Rapport
Session of 6 mars 2007

07-12 Sur la demande d’avis relatif à l’autorisation d’exploiter en tant qu’eau minérale naturelle, à l’émergence l’eau du captage « Font-Caude » situé sur la commune de Sylvanès, lieu-dit les Bains de Sylvanès (Aveyron).

MOTS-CLÉS : eau minéralisée. source font-caude. sylvanès (aveyron).

Jean-Pierre Nicolas (au nom de la Commission XI — Eaux de consommation et thermalisme)

Jean-Pierre NICOLAS *

CALENDRIER — 25 novembre 2002 — complété le 18 octobre 2004 : Pétition présentée par le Président du Syndicat mixte S.I.VO.M. de CAMARES/département de l’Aveyron.

— 08 mars 2004 : Avis favorable de la DRIRE de Midi-Pyrénées.

— 17 mars 2004 : Avis favorable de la DDASS de l’Aveyron.

— 22 juillet 2004 : Avis favorable du CDH de l’Aveyron.

— 26 janvier et 27 janvier 2005 : Analyses du Laboratoire d’études et de recherches en hydrologie de l’AFSSA.

— 04 juillet 2006 : Avis favorable de l’AFSSA, séance du 09 mai 2006.

CONTEXTE GÉNÉRAL DE LA DEMANDE

Par lettre, en date du 19 juillet 2006, le Ministre de la Santé et de la Solidarité, sollicite l’avis de l’Académie nationale de médecine sur la demande d’exploiter en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence, l’eau du captage ‘‘ Font-Caude ’’ situé sur la commune de Sylvanès, lieu-dit les Bains de Sylvanès (Aveyron).

La commune de Sylvanès, est située dans le canton de Camarès, dans le département de l’Aveyron.

L’objectif du Syndicat Mixte (département de l’Aveyron/S.I.V.O.M. de Camarès) est de redévelopper une activité thermale. Les indications thérapeutiques envisagées sont la rhumatologie, les voies respiratoires, les maladies métaboliques (appareil réno-urinaire et appareil digestif) et les affections psychosomatiques.

L’origine des bains de Sylvanès est très ancienne. Vers le e XVII siècle, devant la renommée des eaux des ‘‘ Bains de Sylvanès ’’, des moines firent construire un établissement. Par arrêté ministériel du 19 août 1825, quatre sources (‘‘ des Moines ’’, ‘‘ des Petites baignoires ’’, ‘‘ des Petites eaux ’’ ou ‘‘ des Colonnes ’’ et des ‘‘ Bains nouveaux ’’) furent autorisées pour le traitement, notamment de la dyspepsie. Le décret ministériel du 17 avril 1861 les a déclarées d’intérêt public.

L’exploitation thermale est abandonnée en 1935 après une longue période d’exploitation irrégulière perturbée par de fréquentes crues du ruisseau Cabot, puis l’établissement est transformé en centre de vacances de 1954 à 1999.

Seule la source des Moines est alors exploitée à des fins non thérapeutiques pour les douches. La déclaration d’intérêt public est abrogée par décret du 25 octobre 1957 et l’arrêté d’autorisation est révoqué le 29 août 1958. En juillet 1989 une étude des sources hydrominérales est réalisée à la demande du Syndicat mixte et des forages de reconnaissance réalisés en 1991 (F2) et 1993 (F3).

Le Syndicat mixte a entrepris en décembre 2000 la transformation du forage de reconnaissance F2 en vue d’exploiter l’eau dans un établissement thermal.

CONTEXTE GÉOLOGIQUE ET HYDROGÉOLOGIQUE

Sylvanès se situe au sud-ouest du Massif Central dans le versant nord de la zone axiale de la Montagne Noire, dans le domaine des Monts de Lacaune.

Ces terrains sont constitués pour l’essentiel de matériaux sédimentaires, volcano-sédimentaires et volcaniques du Paléozoïque inférieur, structurés en nappes à déversement sud.

Le captage est situé dans la Barre Murasson et plus précisément dans l’unité du pic de Roste. Ce secteur est géologiquement plus complexe que les autres unités définies dans les Monts de Lacaune, par une paléogéographie très marquée par des cisaillements tangentiels nombreux et une fracturation importante.

Sous 8 m d’alluvions le forage a traversé sur 8 à 50 m une dolomie noire, très altérée sur les 20 premiers mètres, puis de 50 à 218 m une dolomie noire très
cohérente (formation cambrienne) et enfin de 218 à 231 m des formations détritiques gréso-schisteuses (grès de Marcory, précambrien à cambrien).

Dans le fond de la vallée, le contact anormal entre les formations grésoschisteuses et les dolomies (Cambrien inférieur) est propice à la remontée des eaux thermales plus précisément à l’intersection de fractures N 120°E et N70°E.

Les analyses de tritium réalisées en 1989 ont donné une valeur de 25 UT pour les eaux superficielles. Le tritium n’était pas mesurable dans la source ‘‘ des Moines ’’ ni pour ‘‘ Font-Caude ’’. L’eau aurait donc un âge supérieur à cinquante ans et ne se mélangerait pas avec des eaux superficielles. En revanche l’eau du forage ‘‘ Fonclare ’’ (F3) subit un mélange. La datation au C14 a fourni un âge de quinze mille ans pour l’eau.

L’utilisation de géothermomètres chimiques indique que l’eau aurait atteint des températures de l’ordre de 70 à 90° C ce qui correspond à une circulation de l’eau à une profondeur supérieure à 1 000 m. Les eaux météoriques s’infiltreraient à grande profondeur dans les formations détritiques gréso-schisteuses où elles se réchaufferaient et se minéraliseraient ensuite avant d’être drainées par les dolomies qui sont lessivées et dissoutes à une température proche de celle à l’émergence (34° C).

La zone d’alimentation correspondrait au flanc sud est de la vallée aux grès de Marcory.

ANALYSE DU DOSSIER DE LA DEMANDE.

Constitution du captage

Le captage, dont la profondeur est de 231 mètres, est situé dans un secteur géologique caractérisé par une fracturation importante à un kilomètre environ au sud-ouest du village, sur les bords du ruisseau ‘‘ le Cabot ’’, au lieu-dit ‘‘ les Bains de Sylvanès ’’. Ce ruisseau passe à 60 mètres environ du captage mais aucun lien direct n’a été constaté entre le ruisseau et le captage ‘‘ FontCaude ’’.

Les essais de production du forage on conduit à déterminer un débit d’exploitation de 20 m3 d’eau/h.

Protection de la ressource

Le contexte géologique au droit de forage, ses caractéristiques, dont la profondeur et les cimentations, assurent une bonne protection de la ressource en l’isolant des eaux superficielles. Le captage est situé à l’extérieur de la zone inondable du ‘‘ Cabot ’’, comme l’a confirmé la crue exceptionnelle du 26 septembre 1992. Néanmoins, le pétitionnaire prévoit de surélever la tête du
captage par l’ajout d’un ‘‘ spacer ’’ d’environ un mètre et de construire un abri de captage.

En raison des risques de pollution pour la ressource, les captages ‘‘ des Moines ’’ et ‘‘ Fonclare ’’, qui constituent un risque de points d’entrée seront rebouchés.

Analyses physico-chimiques

Conformément à l’article R.1322-4 du Code de la santé publique, le Laboratoire d’études et de recherches en hydrologie de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments a procédé aux deux prélèvements réglementaires, les 26 janvier et 27 juillet 2005.

— Composition et caractéristiques de l’eau.

La composition de l’eau du captage ‘‘ Font-Caude ’’ situe cette eau dans la catégorie des eaux moyennement minéralisées (résidu sec à 180° C > 500 mg/L et < 1000 mg/L). C’est une eau chaude (39,9° C) de profil bicarbonaté mixte sodique et calcique. Il faut également noter la présence d’ammonium (0,25 mg/L), d’antimoine (7 µg/L), d’arsenic (115 µg/L) et de baryum (160 µg/L).

— Stabilité.

La composition physico-chimique de cette eau est restée stable entre les deux prélèvements effectués à six mois d’intervalle et à un débit de 20 m3/h.

— Contaminants.

La recherche de métaux a révélé des teneurs importantes en arsenic (115 µg/L). Ces valeurs mesurées sont supérieures aux limites de qualité pour ingestion, établies pour les eaux minérales naturelles, soit 10 µg/L d’arsenic.

Des limitations proposées par le pétitionnaire pour les valeurs de radioactivité, permettront également de limiter l’exposition aux teneurs élevées d’arsenic.

La recherche de composés organohalogénés volatils et BTEX, de pesticides (organochlorés, azotés, phosphorés), de phénylurées et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques sur l’ensemble des prélèvements, s’est révélée négative.

— Radioéléments.

Les analyses de radioactivité réalisées le 30 juin 2002 par l’IRSN, sur des échantillons prélevés le 27 juin 2002 montrent :

— la présence de potassium 40 associé au potassium naturel, — des traces de radon 222, la présence d’uranium 234 et 238 et de radium 226 et 228,
— aucune activité significative en tritium, polonium 210, plomb 210 et thorium 228, 230 et 232.

Les activités alpha globale et bêta globale sont supérieures aux valeurs guides respectivement de 0,1 Bq/L et 1 Bq/L, recommandées par l’OMS.

La dose totale indicative pour une consommation de 730 L par an de cette eau serait de 0,26 mSv. Ce résultat est à comparer à la valeur de 0,1 mSv recommandée par l’OMS.

Compte tenu des valeurs de radioactivité, le pétitionnaire propose de limiter la quantité journalière dans le cadre médical de la cure, et de n’installer aucune buvette dans l’établissement de soins. Ses limitations permettront également de limiter l’exposition aux concentrations élevées en arsenic.

Analyses bactériologiques

Les analyses bactériologiques effectuées sur des échantillons obtenus à l’émergence montrent qu’il y a absence d’indicateurs de contamination bacté- rienne. Il n’a pas été décelé de germes témoins de contamination fécale, de Pseudomonas aeruginosa , ni de Legionella pneumophila .

Évaluation thérapeutique .

La Commission XI regrette que le dossier ne comporte aucun élément concernant l’efficacité thérapeutique des très nombreuses indications envisagées dans le dossier.

CONCLUSION

Au vu des informations fournies dans le dossier et après avis favorable de la DDASS, du CDH, de la DRIRE, des résultats des analyses réglementaires et des propositions de l’AFSSA du 04 juillet 2006, la Commission XI de l’Académie nationale de médecine, réunie le 16 janvier 2007, sous la présidence du Professeur Claude Boudène :

Estime :

— Qu’au vu des informations fournies dans le dossier et des résultats des analyses effectuées, l’eau du captage ‘‘ Font-Caude ’’ répond aux dispositions générales et aux exigences sanitaires applicables aux eaux minérales naturelles.

— Que la protection de la ressource ainsi que les installations de captage permettent d’assurer l’exploitation de l’eau dans des conditions sanitaires satisfaisantes à l’émergence, sous réserve de la surélévation de la tête de captage et de la réalisation du local du captage.

— Que les teneurs en arsenic ne permettent pas de distribuer cette eau en buvette publique et qu’elle ne peut être consommée que sous contrôle médical rigoureux.

Indique :

— Que le forage ‘‘ Font-Caude ’’ ne doit pas être exploité par pompage à un débit supérieur à 20 m3/h et que les captages ‘‘ des Moines ‘‘ et ‘‘ Fonclare ’’ doivent être obturés selon les règles de l’art.

Constate :

— Que l’arrêté d’autorisation ayant été révoqué le 29 août 1958, il s’agit d’une nouvelle demande d’agrément qui concerne de nombreuses indications thérapeutiques.

La Commission XI souhaite disposer d’évaluations cliniques scientifiques avant de se prononcer définitivement.

En raison de nombreuses allégations thérapeutiques mentionnées par le demandeur, l’absence d’une telle évaluation clinique apparaît d’autant plus regrettable dans le cas de ce dossier.

Aussi, l’Académie nationale de médecine donne un avis favorable provisoire pour une période limitée à deux ans, pendant laquelle les études cliniques devront être conduites suivant les dispositions du communiqué qu’elle a adopté le 24 janvier 2006 :

Bases méthodologiques de l’évaluation clinique thermale. Recommandations de l’Académie nationale de médecine pour servir de critères à l’égard des demandes d’avis en matière de thermalisme. Ref. Bull. Acad.

Natle Med., 2006 , 190, no 1, 233-235.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 6 mars 2007 a adopté le texte de ce rapport moins une voix contre (six abstentions).

* Membre de l’Académie nationale de médecine.

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, no 3, 653-658, séance du 6 mars 2007