, in the patient’s interest, for the three inseparable phases of the Medical Biology practice (pre analytical, analytical, post-analytical) ; — To keep in all the merged laboratories a ‘‘ nearby biology activity ’’ intended to mainly support emergencies ; — To narrow the link between hospital and alternate care structures. IV- Quality Assurance : To keep progressively going towards the accreditations process by the creation of a professional quality frame. V — Development of Basic and Applied Research, in collaboration with clinicians : The adoption of new tests must be financed, as often as possible, by the withdrawal of outdated tests. VI- Medical Biologists’ actions in Public Health : — Screening campaigns, prevention and treatment activities, etc… must include Biologists as part of multi-disciplinary teams. The Ministry of Health is actually carrying out the reform of the Medical Biology. The National Academies of Medicine and Pharmacy would hike to get their advices requested, regarding the legal texts current being written.

La biologie médicale est une discipline clef de la médecine moderne qui regroupe des spécialités en pleine évolution et valorise le progrès des connaissances et des techniques en sciences de la santé, au bénéfice du patient . Ses avancées permettent souvent le diagnostic précoce d’une maladie, mais aussi son pronostic, son suivi thérapeutique et même la prédiction de sa réponse à la thérapeutique. Elles sont un outil majeur des actions de prévention et de Santé publique.

Beaucoup d’espoirs des « biologistes médicaux » sont en train de se réaliser :

la biologie moléculaire du gène a pris un essor considérable, ouvrant la voie à la médecine prédictive sur des bases biologiques, ainsi qu’à la pharmacogénomique pour une prise en charge personnalisée des traitements pharmacologiques. Toutes les recherches fondamentales et appliquées dans ces domaines suscitent des innovations qui ne sont plus du domaine de la science-fiction.

Plus les progrès de la biologie s’intègrent dans la pratique, moins il est possible de faire de la médecine sans biologie, laquelle prend une place essentielle, avec l’imagerie, dans la décision médicale. En aidant au diagnostic pertinent et rapide, la biologie médicale permet de diminuer sensiblement les dépenses de santé. Elle contribue activement à la réduction de la durée de séjour hospitalier du patient, à la performance médico-socio-économique des soins de ville.

L’examen de biologie médicale est un acte médical qui comprend le prélèvement d’un échantillon biologique chez l’être humain, son analyse et le rendu du résultat interprété en fonction des données cliniques et thérapeutiques.

LES COMPÉTENCES ET LE MÉTIER DE BIOLOGISTE

L’exercice de la profession de biologiste a beaucoup évolué ces trente dernières années.

— Outre ses responsabilités techniques et analytiques, le biologiste assure dorénavant la mission essentielle de consultant ès-biologie au sein des filières et des réseaux de santé, en matière de diagnostic, de suivi médical et de prévention des différents défis de santé publique. Il participe à l’élaboration des référentiels d’aide à la prescription.

— Le biologiste a une obligation de bonnes pratiques dans l’exercice de sa profession. Il engage sa responsabilité en signant le compte-rendu d’analyses.

— Le biologiste est l’interlocuteur du médecin prescripteur : il valorise et optimise avec lui l’interprétation des investigations biologiques. Dans l’inté- rêt du patient et pour l’efficacité de la qualité des soins, il guide tout complément d’investigation. Il conseille, dans le cadre du dialogue bioclinique, le biomarqueur le plus sensible et le plus spécifique pour une investigation efficace de la pathologie concernée, selon les référentiels et les consensus d’aide à la prescription.

— Le biologiste est un professionnel de santé qui échange et dialogue au quotidien avec le patient et/ou les associations de patients, pour les questions relatives à leur bilan biologique et à leur pathologie.

— Le biologiste est le partenaire au quotidien des recherches épidémiologiques et des défis de santé publique. Son rôle apparaît incontournable dans la prise en charge des grandes pathologies telles que celles recensées dans les plans santé.

Il faut préciser cependant que l’augmentation de l’activité de la biologie médicale est liée non seulement à l’évolution scientifique mais aussi aux modifications des pratiques médicales.

FORMATION DES BIOLOGISTES

Depuis 1991 l’exercice de la biologie médicale est accessible aux internes en médecine et en pharmacie titulaires du Diplôme d’Études Spécialisées de Biologie Médicale (DES-BM). Le nombre de candidats admis dans cette filière est régulé par un numerus clausus . Par dérogation, conformément au décret du 23 janvier 2003, et sur présentation d’un dossier, les vétérinaires sont admis à s’inscrire au DES-BM.

Il faut remarquer notamment qu’il y a une baisse injustifiée des postes de DES à l’Internat en médecine. En effet, cette formation reste très attractive dans le choix des spécialités et ne peut être accessible à tous les candidats qui souhaitent l’entreprendre.

Ce déficit a également des conséquences préoccupantes sur la formation des Hospitalo-Universitaires des disciplines biologiques enseignées dans les UFR de médecine.

De plus, il existe une complémentarité qui mérite d’être préservée entre biologistes médecins et pharmaciens.

Le DES-BM est obtenu après huit semestres de stage hospitalier et la soutenance d’un mémoire valant diplôme d’état de Docteur en médecine ou en pharmacie. Depuis 2003 deux niveaux de formation sont individualisés.

— Le niveau 1 de quatre semestres, avec obligation de stage en bactériologievirologie, biochimie, hématologie et immunologie ou parasitologie-myco- logie. Les enseignements sont dispensés au sein de laboratoires hospitaliers agréés et, à l’issue du semestre, le chef de service valide le stage.

Après validation de ces quatre stages obligatoires, l’Interne établit un parcours professionnel en relation avec un tuteur et selon les objectifs professionnels qu’il a définis.

— Le niveau 2 offre alors l’alternative suivante :

• soit une orientation vers une biologie polyvalente, en suivant une formation dans les autres spécialités non abordées au cours du niveau 1, puis en complétant savoir-faire et compétence dans une des spécialités déjà étudiées. Elle est suivie surtout par les Internes se destinant à l’exercice libéral en Laboratoire d’Analyses de Biologie Médicale (LABM).

• soit une orientation vers une spécialité, surtout suivie par les Internes se destinant à l’exercice en biologie hospitalière.

Certains biologistes pensent que ces orientations sont trop précoces et proposent de les repousser à la fin de la 3ème année d’Internat.

Après validation des huit semestres et la soutenance d’un mémoire, et quelle que soit l’orientation choisie, l’Interne devient titulaire du DES-BM.

Il peut alors accéder au concours de Praticien hospitalier pour exercer en biologie médicale hospitalière ou pratiquer dans un LABM comme directeur ou directeur-adjoint.

Les avancées extrêmement rapides et fécondes dans les investigations biologiques et les modifications structurelles apportées dans l’exercice luimême, tant dans le secteur libéral que dans les établissements publics, ont conduit les enseignants à mettre en place cette formation progressive et approfondie des Internes. Elle est constamment mise à jour par l’obligation conventionnelle de formation continue largement suivie par les biologistes. (voir plus loin) EXERCICE MÉDICAL DE LA BIOLOGIE

La biologie médicale française présente dans le contexte européen de nombreuses spécificités.

Son fonctionnement repose en Janvier 2007 sur 5 840 laboratoires enregistrés par les Tutelles, dont :

— 4 234 Laboratoires d’Analyses de Biologie Médicale libéraux (LABM) très majoritairement polyvalents, parfois encore de petite taille, 30 % fonctionnant sous forme d’entreprises individuelles ;

— 1 300 laboratoires hospitaliers environ ;

— 167 laboratoires des Établissements Français du Sang.

Le nombre des biologistes en France s’élève, tous modes d’exercices confondus, à environ 10 700 spécialistes. Il y a donc en moyenne 1,8 biologistes par laboratoire de biologie médicale.

Les pharmaciens biologistes sont inscrits à la section G de l’Ordre des pharmaciens (à la section E pour les pharmaciens biologistes des DOM-TOM).

Les médecins biologistes sont inscrits auprès de l’Ordre départemental des médecins de leur lieu d’installation.

Comme le dispose le Code de la Santé Publique (CSP), aucun acte de biologie ne peut être pratiqué en dehors d’un laboratoire de biologie médicale, ce qui pose le problème de la biologie délocalisée. (voir plus loin) La biologie libérale s’organise autour des directeurs et des directeurs-adjoints de LABM (dont le statut et l’exercice ont été définis dans le cadre de la loi 75-626 du 11 juillet 1975) ainsi que des techniciens de laboratoires.

La biologie hospitalière s’exerce dans des laboratoires de biologie médicale souvent spécialisés et s’organise autour d’équipes formées de Professeurs des Universités — Praticiens Hospitaliers (PU-PH), Maîtres de Conférences des Universités — Praticiens Hospitaliers (MCU-PH), Praticiens Hospitaliers (PH), Praticiens Attachés, Assistants et des Techniciens de laboratoires.

Environ 36 % des analyses de biologie médicale sont réalisées à l’hôpital alors que 64 % le sont dans le secteur libéral.

L’analyse de la répartition géographique des laboratoires montre que l’Île-deFrance et les départements du Sud de la France ont les densités les plus élevées, la Mayenne et la Meuse les densités les plus faibles. Au niveau national, on compte en moyenne 65 laboratoires par million d’habitants, « densité biologique » la plus élevée d’Europe. La notion de laboratoire de proximité n’existe que dans les seuls pays de culture latine, mais pas en Europe du Nord.

Outre le statut du directeur ou du directeur-adjoint, la loi de 1975 définit le cadre juridique des laboratoires. L’article L6212-2 du Code de Santé publique dispose qu’un laboratoire est exploité soit par un directeur de laboratoire exerçant à titre personnel, soit par l’une des organisations ou sociétés de droit privé prévues à l’article L6212-1 du CSP (mutualité, PSPH, SEL, SARL…).

Quelle que soit la forme d’exploitation du laboratoire, les principes déontologiques doivent être respectés, notamment ceux visant à garantir l’indépendance professionnelle des biologistes dans l’exercice de leur profession et ceux leur permettant d’assurer auprès de leurs patients un ensemble de services de Santé publique.

 

POINTS FORTS DU SYSTÈME ACTUEL

La valeur ajoutée et la qualité du système français, reconnues par tous, que l’on retrouve dans les pays de l’Europe de culture latine, sont liées à son organisation : un secteur libéral et un secteur hospitalier.

Dans le secteur libéral , il y a :

• un exercice spécifique de la biologie médicale ;

• une biologie de proximité avec facilité d’accès aux soins dans le respect du libre choix du patient. Cette biologie de proximité répond efficacement aux besoins d’ urgence , notamment lorsque l’hôpital est éloigné du domicile du patient ;

• un exercice en toute indépendance professionnelle vis-à-vis des autres professions de santé et des investisseurs externes.

Tous ces critères sont autant de spécificités qui expliquent la valeur ajoutée et la qualité des services rendus aux patients et à la Santé publique.

Il s’y associe un réseau de laboratoires hospitaliers présentant dans ses objectifs de Santé publique de nombreux critères caractérisant le secteur libéral.

Ces deux secteurs devraient travailler en synergie.

L’exercice de la biologie médicale implique la maîtrise par le biologiste des trois phases de l’analyse :

la phase pré-analytique , qui vise à définir les conditions de prélèvement et à préserver l’intégrité qualitative et quantitative du composé analysé, concerne les domaines qui traitent du prélèvement, de l’éventuelle transmission et des conditions de transport des échantillons biologiques. Il est indéniable que la qualité des analyses médicales est indissociable de la qualité de la préparation et de l’acheminement des échantillons biologiques lorsque cette étape est nécessaire ;

la phase analytique , c’est-à-dire la réalisation de l’examen proprement dit, impliquant le respect des procédures d’analyse, en veillant à la cohérence de la spécificité et de la sensibilité de la méthode avec le cas à analyser, et au respect du contrôle de qualité et de la validation analytique ;

la phase post-analytique avec, notamment, la validation biologique du dossier du patient, la signature du compte rendu du bilan biologique et les échanges entre le biologiste, son patient et son médecin traitant. Ces caractéristiques mettent en question le développement de la biologie délocalisée . En effet, bien que sous la responsabilité du biologiste, celui-ci n’a aucun contrôle effectif de la qualité de la phase pré-analytique. Cette pratique ne saurait être encouragée, elle doit être strictement limitée à des situations d’urgence et rigoureusement encadrée.

L’exercice de la biologie en France, la prise en compte de tous les stades de l’analyse, l’inscription des biologistes dans une démarche de qualité globale, leur rôle dans les dispositifs de veille et d’alerte sanitaire, leur engagement en matière de Santé publique et d’éducation à la santé sont autant d’apports au système de soins.

Les biologistes français, par leur formation et leurs compétences, revendiquent la maîtrise de ces trois phases. La responsabilité professionnelle des biologistes y est d’ailleurs engagée .

Le mode d’organisation de la biologie permet de répondre aux besoins de proximité des malades et de leur assurer un service immédiat.

Le patient a besoin, quand les analyses de biologie médicale lui sont prescrites :

• que le prélèvement soit fait dans de bonnes conditions avec un minimum de contraintes, c’est-à-dire un minimum de temps de déplacement, en sachant, par ailleurs, que certains échantillons doivent être traités dans les délais les plus brefs ;

• que son biologiste, le cas échéant, puisse lui commenter personnellement ses résultats d’analyse, répondre à ses questions et le renseigner sur les incidences éventuelles de ses résultats, avant de consulter le médecin prescripteur, ce qui l’amène également à s’impliquer dans le rôle d’accompagnateur social, notamment lorsqu’il s’agit de populations défavorisées ;

• que les résultats soient rendus dans des délais courts et dans le respect des règles déontologiques.

Quant au prescripteur, il doit pouvoir consulter le biologiste ayant signé le compte rendu d’analyse, pour préciser l’incidence des conditions de prélèvement d’un examen, interpréter les résultats de l’analyse, choisir une stratégie diagnostique et thérapeutique adaptée à chaque patient.

Pour le patient, comme pour le prescripteur, en cas d’urgence, il faut que le prélèvement et l’analyse d’un certain nombre de paramètres indispensables restent possibles sans délai, ce qui implique une permanence de service .

 

L’assurance-qualité dans le système français, initiée dès 1970 par la Société

Française de Biologie Clinique, fait l’objet d’un cadre juridique, d’une organisation de formation et de normes internationales qui constituent un cadre cohérent, sans équivalent parmi les autres professions de santé.

Depuis 1978, les biologistes sont obligatoirement soumis au Contrôle de Qualité National (CQN), indispensable pour permettre à un laboratoire d’évaluer sa technique et aux Tutelles de s’assurer de la fiabilité et de la transféra- bilité des résultats obtenus dans des laboratoires agréés. En outre, leur exercice est encadré, depuis 1994, par le Guide de Bonne Exécution des Analyses (GBEA) qui comporte des obligations en termes de finalités (qualité, traçabilité, transparence). Ce guide énonce les règles directement « opposables », sous peine de sanctions, aussi bien dans les LABM que dans les laboratoires hospitaliers. Ces dispositifs ont établi pour la profession un niveau d’exigence et de qualité des analyses très élevé.

Au delà de ces obligations réglementaires, la profession s’est inscrite dans une dynamique de qualité, avec la mise sur pied, depuis 2002, du dispositif associatif BioQualité permettant aujourd’hui aux 2/3 des laboratoires français d’être engagés dans une démarche permanente d’évaluation, d’amélioration et de gestion de leur qualité et d’évoluer vers une qualification reconnue par la Haute Autorité de Santé (HAS). L’Association BioQualité permet au laboratoire adhérent de suivre plusieurs cycles de formation, entrecoupés d’autoévaluation avec l’aide de consultants externes.

Elle bénéficie d’une aide financière de l’Assurance maladie.

D’autres démarches volontaires en procédures qualité (certification ou accré- ditation) existent à partir de la norme internationale NF EN ISO/CEI 17025, édictée pour tout type de laboratoire (recherche, médicaments, essais…).

Les biologistes disposent en outre, depuis 2005, de la nouvelle norme internationale NF EN ISO 15189, spécifique aux LABM.

Les formations continues médicales et pharmaceutiques sont devenues obligatoires depuis la loi du 4 août 2002 modifiée par la loi du 9 août 2004. Les biologistes ont signé, avec les caisses d’Assurance maladie, un texte conventionnel mentionnant cette obligation pour le biologiste. Les biologistes libéraux ont anticipé le besoin de formation continue en créant en novembre 1992 une structure intersyndicale financée par l’Assurance maladie : Bioforma. Les thèmes de formation sont arrêtés, chaque année, par la Commission Conventionnelle Paritaire Nationale. La participation du biologiste, fixée à six journées tous les trois ans, est entièrement financée par l’Assurance maladie qui indemnise également pour le participant, le coût de son remplaçant.

La FMC des biologistes hospitaliers est rattachée à la formation des spécialistes médicaux.

Particularité de la biologie en milieu hospitalo-universitaire

Deux aspects complémentaires doivent être pris en considération :

— Le CHU est le lieu par excellence de la formation des futurs professionnels dans chaque spécialité de la biologie.

C’est la raison pour laquelle il est indispensable, dans le cadre des CHU, de maintenir l’existence des laboratoires de spécialités (biochimie, hématolo- gie, microbiologie, etc.) et en aucun cas de défendre le principe unique de laboratoires polyvalents qui ne peuvent que diluer la capacité de formation.

Les laboratoires Hospitalo-Universitaires ont une vocation de mise au point et de validation clinique de nouveaux examens et approches diagnostiques.

Elle ne peut pleinement s’exprimer que dans le cadre de laboratoires spécialisés, souvent en liaison avec des structures de recherche.

— La proximité clinico-biologique dans les CHU.

Les services cliniques hautement spécialisés doivent bénéficier d’une expertise biologique spécialisée de proximité, sans pour autant recréer des laboratoires au sein de ces services. Les modalités d’organisation des laboratoires doivent ainsi tenir compte de l’implantation des services cliniques.

ÉCONOMIE DE LA SANTÉ ET BIOLOGIE MÉDICALE

Une croissance rapide de la prescription d’examens biologiques est régulièrement constatée. Le volume et les dépenses ont connu une progression continue. Cette tendance à l’augmentation des dépenses s’inscrit dans une tendance générale d’augmentation du volume de soins.

En 2005 l’ensemble des dépenses de biologie s’est élevé à 3,9 milliards d’euros (dont 2,5 pour le secteur libéral), soit 2,6 % de la consommation des soins publics et privés. Cette consommation dépend plus de la densité des prescripteurs (surtout généralistes, gynécologues, anesthésistes) que du nombre de LABM. Elle se concentre sur une minorité d’assurés, 5 % des gros consommateurs représentant 43 % de la consommation globale, 11 examens concentrant 42 % des dépenses. Parmi les principales causes, peuvent être évoqués :

— le vieillissement de la population et une meilleure surveillance de l’enfant ;

— le développement d’une politique de diagnostics périnataux : trisomie 21 à partir de 1997, mucoviscidose à partir de 2002, … ;

— l’exigence de qualité et de sécurité des soins de plus en plus grande ;

— le développement de nouvelles analyses plus spécifiques ;

— la mise en place de la CMU (Couverture Médicale Universelle).

Il faut rappeler aussi :

— le renforcement du dépistage des anomalies lipidiques, du VIH, du Virus de l’Hépatite C, etc. ;

— le développement des politiques de dépistage de facteurs de risques (maladies cardio-vasculaires, maladies rénales, infections pulmonaires ou dépistage de cancers) ;

— le double phénotypage rendu obligatoire pour l’établissement du groupe sanguin.

En milieu hospitalier et dans les cliniques, il faut signaler l’augmentation du nombre de lits de réanimation, de soins intensifs et de réveil, et de blocs opératoires, pour accueillir des malades de plus en plus âgés et/ou atteints de pathologies de plus en plus lourdes, ayant subi parfois des actes chirurgicaux de plus en plus élaborés (transplantation d’organes, chirurgie cardiaque, chirurgie ambulatoire). Il en résulte que la qualité et la sécurité des soins s’accompagnent inévitablement d’une augmentation des actes de biologie médicale eux-mêmes innovants ou plus spécialisés.

Néanmoins, une étude internationale a montré qu’en France, contrairement à une idée reçue, la consommation et le coût des actes de biologie médicale par habitant étaient inférieurs à ceux de certains grands pays européens. Dans l’ordre décroissant, l’Autriche, l’Italie, la Belgique et l’Allemagne ont des consommations de biologie supérieures à celle de la France. Viennent ensuite l’Espagne, la Suède et le Danemark (voir rapport Lalande no 2006 045, avril 2006).

ÉVOLUTION

L’évolution de la médecine confirme chaque jour l’importance de la biologie dans le dépistage, l’établissement du diagnostic et le suivi des traitements du patient. La profession se positionnera de plus en plus dans l’équipe de soins, en particulier en ce qui concerne la prévention et la veille sanitaire.

En milieu hospitalier, public ou privé, la quasi totalité des diagnostics est établie sur les seules données des services de biologie et d’imagerie médicales.

Le développement des analyses génétiques et de biologie moléculaire ouvre une voie révolutionnaire notamment en médecine prédictive : les biologistes accompagneront l’arrivée de ces révolutions scientifiques et technologiques dans la pratique de soins.

Présents sur l’ensemble du territoire français, les biologistes ont su nouer des relations de travail fructueuses avec les instances en charge de la surveillance de la santé de la population française, comme l’Institut de Veille Sanitaire, ou de nombreux autres réseaux qui apportent des moyens pour la tenue de travaux épidémiologiques, indispensables à la bonne définition des politiques de Santé publique. Les biologistes se sont également impliqués dans des démarches de dépistage, de prévention et d’éducation à la santé (hépatite C, risques cardio-vasculaires, maladies rénales, anomalies lipidiques …).

Depuis quelques années, en France, la profession a commencé sa restructuration qui tend à favoriser le regroupement de laboratoires selon les différentes possibilités prévues au Code de la Santé publique (Art. L6212-1). Par la mise en réseau de compétences et de moyens, cette restructuration permet à la fois le maintien des laboratoires de proximité dans les bassins de population et la spécialisation de chacun d’entre eux dans des investigations biologiques de plus en plus exigeantes. Cette politique de regroupement concerne tant le secteur libéral que le secteur hospitalier. Ces deux secteurs doivent harmoniser leurs actions.

DIFFICULTÉS RENCONTRÉES

Bien qu’ayant beaucoup évolué ces dernières années, la biologie médicale française traverse des moments difficiles et est menacée par la remise en cause de son exercice libéral. Rappelons notamment la mise en demeure du Gouvernement français par la Commission Européenne dont la volonté semble être de vouloir ouvrir le ‘‘ marché ’’ de la santé aux capitaux extérieurs à la profession, au nom de la libre circulation des capitaux et du libre établissement.

Le Gouvernement français a, bien que tardivement, répondu à cette mise en demeure et des arguments juridiques, éthiques, sanitaires et économiques ont été développés en faveur d’une autonomie des législations nationales dans le domaine de la Santé.

Des discussions sont entamées quant à l’élaboration d’une Directive spécifique aux services de Santé. Rappelons que la Cour de Justice des Communautés européennes a considéré, à plusieurs reprises, qu’un niveau élevé de protection de la Santé pouvait justifier des dérogations et des restrictions à la libre prestation des services, sous réserve qu’elles restent proportionnées à l’atteinte de cet objectif.

Il convient donc de faire valoir :

— que les règles en vigueur en France visent bien des objectifs de Santé publique ;

— qu’il est important pour le biologiste d’exercer sa profession en toute indépendance professionnelle ;

— qu’il est important de lui préserver les moyens d’assumer son obligation de résultats d’analyses en biologie médicale.

Les objectifs fondamentaux à préserver sont aussi de maintenir au patient l’accès à un service avec une garantie de qualité et de sécurité des actes professionnels ainsi que le libre choix de son LABM.

Notre culture et nos exigences doivent faire que chaque évolution se fasse dans le respect de l’indépendance professionnelle, de la responsabilité du praticien pour assumer son obligation de moyens et pour une biologie proche du patient et du clinicien. Elle se doit aussi d’être évaluée économiquement à son juste prix, en évitant de remplacer la biologie médicale par une biologie industrielle et, de fait, démédicalisée. Les professionnels en activité et les professionnels en formation (Internes) sont, de ce fait, très inquiets du risque de la remise en question de l’exercice libéral dans son ensemble, au delà de la biologie médicale.

L’AVENIR

La Santé sera de plus en plus au cœur des préoccupations de la société. Le fonctionnement de la biologie française est encore soumis à une réglementation nationale (loi de 1975) construite, au fil des années, sur des principes qui ont fait la preuve de leur valeur. Cette loi devrait cependant être actualisée. En effet, il est nécessaire de doter la profession des outils réglementaires pour aborder son avenir et poursuivre sa mutation dans le contexte européen.

Le biologiste s’étant déjà adapté aux évolutions scientifiques et techniques, saura également faire face aux évolutions réglementaires. La législation française devra trouver un juste équilibre entre les impératifs économiques et ceux qui tiennent à la sauvegarde de la Santé publique. Ce dernier aspect comprend la qualité des soins dispensés au patient mais aussi la maîtrise par le biologiste de son outil de travail, sa pleine indépendance professionnelle et une maîtrise des coûts.

Cette évolution conduira les biologistes à une réflexion, dans un esprit ouvert et constructif, sur la valeur ajoutée que leur compétence et leur intervention apportent aux soins dispensés au patient.

Fondées sur cette analyse, l’Académie nationale de médecine et l’Acadé- mie nationale de pharmacie formulent les recommandations suivantes :

 

La formation des biologistes hospitaliers et libéraux — Augmenter le numerus clausus en médecine et pharmacie, ainsi que le total des postes du DES de biologie médicale mis au recrutement en s’efforçant de rétablir un équilibre entre médecins et pharmaciens. En s’appuyant sur les données de la D.R.E.E.S. (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques du Ministère de la Santé) il faudrait atteindre le plus rapidement possible un nombre d’internes de 325 par promotion pour pouvoir assurer l’exercice de la biologie, le nombre de postes offerts ayant été de 269 en 2007.

Revoir l’organisation et les formations proposées au cours du DES de biologie médicale en tenant compte :

• des innovations diagnostiques en biologie médicale ;

• de la nécessité d’offrir aux internes des possibilités de stage en LABM, mais aussi dans les services cliniques ;

• d’une révision régulière des agréments des laboratoires en fonction de l’émergence de nouvelles spécialités ;

• d’une formation à l’assurance-qualité.

Organiser la formation continue obligatoire des biologistes sur la base des obligations légales de la formation continue des médecins et des pharmaciens.

Fusionner au sein d’un même Comité la formation continue et les pratiques professionnelles.

Le statut du biologiste médical

Il est indispensable d’assurer l’indépendance professionnelle des biologistes.

Si un regroupement des laboratoires est souhaitable aux plans économique et technique, il ne doit pas donner lieu à la création de Sociétés dans lesquelles la majorité des capitaux et des droits de vote seraient détenus par des non-biologistes. Les biologistes doivent rester maîtres des investissements qui conditionnent la qualité des résultats d’analyses.

Les Pouvoirs publics devront veiller à ce que des montages financiers ne conduisent pas à compromettre l’indépendance professionnelle des biologistes.

L’exercice de la biologie médicale — Réaffirmer la nécessité pour le biologiste, tant à l’hôpital que dans les LABM, d’être responsable, dans l’intérêt du patient, des trois phases indissociables de l’acte de biologie médicale (pré-analytique, analytique, post-analytique) détaillés précédemment.

Le biologiste est le garant de la confidentialité de l’acte de biologie médicale dans chacune des ces phases.

— Le biologiste doit avoir le droit de compléter la prescription initiale par des examens complémentaires.

— Les regroupements de laboratoires ne doivent pas conduire à la transformation de certains en centres de prélèvement adressant la plus grande partie de leurs prélèvements à un ou des plateau(x) technique(s) décentralisé(s). Il convient de conserver, dans tous les laboratoires, une activité de biologie de proximité pour répondre notamment aux besoins d’urgence évitant ainsi les recours systématiques aux urgences hospitalières surchar- gées. Ceci nécessite la présence obligatoire d’au moins un biologiste dans chaque laboratoire.

— Favoriser les rapprochements entre les structures hospitalières et libérales (LABM) avec, notamment, la mise en place de contrats de collaboration.

L’Assurance-qualité

Pour faire suite au Guide de Bonne Exécution des Analyses (GBEA) et à l’opération « BioQualité », il faut aller progressivement vers le processus d’accréditation en créant un référentiel qualité professionnel.

Le développement des recherches fondamentales et appliquées

Avec, en collaboration avec les équipes de cliniciens, la nécessité permanente d’un transfert de technologie de la biologie fondamentale, réalisée notamment dans les services Hospitalo Universitaires, à la biologie appliquée à la prévention, au diagnostic et au suivi des traitements. La mise en place de nouvelles explorations doit être financée, chaque fois que possible, par la suppression d’examens obsolètes.

L’implication des biologistes médicaux dans les actions de Santé publique

Les campagnes de dépistage, les actions de prévention doivent impliquer les biologistes au sein de collectifs ou de réseaux pluridisciplinaires. Il doit en être de même pour les activités de soins qui s’orienteront de plus en plus vers une aide personnalisée aux patients particulièrement ceux atteints de maladies chroniques.

Une réforme de la biologie médicale est en cours au niveau du Ministère chargé de la Santé. Les Académies de médecine et de pharmacie souhaitent vivement que leurs avis soient demandés en ce qui concerne les textes législatifs et réglementaires en cours de rédaction.

 

BIBLIOGRAPHIE • Rapport Lalande, no 2006 045, Avril 2006 • Conseil national de l’Ordre des Médecins : statistiques juin 2005 • Conseil national de l’Ordre des Pharmaciens : statistiques janvier 2007 • SMIT E. et col. — Clin. Chem. Lab. Med ., 2005, 43 (3), 335-341 • La Biologie médicale en France. Perspective 2020, Rapport de l’Académie nationale de Pharmacie : 5 décembre 2007 *

* *

L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 1er juillet 2008, a adopté le texte de ce rapport (quatre abstentions).

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 6, 1261-1276, séance du 1er juillet 2008